PROMESSES
Nous avons tous été — ou nous serons tous — confrontés à la situation suivante : un ami athée vient de perdre un de ses proches dont tout laisse à penser qu’il n’était pas croyant lui-même. Comment témoigner à cet ami ? Il est difficile de donner une réponse universelle à cette question délicate car beaucoup d’éléments dépendent de la situation particulière.
Quelle attitude avoir ?
Ne pas se mettre un fardeau excessif
La nouvelle naissance est toujours un miracle, indépendante du mérite et de la circonstance. Les humains sont spirituellement morts, et à moins que le Saint-Esprit ne vienne les réveiller pour les convaincre de péché, de justice et de jugement (Jean 16.8-11), ils ne croiront pas, en sorte que l’on peut et doit prêcher l’Évangile sans imaginer que nos seuls arguments gagneront les cœurs. Ou pire, que nous serions responsables de leur perdition si nous ne nous exprimons pas correctement. Dieu a prévu de sauver par la prédication mais ni la justesse ni la pertinence de nos paroles ne sont à ce point décisives. Le salut reste toujours une œuvre de Dieu et il n’existe pas de recette magique pour convaincre quelqu’un de notre foi et lui donner le désir de se convertir. En tant que serviteurs de Dieu, faisons de notre mieux, mais laissons le résultat entre les mains de Dieu.
Montrer un amour concret
Face à une personne accablée par un deuil, le plus important est d’être présent et de lui montrer de l’amour. Pour témoigner de l’Évangile, mieux vaut souvent commencer par un silence actif, par une présence pleine d’attention et d’affection. Un coup de fil régulier, des encouragements, des services rendus, c’est certainement le témoignage d’un amour vrai qui reflète en cela l’amour bienveillant et généreux du Sauveur.
Prier et être disponible
Dans ces circonstances, je ne forcerais pas une discussion sur l’Évangile, mais je prierais dans le secret de ma chambre avec insistance pour qu’elle soit possible. Si je devais sentir que le moment est opportun pour parler de l’Évangile, je le ferais en posant des questions pour tester à la fois de l’intérêt de la personne et pour voir quelles sont ses propres questions afin de répondre à ses préoccupations premières. Il est toujours tentant de dérouler un schéma préétabli, mais les conversations recensées dans les Évangiles sont beaucoup plus ciblées.
Comment répondre sur le fond ?
Voici quelques objections ou questions qui peuvent surgir dans ce contexte, avec quelques éléments de réponse.
« Comment pouvez-vous dire qu’il est perdu ? »
Personne ne peut savoir avec une totale certitude qui est sauvé ou qui est perdu, Dieu seul le sait. Dieu est capable de se révéler au dernier soupir. Nous ne savons pas ce qui se passe lors des derniers moments de vie. Certains peuvent confesser une confiance en Jésus-Christ dans leur dernier souffle, comme le brigand sur la croix qui a été le premier converti.
« Que penserait-il si je me tournais vers un Dieu qu’il rejetait ? »
Un collègue pasteur avait été sollicité pour les obsèques d’une personne qui avait ouvertement rejeté la foi. Tous les assistants le savaient et se demandaient ce que le pasteur allait bien pouvoir dire à son sujet. Il a commencé humblement, comme je viens de l’évoquer : « Très sincèrement je ne peux pas vous dire s’il est en enfer ou s’il est au paradis, cela appartient à Dieu, et on ne sait pas ce qui se passe dans les cœurs au dernier moment. »
Puis il a ajouté : « Quoi qu’il en soit, quel que soit l’endroit où il se trouve maintenant, il aimerait que je vous dise ceci… » Cette approche était pertinente et courageuse. En effet, Jésus, au travers du récit du riche et de Lazare, montre une personne séparée de Dieu, aujourd’hui dans le séjour des morts, qui souhaite que ses proches vivants et incrédules ne le rejoignent pas dans sa souffrance (cf. Luc 16.27-28).
« Puisqu’il est en enfer, je voudrais l’y retrouver. »
Hélas, l’enfer n’est pas un lieu de fraternité ni de communion. Les liens qui unissent aujourd’hui les personnes seront très différents après la mort. Il ne faut pas anticiper une sorte d’amitié pendant le séjour éternel dans l’enfer. L’égoïsme des cœurs humains sera amplifié en l’absence de toute grâce commune de Dieu qui permet aujourd’hui aux humains de vivre de belles relations, même sans la foi. Le regret de n’avoir pas saisi l’Évangile demeurera probablement source de la plus grande tristesse, de la plus grande souffrance.
Aucun compagnon d’infortune ne pourra apporter le moindre réconfort de cette tragédie d’opportunités perdues.
« Je ne veux pas faire partie de ceux que Dieu inclurait si d’autres en étaient exclus. »
La personne qui tient ces propos se présente faussement en humaniste, revendique de vivre avec ceux qui seront rejetés comme si c’était une sorte de lettre de noblesse. Mais cette prétention est au fond orgueilleuse et arrogante : elle cherche à mettre en avant une bonté naturelle qui n’est pas réelle (cf. Jean 3.17-19). Elle se voit ainsi que les autres comme dignes du Seigneur, lui attribuant une terrible injustice. De fait, cette personne révèle sa vraie conception de Dieu, un Dieu dur et méchant qu’il vaut mieux fuir et loin duquel on se trouve mieux (cf. Mat 25.24-25).
Dieu dit en substance : « Qu’il te soit fait selon la compréhension que tu as de moi. »
« C’était un bon gars, il a fait beaucoup de bien. »
Les mérites du défunt qui va en enfer sont dérisoires aux yeux du jugement du Dieu pur, sage et parfait. Pour ceux qui restent, le réaliser permet d’être apaisé par rapport au jugement à venir. Au paradis, nous n’aurons ni tristesse ni amertume face au sort de nos bien-aimés qui seront en enfer. Parce qu’à ce moment-là, nous aurons une juste vue du péché dans toute son horreur, une juste vue du jugement de Dieu dans sa parfaite justice, et une juste vue de l’amour de Dieu qui a tant fait pour sauver. Nous serons pleinement en accord avec Dieu. Le Saint-Esprit peut donner à une personne la sagesse de comprendre que la destinée de tout homme est entre les mains du Dieu créateur, totalement juste, totalement bon.
« Il n’a pas eu l’occasion d’entendre l’Évangile. »
Qui peut savoir comment telle personne aurait réagi à la présentation de l’Évangile ? Quand l’Évangile est prêché, nombreux sont ceux qui répondent : « Je n’en veux pas. Je ne souhaite pas cette grâce imméritée de Dieu. » On ignore aussi les occasions que cette personne a pu avoir dans son passé de lire un Évangile qu’elle aurait consciemment rejeté. Il y a une invitation permanente à chercher Dieu dans le spectacle de la nature et dans les méandres de notre conscience. Dieu sera juste pour révéler ce que les uns et les autres ont vu sans vouloir croire…
« S’il avait connu l’Évangile, je suis sûr qu’il l’aurait accepté. »
Malheureusement, j’ai eu le triste honneur de parcourir l’Évangile avec plusieurs non croyants qui n’ont jamais répondu par la foi. Ils n’ont pas placé leur confiance en Jésus malgré leur compréhension des données de l’Évangile. Tenir de tels propos est téméraire et sans fondement. Je remarque que mes pronostics sur qui répondrait positivement et qui rejetterait Christ ont reflété des perspectives que Dieu a souvent démenties !
Conclusion
Le sujet est terriblement triste. Ce qui me console, parfois, c’est de réaliser qu’une personne qui rejette Dieu serait triste au paradis, parce qu’en réalité, Christ en est le personnage central. Les gens qui ont rejeté Dieu, alors que la gloire de Dieu est manifeste, ne serait-ce que dans la création (cf. Rom 1.18-20) seraient en colère d’être forcés à admirer celui qu’ils ont rejeté toute leur vie. Le salut de Dieu est un sauvetage extraordinaire, donné par une grâce imméritée, selon une foi qui se démontre dans une adoration et un amour de Dieu.
Ceux qui ne l’ont pas exprimée sont totalement et légitimement éloignés de Dieu. Cela reflète en fait le profond désir intérieur du cœur humain depuis la chute : l’indépendance. Adam a voulu choisir pour lui-même ce qui est bien et ce qui est mal.
Imposer à ses fils et à ses filles de venir dans un lieu où tout, au contraire, reflète une profonde confiance, dépendance et obéissance à Dieu, serait la pire des tortures.
L’Esprit saint est capable de conduire celui ou celle qui a perdu dans la mort un être cher. L’excuse de ne pas croire à cause de son sort lui paraîtra, à un moment ou à un autre, comme une forme d’usurpation de l’autorité de Dieu qui seul est juge — et sauveur.
Une des richesses de la Bible est de contenir des genres littéraires très différents qui nous permettent d’aborder la révélation de Dieu sous des approches variées. Chaque genre a ses propres règles d’interprétation. Deux d’entre eux, largement présents dans l’A.T., sont particulièrement délicats à interpréter. Cet article vise à donner très simplement quelques principes d’interprétation pour chacun de ces genres.
Le genre narratif
Une définition
Le genre narratif recouvre des récits de faits, d’actions, de personnages, d’événements. Nous y voyons les humains agir, parfois aussi Dieu agir. Il s’agit d’une sorte de reportage, souvent sans évaluation de la situation décrite.
Le genre narratif recouvre une grande partie de la Bible. Parfois il concerne un livre tout entier (1-2 Samuel, Esther,…), ou parfois seulement certaines sections (Exode, Jonas, les Évangiles,…).
Quelques principes d’interprétation à retenir
1. Ne pas allégoriser les histoires bibliques
Allégoriser serait considérer que chaque détail du récit correspond à une interprétation spirituelle. Par exemple, j’ai entendu quelqu’un dire que l’arche de Noé représentait l’Église, malmenée par les flots du monde, mais qui, finalement, échapperait aux dangers et que le bitume dont l’arche était enduite était le Saint-Esprit ! L’allégorisation n’est rien de plus que la projection de notre imagination.
2. Ne pas moraliser les histoires bibliques
Certains messages sur David ou Abraham tirent essentiellement des leçons morales de leurs vies.
Il faut se souvenir que Jésus est le seul héros de la Bible ; tous les autres « héros » de la Bible sont des pécheurs ! Il s’agit avant tout de comprendre la manière dont Dieu travaillait avec eux pour en tirer des leçons — même si, à l’occasion, ces personnes sont explicitement présentées en exemple et qu’il est aussi possible de tirer de leurs vies quelques exhortations pour notre manière de vivre.
3. Savoir qu’une histoire n’est pas nécessairement un exemple
Un fait rapporté dans l’Écriture n’est pas forcément normatif pour ma vie. Par exemple, le vœu peu sage de Jephthé ne doit pas nous conduire à dire : il faut accomplir ses vœux même s’ils sont erronés [NDLR : Pour une autre compréhension du récit de Jephthé, voir Daniel Arnold, Le livre des Juges, Emmaüs, 2015.] .
La Bible rapporte le fait sans porter de jugement ; il faut l’apport des autres textes de l’Écriture pour juger si telle action est à imiter ou non.
4. Noter qu’un récit nous rapporte ce que Dieu a fait, mais pas nécessairement ce qu’il fera
Dieu a permis à Élie de faire descendre le feu du ciel.
Peut-il encore le faire ? Certainement ! Mais veut-il le faire systématiquement ? Absolument pas ! Dieu a fait venir le déluge et a toujours la capacité de le faire, mais il a lui-même dit qu’il ne le ferait plus jamais. On ne peut donc pas prendre un récit de l’Écriture pour l’ériger en norme.
5. Rechercher en quoi un récit contribue au but général d’un livre biblique
C’est souvent dans cette perspective que se révèle le sens d’une histoire. Par exemple, le livre d’Esther démontre comment Dieu règne à travers des hommes et des femmes bien imparfaits. Or la moralisation à outrance de la reine Esther ne rend pas justice à son personnage. De plus, ce livre se lit aussi en contraste avec la délivrance que Dieu va finalement opérer au travers d’un Sauveur qui, lui, est parfait.
Le genre prophétique
Une définition
Le genre prophétique désigne un message délivré par un prophète. Celui-ci est un messager qui « parle devant » : devant Dieu et devant les humains qu’il exhorte à respecter l’alliance que Dieu a conclue avec son peuple. Il dénonce, met en garde, avertit, condamne, console ou annonce le futur.
Le genre prophétique couvre les livres des prophètes, d’Ésaïe à Malachie, en plus de textes plus épars au sein d’autres livres.
C’est aussi un genre à propos duquel il existe une grande variété d’interprétations parmi les chrétiens.
Quelques principes d’interprétation à retenir
1. Intégrer le prophète dans la grande histoire de l’Ancien Testament
Pour le comprendre, il est nécessaire de situer le prophète chronologiquement. Vers -2000 environ, Dieu conclut une alliance avec Abraham au travers duquel il bénira tous les peuples de la terre. Cette alliance se précise au fil des siècles et, vers -1500, Dieu donne par Moïse la loi au peuple descendant d’Abraham. Cette loi démontre le péché et l’incapacité du peuple d’Israël à y obéir. Dieu va donc continuer à se révéler et, vers -1000, un roi, David, est établi pour orienter la nation ; Dieu établit avec lui une nouvelle alliance dynastique qui pointe vers le Messie, qui sera Jésus-Christ. La désobéissance du peuple conduit à une déportation en deux temps (-722 et -586), avant un retour partiel de Juda sur sa terre.
2. Connaître le contexte historique immédiat
Le prophète parle-t-il au royaume du nord ou du sud ? Quelle est l’histoire récente du peuple ? Quel est le roi en place ? Est-il fidèle ou non ? Quelle est la menace qui guette ? Quelles sont les guerres récentes ou proches ?
3. Garder le schéma cyclique global : péché – déshonneur – rédemption – honneur
Ce schéma se répète tout au long de l’A.T. Il préfigure une libération en deux étapes : tout d’abord, dans la personne de Jésus-Christ qui résoudra le problème du péché et finalement dans le royaume éternel qui établira une société sans plus de corruption.
Les prophètes annoncent un changement intérieur personnel par le Messie et un rétablissement final qui touchera non seulement l’individu mais toute la société de ceux qui auront fait confiance à Christ et qui vivront dans une harmonie d’amour inconnue jusque-là.
4. Intégrer les réalisations successives
Une image est souvent donnée pour illustrer le genre prophétique, celle d’une vue d’une chaîne de montagnes : deux sommets semblent être proches l’un de l’autre, mais arrivé en haut du premier, on se rend compte qu’une grande vallée le sépare du second. Les prophéties sont souvent ainsi : elles annoncent une première délivrance, puis une ultime délivrance sans qu’on perçoive à la lecture qu’entre les deux peut se dérouler un grand laps de temps. L’accomplissement de ce que le prophète promet peut être en partie proche, en partie distant et en partie très distant. Il est important de ne pas limiter le texte à une seule réalisation.
5. Être conscient que l’interprétation d’une prophétie spécifique sera souvent orientée par nos options de théologique systématique
Par exemple, certains vont comprendre Ésaïe 11 comme se référant symboliquement à la période de l’Église, d’autres littéralement au règne de Christ pendant le millénium et d’autres encore comme faisant allusion à l’éternité. Cherchons avant tout à retenir l’enseignement propre de chaque section des prophètes sans vouloir immédiatement la situer dans notre schéma prophétique d’ensemble.
Un chrétien peut-il être soldat au XXI e siècle ? Peut-il tuer s’il en reçoit l’ordre ? La guerre peut-elle être juste ? Des chrétiens sérieux, convaincus de l’inspiration de l’Écriture, répondent différemment à ces questions. Cet article propose humblement quelques pistes bibliques, qui respectent des convictions et des avis différents, avant une proposition de synthèse qui ne se veut ni dogmatique ni définitive.
Dans l’Ancien Testament
• Dieu se révèle à Abraham et fait alliance avec lui, lui promettant une terre, une descendance et une bénédiction universelle (Gen 12). En Genèse 15.7, 13-20, Dieu annonce qu’Israël sera longtemps un peuple d’émigrés qui sera maltraité pendant 400 ans. Ils ne pourront prendre possession de la terre promise avant « car c’est alors seulement que la déchéance morale des Amoréens aura atteint son comble » (15.15). Du coup, la guerre de conquête de Canaan (XVI e s. av. J.-C.) sera aussi un jugement militaire sur les Cananéens 1 . Dieu utilise la force armée pour donner à Israël un territoire, et pour juger en même temps un peuple méchant et immoral. Dieu juge parfois les nations par la guerre 2 .
• Les « 10 commandements » de la loi de Moïse prohibent de commettre un meurtre, c’est-à-dire d’ôter la vie d’un innocent, par envie, par méchanceté, ou par intérêt personnel. Le mot utilisé pour « tuer », notamment en temps de guerre, est un autre mot. La loi distingue donc le meurtre de l’action de tuer, soit dans l’exercice de la justice, soit dans le contexte d’une guerre.
• Plusieurs passages de la Torah régulent la manière de mener la guerre, notamment Deutéronome 20. Il fallait proposer à la ville assiégée de se rendre avant la bataille (Deut 20.10), protéger les arbres fruitiers (20.19), etc. La loi posait un cadre à la guerre, comme si celle-ci était un mal possible, qui permettait parfois d’empêcher d’autres maux, pires encore, mais en les encadrant. On imagine ce que serait l’Europe si le nazisme avait triomphé, et on peut comprendre que certaines guerres soient utiles, voire nécessaires, pour préserver l’intégrité morale ou humaine d’une civilisation. On note par ailleurs que les combattants pouvaient être relevés de leur appel en fonction de leurs situations personnelles : mariage récent, plantation récente, etc.
• Lorsque Dieu emploie les Assyriens pour juger le royaume d’Israël, puis Nebucadnetsar, le dictateur de Babylone, pour juger le royaume de Juda, ils sont rendus responsables de leurs actes atroces (cf. Jér 51.20-24). Un Dieu souverain emploie des nations païennes, conduisant la brutalité « naturelle » des rois de l’époque, pour accomplir son plan de jugement. Mais ces hommes qui accomplissent son plan ne sont en aucun cas dédouanés de leurs responsabilités personnelles puisqu’ils agissent selon leur propre cœur.
Dans le Nouveau Testament
Le N.T. présente des données quelque peu surprenantes. Israël est sous tutelle romaine, après avoir été sous la gouvernance des Grecs.
• Tous les centeniers 3 mentionnés dans le N.T. sont présentés de façon favorable — c’est-à-dire qu’ils ne sont jamais présentés comme étant des hommes mauvais ou méchants, mais comme des personnes qui, par contraste même avec le peuple d’Israël, ont un cœur, une spiritualité, et une recherche de Dieu. C’est d’autant plus surprenant à nos yeux qu’ils étaient les officiers d’une armée occupante !
Jésus relève la foi du centenier de Capernaüm (Mat 8.5-13). Celui qui a été chargé de surveiller la crucifixion a confessé la divinité de Jésus (Mat 27.54). Corneille (Act 10) et Sergius Paulus 4 (Act 13.7,12) sont devenus chrétiens.
• Aucune des longues listes de péchés que nous trouvons dans le N.T. ne mentionne le fait d’être soldat ; à aucun moment, les apôtres dans leurs lettres ne demandent aux soldats de démissionner de leurs fonctions.
• À l’époque du N.T., l’armée jouait à la fois un rôle militaire (de conquérant) et un rôle de police (de maintien de l’ordre). Quand Paul évoque le « magistrat […] qui porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal », il enjoint : « Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience » (Rom 13.4-5). Dieu demande donc à l’armée d’instaurer un ordre, certes imparfait, mais préférable au chaos de l’anarchie et du non-droit.
• En même temps, le N.T. insiste sur le fait qu’un disciple de Christ va se caractériser par une certaine douceur : il aime son ennemi, prie pour ceux qui le maltraitent et qui le persécutent.
L’attitude générale du chrétien doit le faire connaître comme un homme doux, généreux, bienveillant, qui ne répond pas « au quart de tour », loin d’un esprit haineux, revanchard et belliqueux (cf. Mt 5.1-12, 5.38-45, Rom 12.17-21, Mt 7.12, 1 Pi 2.11-25).
• Lorsque Jean-Baptiste voit des soldats venir à lui pour lui demander ce qu’ils doivent faire, il leur répond : « Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde. » (Luc 3.14) Jean-Baptiste ne dit pas à ces soldats de démissionner ou de déposer les armes, mais il modère et limite leur activité pour que cette activité se fasse selon une certaine éthique. Ça veut dire qu’un soldat chrétien va devoir réfléchir aux ordres qu’il reçoit. Cela me semble être l’un des éléments importants à prendre en compte dans la réponse à la question initiale.
Un essai de synthèse
Comment concilier ces données qui semblent parfois un petit peu en contradiction les unes avec les autres ?
L’histoire nous apprend que les chrétiens les ont comprises différemment :
• La première position est le pacifisme. Elle a marqué le mouvement mennonite qui a maintenu pendant des siècles une position fermement pacifique où un chrétien ne prendrait les armes en aucune circonstance 5 .
Un pacifiste dira « Je préfère aller en prison que de porter une arme et de porter la main sur un être humain créé à l’image de Dieu. 6 »
C’est aussi la position la plus fréquente des chrétiens dans les pays musulmans où la guerre prend souvent une connotation religieuse ; ils ont décidé pour la plupart, étant donné que la violence entraîne un cycle infernal de violence, de ne pas prendre les armes. Les guerres de religion européennes ont conduit les anabaptistes aux mêmes conclusions.
• La deuxième position est inverse. Ces chrétiens disent que s’enrôler est un appel personnel légitime. Ils participent à l’armée de leur pays et, lorsque l’ordre de mener bataille est donné, ils font leur travail, c’est-à-dire qu’ils tuent les soldats d’un pays adverse sans aucun problème de conscience. Ils estiment que Dieu forge l’histoire de nations souverainement et providentiellement par le biais de l’État et de l’armée. Un droit s’établit ainsi, certes imparfait, même mauvais dans un certain sens, mais préférable au chaos qui vient d’un monde livré au règne du plus fort 7 . Je remarque que cette position s’exprime souvent dans le contexte de pays où les chrétiens ont confiance dans leur gouvernement qui est plus ou moins stable et démocratique.
• Une variante de la position précédente propose d’évaluer la moralité d’une guerre pour décider d’une participation 8. Une guerre défensive serait considérée comme juste, ou encore une guerre visant la libération d’un peuple de l’oppression d’un gouvernement injuste. Le problème de cette perspective est qu’elle aurait soutenu les militaires de Jérusalem, quand Dieu qualifiait d’injuste cette posture et qu’il demandait par son prophète Jérémie de se rendre aux Babyloniens !
En l’absence d’un prophète authentique, il est difficile d’établir ce que serait une guerre juste.
• Une troisième perspective, entre les deux, se limite au soutien logistique. Dans cette perspective le chrétien pourrait manifester son soutien à un État en guerre, mais uniquement dans des positions de non-combattant. Il pourrait s’impliquer en tant que médecin, chauffeur, infirmier ou logisticien, sans accepter une position où il prendrait une arme pour participer aux combats.
• Au II e siècle de notre ère, les pères de l’Église recommandaient aux gens qui se convertissaient de ne pas devenir des soldats, mais on laissait aux soldats qui devenaient chrétiens la possibilité de rester dans leur profession. Là encore, c’était une position de compromis. Souvent les réflexions éthiques ne sont pas toujours très tranchées car on navigue dans un monde déchu où le bien et le mal ne sont pas toujours si clairs.
Avec le temps, j’ai développé une perspective que je qualifierais de « consentante ». Elle « rend à César ce qui est à César » et « à Dieu ce qui est à Dieu ».
Dans mon appel, je vais militer pour le royaume de Dieu, c’est-à-dire proclamer l’Évangile, vivre la vie chrétienne du mieux possible, prier pour la liberté de culte, etc. ; en parallèle, je consens à participer au royaume de ce monde et je consens à un certain nombre d’activités, y compris combattante. Je suis prêt à un certain nombre d’engagements jusqu’aux limites de ma conscience ; Actes 5.29 nous dit que nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, et à un moment donné, si les ordres qui me sont donnés sont des ordres qui violent ma conscience (par exemple tuer des civils, ou se venger sur eux), je ne le ferai pas ; j’espère avoir le courage à ce moment-là de le refuser, quitte à en subir les conséquences qui pourraient aller jusqu’à une exécution ou un emprisonnement. Voilà comment je verrais les choses :
1. Laissons à Dieu le soin de diriger les présidents et les rois, sachant qu’il jugera et condamnera les dictateurs de ce monde.
2. Prions que Dieu accorde en tout lieu la liberté de prêcher et de croire. Dans notre pays, et dans tous les pays du monde, notamment les pays encore fermés à l’Évangile.
3. Consentons aux décisions prises par nos autorités pour les suivre jusqu’au combat, poursuivant un engagement mesuré et respectueux des populations.
4. Refusons tout acte militaire ou policier outrancier contraire à l’éthique chrétienne (torture, racisme, viol, etc.). Consentons que ce refus de soumission entraîne une condamnation pour insubordination.
5. Participons activement, en tant qu’Église, à tout acte de justice (protection des faibles, opprimés, étrangers, etc.).
6. Accueillons dans l’Église tout croyant, même avec des avis différents, même « ennemi occupant ».
7. Prêchons l’Évangile à tous, pour permettre au plus grand nombre d’accéder à l’éternité de paix que Dieu va instaurer.
Chaque lecteur est encouragé à se positionner personnellement. Restons aussi prudents vis-à-vis de ceux qui ont pris une décision différente de la nôtre, car il n’y a sans doute pas de réponse absolue possible à cette question.
- L’archéologie a démontré la cruauté des Cananéens qui, entre autres sévices, brûlaient vifs des enfants jusqu’à 5 ans pour satisfaire leurs divinités.
- Voir, dans ce même numéro, l’article sur la guerre de conquête de Canaan. Les livres historiques (Juges, 1 & 2 Rois par ex.) rapportent de nombreux exemples de guerres punitives et de guerres libératrices…
- Un centenier (ou centurion) était un officier de l’armée romaine commandant une centaine de soldats.
- Il était proconsul et comme tel il pouvait ordonner l’exécution des criminels ou déployer des troupes en guerre.
- En francophonie, Egbert Egberts défend cette approche dans son livre, On n’apprendra plus la guerre, Vers un pacifisme chrétien, aux éditions Oasis.
- Certains pays offrent le statut d’objecteur de conscience.
- Les exactions terribles commises et attestées dans certains pays (mutilations des femmes, enrôlement d’enfants soldats, etc.) après le départ de l’armée conquérante d’un pays démocratique ayant établi un certain ordre social serait une justification de cette approche.
- Augustin, puis Thomas d’Aquin, ont été les premiers théologiens à se pencher sur
Les EMI : le tunnel obscur et la lumière au bout
Quand j’étais jeune, dans les années 80, j’ai dévoré les livres du psychologue et médecin américain Raymond Moody, premier auteur à succès s’étant penché sur ces Expériences de Mort Imminente (EMI ou NDE, Near Death Experience en anglais 9 ). Voici une description de ce type d’expérience :
« Voici donc un homme qui meurt, et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin constater son décès. […]
Il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel. Après quoi il se retrouve soudain hors de son corps physique, sans quitter toutefois son environnement immédiat ; il aperçoit son propre corps à distance, comme en spectateur. […] Bientôt, d’autres événements se produisent : d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide ; il entrevoit les esprits de parents et d’amis décédés avant lui. Et soudain, une entité spirituelle, d’une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant d’amour, un être de lumière se montre à lui. Cet être fait surgir en lui une interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans cette tâche en lui procurant une vision panoramique, instantanée, de tous les événements qui ont marqué son destin. Le moment vient ensuite où le défunt semble rencontrer une sorte de barrière, ou de frontière, symbolisant l’ultime limite entre sa vie terrestre et la vie à venir.
Mais il constate alors qu’il lui faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. À cet instant, il résiste, car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après-vie et ne souhaite pas ce retour. » 10.
Depuis la publication de ces ouvrages, des études scientifiques plus fines ont été menées pour décrire avec précision ce phénomène. Adrien Peyrache est neuroscientifique à l’université McGill, au Canada, où il dirige un laboratoire de recherche. Il note les constantes que l’on retrouve dans ce type d’expériences :
« Ces travaux conduits par Helena Cassol, neuropsychologue et doctorante en sciences biomédicales, mettent en évidence 11 composantes : vision d’une lumière, rencontre avec des défunts ou avec un être mystique, hyperlucidité, narration de scènes, sensation d’être dans l’obscurité, expérience de décorporation (Out-of-Body Experience, ou OBE), impression d’être mort, souvenir d’événements de vie passés ou de prémonitions, sensation d’entrer dans l’expérience de mort imminente, retour de l’expérience de mort imminente, perception altérée du temps. » 11
Les EMI : des expériences fiables ?
Ces expériences ne sont pas fiables dans le sens où elles ne décrivent pas ce qui se passe à la mort. Voilà pourquoi.
• Des expériences similaires sont vécues dans d’autres circonstances. Une personne sous anesthésie décrit un état analogue : « Après avoir été endormi – ce à l’éther ou au protoxyde d’azote, je ne sais plus – le garçon s’était retrouvé comme flottant près du plafond de la chambre ; au-dessous de lui, il se voyait lui-même, immobile, pendant que le praticien, aperçu de dos, se penchait sur son travail. » 12
• Il existe d’autres conditions où l’état de la conscience est altéré : « Certaines expériences furent tentées, qui consistaient à provoquer une expérience métaphysique par une ingestion de LSD, afin d’aider les malades terminaux à transcender leur peur de la mort. Ainsi par exemple, Kast fit une première expérimentation contrôlée en 1966.
Du LSD fut administré à 80 patients souffrant de tumeurs malignes. 90 % des patients en retirèrent une conscience accrue du sens de leur existence, et changèrent radicalement leur approche de la mort.
[…] Étonnamment, [les chercheurs] observèrent aussi que la condition physique des patients qui avaient vécu ainsi une expérience transcendante s’était améliorée de façon spectaculaire. » 13
Il est vrai qu’à l’approche de la mort, et spécialement en cas de mort violente, des mécanismes physiologiques sont activés, donnant lieu à des sensations semblables à celles décrites plus haut. Les explications psychologiques sont également intéressantes, mais ne semblent pas convaincantes.
Un autre phénomène troublant est la « couleur religieuse » de l’expérience. La mère d’un ami, de famille chrétienne, a vécu cet événement de la mort imminente selon une grille de références chrétiennes. Est-ce à dire que chacun voit la mort selon sa compréhension ?
Un auteur adepte de la réincarnation prétend : « Le mort qui reste lucide, qui ouvre ses yeux et ses oreilles, celui-là verra après quelque temps cette lumière devenir une divinité. Et là, il se passe une chose peu compréhensible mais qui prouve que tous les hommes, malgré leurs différences, sont les fils de la nature. En effet, un chrétien verra Jésus-Christ, un Juif apercevra Moïse, un musulman contemplera Mohamed, un Indien découvrira Bouddha, un athée verra Socrate, etc. […]
L’important est d’atteindre la lumière qui se trouve sur la montagne secrète, […] peu importe la pente que l’on gravit. » 14
Cette belle « macédoine » religieuse incite à pencher vers l’hypothèse d’une projection. Les visions de nature spirituelle sont nombreuses et variées. Une femme de mineur d’une soixantaine d’années se mourait d’un cancer excessivement douloureux. En extase, semblant très heureuse, elle dit à l’infirmière dans un état de parfaite lucidité : « La Vierge Marie ! Comme elle est belle ! » 15 Si chacun voit ce à quoi il croit, comment peut-on penser être devant le véritable récit de la mort ? Et si tous sont revenus, c’est qu’aucun n’était vraiment mort !
Une étude scientifique invalide cette thèse des EMI
Peyrache note déjà que contrairement aux affirmations de la littérature (Moody en tête), il y a près de 20 % d’expériences négatives. Il ne faut donc pas déduire que la mort, telle que représentée par ces livres à succès, donne une image globale constante de ceux qui s’en seraient approchés. Il note aussi que pour plusieurs, ces expériences « constituent la preuve de l’existence d’une vie après la mort. Ce raisonnement ne repose sur rien de sérieux. Par définition, aucun de ceux qui ont rapporté un vécu d’expériences de mort imminente n’a connu la mort. “Tout vient d’une confusion entre les concepts de mort cérébrale, où le cerveau est devenu totalement inactif, et de mort clinique, laquelle se limite à la cessation de la respiration et de la circulation sanguine, laissant ainsi encore une chance de récupération”, explique Charlotte Martial. Ainsi, les EMI ne nous permettent-elles pas de tirer la moindre conclusion scientifique au sujet d’un au-delà. » 16
Et la Bible ?
La Bible rapporte plusieurs cas de « ressuscitation » 17 , sans que ne soient décrits le ressenti ou l’expérience des individus concernés. Cette sobriété du récit biblique est à mon sens un argument qui plaide en faveur de l’historicité des événements relatés. Nous aurions posé mille questions au sujet de ce qu’il y avait de l’autre côté, nous aurions rapporté la réponse à grand renfort de publicité et d’exagération ! Mais rien de cela. Seul le rapport du fait nous est laissé.
Voici quelques-unes des ressuscitations miraculeuses, spectaculaires, que rapporte la Bible :
• trois dans l’A.T. : le fils de la veuve de Sarepta (1 Rois 17.17-22) ; le fils de la Sunamite (2 Rois 4.18 -37) ; et l’homme dont le corps touche les os d’Élisée (2 Rois 13.20-21) ;
• trois dans les Évangiles : la fille de Jaïrus (Marc 5.35 -42) ; le fils de la veuve de Naïn (Luc 7.12 -15) ; Lazare (Jean 1.38-44) ;
• une dans le livre des Actes : Tabitha (Act 9.36-41).
Absolument rien ne transparaît de leur expérience.
L’accent est tout entier placé sur la vie accordée, sur le réconfort des proches, sur la puissance de Dieu, sur la foi en Christ, auteur d’une restauration complète par l’Évangile.
Nous sommes tellement curieux sur l’au-delà ! Mais la Bible ne joue pas sur notre imagination et concentre l’essentiel de notre attention sur « ici et maintenant », avec seulement quelques brèves descriptions ou anticipations de la vie au-delà du voile (cf. 1 Cor 15 ; 2 Cor 4-5 ; 12 ; Apoc 6…).
Cela doit nous inviter à la plus extrême prudence devant ceux et celles qui mettent en avant des voyages extraordinaires dans l’au-delà. Le monde spirituel n’est pas neutre (2 Cor 11.14). La fraude est fréquente, même parmi ceux qui se réclament d’une spiritualité « chrétienne ».
Il serait tragique de compter sur les EMI pour affronter la mort, quand elles ne sont que le fruit de l’imagination ou de conditions physiologiques non identifiées par la médecine. Mieux vaut considérer la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ – résurrection qui est un événement historique attesté ! À la sœur de Lazare, mort et enterré et qu’il ressuscitera peu de temps après, Jésus dit, pour notre réconfort et notre assurance : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jean 11.25-26).
- Le titre est pudique : puisque tous sont revenus, il est difficile de parler de mort. Mais les livres de Raymond Moody en parlent comme si c’était réellement la mort : La vie après la vie, Lumières nouvelles sur la vie après la vie. Voir également les ouvrages de Kübler-Ross, Osis et Haraldsson etc.
- Citation de R. Moody, La vie après la vie, p. 36-37. On remarque la similitude avec le mythe d’Er que Platon relate dans le dixième livre de La République. Un soldat meurt, visite le pays des morts et revient. Tous les détails observés par Moody sont présents : décorporation, vue d’en haut, vision panoramique et rencontre avec des êtres surnaturels. Cette citation est reprise de mon livre sur la réincarnation(Florent Varak, La réincarnation, Éditions CLÉ).
- Adrien Peyrache, « Expériences de mort imminente : le quête d’une explication rationnelle », La Recherche, n° 540, octobre 2018, p. 60-64.
- Préface de P. Misraki dans l’ouvrage de R. Moody, La vie après la vie, p.10.
- C. Hardy, L’après-vie à l’épreuve de la science, Éditions du Rocher, 1986, p. 48-49.
- P. Vigne, La réincarnation, sur les traces des vies antérieures : les preuves de leurs existences, Éditions de Vecchi, 1988, p. 112.
- Adrien Peyrache,
op. cit.
, p. 63 - Adrien Peyrache, op. cit., p. 64.
- À distinguer de la « résurrection » puisque ces individus sont repassés par la mort. La résurrection, selon la Bible, touchera croyants et non-croyants (Act 24.15), donnant un corps impérissable dans la présence de Dieu ou dans l’absence de Dieu.
Le nombre de personnes désireuses de changer de genre (la transition, ou la transidentité) augmente et nous serons de plus en plus confrontés à cette réalité. Que faire ?
1. L’Église doit aimer
La souffrance d’un homme qui se sent femme ou d’une femme qui se sent homme ne doit pas être méprisée ou évacuée par un haussement d’épaules, ni critiquée ou, pire, faire l’objet d’insultes, de violences ou de haine. Une telle réaction est tout simplement indigne d’un chrétien et contraire à l’Écriture. Cette attitude ne saurait être constructive non plus.
Ce n’est pas parce que nous n’avons pas connu cette « dysphorie du genre » qu’il faut en minimiser la perception et la rejeter en estimant qu’elle est secondaire. Accueillons les personnes telles qu’elles sont, avec sérieux, avec considération. De plus, nous ne connaissons pas vraiment ni pleinement les causes de cette perception.
Aimons, aimons de la part de Christ, aimons comme Christ. Lui qui était saint et parfait, il a accueilli avec amour des gens complètement différents de lui, pécheurs discrets ou pécheurs notoires. Il a échangé avec eux sur ce qui est essentiel, l’évangile.
2. L’Église doit annoncer l’évangile
On doit annoncer l’évangile aux transgenres comme on doit annoncer l’évangile à tous ceux qui nous entourent. Il serait discriminatoire de priver une catégorie de la population du privilège d’entendre l’évangile. Dieu accueille les hommes et les femmes brisés que nous sommes pour qu’ils trouvent leur rédemption en Jésus- Christ. Il accueille les pécheurs, les gens troublés, les personnes mal à l’aise dans leur situation, dans leur vie, dans leur corps — tout comme il accueille les « bien-portants », c’est-à-dire ceux qui pensent ne pas avoir besoin de médecin (cf. Luc 5.31-32). Christ est la résurrection et la vie, il est le pain de vie qui satisfait profondément celui ou celle qu’il sauve.
Annoncer l’évangile veut dire aussi présenter Jésus comme un Sauveur et un Seigneur qui va réorienter toute la vie. Quelqu’un qui vient à Christ doit s’attendre à ce que sa vie change, y compris dans sa sexualité, sa perception du genre, ses relations familiales et sociales, son rapport à l’argent – en fait, dans tous les domaines de sa vie :
- « Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous, et je ferai en sorte que vous suiviez mes ordonnances, et que vous observiez et pratiquiez mes lois » (Éz 36.26-27).
- « Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit » (Tite 3.5).
L’évangile est non seulement une source de pardon, mais il induit également dans la vie d’un nouveau chrétien des changements, des bouleversements — parfois très rapides, parfois plus lents, c’est très difficile à anticiper — mais il y a un renouveau du cœur, un réalignement des valeurs.
3. L’Église doit dire la vérité
La vérité biblique est qu’il y a une distinction mâle et femelle biologique et théologique. Physiquement, on est homme (mâle) ou on est femme (femelle) dans chacune de nos cellules. Aspirer à être quelqu’un d’autre est un déni de réalité, une offense contre son corps et contre son Créateur.
C’est ainsi que des lois symboliques de l’Ancien Testament interdisaient à un homme de mettre des vêtements de femme ou vice-versa. La beauté d’être mâle ou femelle, homme ou femme, doit se voir même dans les normes, fluctuantes, de la culture (cf. 1 Cor 11.14-15).
À ce titre, la repentance implique forcément une prise de conscience progressive de cette réalité. La réappropriation de la réalité de son genre se fait à la vitesse du Saint-Esprit — qui n’est pas toujours celle du pasteur ou d’un tiers et l’accompagnement dans cette appropriation peut être très long, très lent. Mais c’est le chemin de tout chrétien que de s’approprier cette nouvelle identité d’enfant de Dieu pour avancer progressivement sur les difficultés que l’on rencontre.
4. Les parents chrétiens doivent apprendre aux enfants la réalité de leur genre
Préparons nos enfants de façon intelligente.
Voici un contre-exemple fâcheux : un père empêche son garçon de jouer à la dînette sous prétexte que « c’est un truc de fille ». Non, faire la cuisine, n’est pas réservé aux femmes! Certains garçons sont excellents pour cuisiner et certaines femmes sont très compétentes pour conduire des camions ! Il faut vraiment permettre à nos filles et à nos garçons d’avoir un éventail d’activités qui sortent des stéréotypes habituels. Des questions de préférence ne doivent pas conduire à s’inquiéter du genre. Isaac avait deux fils aux personnalités très différentes et pourtant tous les deux étaient pleinement masculins.
Enseignons à nos enfants une solide théologie de la création: que l’être humain a été créé par Dieu, à son image, digne de respect et d’amour (Gen 1 ; Ps 8), que chaque être humain est une créature magnifique qui, même dans sa déchéance et son infirmité, reflète son Créateur (Ps 139).
5. Nos désirs et notre perception de la réalité nous éloignent du projet de Dieu
Nous avons tous besoin de grâce. Montrons l’exemple à nos enfants en n’hésitant pas à leur demander pardon pour nos propres défaillances, afin qu’ils soient encouragés eux-mêmes dans leur croissance spirituelle.
Enseignons à nos enfants que nos désirs ne sont pas toujours à suivre. Jésus dit que c’est du cœur que proviennent les mauvais désirs et toutes les passions qui nous brûlent et nous font mal (Mat 15). Un enfant, comme un adulte, a besoin de réaliser que son cœur le pousse loin des pensées de Dieu qui doit travailler dans son cœur.
Il est important que les parents encouragent les enfants dans ce qu’ils sont. Aimer inconditionnellement son enfant est important pour son identité. Cela suppose d’accueillir ses doutes, de discuter avec lui, de l’encourager à persévérer, d’exprimer que, nous aussi, nous avons besoin de croissance, de ne pas être scandalisé dès qu’il exprime une tentation ou un péché qu’il a envie de commettre, de ne pas être gêné lorsqu’il peut exprimer un mal-être quant à son genre. Au lieu de paniquer, de réprimer, accompagnons l’enfant dans sa réflexion.
6. L’Église doit avoir le courage de dénoncer la manipulation idéologique autour du genre
En France, au Canada, comme dans d’autres pays, la loi interdit les « pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre18 ». Les peines sont sévères et l’Église doit rester prudente dans son propos. Je note que la loi n’interdit pas l’encouragement à la réflexion, à prendre un peu de recul avant de considérer une transition. L’Église peut inscrire sa dé- marche dans cette perspective.
D’ailleurs, ces deux dernières décennies ont vu plusieurs personnes réaliser que la théorie du genre a conduit à des mutilations tragiques sur lesquelles on ne peut plus revenir. Il est possible que la pression pour modifier cette loi viennent de ceux et celles qu’elle était censée « protéger ».
J’ai entendu le témoignage d’hommes mûrs, mariés avec enfants, et qui ont réalisé une transidentité, en suivant un traitement hormonal puis une chirurgie complète. Quelques années plus tard, ils ont pris conscience que rien n’avait changé dans leur cœur et ont compris que le problème était autre. Ils ont abordé la question sous l’angle spirituel. Ils ont par la suite attesté que, finalement, ils étaient revenus mentalement, psychologiquement— mais pas physiquement car c’était désormais impossible — à leur genre initial et qu’ils avaient réintégré leur cellule familiale. Ils pouvaient attester combien Christ dans sa bonté les avait accueillis et transformés19.
Il faut avoir conscience de la croissance de ce phénomène de « détransition », alors même que la loi interdit (indirectement) d’en parler !
Alors que faire ?
- Écouter la souffrance ou les désirs. Les comprendre. Faire cheminer sur les multiples causes de ces sentiments.
- Annoncer l’Évangile. Un Dieu qui aime, pardonne, renouvelle. Une rédemption qui touche tout notre être, et tout type d’individu.
- Encourager à la réflexion, à prendre du recul, des conseils, du temps. Ne pas exercer de pression morale indépendamment de l’Évangile qui est avant tout rédempteur.
- Rejeter les « psychodrames » de réactions extrêmes. Les gens sont « libres ». S’ils ne sont pas en Christ, on n’a pas à les juger sur leurs comportements (cf. 1 Cor 5.13).
- Renvoyer systématiquement un jeune croyant qui pose des questions à l’Écriture, et à l’Évangile. Ne pas tant adresser la question du genre que celle d’aimer Jésus de tout son cœur, dans le contexte d’une Église fraternelle, aimante, qui s’encourage réciproquement à viser ensemble la stature parfaite de Christ.
L’Église ne doit pas adresser une problématique idéologique par la science mais plutôt par les Écritures. Ce n’est ni le mandat ni la compétence de l’Église d’intervenir sur l’angle de la science. Si elle le fait, elle court le risque de :
- Communiquer que la base morale pour évaluer est la science et non les Écritures.
- Faire des erreurs grossières dans l’articulation de prémisses scientifiques qui peuvent miner sa crédibilité au niveau de la foi.
- La connaissance scientifique est sans cesse mise à jour et ne saurait être un fondement stable pour la foi.
Notre identité de disciple est magnifiquement décrite dans des textes comme Éphésiens 1 par exemple. En concentrant l’attention de tous sur les trésors du salut, certaines préoccupations viennent vite en second plan.
Cherchons à mieux accueillir, mieux accompagner, mieux aimer et mieux être porteurs d’espérance dans un monde qui en a désespérément besoin.
Avant d’aborder l’enseignement biblique, commençons par quelques considérations pastorales : il y a des gens qui souffrent profondément de se sentir d’un autre genre, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Ils souffrent de ne pas être ce qu’ils souhaitent ou pensent être, ils souffrent d’être incompris dans leur situation, ils souffrent des moqueries des autres, ils personnes qui se revendiquent d’une église. La souffrance intérieure générée par ce trouble est bien réelle : c’est une souffrance obsessionnelle, lancinante, comme une toile de fond assez sourde qui « bouffe »>la vie et qui semble ôter tout bonheur. D’autres, à l’inverse, sont pleinement satisfaits de leur identité transgenre et ne veulent en aucun cas changer. Que peut dire la Bible sur ces questions ?
A. Les fondements bibliques
1. La masculinité et la féminité sont l’une des distinctions fondamentales dans la doctrine de la création
La Bible dit que « Dieu créa les humains à son image, il les créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa » (Gen 1.27, NBS). Dieu répartit l’humanité en deux réalités, définies sexuellement. Dès la création, l’être humain est soit mâle, soit femelle ; soit homme, soit femme. C’est une réalité biologique.
2. La génétique nous apprend à quel point cette réalité biblique est fondamentalement incorporée et tissée dans l’entièreté de l’être humain
Ce n’est pas simplement un organe sexuel qui nous différencie les uns des autres. Les chromosomes de chaque être humain que l’on retrouve dans chaque cellule de l’organisme, sont sexués. L’entité fonctionnelle de la plus petite partie du corps, la cellule, est consciente de cette identité sexuelle.
Michel Johner a écrit : « L’homme n’a pas d’existence ni même d’idéal en-deçà de la bipolarité masculin-féminin. Il est posé comme tel dès sa plus lointaine origine, l’homme n’a jamais existé et n’existera jamais autrement que sous une forme masculine ou féminine. C’est une des données constantes et permanentes de son existence. La dualité sexuelle fait partie intégrante de l’anthropologie biblique. »120
3. La chute a engendré des distorsions nombreuses qui touchent tous les domaines de la vie
La décision de l’homme et de la femme de choisir le bien ou le mal comme ils l’entendaient a eu pour conséquence que l’humain est devenu mortel. Son corps, comme son cœur, ses sentiments, ses sensations, dysfonctionnent. Nous sommes morts spirituellement et nous mourrons physiquement.
Par rapport au genre, cette réalité de la chute a des conséquences :
- Un groupe infime de la population est classé comme « intersexué », à cause d’une condition qui rend l’identification du genre impossible, soit par une déficience génétique, soit par une déficience physiologique. Il s’agit d’un phénomène assez rare, touchant 0,02 % de la population, c’est-à-dire une naissance sur 5 000. Dans ce cas-là, on peut vraiment parler de problème de genre.
- Il existe aussi des accidents ou des dérèglements hormonaux qui peuvent troubler le développement de l’identité sexuelle21
- Dans l’enfance, l’influence d’un tiers, des discussions, des expériences sexuelles, des violences subies ou des pressions répétées, une fascination pour des personnes du sexe opposé ou identique, ou des émotions fortes vécues dans un contexte sexué, peuvent marquer un jeune qui a l’impression d’être d’un genre différent de son corps. Le terme médical actuel est la « dysphorie du genre », c’est-à-dire un sentiment d’inadéquation entre l’identité sexuelle biologique et la perception que la personne en a.
Le sujet est donc complexe et touche nombre d’aspects médicaux, physiologiques et légaux. La chute a ainsi affecté, directement ou indirectement, plus ou moins fortement, tous les domaines de la vie.
La dissonance existe donc : d’un côté, l’enseignement de la Bible, qui dit que toute personne est soit mâle, soit femme ; d’un autre côté, la perception qu’une personne peut en avoir. Le Psaume 139 nous dit que chacun de nous est une créature merveilleuse dans cette identité précise. La réalité génétique constitutive de l’être humain, tel qu’il est, dès sa conception, homme ou femme, fait partie du schéma que Dieu a pour lui ou pour elle. La réalité biblique est que notre Créateur plein de bonté nous a voulus mâle ou femelle. Cela n’ôte pas pour autant le sentiment qu’ont certains d’être à l’intérieur d’un genre différent du leur.
B. Le changement ?
D’un point de vue biblique, choisir son genre n’est pas vraiment une option. On ne peut pas changer de genre sans nier cet ordre créationnel dans lequel Dieu nous a inscrits. Ce n’est pas ainsi que l’Écriture nous propose d’aborder les problèmes réels de sentiments intérieurs d’inadéquation de genre. Ce point est maintenant reconnu par des médecins sur un plan purement scientifique. Un groupe de pédiatres américains a traité de « criminel » la chirurgie opérée sur de jeunes enfants, stérilisés de manière permanente, et amputés sous le prétexte de traiter une condition qui se résoudrait dans la plupart des cas22.. Le docteur Paul MacHue, ex-psychiatre en chef de l’hôpital Johns-Hopkins, a conclu après des années de pratique que ce type d’action ne faisait que collaborer à un désordre mental plutôt que de le traiter. Il a écrit que, parmi les enfants qui expriment des sentiments transgenres et qui sont accompagnés sans traite- ment médical ou chirurgical, 70 à 80
% d’entre eux perdent ces sentiments spontanément. Pour 20 %, il faudra un accompagnement plus psychiatrique, spirituel, médical mais certainement pas — en tout cas c’est une conviction partagée par des personnes tant du monde médical que du monde théologique — un traitement chirurgical ou hormonal en réponse au malaise qu’un enfant ou qu’une personne transgenre peuvent ressentir23. Même médicalement, nous sommes autorisés à dire que c’est le corps qui dicte le genre, et que, s’il y a une perception intérieure que ce n’est pas le cas, ce n’est pas en tentant de changer le corps qu’on arrivera à apaiser le cœur. Éric Nzeyimana, auteur d’une thèse de théologie à Louvain, écrit : « Selon nos recherches, et les témoignages des personnes transexuelles ayant subi l’opération de réassignation sexuelle, la médecine ne parvient pas à changer effectivement une femme biologique en un homme biologique, et vice versa. Cette impasse de la médecine est une sorte de preuve de ce que dit la révélation chrétienne au sujet de la création et de l’identité sexuelle de l’homme et de la femme. »24
C. Comment le vivre en pratique
À quelqu’un qui devient chrétien alors qu’il est transgenre, ou à un chrétien tenté par le transgenrisme, il est bon d’évoquer que tout chrétien lutte. Nous luttons tous sur notre identité (sur bien des facettes qui ne sont pas reliées au genre), contre des émotions ou des pensées destructrices, face à des passions ou des désirs (sexuels ou non) qui peuvent nous précipiter loin d’une communion avec Christ. Pour chacun de nous, il est vraiment nécessaire de cultiver une proximité avec Christ et de rechercher un environnement qui nous permet de renouveler nos pensées pour contrer les passions profondes, qui parfois peuvent émerger et devenir obsessionnelles au point de nous éloigner de ce qui serait juste et constructif pour nos vies au regard de l’Écriture.
Certaines décisions ne changeront pas la souffrance. Certains transgenres pensent qu’ils seraient mieux si la chirurgie les transformait. Mais après une phase de traitement hormonal, puis des opérations chirurgicales, ils ou elles peuvent se sentir tout aussi mal. Le malaise intérieur que la chirurgie devait ôter demeure, parce que le problème ne vient pas du corps ou du genre, mais du cœur.
La meilleure manière de considérer cette question est de regarder au renouveau qu’offre la repentance et la foi en Christ. Ce renouveau est difficile, progressif, mais possible : « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle. Ce qui est ancien est passé : il y a là du nouveau » (2 Cor 5.17, NBS). Ce verset ne signifie pas que, soudainement, tout est rétabli, mais que quelqu’un scellé du Saint-Esprit peut progressivement voir, par la grâce de Dieu, un changement dans ses affections, un apaisement dans ses angoisses. Dieu est capable de venir dans nos cœurs renouveler profondément notre être et nous réorienter sur une manière de vivre qui soit conforme à ses pensées.
- Michel Johner, « La vocation chrétienne de la sexualité », La REVUe Réformée, n° 229 -230 (2004/4 -5, Tome LV). Disponible sur : https://larevuereformee.net/articlerr/n229/ la-vocation-chretienne-de-la-sexualite.
- D’ailleurs, des substances chimiques appelées « perturbateurs endocriniens », répandues dans notre société de consommation, peuvent altérer en profondeur le fonctionnement hormonal, même si ces mécanismes ne sont pas tous expliqués. Cf. https://www.anses.fr/fr/content/travaux-et-implication-de-lanses- sur-les-perturbateurs-endocriniens et https://www.inserm.fr/dossier/ perturbateurs-endocriniens/ (NDLR)
- American College of Pediatricians, « Normalizing Gender Dysphoria is Dangerous and Unethical », 2016. Disponible sur : https://acpeds.org/ press/normalizing-gender-dysphoria-is-dangerous-and-unethical, consulté le 28-01-2021.
- Voir son article publié sur le Wall Street Journal, « Transgender Surger y Isn’t the Solution » du 13 mai 2016. Disponible sur : https://www.wsj.com/ar ticles/paul-mchugh-transgender-surgery-isnt-the-solution-1402615120
- « Demande de changement de sexe : enjeux éthiques et théologiques au regard de la création », disponible sur : https://dial.uclouvain.be/ memoire/ucl/fr/object/thesis%3A12036
Le livre de l’Exode se termine comme un bon roman.
Une situation initiale dramatique (l’esclavage), une délivrance spectaculaire (la sortie d’Égypte), quelques péripéties (la mer qui avale des adversaires, le peuple qui se vautre dans l’idolâtrie). Le tabernacle est dressé… Dieu manifeste sa présence.
Ce qu’Israël ne savait pas, c’est que le chemin serait long et difficile, non seulement jusqu’en Canaan mais aussi tout au long de son histoire.
Mais Dieu donne ce dont son peuple a besoin pour continuer et persévérer. Cette dernière partie de l’Exode présente ce que Dieu a fait pour accompagner Israël et pour tout mener à bonne fin. Dieu n’abandonne jamais les siens. Heureusement que nous-mêmes ne voyons pas le chemin qui nous reste à parcourir, tant individuellement que collectivement. Mais le même secours dont Israël a bénéficié nous sera donné jusqu’à la gloire qui est à venir (cf. 2 Pi 1.3 ; Jude 25). Dieu a tout fait pour que nous réussissions notre pèlerinage terrestre afin de vivre à jamais en sa présence.
1. Dieu accompagne son peuple (40.16-19)
16 Moïse fit tout ce que l’Éternel lui avait ordonné. 17 Le premier mois de la seconde année, le premier du mois, le tabernacle fut dressé. 18 Moïse dressa le tabernacle; il en mit les socles, plaça les planches, mit les traverses et dressa les colonnes. 19 Il étendit la tente sur le tabernacle et plaça la couverture de la tente par-dessus, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse.25
La phrase : « Moïse fit tout ce que l’Éternel lui avait ordonné » est le leitmotiv de cette fin de livre. Aucune invention spirituelle chez Moïse. Il ne créé pas de religion, un code cultuel, ni des rites efficaces. Il est serviteur d’un Dieu qui se révèle et qui dicte comment l’approcher. Nous découvrons ainsi ce qu’il est, ce qu’il aime, ce qu’il attend, ce qu’il offre… Non par le sentiment, l’imagination ou par la création d’un culte qui nous plaise, mais par révélation.
Les instructions pour la construction du tabernacle sont données aux ch. 25 à 31. La description de la construction est donnée aux chapitres 35 à 39, avec une conclusion qui résonne avec le récit de la création (comp. 39.42-43 avec Gen 1.28,31). Ici, Dieu recréé un peuple, un peuple déchu puis restauré. Ce que décrit l’Exode est le lancement d’une nouvelle humanité, qui préfigure l’engendrement d’un monde nouveau quelques siècles plus tard.
Voilà donc venu le moment d’assembler tout ce qui a été créé. Moïse plante une tente.26. Dieu, le Créateur de l’univers déclare vouloir habiter au milieu de son peuple ! Pas à côté, ou loin devant, mais « au milieu d’eux » ! Cette tente abrite un sanctuaire (mikdash), c’est-à-dire un lieu mis à part, sanctifié, saint. Le Seigneur vient habiter cette tente et y manifester sa gloire.
Que représente cette tente ? Flavius Josèphe y voit une représentation de l’univers27, d’autres une représentation de l’Église, d’autres encore une incarnation de la présence du Royaume de Dieu en Israël. Voici ce qui me semble être le sens du tabernacle : la présence de Dieu engendre et agence le peuple de Dieu. Il convoque un peuple qui marchera avec lui et selon lui : « J’établirai ma demeure au milieu de vous, et mon âme n’aura pas d’aversion pour vous. Je marcherai au milieu de vous, pour être votre Dieu, et pour que vous soyez mon peuple.» (Lév 26.11-12). Dieu n’est pas resté sur la montagne. Dieu nous accompagne, dans le désert, sur nos chemins, dans notre pèlerinage !
● C’était son intention originale : le jardin initial, le premier paradis, était un espace où Dieu marchait là même où Adam et Ève marchaient.
● Ce sera la réalité ultime : le paradis éternel de la nouvelle terre, sera un espace où nous marcherons là même où Dieu se trouve, un monde où il n’y aura pas de temple, parce que le Seigneur lui-même sera le temple (Apoc 21.22).
● Cette tente est une représentation temporaire d’une réalité pour Israël, Dieu marchant vraiment au milieu de son peuple.
● Aujourd’hui, nous sommes le temple de Dieu (1 Cor 3.16 ; 6.19), une habitation de Dieu par l’Esprit (Éph 2.22). Le Père et le Fils viennent faire en nous leur demeure (Jean 14.23).
Le tabernacle illustre donc plusieurs aspects de la rédemption :
● Il matérialise la présence de Dieu avec Israël — et anticipe le temple de Salomon.
● Il annonce la présence future de Dieu en Christ sur terre.
● Il annonce la présence future de Dieu par l’Esprit dans l’Église sur terre.
● Il annonce aussi par là-même l’habitation éternelle de Dieu avec les siens (Apoc 21.22-23).
Dieu n’abandonnera jamais les siens parce qu’il marche au milieu d’eux et accompagne son peuple — hier, aujourd’hui, éternellement. L’Esprit en nous dont Jésus dit qu’il sera éternellement avec nous, nous l’assure.
2. Dieu pardonne son peuple (40.20-21)
20 Il prit le Témoignage et le mit dans l’arche ; il plaça les barres à l’arche et mit le propitiatoire au-dessus de l’arche. 21 Il apporta l’arche dans le tabernacle; il plaça le voile qui sert de rideau, et il en couvrit l’arche du Témoignage, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse.
À l’intérieur de la tente se trouve l’essence même du culte israélite, symbole du culte à venir : l’arche, ou le coffre de l’alliance. C’est une caisse rectangulaire de 70 cm de large et de hauteur, et de 1,15 m de longueur. Pour se le représenter, c’est grosso modo la taille de deux lave-linge mis l’un devant l’autre.
Ce coffre abrite le « Témoignage », c’est-à-dire les tables de la loi, les dix paroles que Dieu en personne a gravées pour Moïse (31.18). On imagine donc Moïse placer ce texte exceptionnel, qui influencera le monde entier par sa valeur légale, morale et spirituelle, avec beaucoup de tendresse et d’attention.
Mais le décalogue est aussi un code écrasant puisqu’il révèle ce que Dieu attend, et que l’être humain n’arrive pas à faire et à être. Le coffre renferme donc le témoignage de notre
culpabilité, que ce soit dans notre relation avec Dieu (première partie des dix paroles) ou dans notre relation les uns aux autres (seconde partie). En les lisant, nous réalisons vite que nous devons tous faire le deuil de toute prétention à une justice personnelle. Nous sommes profondément idolâtres, foncièrement centrés sur nous-mêmes et incapables d’aimer notre prochain de manière adéquate. Pire, Jésus note que la simple intention initiale d’un péché (de la colère ou de la convoitise) nous rend aussi coupables que la réalisation de ces péchés (le meurtre ou l’adultère). Nous sommes ainsi condamnés par nos actes qui sont fâcheusement loin de telles exigences.
Mais il y a un symbole d’espoir. Moïse « mit le propitiatoire au-dessus de l’arche ». Le propitiatoire est un terme un peu compliqué qui signifie simplement « couvercle ». Il recouvre le coffre où se trouve le Témoignage — les dix commandements qui nous accusent sont donc « couverts ».
Depuis qu’Adam et Ève ont pris conscience de leurs péchés, ils n’ont eu de cesse de chercher un moyen de couvrir leur nudité par leurs propres efforts — que ce soit par des feuilles de vignes, ou en rejetant sur les autres leur manquement. Depuis Genèse 3, Dieu n’a de cesse de convaincre les humains, conscients de leur faillite spirituelle, que des feuilles de vignes sont insuffisantes et que seule la peau d’un substitut saura les couvrir…
Justement. Ce couvercle rectangulaire avait sur ses deux extrémités deux chérubins qui se faisaient face. Les chérubins sont les protecteurs de la sainteté du Seigneur dont l’accès est interdit aux pécheurs (Gen 3.24). Ces anges ont devant eux la gloire impeccable, éternelle et glorieuse du Seigneur — tout comme ils sont témoins de notre comportement misérable et indigne. Mais « les chérubins auront la face tournée vers le propitiatoire » (25.20) ! Dieu impose à ces anges puissants de rester concentrés, les yeux fixés sur le lieu même où une fois par an, le jour des expiations, le souverain sacrificateur devait faire « sept fois avec son doigt l’aspersion du sang devant le propitiatoire » (Lév 16.14). Les anges devaient ignorer la crasse des prêtres, les saletés du peuple et ne voir que la bienveillance d’un Dieu qui couvre encore et encore le péché. « Par ce sacrifice, la faute est « couverte », et donc, enlevée, effacée, cachée (Ps 32.1) L’expiation et la propitiation sont présentes dans la racine hébraïque pour « couvrir » (kappar) qui exprime un double but : celui de purifier les fautes des hommes et celui de rendre Dieu propice, favorable, c’est- à-dire d’apaiser sa colère. »28
Les rites de Yom Kippour ne résolvent rien parce qu’il faut chaque année les renouveler. Mais ils annoncent Christ, venu les accomplir pour nous. Nous entrons dans un repos où lui a réalisé tous les « il faut ». Si le propitiatoire reçoit le sang des victimes, le sang versé du Christ, Jésus, le Fils de Dieu, résoudra à jamais la colère de Dieu.
Le tabernacle est une représentation bouleversante de la justification. Dieu n’abandonne jamais les siens parce qu’il a tout fait pour qu’ils soient à jamais pardonnés : « Car par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Héb 10.14).
1. Dieu sanctifie son peuple (40.22-33)
22 Il mit la table dans la tente de la Rencontre, au côté nord du tabernacle, en dehors du voile ; 23 et il y disposa en ordre les pains, devant l’Éternel, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 24 Il plaça le chandelier dans la tente de la Rencontre, en face de la table, au côté sud du tabernacle ; 25 et il en arrangea les lampes, devant l’Éternel, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 26
Il plaça l’autel d’or dans la tente de la Rencontre, devant le voile, 27 et il y fit brûler le parfum aromatique, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 28 Il plaça le rideau à l’entrée du tabernacle. 29 Il plaça l’autel des holocaustes à l’entrée du tabernacle, de la tente de la Rencontre, et il y offrit l’holocauste et l’offrande, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 30 Il plaça la cuve entre la tente de la Rencontre et l’autel et il y mit de l’eau pour les ablutions ; 31 Moïse, Aaron et ses fils s’y lavèrent les mains et les pieds ; 32 lorsqu’ils
entraient dans la tente et qu’ils s’approchaient de l’autel, ils se lavaient,
comme l’Éternel l’avait ordonné à Moise. 33 Il dressa le parvis autour du tabernacle et de l’autel et mit le rideau à la porte du parvis. Ce fut ainsi que Moïse acheva l’ouvrage.
En sortant du lieu très saint, nous sommes « en dehors du voile » (40.22) qui porte les effigies de chérubins, Là encore pour rappeler que personne n’accède à Dieu sans un passe spécial. Ce voile symbolise à la fois la séparation d’avec un Dieu saint et le corps du Christ déchiré pour nous, lorsqu’il se rompra justement à la mort du Christ. Au-delà du voile, dans cette autre partie de la tente, se trouvent trois objets :
● Côté nord, la table des pains : ces pains n’étaient pas offerts à Dieu — comme on le voit dans les temples orientaux — mais présentés puis mangés ensuite par les prêtres. Dieu nourrit les siens !
● Côté sud, le chandelier: chaque jour, les prêtres remplissaient le chandelier d’huile qui devait brûler perpétuellement pour éclairer l’intérieur de la tente. Dieu éclaire les siens !
● Juste devant le voile, l’autel d’or pour le parfum: il recevait les braises utilisées pour les sacrifices offerts à l’extérieur de la tente et sur ces braises, les prêtres répandaient de l’encens. Dieu entend les siens !
Ces éléments sont d’abord des symboles du Messie en personne :
● Le pain annonce Jésus, le « pain de vie » (Jean 6.33-34,48,51). Nous vivons de Christ, de son sacrifice, de sa Parole. Notre subsistance est entièrement dépendante de cette connexion vitale à Christ. Dieu nous nourrit.
● Le chandelier aussi annonce Jésus,
« la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme » (Jean 1.9). Jésus s’exclame : « Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. […] Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jean 8.12, 9.5). Dieu nous éclaire.
● L’autel d’or annonce Jésus, le prêtre par excellence qui prie et intercède pour nous (cf. Jean 17 ; Héb 7.25). Dieu nous entend.
Ces éléments évoquent aussi l’Église :
● Le pain que nous mangeons est le signe que nous formons un seul corps. Nous tirons notre subsistance spirituelle du Christ et nous mangeons à sa table dès maintenant et pour l’éternité.
● Jésus est celui qui marche au milieu des sept chandeliers qui « sont les sept églises » (Apoc 1.20 ; 2.1). Tout comme Israël devait être lumière des nations (És 49.10), nous sommes « la lumière du monde » (Mat 5.14).
● L’encens reflète la prière des saints (Ps 141.2 ; Apoc 5.8).
Il y a là une forme extraordinaire d’emboîtement qui va des objets qui typifient Christ, à la personne même du Christ qui accomplit ce que les objets prédisent et signifient, et qui représentent aussi le monde des disciples vivant en Christ et pour Christ.
En sortant de la tente proprement dite, nous arrivons sur le parvis où se trouvent deux objets principaux :
● l’autel en bois d’acacia couvert de bronze où les sacrifices étaient offerts,
● la cuve en bronze utilisée pour diverses ablutions.
Dieu n’a pas seulement prévu notre justification initiale (l’autel), mais tout ce qui est lié à la purification quotidienne (la cuve). Ce duo justification – sanctification est d’ailleurs présent tout au long de l’Écriture : le sacrifice de l’agneau pascal était suivi par la période des pains sans levain ; Pierre (2 Pi 1.5-6) et Paul (Tite 2.11-13) rappellent souvent ce schéma
et c’est cette leçon que nous présente Jésus-Christ lorsqu’il lave les pieds de ses disciples, après le repas de Pâques (Jean 13.7- 9). Lorsque Dieu nous accorde le salut et que nous croyons, nous sommes justifiés, à jamais. Mais nous péchons et nous avons besoin que Christ nous purifie nos fautes du jour.
4.Dieu conduit son peuple (40.34-38)
34 Alors la nuée couvrit la tente de la Rencontre, et la gloire de l’Éternel remplit le tabernacle. 35 Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente de la Rencontre, parce que la nuée demeurait sur elle, et que la gloire de l’Éternel remplissait le tabernacle. 36 Quand la nuée s’élevait de dessus le tabernacle, les Israélites partaient à chacune de leurs étapes. 37 Si la nuée ne s’élevait pas, ils ne partaient pas, jusqu’au jour où elle s’élevait. 38 La nuée de l’Éternel était de jour sur le tabernacle ; et de nuit, il y avait un feu, aux yeux de toute la maison d’Israël, à chacune de leurs étapes.
Lorsque tout est prêt, Dieu manifeste sa présence, glorieuse, puissante, impressionnante. Après tant de souffrances, d’émotions, d’efforts, de rebondissements, le travail est achevé et Dieu se manifeste.
L’ambition initiale de la création où les humains vivaient avec Dieu est partiellement réalisée. Elle connaîtra un accomplissement remarquable dans l’Église où Dieu fait de nous son temple, nous qui avons les arrhes de l’Esprit. Elle annonce l’ambition future où nous habiterons avec Dieu éternellement.
Partout où la nuée se déplaçait, le peuple la suivait. Une coordination assez lourde en résultait : les trois grandes familles de Lévites avaient chacune un rôle à jouer pour démonter et remonter différentes parties du mobilier pendant leur pérégrination (Nom 4). Nous qui formons un royaume de prêtres et de sacrificateurs, nous sommes également appelés à ce service : suivre Dieu là où il conduit son Église, l’adorer en esprit et en vérité tels que le préfigurent les rites et les services du tabernacle. Parfois notre service nous semble insignifiant : un cumul de petites choses qui ne changent pas forcément le monde. Mais là où Dieu se plaît à se mouvoir, là est notre service. Dieu ne nous demande pas de changer le monde, mais d’être fidèles dans le peu qu’il nous confie. Et si tous les chrétiens le font, un grand nombre de « peu » fait « beaucoup » ! (Cf. 1 Cor 12.7 ; 1 Pi 4.10).
J’aurais aimé vivre la venue de Dieu en personne sur cette tente ! De même j’aurais aimé vivre avec les disciples du Christ la transfiguration (Mat 17.2). Mais l’apôtre Pierre, après avoir souligné qu’il a été témoin visuel de la majesté de Christ, nous dit que nous avons quelque chose de plus sûre encore qu’une quelconque expérience humaine, y compris la plus sublime comme celle d’une rencontre avec le Seigneur : la Parole de Dieu (2 Pi 1.18- 21). Ce document écrit nous permet de rencontrer Dieu, tel qu’il s’est révélé.
Dieu n’abandonne jamais les siens…
En conclusion, trois éléments de l’Exode doivent profondément nous rassurer sur le fait que Dieu ne nous abandonnera jamais.
a. La trajectoire existentielle
On dit parfois qu’une vie a un fondement solide si l’on sait d’où on vient, qui on est et où on va. Dieu l’a donné aux Israélites :
- D’où viennent-ils ? De l’esclavage en Égypte. Impossible de commencer plus bas dans l’échelle humaine !« Dans un monde où les dieux avaient tendance à accorder leur faveur aux puissants et aux concurrents, une marque distinctive de celui d’Israël est qu’il avait jeté son dévolu sur des esclaves. La mémoire de la façon dont il avait libéré leurs ancêtres ne cesserait d’être entretenue par les juifs ; tel un nuage le jour ou un feu la nuit, il s’était clairement tenu plus près d’eux qu’à n’importe quel moment de leurs péripéties passées ou futures. » (Tom Holland)
- Qui sont-ils ? Un royaume de prêtres (Ex 6). Un petit peuple… grandi au rang de « lumière des nations » (cf. És 42.6 ; 49.6).
- Où vont-ils ? Vers une terre promise à Abraham cinq siècles auparavant.
Ce périple est aussi celui du Christ, par association
● Il vient de Galilée, le coin le plus méprisé d’Israël.
● Il est le Fils de Dieu, prophète, prêtre, et roi, la lumière du monde.
● Il a réalisé et achevé ce que le culte de l’Exode annonçait et il est à la droite du Père, dans un ciel maintenant ouvert.
Enfin ce périple est aussi celui du chrétien, par association :
● Nous venons de l’esclavage du péché et du diable. Nous commençons aussi tout en bas de l’échelle ! Et Christ nous a libérés.
● Nous sommes « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui [nous] a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2.9). Malgré nos imperfections et nos souffrances, nos chutes et nos succès, nous sommes transformés de gloire en gloire.
● Notre destinée est toute aussi sûre : Jésus nous prépare une place pour l’éternité.
Le point de contact
Le peuple est en voyage et, de façon touchante, Dieu demande qu’on lui fabrique une tente pour y habiter ! Chaque fois que Dieu se révèle, il communique de façon adaptée et com-
préhensible aux personnes qu’il entend toucher.
Le Fils de Dieu nous rejoint avec compréhension et compassion. Il a connu détresses, deuils, frustrations, colères… Il a été tenté en tout point comme
nous: « Nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses ; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans [commettre de] péché » (Héb 4.15).
c. Le repas du Seigneur
Le culte de l’Ancien Testament préfigure le sacrifice de Christ. Sacrifice que Jésus nous a demandé de célébrer lorsqu’il prend part au repas de la Pâques avec ses disciples. À cette occasion, Christ effectua une forme
de triple action qui illustre les trois aspects de notre salut :
● Hier : une rédemption — la cène avec le pain et le vin.
● Aujourd’hui : une sanctification — le lavage des pieds.
● Demain : une glorification
— le repas de communion.
Tout est accompli. Dieu ne nous abandonnera jamais
et nous célébrons avec le repas du Seigneur son salut complet et global. L’Exode se termine sur cette présence vivifiante de Dieu qui est avec nous comme il le fut autrefois avec son peuple — mieux encore puisqu’il habite en nous par son Esprit.
- Les citations sont tirées de la Nouvelle version Segond révisée 1978, dite « à la Colombe ».
- Le mot officiel est « tabernacle » (michkan). Le mot fait son apparition en Exode 9. Il est lié au verbe « demeurer » et n’a pas de connotation sacrée à la base : il peut désigner une simple tente de bergers (Cant 1.8).
- Flavius Josèphe, Antiquités, 3, VII,
- Nisus, Pour une foi réfléchie, La Maison de la Bible, 2011, p. 488.
Dieu est-il au contrôle de notre monde et de son histoire ? C’est une pensée troublante quand on
considère l’histoire tourmentée des hommes… Dieu s’est-il laissé dépasser par les événements ou les a-t-il contrôlés ? Quand un ange a l’orgueil de se rebeller contre lui et devient Satan ?
Quand Ève prend un fruit interdit, devant Adam qui ne dit rien ? Quand Nebucadnetsar dévaste le royaume de Juda et emporte l’élite du peuple en captivité ? Quand Néron brûle les chrétiens de Rome ? Quand la peste noire emporte 70 à 100 millions d’hommes au XIVe siècle ? Quand Hitler fait tuer des millions de Juifs ? Quand un tsunami fait 230 000 morts en 2004 ?
Aux yeux des hommes, Dieu n’est jamais sur le podium pour les belles choses de la vie, mais il est toujours sur le banc des accusés pour toutes ces calamités. Une dissymétrie qui en dit long sur le cœur humain.
Pourtant, le prophète Ésaïe nous présente un Dieu qui règne de façon absolue. Contrairement aux idoles de bois qui ne contrôlent que par l’imagination qu’elles suscitent. Dieu règne.
Il contrôle.
1. Dieu contrôle tout selon ce qu’il est (46.9)
Souvenez-vous des premiers événements ; car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre, je suis Dieu, et rien n’est semblable à moi.
Dieu est. Il exerce son règne selon sa nature, selon ce qu’il est. Chacune de ses décisions, chacun de ses actes s’exprime selon l’ensemble de ses attributs : il exerce sa souveraineté avec sainteté, avec justice, avec amour, avec patience, avec bienveillance, avec colère…
Dieu agit ainsi très différemment de nous : si je suis irrité, le peu d’amour que j’ai dans le cœur s’éloigne très vite de moi. En sorte que mon irritation n’est pas juste, parce qu’elle est égoïste et dénuée d’amour. À l’inverse, quand Dieu exprime son jugement, ou quand Dieu décrète ou permet un événement tragique, ce n’est jamais sans lien avec d’autres attributs de sa personne, à savoir l’amour, la volonté de sauver, la sagesse, etc.
Le verset 9 nous exhorte à considérer « les premiers événements ». Nous devons méditer sur les œuvres passées de Dieu — notamment quand la vie est dure — pour être émerveillés par la manifestation de sa souveraineté.
Ce que Dieu a réalisé dans le passé ne peut que nous éblouir. Noé, Lot, Rahab, Ruth, etc., dans leurs épreuves, ont bénéficié de la grâce de Dieu qui s’alliait à sa puissance et à sa souveraineté. Dieu est le même. Son caractère n’évolue pas et ne change pas. Ses attributs restent identiques dans ses jugements comme dans ses actes de sauvetage.
Voilà un bon thème de culte personnel : se souvenir des actes rédempteurs de Dieu dans l’histoire, puis basculer sur les actes rédempteurs de Dieu dans notre histoire personnelle.
Ésaïe enchaîne avec plusieurs qualités qui sont propres à Dieu :
● Il « est » (« Car je suis Dieu »). Son existence est indépendante de toute autre, à l’inverse de
la création qui elle, est dépendante. Dieu ne l’est pas. Il n’a ni commencement ni fin.
● Il est « autre » (« Et il n’y en a point d’autre »). Dieu est unique en son genre et personne n’entre en compétition avec lui. Dieu n’a pas de rival — pas même Satan qu’il contrôle.
● Il est incomparable (« Rien n’est semblable à moi »). Tout ce que nous pouvons formuler au sujet de Dieu restera partiel, car il n’existe aucune comparaison adéquate. Les théologiens parlent de l’incompréhensibilité de Dieu… Il nous dépasse dans son être, sa volonté, et ses œuvres. Personne ne peut avoir une perspective complète sur Dieu.
En contemplant la souveraineté de Dieu, la première attitude qui nous convient est l’humilité !
Nous devons saisir, par la foi, que la souveraineté de Dieu s’exprime d’une manière intelligente, parce que Dieu est intelligent, d’une manière aimante, parce que Dieu est aimant, d’une manière juste, parce que Dieu est juste, etc. Mais sans que l’on puisse nécessairement le comprendre parce
qu’il est au-delà de toute compréhension exhaustive. Toutefois, je peux le connaître — tout comme je connais ma femme, mais je ne la comprends pas toujours !
2. Dieu contrôle tout selon son projet (46.10)
J’annonce dès le commencement ce qui vient par la suite et longtemps d’avance ce qui n’est pas encore accompli. Je dis : mon projet tiendra bon, et j’exécuterai tout ce que je désire.
Le début du verset 10 évoque son omniscience sur tous les événements futurs. La fin du verset affirme qu’il a la puissance d’accomplir ce qu’il veut réaliser. Les verbes ne laissent aucune ambiguïté sur l’activité de Dieu : il annonce, il dit, il appelle. Il est au contrôle !
Face aux tenants du « théisme ouvert » qui enseignent que Dieu autolimite sa puissance et son omniscience par amour, pour laisser une authentique liberté aux humains, Bruce Ware observe : « Il n’y a pas moins de neuf sections distinctes en Ésaïe 40 à 48, répétées de différentes manières, mais clairement pour relever un même objectif : le Dieu véritable et vivant, contrairement aux faux dieux imposteurs, se reconnaît comme le Dieu véritable parce que lui seul peut annoncer avec exactitude ce que le futur sera. » 29 Pour Ésaïe, le théisme ouvert est une juste description des idoles. Pas de Dieu. À l’inverse des idoles, ce que Dieu décrète, il l’accomplit. Il a dit qu’une femme enfanterait celui qui écraserait le diable — et il l’a fait : la vierge a enfanté un fils. Il a dit que son serviteur payerait pour les péchés des hommes — et il l’a fait : Jésus est mort
pour nous. Il a dit qu’il ne laisserait pas son Saint voir la corruption et qu’il serait délivré de la tombe — et il l’a fait : Jésus est ressuscité.
Notre vision de Dieu est souvent binaire :
– soit il est le joueur d’échec qui déplace les pièces sur l’échiquier,
– soit il est le bon grand-père débordé par les enfants qui jouent dans le parc.
Mais cela va à l’encontre du premier point que j’ai souligné : aucune comparaison n’est possible. Il n’est ni le grand-père ni le joueur d’échec !
Oui, Dieu contrôle tout. En reprenant les termes d’Éphésiens 1.11, il est celui qui « opère tout selon la décision de sa volonté ». Et tout ceci est fondé sur sa souveraineté absolue. Dieu est capable d’accomplir ce qu’il désire et n’est pas limité dans son pouvoir :
● « Notre Dieu est au ciel. Il fait tout ce qu’il veut » (Ps 115.3).
● « Tout est possible à Dieu. » (Mat 19.26) ou « Rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1.37).
● « Tout ce que l’Éternel veut, il le fait, dans les cieux et sur la terre, dans les mers et dans les abîmes » (Ps 35.6).
Oui, assurément, Dieu « exécutera tout ce qu’il désire » (cf. 46.10).
3. Dieu contrôle tout selon sa providence (46.11)
J’appelle de l’orient un oiseau de proie, d’une terre lointaine l’homme qui accomplira mes projets, ce que j’ai dit, je le fais arriver ; ce que j’ai conçu, je l’exécute.
La manière dont Dieu règne est complexe et compliquée ! Ici Ésaïe nous dit que Dieu est la cause première, mais non la cause intermédiaire. L’« oiseau de proie » qui vient de l’orient est une référence à peine voilée à Cyrus, ce roi perse, dont l’étendard était un aigle. Longtemps avant qu’il ne surgisse sur la scène de l’histoire, Dieu dit qu’il viendrait, et qu’il accomplirait son projet — à savoir :
● la conquête de Babylone, l’adversaire d’Israël,
● la libération d’Israël de la captivité et la reconstruction du Temple.
Mais comment Dieu a-t-il conduit Cyrus à venir inverser l’œuvre de Nebucadnetsar ? Jérémie dit à propos de ce dernier : « Tu as été pour moi un marteau, des armes de guerre. J’ai martelé par toi des nations, J’ai détruit par toi des royaumes » (Jér 51.20). Puis il ajoute : « Je rendrai à Babylone et à tous les habitants de la Chaldée tout le mal qu’ils ont fait à Sion sous vos yeux — Oracle de l’Éternel » (Jér 51.24).
L’analogie du joueur d’échecs tombe à l’eau : si Dieu est cause ultime de l’action de Nebucadnetsar, ce dernier reste pleinement responsable de ses actes. En sorte que le contrôle de Dieu est compatible avec la responsabilité de Nebucadnetsar. Dieu a-t-il forcé la main de Nebucadnetsar pour agir contre Israël ? Je suggère l’inverse : Dieu a plutôt relâché son contrôle pour livrer Nebucadnetsar à ses penchants naturels.
Une clé importante pour comprendre la souveraineté divine est de réaliser que cette souveraineté œuvre pour éviter le pire. Les gens s’offusquent de ce que Dieu contrôle toute chose — mais je dis l’inverse ! Heureusement que Dieu est au contrôle, notamment pour tempérer les ardeurs pécheresses de l’homme. Par son règne, Dieu réduit l’expression du mal. Le problème n’est pas la souveraineté contraignante de Dieu ; le problème vient quand il enlève sa contrainte sur l’humanité
(cf. Rom 1.24,26,28 ; 2 Th 2.6). C’est une expression de sa bienveillance, de la grâce commune, que
notre humanité ne se dévore pas davantage ! C’est une expression de son amour quand la terre ne s’effondre pas en tremblements de terre et en ouragans constants.
Que Dieu contrôle toutes choses ne signifie qu’il appuie sur les boutons d’automates. Il agit selon les lois naturelles, les lois psychologiques, les circonstances, etc.
Nulle part mieux que lors de la crucifixion de notre Seigneur Jésus, ne sont visibles la souveraineté providentielle de Dieu et la responsabilité humaine : « En vérité, contre ton saint serviteur Jésus, à qui tu as donné l’onction, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués, dans cette ville, avec les nations et avec les peuples d’Israël, pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient déterminé d’avance »
(Act 4.27-28).
4. Dieu contrôle tout selon son plan de salut (46.12-13)
Écoutez-moi, gens endurcis de cœur, si éloignés de la justice ! je fais approcher ma justice : elle n’est pas loin, et mon salut : il ne tardera pas. Je mettrai le salut en Sion, pour Israël, ma parure.
Le contrôle de Dieu s’exerce selon un axe rédempteur. Il contrôle toutes choses en vue d’accomplir un objectif : « que nous servions à célébrer sa gloire » (Éph 1.12). Dieu appelle à lui les élus de tous les temps, de toute nation. Et Dieu pèse sur l’histoire en sorte que tous ceux et toutes celles qui sont destinés à la vie éternelle entendent la proclamation de l’Évangile et soient sauvés (cf. Act 13.48).
Ésaïe annonce que la justice vient. Il suffit de lire Ésaïe 53 pour voir à quoi ressemble cette justice : un serviteur souffrant qui vient justifier ses enfants par sa mort expiatoire. Oui, son salut n’a pas tardé. John MacArthur a observé qu’il y avait beaucoup plus de conversions après des tremblements de terre. Comme quoi, la souveraineté de Dieu dans son appel est médiée par des événements très terrestres !
L’entrée dans le royaume de Dieu varie d’un homme qui toute sa vie cherche la perle rare à celui qui tombe sur un trésor sans l’avoir cherché (cf. Mat 13.44-45).
En sorte que nous ne pouvons pas nous dire : « Je ne fais rien puisque Dieu règne. » À l’inverse, parce que Dieu règne, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour aimer ceux qui m’entourent et pour que le commandement de l’Évangile retentisse à toutes les oreilles !
Nous sommes devant le Seigneur :
● transgresseurs de sa loi : coupables devant sa sainteté,
● souillés et honteux : exclus de sa présence,
● apeurés et crispés : voués à des forces qui nous dépassent.
Mais, souverainement, en Jésus-Christ :
● Dieu accorde le pardon : « Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Cor 5.21).
● Dieu accorde l’honneur : « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant malédiction pour nous, puisqu’il est écrit : Tout homme pendu au bois est maudit » (Gal 3.13).
● Dieu accorde la victoire : « Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, lui aussi, d’une manière semblable y a participé, afin d’écraser par sa mort celui qui détenait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et de délivrer tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans l’esclavage » (Héb 2.14-15).
Le règne de Dieu est bon, son contrôle est intelligent, son action est rédemptrice — même si elle nous dépasse.
Conclusion
Nous avons besoin de cet te transcendance majestueuse et souveraine, source d’espoir. N’abandonnons pas la notion de la souveraineté de Dieu. Elle est précieuse. Même dans nos chutes, Dieu exerce son règne. Jésus prévient Pierre, qui allait pécher, que, même en cela, il était sous l’autorisation de Dieu : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé.
Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et toi, quand tu seras revenu à moi affermis tes frères » (Luc 22.31-32). Quelques jours plus tard, il lui adressera cette question : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? » (Jean 21.15-17). Nos vies tout entières sont dans sa main.
Dieu permet, Dieu décrète. Son règne est mystérieux, mais bien réel.
Terminons en citant la Confession de foi dite de La Rochelle (1559) :
« Ainsi, en confessant que rien ne se fait sans la providence de Dieu, nous adorons avec humilité les secrets qui nous sont cachés, sans nous poser de questions qui nous dépassent. Au contraire, nous appliquons à notre usage personnel ce que l’Écriture sainte nous enseigne pour être en repos et en sécurité ; car Dieu, à qui toutes choses sont soumises, veille sur nous d’un soin si paternel qu’il ne tombera pas un cheveu de notre tête sans sa volonté. Ce faisant, il tient en bride les démons et tous nos ennemis, de sorte qu’ils ne peuvent nous faire le moindre mal sans sa permission. » ■
Définition de l’abus
Le terme « abus » vient du latin abusus qui signifie « mauvais usage ». Il désigne le mauvais emploi, l’emploi excessif de quelque chose. Dans le domaine social, cette notion rejoint celle de l’injustice.
L’abus spirituel a été défini ainsi : « C’est le mauvais traitement infligé à une personne ayant besoin d’aide, d’encouragement et de soutien — traitement qui, au contraire, contribuera à affaiblir ou détruire sa vie spirituelle.30 »
C’est intéressant, mais cette définition est trop centrée sur l’expérience de l’individu abusé. Certaines personnes sont des hypersensibles qui sont trop facilement blessées ! Le sentiment d’être maltraité ne légitime pas forcément la qualification d’abus.
Je dirais donc qu’un abus est avant tout un péché commis sur autrui, notamment par un responsable d’Église. C’est l’Écriture qui doit définir ce qu’est ce péché, qu’il soit intentionnel ou pas, et c’est par ce biais que doit être évalué l’abuseur.
L’abus spirituel, au-delà de sa laideur intrinsèque, démotive et déresponsabilise ceux et celles qui en sont victimes. Bien souvent, cette perte de zèle s’accompagne d’une vraie tristesse, d’une dévalorisation de soi.
Le cadre spirituel général dans une Église
Le cadre suivant présente les éléments d’un code de conduite susceptible d’éviter une situation d’abus spirituel.
L’autorité est en Dieu seul
Dieu œuvre à tout réunir sous un seul chef, le Christ (Éph 1.9-10), qui est le chef suprême de l’Église (Éph 1.22 ; Col 1.18).
Ainsi, toute autorité humaine n’est que délégation et ceux qui la reçoivent en rendront compte à Dieu. Une telle délégation présuppose un cadre, des tâches spécifiques et des limites (cf. Mat 28.18-20 ; Héb 13.17). Prétendre posséder une autorité « de la part du Seigneur » pour parler à d’autres en dehors de ce cadre peut être une forme d’abus spirituel.
Le responsable a une obligation de moyens
La manière dont un responsable se comporte est plus importante que le résultat de son service. Il a une exigence de moyens mais pas de résultat — il ne doit pas changer sa manière de faire (douceur, enseignement) pour tenter d’obtenir un meilleur résultat (en utilisant, par exemple, la manipulation ou la menace).
Des comportements dénoncés ou encouragés dans l’Écriture forment un socle utile pour comprendre ce que peut être l’abus spirituel :
Jésus dénonce l’hypocrisie des religieux : ils préfèrent leurs propres traditions à l’autorité de l’Écriture (Mat 15.1-9) ; ils disent mais ne font pas, exigent beaucoup des autres, cherchent à être admirés, exigent d’être appelés par leur titre, profitent financièrement des gens vulnérables, ne savent pas distinguer le secondaire de l’essentiel, notamment « le droit, la miséricorde et la fidélité », et sont incapables de reconnaître leur corruption intérieure (Mat 23).
Paul demande au serviteur de Dieu de ne pas avoir de querelles, et de montrer de la bienveillance envers tous, y compris les adversaires qu’il doit reprendre avec douceur ; il compte sur l’œuvre de Dieu qui est toujours à l’origine de toute repentance authentique (2 Tim 2.24-26).
Pierre exhorte les anciens à s’occuper de l’Église de bon cœur, sans aigreur, sans chercher à profiter de cette charge, sans menacer ou dominer, sans revendiquer leur statut, mais en étant surtout un exemple pour ceux que Dieu lui confie, en manifestant un esprit humble qui attend du Seigneur l’ultime approbation de son travail (1 Pi 5.1-5).
Pierre, Jean, Jude et Paul mettent aussi l’accent sur la protection de l’Église face aux loups et aux diviseurs (1 Jean 4.1 ; 2 Cor 11.14 ; Tite 1.10 ; 3.10-11 ; Jude 1.4,18 ; cf. Apoc 2.18).
1 Corinthiens 13 met en avant la prévalence de l’amour dans l’exercice des dons spirituels. Pierre fait de même (1 Pi 4.7-11). Aucun talent (enseignement, exhortation, conseil, etc.) n’a de valeur en l’absence d’amour.
L’exercice du ministère sans bienveillance ni paix est une forme d’abus spirituel.
Les chrétiens ont une exigence de soumission réciproque
Le N.T. contient aussi beaucoup d’exhortations sur la qualité relationnelle qui doit régner dans l’église :
• Toute l’Église doit vivre sous le principe d’une soumission mutuelle (Éph 5.21). Dans un certain sens, nous sommes chacun à la fois en position de leadership et en position de suiveur, y compris les pasteurs.
• Matthieu 18.15-20 place chaque disciple devant l’obligation d’être le gardien de son frère, quitte à demander l’arbitrage de la communauté. Et s’il n’écoute pas, d’être entouré de gens qui pourront arbitrer lorsqu’un avis adverse est exprimé. Galates 6.1-5 exhorte chacun à exercer de la douceur lorsqu’un frère défaille.
• Les relations dans l’église doivent être empreintes de douceur et viser l’unité (Phil 2 ; Col 3-4 ; Éph 4-6, etc.)
L’ambiance et la santé d’une église dépendent de la contribution de tous, et non de la seule expression du leadership de ses responsables.
Les chrétiens ont un devoir de respect envers les responsables
La Bible enseigne le principe du respect des responsables : « Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis. Car ils veillent au bien de vos âmes, dont ils devront rendre compte. Faites-en sorte qu’ils puissent le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne serait pas à votre avantage » (Héb 13.17 version Segond 21). Le choix de respecter et de suivre les responsables est propre au disciple (personne ne lui impose cette attitude).
Cette attitude est reprise dans plusieurs passages du N.T. (1 Thes 5.12-13 ; 2 Thes 3.14 ; 1 Cor 16.16 ; 1 Pi 5.5). Un comportement d’opposition et de rejet, de non-remise en cause de soi, est une forme d’abus spirituel inverse, envers les responsables.
En résumé, il y a bien dans les Églises des hommes et des femmes censés conduire les assemblées. Ceux-ci doivent s’acquitter de cette tâche avec bienveillance, conscients qu’ils ne font que servir ceux que Christ a rachetés. Ils devront rendre compte de leur service (Héb 13.17). Les membres des Églises doivent encourager ce service, tout en restant attentifs à ne pas se laisser entraîner par des attitudes ou des comportements coupables de responsables abusifs. Ensemble, l’Église porte la responsabilité de l’édification mutuelle, portée par l’Esprit Saint (cf. 1 Cor 12.7 ; 1 Pi 4.10-11).
Synthèse sur les abus spirituels
La pastorale de notre union d’Églises a conclu qu’il y a abus spirituel lorsqu’une personne (notamment un responsable) agit contrairement aux principes bibliques évoqués (particulièrement si c’est répétitif), notamment par un comportement :
• sans maturité spirituelle (c’est-à-dire sans un esprit de paix, de conciliation, de douceur, de patience et de vérité, etc.) ;
• ou sans exemplarité minimale (elle est empêtrée dans les comportements qu’elle dénonce) ;
• en exerçant une pression psychologique inacceptable (que ce soit par menaces, harcèlements, ton de la voix, contexte inapproprié, etc.) ;
• sur un groupe ou sur une personne (rencontre individuelle ou de groupe) ;
• en détruisant l’autonomie humaine, psychologique et spirituelle d’une personne ou d’un groupe (sans faciliter une prise de conscience de l’intéressé ou une discussion collective) ;
• en sorte que les décisions ou orientations d’une personne ou d’un groupe sont verrouillées (sans discussion ni avancements possibles en dehors des directives de l’abuseur) ;
• et ne viennent pas du cœur de l’individu ou du groupe concerné.
Il n’y a pas abus spirituel, lorsqu’une personne (même un responsable) rappelle les vérités morales ou théologiques de la Bible :
• avec respect et douceur ;
• jusqu’à demander la repentance et le changement ;
• même si cela aboutit à une discipline d’Église (cf. Mat 18) ;
• en restant toujours ouvert à être repris par d’autres (et notamment par d’autres responsables).
Le service du responsable doit donc s’exercer :
1. par l’exemple,
2. avec amour et douceur,
3. dans l’humilité,
4. en étant fidèle à la Bible,
5. en évitant les conflits,
6. en protégeant l’Église des « loups »,
7. en comptant sur Dieu.
Le comportement d’un chrétien doit être bienveillant, viser l’unité et l’encouragement réciproque. Il doit faciliter le ministère des responsables par une attitude constructive et respectueuse.
Pour prévenir les abus spirituels, il est nécessaire de créer une culture d’Église spirituellement équilibrée :
• Une ambiance de grâce : prédication, conseil, dialogue doivent exprimer que Christ est le seul héros de la Bible, et que le pécheur trouve un secours réel auprès de lui. Que personne n’est exempt de la difficulté du péché, et des luttes qu’elle génère.
• Une recherche sincère de sainteté : l’Église doit également être un groupe où l’on est encouragé à dépasser la médiocrité ambiante.
• Un environnement de transparence pour partager avec simplicité ses fardeaux ou ses manquements au sein de petits groupes qui se respectent suffisamment pour maintenir la confidentialité.
• Une culture d’encouragement réciproque : apprendre à donner et à recevoir des conseils. Apprendre à juger de l’intérêt d’en donner ou non, ou d’écouter ou non tel conseil !
1. Un réconfort :
Dieu m’a élu avant que le monde existe. Quel encouragement et quelle assurance extraordinaires quand je vois la réalité de mon cœur, ses méandres, ses difficultés, sa complexité à vivre la foi chrétienne. Je n’ai aucun mérite, je ne peux que recevoir une grâce qui m’est donnée librement, gratuitement, parce que Dieu désire le faire ainsi : notre salut dépend de Dieu.
2. Une louange :
Je suis émerveillé par l’amour de Dieu pour moi, par le fait qu’il m’ait choisi. J’ose dire que, si j’étais Dieu, je ne me serais pas choisi. Mais Dieu a manifesté sa grande bienveillance envers moi, tel que je suis. À lui la gloire !
3. Une intercession active :
L’élection suscite une prière active pour ceux et celles qui nous entourent et ne connaissent pas encore Jésus-Christ. C’est précisément parce que nous croyons que Dieu œuvre dans les cœurs pour susciter la foi que nous lui demandons d’agir. Nous pouvons donc prier, intercéder pour tous les hommes et supplier Dieu d’intervenir.
4. Une évangélisation possible :
L’évangélisation n’est possible que parce que Dieu en est l’acteur principal. Comme nous ne savons pas qui Dieu a élu, il a décidé que nous serions les porte-paroles de son Évangile, en incarnant ses valeurs, en parlant de notre foi, et que cela attirerait un certain nombre d’individus — ceux-là mêmes que Dieu a destinés à la vie éternelle.
5. Des relations humaines saines :
Je peux aimer très librement mon voisin, mon prochain, mes connaissances, qui ne sont pas chrétiens, parce que je sais que ce n’est pas en faisant pression sur eux qu’ils viendront au Seigneur. Je vais bien sûr saisir toutes les opportunités pour être témoin de Christ, mais sans la tension intérieure qui me rendrait responsable de leur salut.
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