PROMESSES

« Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour se montrer aux hommes. En vérité je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Mais toi quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le lieu secret, et ton Père qui est dans le secret te le rendra.

En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez.

Voici donc comment vous devez prier :
Notre Père qui es aux cieux !
Que ton nom soit sanctifié.
Que ton règne vienne.
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien.
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Ne nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-nous du Malin.
Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles,
Le règne, la puissance et la gloire.
Amen ! »

Matthieu 6.5-15

La prière est sobre, succincte et simple. Nous allons l’étudier sous 3 aspects.
1. s’approcher du Père
2. l’adoration
3. les requêtes personnelles.

S’approcher du Père

Retenons tout d’abord que la prière est peut-être l’activité la plus élevée de l’âme humaine. L’homme du monde n’en sait rien. Tout est plus facile que la prière. Pourtant elle est notre plus grand besoin.

Le « Notre Père » est évidemment un modèle : son contenu couvre tous les éléments sous leur forme essentielle ; Jésus nous apprend comment, et de quelle manière prier. Cela n’exclut pas que le « Notre Père » puisse être prié en communauté par tous en même temps, mais seulement de façon exceptionnelle, pour éviter qu’il ne soit récité mécaniquement, comme je l’ai vécu dans une certaine église au Cameroun, où on le disait à toute allure plusieurs fois pendant le même culte.

Le fait que Jésus ait prié des nuits entières est une indication de la grande étendue de la prière. Le « Notre Père » est comme un squelette que nous devons habiller et qui contient des lignes directrices. On les retrouve dans la prière sacerdotale de Jean 17. Plus tard, Jésus a enseigné à prier « en son nom » ; nous pouvons nous adresser à Jésus directement.

Chaque prière, ou presque, dans la Bible commence par une invocation à Dieu. Job ne l’a pas fait. Ses malheurs étaient si énormes qu’il avait le sentiment que Dieu l’avait traité injustement. Avec le temps, il a compris qu’on ne parle pas ainsi avec Dieu. « Je mets la main sur ma bouche » (40.4). Étonnamment, prier commence par ne rien dire. Nous parlons à Dieu, et nous nous oublions nous-mêmes.

Nous invoquons Dieu par les mots « notre Père » parce qu’il est vraiment notre Père. Le monde croit en un Père de tous, et veut faire de tous les hommes des frères. Ce n’est pas ce que dit la Bible. Jésus a dit à certains Juifs très religieux que leur père était le diable et non pas Dieu (Jean 8.44). Dieu est le Père des seuls enfants de Dieu, qui, entre eux, sont véritablement des frères, étant de la famille de Dieu (Jean 1.12-13).

L’adoration

Elle suit l’invocation. Elle commence par Dieu et non par nous-mêmes. Elle consiste en trois demandes centrées sur Dieu :
   a) « Que ton nom soit sanctifié. »
   b) « Que ton règne vienne. »
   c) « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »

Quel est le sens de ces trois requêtes ?

a) « Que ton nom soit sanctifié »

On demande que Dieu soit respecté, vénéré, honoré parmi les hommes. Dieu s’était révélé aux Israélites sous plusieurs noms. En voici quelques-uns :
Yahvé = Je suis qui je suis : Dieu existe par lui-même ;
El Élohim indique sa puissance, sa domination ;
Yahvé Shalom : l’Éternel est notre paix;
Yahvé Tsébaoth : l’Éternel des Armées, qui se réfère toujours à Jésus dans l’A.T.

Cette première demande contient tous les noms de Dieu. Nous avons à magnifier son nom. Ne l’oublions pas : Dieu vient d’abord ! Il est la Personne la plus importante de l’univers. Et « notre Dieu est aussi un feu dévorant. » (Héb 12.29)

b) « Que ton règne vienne »

Le règne signifie le royaume.

1) Il est déjà venu avec Christ. « Si Dieu chasse les démons par Christ, le royaume est venu. » (Luc 11.20) C’est-à-dire : Christ exerce la puissance du royaume, la souveraineté de Dieu sur la terre.

2) Le royaume est maintenant présent en chaque croyant et donc dans l’Église.

3) Il est encore à venir. Jésus en a posé le fondement, et le royaume se constitue spirituellement. À sa venue, le royaume sera établi visiblement sur la terre. « Que ton règne (royaume) vienne » correspond en fait à demander le retour de Christ. Mais c’est aussi une prière missionnaire : que se répande l’Évangile du royaume. Nous hâtons l’avènement de ce jour (2 Pi 3.12).

c) « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »

C’est la conséquence logique de b), qui découle de a). « Comme au ciel » : où sa volonté est continuellement faite. Cet état sera aussi un fait sur la terre. Le ciel et la terre seront un: le royaume de Dieu.

Pourquoi rassembler ces trois demandes sous le terme général d’« adoration » ? Elles comprennent tout ce qui fait l’adoration : l’exaltation du nom de Dieu ; l’attente de sa souveraineté universellement reconnue et acceptée ; la totale soumission à toutes ses lois.

Les requêtes personnelles

Tous nos besoins fondamentaux y sont résumés. La vie entière est là :
– le pain = nos besoins matériels ;
– nos offenses/dettes = nos relations avec les autres et avec Dieu ;
– la tentation = la vie spirituelle.

a) Le corps

Le corps a de l’importance dans le royaume de Dieu. Dieu pourvoit à nos nécessités physiques. Même un moineau ne peut tomber à terre sans que Dieu ne le veuille. Même les cheveux de notre tête sont comptés, ce qui signifie qu’aucun détail de sa création n’échappe à Dieu. Seule la Bible parle ainsi de Dieu. Il est près de celui dont l’esprit est abattu, de celui qui se repent, de celui qui est humble. C’est là tout le miracle de la rédemption : le royaume de Dieu lié à mon pain quotidien !

Mais ici, attention : il s’agit de nos besoins élémentaires (la nourriture, les habits, etc.) et non d’articles de luxe. Quand le pasteur Yonggi-Cho (de Corée du Sud) demande à Dieu un bureau en acajou, une chaise à roulettes et « passe commande », je me permets de douter que ce soit Dieu qui ait exaucé cette demande. Non, Dieu nous promet seulement que nous aurons ce qu’il nous faut pour vivre. David peut dire : « J’ai été jeune, j’ai vieilli ; et je n’ai pas vu le juste abandonné, ni sa descendance mendiant son pain. » (Ps 37.25)

Certains disent : « Pourquoi demander à Dieu ce qu’il sait déjà ? », en se référant au v. 8 (« votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez »). Nous percevons ici le sens de la prière : c’est une relation de Père à enfant. Nous nous savons dépendants de lui et restons en contact avec lui. Dieu désire que nous lui parlions, comme nous le faisons à un père terrestre.

Voici une illustration : un père a déposé une grosse somme à la banque. Chaque fois que son fils a besoin d’argent, il lui faut un chèque signé par le père. En fait, Dieu désire que nous soyons conscients de notre entière dépendance de lui. Toute notre existence dépend de Dieu.

b) Le pardon

« Pardonne-nous nos offenses. » Pourquoi demander pardon, puisque nous sommes justifiés par la foi, donc entièrement pardonnés ? Dans Jean 13, Jésus démontre à ses disciples qu’ils sont purs, mais que la vie dans un monde souillé nécessite un lavage des pieds périodique. Seul l’enfant de Dieu, qui peut dire « mon Père », a ce privilège. Le pardon n’est pas accordé à n’importe qui, mais seulement à celui qui vient au Père au nom de Jésus-Christ. Jean nous rappelle que celui qui dit qu’il n’a pas de péché est un menteur, mais quand il pèche, s’il le confesse, il est pardonné et entièrement purifié (1 Jean 1.8-9).

«… comme (et non pas parce que) nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » L’original grec dit : « … comme nous avons pardonné… » Le pardon de Dieu ne dépend pas du nôtre ! Le pardon que nous accordons n’est pas une condition au pardon de Dieu. En fait, il va de soi que nous pardonnons, ayant reçu un pardon total par pure grâce. J’estime qu’il est impossible pour un enfant de Dieu de refuser de pardonner, surtout quand cela lui est demandé. S’il ne veut pas pardonner, il y a des chances qu’il ait mal saisi le sens du pardon que Dieu lui a accordé, ou même qu’il ne soit pas un enfant de Dieu.

Que penser alors des versets 14-15 ? « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi, mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes. » Si nous pardonnons, ce n’est pas un mérite qui achèterait notre pardon : ce dernier nous est accordé par pure grâce, au moyen de notre foi (relisons Éph 2.8-9). Alors comment comprendre ce texte ?

Au tribunal de Christ, nous devrons rendre compte de ce que nous aurons fait, en bien et en mal. Mis dans la balance du bien et du mal, le refus de pardonner diminuera la récompense que nous recevrons du Seigneur et, dans ce sens, ne sera donc pas pardonné.

c) La tentation

Le grec dit : « Ne nous mène pas dedans la tentation. » Le mot a aussi le sens d’ « épreuve ». Je paraphrase ainsi : « Ne permets pas que nous soyons mis dans une situation où Satan puisse nous tenter ou nous éprouver au delà de nos forces. » Voici une des dernières paroles de Jésus avant la croix, à Gethsémané : « Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation. » (Mat 26.41)

« Délivre-nous du Malin (du mal). » Il s’agit non seulement de Satan, mais du mal autour de nous et en nous. Le mal interrompt notre relation avec Dieu, que nous voudrions continue.

La doxologie est une conclusion parfaite de cette prière, car tout appartient à Dieu :

« Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles,
Le règne, la puissance et la gloire. Amen ! »


Le sermon sur la montagne

Matthieu 5.17-20

« Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.»

Une justice supérieure

Jésus a toujours été en complète harmonie avec l’Ancien Testament (A.T.). Mais de leur côté, les Pharisiens et les scribes le contredisaient fréquemment.

Jésus n’a pas seulement enseigné sa doctrine, il a aussi critiqué d’autres doctrines. Cette démarche va à l’encontre de la tendance actuelle : « Enseignons selon la Bible, mais ne critiquons pas d’autres opinions » (notez : on ne dit pas « doctrines »). Quant à nous, devons-nous renoncer à imiter Christ, par peur de devenir impopulaires ? L’ocuménisme en vogue actuellement doit-il nous amener à oublier que catholiques romains, orthodoxes, protestants libéraux ou même évangéliques peuvent se désigner comme « chrétiens », mais que des doctrines ou des pratiques pernicieuses peuvent se cacher derrière l’étiquette ?

Examinons l’expression « la loi et les prophètes ». On pense souvent que l’A.T. a mené l’enseignement de Dieu jusqu’à un certain point, puis que Jésus est venu et a complété cet enseignement. Non! Il l’a accompli, il l’a mis à exécution, il y a obéi en tous points, et il en a révélé le sens profond, le sens véritable. La Loi regarde vers Jésus, elle s’accomplit en lui, jusqu’au plus petit détail (chaque « iota »).

Voyons comment Jésus a accompli la Loi. Il est né sous la Loi. Il a été circoncis selon la Loi. Il a subi le châtiment prescrit par la Loi pour expier le péché du monde (1 Jean 2.2). Il accomplit aussi la Loi en et par nous, par l’action du Saint-Esprit.

Rappelons-nous qu’il y a trois développements de la Loi :

1. La Loi cérémonielle : elle a été totalement accomplie par Jésus, par sa vie entière, par sa mort, sa résurrection, son ascension. Et il y a eu confirmation de cette ouvre parfaite par la destruction du Temple, qui a mis fin à l’observation de la Loi cérémonielle.

2. La Loi juridique: elle était valable pour le peuple théocratique de Dieu. Comme celui-ci n’existe plus sous sa forme originelle, la Loi juridique, accomplie également,  n’est plus actuelle. Il y a un nouveau peuple, l’Église (Mat 21.43, 1 Pi 2.9-10).

3. La Loi morale: elle est permanente (le verset 19 se réfère à cette Loi); Jésus l’a résumée dans le plus grand commandement, qui doit régler notre relation avec Dieu et avec les hommes (Mat 22.37-40: l’amour pour Dieu et pour le prochain). Jésus l’a également accomplie à la perfection.

Le chrétien et la Loi.

Qu’en est-il de notre relation à la Loi de Dieu ? La réponse à cette question n’est pas claire pour beaucoup de chrétiens. Il faut retenir fermement que, pour nous, le salut ne dépend pas de l’obéissance à la Loi, qui n’a pas été donnée à l’homme pour le sauver, mais pour l’amener à Christ (Gal 3.24). Mais retenons tout aussi fermement que la grâce ne s’oppose pas à l’esprit de la Loi morale. La grâce signifie le pardon de tous nos péchés, et la régénération par le Saint-Esprit. Elle nous rend capables d’obéir à la Loi morale, qui est « juste et bonne » (Rom 7.12). La sainteté a pour but la justice, et tout le processus de notre sanctification consiste, pour nous qui avons été sanctifiés par l’ouvre de Christ, à apprendre à marcher continuellement selon l’esprit de la Loi (cf. verset 19). Dans Mat 7.21, Jésus dit que « seul [celui] qui fait la volonté de mon Père » entrera dans le royaume des cieux. Et quelle est cette volonté? La Loi morale exprimée en raccourci par les 10 commandements.

Verset 20: « Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.»

Jésus critique les théologiens reconnus et les autorités de son temps. Il montre que la sainteté ne dépend pas d’une simple profession extérieure : c’est une marche, c’est l’accomplissement de la Loi de Dieu dans l’expérience journalière.

Les Pharisiens allaient parfois au-delà des demandes de la Loi. Ainsi par exemple, ils demandaient de jeûner deux fois par semaine, alors que la Loi demandait un jeûne une fois par an ! Jésus a dénoncé certains de leurs travers:

1. Leur religion était purement extérieure et formelle, et non du coeur. Cette tendance  a-t-elle disparu ? C’est un devoir du vrai amour de dénoncer l’hypocrisie.

2. La Loi cérémonielle prenait le dessus sur la Loi morale. Certaines grandes églises font aujourd’hui exactement de même.

3. Les lois fabriquées par les Pharisiens violaient la Loi qu’ils prétendaient défendre. Marc 7.10-13 nous en donne un exemple : au lieu d’honorer leurs parents en les aidant financièrement, ils avaient inventé la loi du « qorbân » qui leur permettait de contourner le cinquième commandement.

4. Ils se préoccupaient premièrement de leur propre justice ; ils se glorifiaient eux-mêmes et non Dieu. On remplit un certain devoir, et on est bon : « Je te remercie de ne pas être comme ce pauvre pécheur. »

La condamnation ultime des scribes et des Pharisiens, c’est l’absence totale des caractéristiques décrites par les Béatitudes. Ce qui distingue le chrétien du Pharisien, c’est sa conscience d’être pauvre en esprit, c’est son humilité, sa miséricorde… Le chrétien n’est pas satisfait pour avoir observé un commandement, il a faim et soif de justice. Il aimerait ressembler à Jésus-Christ, ce à quoi il est en fait destiné : « Ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils. » (Rom 8.29) Le test est notre relation intime avec Dieu. C’est une attitude de coeur qui consiste à le connaître et à l’aimer toujours mieux.

En bref

Jésus enseigne que la démonstration normale que nous avons vraiment reçu la grâce de Dieu, c’est notre vie juste. C’est la foi prouvée par les oeuvres.


LE SERMON SUR LA MONTAGNE

Mat 5.13-16

« C’est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, avec quoi le salera-t-on? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. C’est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes et glorifient votre Père qui est aux cieux. »

Par les béatitudes, Jésus a décrit ce qui doit caractériser le chrétien dans le monde. Il continue par décrire quelle est la fonction du chrétien, comment il doit fonctionner dans le monde. Il doit être :

1. Le sel de la terre

Si la terre a besoin de sel, c’est qu’elle est fade et insipide. Jésus accentue le « vous », dans un monde qui est corrompu. Aucune philosophie, aucun système religieux, social, ou politique ne produit des hommes bons ; seul le chrétien est bon. Notons qu’il est dans le monde et non isolé. Il agit contre la putréfaction (le sel est antiseptique !). Et — surtout — il donne de la saveur. La vie sans Christ étant insipide, on recherche les plaisirs de la chair : au moins cela !

C’est un avertissement contre l’adaptation à l’environnement. Le chrétien doit oser affirmer les vérités et combattre les erreurs, les hérésies qui foisonnent autour de lui. Il annonce le salut en Christ seul, et la perdition éternelle sans Christ.

Il doit combattre l’œcuménisme, car il est inconcevable d’œuvrer, pour ne citer que cet exemple, avec l’église catholique romaine, dont certaines doctrines sont d’inspiration païenne, niant la seule médiation et la toute suffisance de Jésus-Christ. Il doit aussi rejeter le syncrétisme, qui s’imagine qu’il y a d’autres chemins vers Dieu que Christ seul. Le chrétien qui tombe dans l’œcuménisme et le syncrétisme a perdu sa saveur et n’est plus bon à rien.

2. La lumière du monde

De nouveau, le « vous » est accentué : seuls les chrétiens peuvent éclairer le monde, qui est dans les ténèbres. Le XVIIIe siècle est nommé « siècle des lumières » à tort, car c’est un siècle d’obscurantisme. La « haute critique » a multiplié les attaques contre la Bible, se permettant d’en contester l’autorité divine sans aucune base solide. Citons trois hommes dont les écrits ont contribué à obscurcir la vérité :

Voltaire (1694-1778) n’admet pas de Dieu personnel, bien que la raison (qui est le dieu des « lumières ») exige qu’il y ait une « intelligence supérieure ». Je cite Voltaire : « L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. » Sans admettre l’existence du Dieu personnel, il estime que croire en Dieu est cependant utile à la société.

Diderot (1713-1784) est athée. Il estime que l’idée de Dieu est impensable parce qu’incompatible avec l’existence du mal, et que croire en Dieu risque de dénaturer l’homme, d’être un obstacle à son bonheur. Pourtant Diderot est un moraliste ! Il a fait entrer ses idées dans sa célèbre Encyclopédie, imbue d’humanisme, qui déclare l’homme autonome.

Rousseau (1712-1778), au détriment de toute religion « révélée », prône une religion « naturelle » propre à chaque société. Selon lui, l’homme est bon mais a été corrompu par la société (ou civilisation) ; on se demande comment l’homme « bon » a pu causer la corruption de la société… Au contraire de Voltaire, qui se moque de Jésus, de sa naissance et sa mort expiatoire, Rousseau admire Jésus, mais sans croire en lui comme Fils de Dieu ou Sauveur.

Dans son ensemble, le « siècle des lumières » est un refus de la Bible comme révélation divine, et donc du Dieu et du salut qu’elle proclame en Christ. Un des résultats fut la fiction de l’évolution, dont Darwin fut l’interprète le plus influent avec son livre L’origine des espèces (1859), que tout scientifique sérieux, depuis la découverte des gènes, rejette aujourd’hui comme impossible — ce qui n’empêche pas que l’évolution soit encore enseignée dans les écoles. Le récit de la création dans Genèse 1 est abaissé au rang de légende et le hasard est élevé au rang de créateur (voilà à quelle absurdité aboutit l’incrédulité). Cela arrange tous ceux qui rejettent l’idée du Dieu créateur, parce que de telles positions les libèrent de toute responsabilité morale, puisqu’il n’y a de comptes à rendre à personne. L’aboutissement est le slogan inventé par Nietzsche : « Dieu est mort ».

Dans notre monde de déchéance morale sur tous les plans, seule la lumière de Christ peut dissiper les ténèbres en éclairant le monde plongé dans l’obscurité. Il n’y a aucune autre lumière que celle des chrétiens vivant dans la foi en Jésus-Christ ; eux seuls en sont les porteurs.

Jésus dit qu’elle se révèle par les « œuvres bonnes », autrement elle reste « sous le boisseau ». Elle y reste aussi quand les vérités bibliques sont escamotées (par exemple, par la théologie libérale). Tant que la lumière n’apparaît pas, le monde ne sait même pas qu’il vit dans les ténèbres. « Le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière. » (Mat 4.16) Quand les chrétiens ne sont pas en contraste avec le monde, il n’y a pas de lumière, ce qui est tragique : l’homme, pécheur dès sa naissance, « aime les ténèbres plus que la lumière » (Jean 3.19).

En fin de compte, l’homme n’a pas besoin de plus de lumière, il a besoin de nouvelle naissance, car seul l’homme né de Dieu aime la lumière.

1L’auteur de cet article, et des articles qui suivront sur ce thème, s’est partiellement inspiré de l’ouvrage du Dr Martin Lloyd-Jones, The Sermon on the Mount.


LA HUITIEME BEATITUDE: PROLONGEMENT (2)

« Heureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on répandra faussement sur vous toute sorte de mal, à cause de moi.
Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux, car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés» Matthieu. 5.11-12

Comment le chrétien peut-il se réjouir quand il est persécuté ? D’emblée, il est une fois de plus évident que le chrétien est totalement différent des autres gens. Trop souvent, on pense qu’il est presque comme les autres, mais avec une certaine différence. Non, il est essentiellement différent. Il est tellement différent que Jésus disait que père et fils, mère et fille pourraient être divisés radicalement. Et la cause ? Jésus-Christ lui-même: persécuté « à cause de moi », parce qu’il appartient à une autre famille, étant devenu un enfant de Dieu, qui est maintenant son Père au premier degré.

Tout véritable enfant de Dieu est dominé par Jésus-Christ, qu’il nomme Seigneur. Il désire avant tout plaire à son Seigneur, parce qu’il l’aime: « L’amour de Dieu consiste à garder ses commandements, et ses commandements ne sont pas pénibles » (ou: « ennuyeux ») (1 Jean 5.3). Il ne ressent pas l’obéissance comme un poids, car il désire plaire au Seigneur. C’est justement parce qu’il vit dans l’obéissance à son Seigneur qu’il est persécuté. Il ne vit plus pour lui-même, pour se faire plaisir selon sa chair habitée par le péché. Par son mode de vie, il se distingue et se délimite de son entourage mondain, d’où la haine qu’il engendre. Il cherche l’intérêt de Dieu avant son propre intérêt.

La persécution peut être violente (prison, torture, assassinat) ou anodine (moqueries, calomnies, perte du travail). C’est dans de telles épreuves que le comportement du chrétien va se remarquer : pas de représailles, ni de ripostes acerbes, ni même de ressentiments (attitude impossible en dehors de Jésus-Christ), et pas de déprime, au contraire: « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse! » C’est tout le contraire de l’homme naturel. Comment cela est-il possible?

La vie du chrétien devrait être dominée par la pensée de sa destinée ultime: le ciel. Jésus précise: « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans le ciel ». Encore et toujours cette différence fondamentale entre le chrétien et le monde, qui fait tout pour ne pas penser à l’au-delà. Le tourbillon des plaisirs cherche à faire oublier la mort : sujet tabou ! Le chrétien y pense avec la joie anticipée d’hériter le ciel.

La récompense

Le chrétien a une espérance certaine au delà de cette vie présente. La persécution à cause de Jésus-Christ lui rappelle ce qu’il est et qui il est. Elle lui prouve qu’il s’est identifié avec Christ et digne de recevoir le traitement que Jésus a reçu. Et lors du retour de Jésus-Christ en gloire, il le rejoindra au ciel: « Car je vais vous préparer une place. Donc, si je m’en vais et vous prépare une place, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi » (Jean 14.2-3). Alors s’accomplira la promesse citée au début: « Votre récompense sera grande dans les cieux ».

On rencontre des chrétiens qui vous disent: « Je ne recherche pas de récompense. La vie avec Christ est ma récompense et cela me suffit. » Ces gens-là ont l’air très spirituels, des chrétiens exceptionnels que la récompense (disent-ils) n’intéresse pas. Leur attitude tranche avec l’enseignement de Jésus et des apôtres. Prétendent-ils être plus spirituels que Dieu ? Jésus lui-même ne se réjouissait-il pas, au milieu de ses souffrances, « en vue de la joie qui lui était proposée » (Héb 12.2) ? Juste avant dans le texte, nous sommes invités à avoir « les yeux fixés sur Jésus ». L’apôtre Paul écrivait aux Colossiens: « Cherchez les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu » (3.1). Il va plus loin dans sa lettre aux Éphésiens : Dieu « nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Christ-Jésus » (2.6). Virtuellement, nous sommes déjà au ciel!

La Bible évoque souvent la récompense. Paul en parle et s’en réjouit: «… l’oeuvre de chacun sera manifestée… Si l’oeuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement (qui est Jésus-Christ) subsiste, il recevra une récompense » (1 Cor 3.11-15, à lire). Oui, la récompense comptait pour beaucoup dans la vie de Paul. « Il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin qu’il soit rendu à chacun d’après ce qu’il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal. Connaissant donc la crainte du Seigneur… » (2 Cor 5.10-11). Quelle crainte? Celle de ne pas être jugé digne de recevoir une récompense. Dans sa 2e lettre à Timothée, jetant un regard sur sa vie passée, Paul écrit: Ayant combattu pour Jésus-Christ et gardé la foi, « la couronne de justice m’est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera en ce Jour-là » (4.7-8). Les deux termes de la 8e Béatitude se retrouvent: justice (« à cause de la justice », v.10) et récompense, ici la couronne (« votre récompense sera grande », v.12), de même que l’espérance des cieux (« en ce Jour »).

Mais ne sommes-nous pas sauvés par grâce? Non seulement cela, mais la récompense, qui diffère de l’un à l’autre, est aussi une grâce, consentie par Dieu dans sa générosité. Jésus nous fait dire à tous: « Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire » (Luc 17.10). Et pourtant, le Seigneur accordera des récompenses à ses serviteurs.

Une fois de plus, l’accent est mis sur la différence entre l’incrédule et le chrétien. Ce dernier regarde au but, il y pense et s’en réjouit. Il ne s’arrête pas aux seules choses visibles, mais se préoccupe des choses invisibles. Les hommes de foi décrits dans Héb 11 se réjouissaient des choses à venir. En parcourant ce chapitre, nous trouvons Hénoc, qui croyait que Dieu « récompense ceux qui le cherchent »; Abraham, qui attendait « la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l’architecte… », à savoir le ciel ; Moïse, qui quitta les trésors de l’Égypte, « car il regardait plus loin vers la récompense ». Ils anticipaient l’injonction de Jésus: « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ». L’apôtre Pierre, qui avait entendu Jésus prononcer ces paroles, écrivant aux chrétiens persécutés en Turquie, mentionna l’héritage « qui vous est réservé dans les cieux… Vous en tressaillez d’allégresse, quoique vous soyez maintenant, pour un peu de temps, puisqu’il le faut, affligés par diverses épreuves… » (1 Pi 1.4-6 ; je vous invite à lire et méditer les v. 3-9).

Quelle est la joie anticipée qui remplit votre coeur aujourd’hui?


LA HUITIEME BEATITUDE (1)

« Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux » Matthieu 5.10

Cette béatitude termine l’énoncé de ce qui doit caractériser le vrai chrétien. La promesse de cette béatitude, qui boucle la série des béatitudes, est celle de la première béatitude. Mais si la promesse qu’elle contient est la même que celle de la première, elle ne décrit pas le chrétien à vrai dire, mais dit ce qui va lui arriver s’il en montre les caractéristiques, décrites précédemment.

Si la dernière béatitude rejoint la première par la promesse, c’est pour bien attester que le point important est d’être un citoyen du royaume des cieux.

De nouveau, Heureux ceux qui sont persécutés va à contresens de la pensée humaine normale. Quoi, heureux d’être persécuté? Cette béatitude est probablement la moins bien comprise, peut-être à cause de la phrase à cause de la justice.

Ce que cette expression ne veut pas dire

La béatitude ne concerne pas ceux qui militent d’une façon fanatique, ou ceux qui défendent une cause politique, juste en elle-même, en tant que chrétiens, ou dont le témoignage met en valeur leur justice à eux, ni dont le zèle l’emporte sur le bon sens et la politesse élémentaire. Nous pouvons être persécutés pour une juste cause, même religieuse, que nous croyons devoir afficher, mais ce n’est pas à cause de la justice (bien qu’il arrive que les deux coïncident). On peut, et on doit avoir des principes, soit politiques, économiques, sociaux, artistiques ou autres, mais ce n’est pas ce que cette béatitude entend. Un pas de plus: la 8e béatitude ne parle pas non plus de la persécution due à nos sacrifices.

A cause de la justice

Qui pratique la justice? Ceux qui ressemblent à Jésus-Christ; ils sont persécutés comme lui l’était, parce que l’injuste ne supporte pas le juste. Le texte clé me semble être Jean 15.18-20: « Si le monde a de la haine pour vous, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela, le monde a de la haine pour vous. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi: s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre ».

A Timothée, qui était malheureux parce que persécuté, Paul écrit: « Tous ceux d’ailleurs qui veulent vivre pieusement en Christ-Jésus seront persécutés » (2 Tim 3.12). C’est catégorique. C’est peut-être la béatitude qui nous remet le plus en question. Vivre comme Jésus le demande entraîne la persécution. Souvent elle est subtile, déguisée, hypocrite, tout comme elle peut être violente; nos frères dans les pays musulmans et athées en savent quelque chose!

Voici deux des exemples les plus frappants:

– Saül persécutait David parce qu’il était juste (selon le coeur de Dieu, nous dit la parole) et lui injuste.
– Daniel avait été établi un des chefs des satrapes dans le royaume babylonien; il agissait en tout avec justice, et il se vit jeté dans la fosse aux lions.

On peut en déduire que vivre une vie juste est insupportable aux injustes. Jésus-Christ en est toujours l’exemple suprême: lui l’amour personnifié, compatissant, guérissant les malades, livré aux bourreaux sur la base de calomnies ignominieuses. Jésus exerçait aussi la justice à l’endroit des pharisiens, qui le bafouaient. Cela n’a pas changé: le christianisme formel, institutionnalisé, a toujours été le plus grand ennemi de la foi fidèle au Seigneur, ne supportant pas un comportement empreint de justice.

Pourquoi les justes sont-ils persécutés plutôt que ceux qui sont bons et nobles? Le Dr Schweitzer (Prix Nobel de la paix en 1952) n’a jamais été persécuté (il était tout à fait libéral), Mère Thérésa non plus (mais elle rendait un culte idolâtre à Marie). Par contre, bien un Martin Luther, un Zwingli, un Watchman Nee qui furent haïs à cause de leur fidélité à la Bible.

La raison fondamentale

Les justes sont essentiellement différents. Il y a quelque chose en eux qui condamne les injustes. Face à la justice de Christ et conférée aux siens par lui, leur propre-justice a l’air clinquant, et c’est insupportable. Pourquoi l’Église romaine a-t-elle toujours persécuté à mort les vrais disciples de Jésus-Christ? Toute leur religiosité encombrée de pacotille est mise à jour comme fausse.

Les gens qui aujourd’hui admirent Jésus sans croire que sa mort à la croix est expiatoire, s’ils le rencontraient, ils le haïraient comme ses contemporains. Le chrétien authentique est haï parce qu’on voit Jésus en lui. On n’a pas applaudi Jésus, et on ne nous applaudira pas. « Malheur lorsque tous les hommes parleront bien de vous, car c’est ainsi que leurs pères agissaient à l’égard des faux prophètes » (Luc 6.26).

Tout homme non régénéré a les tendances de la chair. Or « les tendances de la chair sont ennemies de Dieu » (Rom 8.7). Ceux qui sont nés de Dieu ont les tendances de l’Esprit. Pour le non régénéré, c’est une offense qui remet en question son être tout entier. Pas de nouvelle naissance, pas d’offense. L’enfant de Dieu, par définition, est juste et exerce la justice. L’injuste le ressent comme ennemi.

Une mise au point

Notre témoignage doit être exercé avec sagesse, sans offense due à un manque d’égards, sans faire étalage de notre propre foi, en bref: sans inviter à la persécution. Mais plus nous ressemblons à Jésus-Christ, plus sa justice se manifeste en nous, plus le monde nous perçoit comme des corps étrangers, des trouble-fêtes, des gêneurs, et plus nous sommes persécutés. Pierre et Jacques nous disent de nous réjouir, mais de quoi? D’être traités comme Jésus et donc d’avoir la preuve de lui appartenir, d’être citoyens du royaume de la lumière au milieu du royaume des ténèbres. Paul pouvait écrire aux Philippiens: « …il vous a été fait la grâce non seulement de croire en Christ, mais encore de souffrir pour lui » (1.29).

Le prolongement de la 8e béatitude aux v. 11 et 12 donnera d’autres raisons pour lesquelles le chrétien persécuté peut se réjouir.


La septième béatitude

« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » Matthieu 5.9

D’emblée, j’ai un problème. Les béatitudes précédentes ne caractérisent-elles pas justement les fils de Dieu ? Certains voient une différence entre « enfants de Dieu » et « fils de Dieu ». Je constate pourtant que les deux appellations sont parfois employées d’une façon interchangeable.

En voici deux exemples :

1. Romains 8.16,19,21 : « L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. […] La création attend avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. […] La création aura part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. »
2. Galates 3.26-27 : « Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. »

Qui peut procurer la paix ?

Évidemment ceux qui sont en paix avec Dieu. Et qui est en paix avec Dieu, sinon les enfants ou fils de Dieu ?

Je comprends cette septième béatitude ainsi : étant fils de Dieu, ils procurent la paix et seront donc reconnus comme fils de Dieu.

Une fois de plus, cette béatitude présuppose les précédentes. Cela explique pourquoi le monde ne trouve jamais la paix dont il parle continuellement, le péché ne pouvant produire que la guerre. Ceux qui procurent la paix sont des hommes transformés. Tous les accords, toutes les conférences et conventions imaginables ne pourront procurer la paix, car ils ne peuvent éliminer le péché, la révolte contre Dieu, qui est la racine de tous les malheurs. La raison de tous ces échecs n’est ni politique, ni économique, ni sociale ; elle est d’ordre théologique et doctrinal : le cœur de l’homme, de tous les hommes, est mortellement malade et ne peut être changé que par Jésus-Christ, par l’action du Saint-Esprit. Les fils de Dieu ne resteront toujours qu’une poignée en comparaison avec le monde dans son ensemble (ils sont « le sel de la terre »). Il faudra que Christ revienne sur la terre qui l’a rejeté afin d’établir son royaume de paix et de justice, que les prophètes prédisent si clairement1. Ce royaume terrestre durera 1000 ans (selon Apoc 20, même si ce chiffre signifie peut-être simplement une période très longue, mais limitée dans le temps), alors que le royaume éternel dans lequel il débouchera sera sans fin.

Ce qui caractérise celui qui procure la paix

Passivement, il doit être paisible, parce que son cœur est en paix avec Dieu.

Activement, il doit faire tout pour apporter la paix quand se produisent des discussions ou des querelles. Comment serait-ce possible si le cœur est plein d’envie, de jalousie, d’amertume, de violence (Gal 5.15) ? Le porteur de paix ne doit pas être susceptible, ni sur la défensive, ni préoccupé par la prestance de sa personne. Il ne doit pas agir en fonction de ce que cela lui coûtera. Là encore, Jésus est le suprême exemple !

Une réalité à ne pas oublier

Le chrétien est soumis à deux influences : celle de la chair et celle de l’Esprit. Par l’Esprit, il apprend à faire mourir les actions de la chair. Le Saint-Esprit a créé en lui un homme nouveau, ce qui fait qu’il s’inquiète aussi de ses prochains. Il ne leur en voudra pas d’être méchants, injustes, voleurs, menteurs, même meurtriers , car il sait qu’ils sont sous l’emprise de Satan, animés par cet « esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion » (désobéissance) (Eph 2.2). Ils sont les victimes du péché en eux et du prince de ce monde. Il ne peut qu’en avoir pitié, même si leur comportement le révolte et le dégoûte. Vu de cette manière, il est possible de comprendre le commandement de Jésus d’aimer même ses ennemis. En cela aussi, nous avons l’exemple de Jésus, qui nous a aimés quand nous étions encore ennemis de Dieu.

Un aspect essentiel

C’était le but primordial de Jésus de glorifier Dieu, son Père, qui par lui est aussi devenu notre Père. Le glorifier doit donc aussi être notre premier but. Produire la paix, tout d’abord la paix avec Dieu, c’est donner toute la gloire à Dieu. Qu’est-ce qui est plus important, que j’obtienne justice auprès des hommes ou que Dieu soit honoré ? Nos considérations personnelles doivent y céder le pas.

Tout cela peut paraître utopique. Pouvons-nous vraiment être ainsi, nous comporter de cette manière, comme Jésus ? Non, à moins que nous ayons « été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. […] Nous savons que notre vieille nature a été crucifiée avec lui. […] Considérez-vous comme morts au péché et comme vivant pour Dieu en Jésus-Christ. » (Rom 6.4,6,11) « Considérez-vous » : c’est un ordre, l’ordre de vivre pour Dieu et non pour nous-mêmes. C’est l’exact contraire de la psychologie, qui veut revaloriser le Moi du pécheur. L’abnégation du Moi est le trait saillant de la personne de Jésus. L’apôtre Paul s’exprime d’une manière frappante : « Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. » (Gal 2.20) Je vous laisse sonder la profondeur de cette constatation dans la prière, en vous abandonnant à l’action du Saint-Esprit en vous.

Comment mettre en pratique

Je vous livre les indications suivantes tirées du livre sur les béatitudes de Martyn Lloyd-Jones :

1. Apprendre à se taire. Jacques 1.19 dit : « prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère ». Donc : mettre un frein à s’exprimer.
2. Réfléchir. Évaluer la situation en fonction de l’évangile, et se demander si la cause de Christ en profite ou en pâtit, donc finalement l’Église. Quelle est l’impression faite sur le monde ?
3. Chercher le moyen et la méthode qui amènera la paix. Jésus nous recommande de donner à manger à nos ennemis qui ont faim.
4. Être abordable et compréhensif ; faire fi de sa dignité.

On le voit, nous revenons toujours au point essentiel : prendre exemple sur Jésus. N’oublions jamais que la paix a coûté cher au Père : le don de son Fils. Jésus s’est donné, son sang a dû couler, il a dû mourir, lui le Fils, Dieu devenu chair. Si nous sommes prêts, nous aussi, à nous donner jusqu’à la mort, nous agissons aussi comme Jésus, en tant que fils de Dieu. Cela lui a coûté, il n’y a pas de raison pourquoi cela ne nous coûterait pas, à nous aussi. Cela commence par une dépense : mes forces physiques, mon argent, mes loisirs, mes aises, mon confort, mon temps, tout ce que j’ai et que je suis !

Nous comprenons mieux ce qu’implique le commandement qui inclut tous les commandements : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. […] Et voici le second, qui lui et semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mat 22.37,39). Paul y revient dans sa lettre aux Galates, déjà citée : « Toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (5.14).

Nous le voyons : la septième béatitude est d’une portée immense et englobe toutes nos activités en tant qu’expression de notre statut de fils de Dieu.

1Parmi les passages les plus explicites, voir Ésaïe 11 ; 60 ; 65.17-25.


LA SIXIEME BEATITUDE

« Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu »
Matthieu 5.8

Cette parole est une des plus remarquables de toute la Bible. Nous ne pouvons qu’en effleurer le sens profond, sans jamais pouvoir en épuiser les implications.

Commençons par la fin: voir Dieu. C’est certes le but ultime de tous nos efforts, je dirai de tout effort religieux tout court. On peut alors se demander pourquoi cette béatitude ne figure pas en premier, mais à la fin? Voici ce que comprend Lloyd-Jones:

"Les trois premières béatitudes ont affaire avec la connaissance de nos besoins: être pauvre en esprit, être affligé à cause de notre péché, l’humilité qui doit résulter de la connaissance de notre grand égoïsme. Suit la satisfaction de nos besoins: la soif de justice, qui sera pleinement étanchée; le besoin d’obtenir miséricorde, accordée pleinement à ceux qui deviennent miséricordieux. La pureté de coeur, et ensuite le désir de semer la paix: tout cela mène à la persécution due à une vie de justice qui tranche tellement avec la vie d’injustice ambiante" (traduction libre).

Lloyd-Jones compare cette progression à une ascension: on gravit le coteau, on arrive à la cime (la 4e béatitude) et on descend de l’autre côté.

Je vois encore une correspondance. Les trois béatitudes qui suivent la béatitude centrale (soif de justice) correspondent aux trois béatitudes qui précèdent:

– Celui qui est pauvre en esprit dépend si entièrement de Dieu qu’il fait miséricorde comme Dieu lui a fait miséricorde.
– Celui qui est pur de coeur est affligé de la méchanceté du coeur humain, à commencer par le sien propre.
– Ceux qui procurent la paix (7e béatitude) sont humbles de coeur. L’orgueilleux ne procure pas la paix; sa fierté (sa propre justice) l’en empêche.

La pureté de coeur est l’essence même de l’évangile, parce que le coeur est au centre de l’évangile. Jésus parle constamment du coeur, comme du reste tout l’AT. Sans vouloir faire un jeu de mots, on peut dire: le coeur est au coeur de l’enseignement de Jésus, en contraste avec les pharisiens, qui se préoccupaient de ce qui est extérieur.

La foi chrétienne concerne la condition du coeur. La compréhension de la doctrine de l’évangile a pour centre le coeur. L’intelligence ne suffit pas. L’intellectualisme a souvent été et est encore une malédiction dans l’Église. On peut avoir un intérêt purement intellectuel en la doctrine et en la théologie, sans que le coeur ne soit renouvelé. Mais l’intelligence elle-même a besoin du renouvellement opéré par le Saint-Esprit (Rom 12.2).

Je rappelle ici que le coeur englobe la raison (le raisonnement), la volonté et les émotions, donc la personne entière. Le coeur représente ainsi la source de toutes les activités.

L’erreur tragique, promulguée par Rousseau entre autres, est de croire que nos difficultés résultent des conditions de la société, de l’environnement, et qu’en changeant celui-ci, tout s’améliore. Même certains chrétiens l’ont pensé, en oubliant que c’est au paradis, où régnaient des conditions optimales, qu’a eu lieu la chute. Si le coeur ne change pas, aucun changement, aussi bien intentionné soit-il, ne saurait améliorer la condition humaine. Aucune éducation, aucune culture, aucun traitement psychologique, ni encore aucune religion ne pourront jamais améliorer le coeur. Pourquoi? Jérémie l’exprime lapidairement: « Le coeur de l’homme est irrémédiablement mauvais » (litt. « tordu, tortueux » – 17.9).

Que faut-il entendre par pur?

1. Sans hypocrisie; plus loin dans le Sermon sur la montagne, Jésus dit: « Si ton oeil est simple » (sans fausseté, sincère, traduit dans la Colombe par « en bon état »), ce qui rappelle cette prière de David: « Donne-moi un coeur tout simple, que je craigne ton nom » (Ps 86.11). Un coeur pur n’est pas divisé, mais entièrement dévoué à Dieu.
2. Un coeur purifié. Parlant de la ville sainte (la nouvelle Jérusalem): « Il n’y entrera rien de souillé.. » et « Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie…» (Apoc 21.27 et 22.14) Un coeur pur est un coeur nouveau.
3. Désirer être comme le Seigneur Jésus, afin de le servir. « Ceux qu’il a connus d’avance, il les aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils… » (Rom 8.29). « Recherchez… la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (Hébr. 12.14). Cela doit être le but principal de la vie: un coeur pur afin de voir le Seigneur.

Voir Dieu

Moïse n’a pu voir que « le dos » de l’Éternel (Ex. 30.23), parce qu’on ne peut voir Dieu dans notre condition physique actuelle. Jésus dit à la foule: « Vous n’avez jamais entendu sa voix, ni vu sa face » (sa forme) (Jean 5.37). Il y a donc une face, une forme qui peut se voir. Pourtant il est dit que Dieu est Esprit (Jean 5.24). Comment comprendre?

La solution me semble être donnée dans Jean 14.9: « Celui qui m’a vu, a vu le Père. Jésus est l’image du Dieu invisible », l’apparition visible du Dieu invisible (Col. 1.15). En voyant Jésus, nous verrons Dieu. – Ceci dit, il ne nous faut pas oublier que "voir Dieu" reste un mystère dont la profondeur dépasse notre pensée limitée.

Attachons-nous à cette promesse glorieuse: « Lorsqu’il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est ». Ce bonheur est si grand que: « Quiconque a cette espérance en lui, se purifie comme il est pur » (1 Jean 3.2-3).

Voici donc le sens complet de cette 6e béatitude: se purifier (avoir le coeur pur) à cause de l’espérance grandiose de notre transformation à l’image de Jésus et de notre face à face avec lui! N’est-ce pas le sommet, l’apogée, le "summum bonum" de notre vie de chrétiens? Est-ce à cela que nous aspirons de tout coeur? Si oui: sanctification obligée! Prions avec David (Ps 51.12): « Crée en moi un coeur pur, renouvelle en moi un esprit bien disposé ». Sachant bien que seul Dieu, par son Esprit en nous, peut purifier notre coeur.

Mais cela ne veut pas dire que nous sommes passifs. « Approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous. Purifiez vos mains (actions), pécheurs, et nettoyez vos coeurs, âmes partagées » (Jac 4.8). Même conscients que nous ne pouvons purifier notre coeur par nos propres efforts, il n’en découle pas que nous puissions vivre n’importe comment en nous attendant que Dieu nous purifie. Je dois faire tout ce que je peux, sachant que cela ne suffit pas, que c’est lui qui me purifie. Je ne peux pas vivre un amour sauvage (vivre comme conjoint hors du mariage), ni m’adonner à des pratiques perverses, ni tromper dans les affaires, y compris les impôts… Si je pratique ces choses ou de semblables, je souille mon coeur, et le seul remède est la repentance. Je dois m’éloigner de toute impureté, l’éviter et tenir corps et âme dans la discipline. « Faites mourir votre nature terrestre: l’inconduite, l’impureté, les passions, les mauvais désirs et la cupidité qui est une idolâtrie » (Col 3.5). Il nous est demandé de mettre à mort les mauvaises tendances de notre corps. Comment? « Si par l’Esprit vous faites mourir les (mauvaises) actions du corps, vous vivrez » (Rom 8.13).

Nous, créatures d’un moment, allons éternellement voir Dieu dans sa gloire. Cela ne vaut-il pas tous les sacrifices des plaisirs charnels?


LA CINQUIEME BEATITUDE

« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde »
Matthieu. 5.7

Il y a une progression logique dans l’ordre des béatitudes: chacune mène un pas plus loin. La 5e béatitude présuppose les quatre précédentes.

Chaque béatitude caractérise le chrétien d’une manière particulière. Une fois de plus, l’accent principal est placé sur ce qu’il est en priorité sur ce qu’il fait. Le faire découle de l’être. Le chrétien représente un certain type de personne.

Non pas: Pour être un bon chrétien, je dois m’appliquer à suivre les enseignements de Jésus et des apôtres.

Mais: Parce que je suis chrétien par la nouvelle naissance, le Saint-Esprit peut opérer en moi le vouloir et le faire.

Paul le dit succinctement: Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi (Gal 2.20). C’est lui qui a le contrôle de ma vie. Le Saint-Esprit habitant en moi est au centre de mon être; il agit au centre de ma personnalité. Nos activités sont le résultat de notre nouvelle nature reçue de Dieu par le Saint-Esprit. Nous manifestons quel est l’esprit qui nous anime par notre manière de réagir aux sollicitations de notre entourage.

Est-ce que je pardonne ?

La question que nous pose cette béatitude est: suis-je miséricordieux? est-ce que je fais grâce? Est-ce que je pardonne ?

La source du pardon est le pardon reçu de Dieu. Et pourquoi Dieu veut-il nous pardonner? A cause de sa compassion; parce qu’il a pitié du pécheur.

Être miséricordieux signifie donc: avoir pitié et pardonner. Un exemple bien connu est le bon Samaritain. Les autres n’avaient pas pitié, et s’ils avaient pitié, ils n’ont rien fait. Le Samaritain, lui, a agi.

Je prétends que le chrétien qui ne veut (il dira qu’il ne peut) pas pardonner est un faux chrétien. Le vrai chrétien aura passé par les étapes précédentes:

1. pauvre en esprit (il se sait incapable par lui-même)
2. affligé par son état de péché (ce qui l’a mené à la conversion)
3. humble et doux par l’action du Saint-Esprit
4. cherchant la justice (produisant la sanctification)
5. prêt à pardonner

Ce qui fait problème: ils obtiendront miséricorde (= il leur sera pardonné).

Le "Notre Père" offre un parallèle: « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».

Cela peut nous mener à une fausse compréhension: si je pardonne, Dieu me pardonnera; sinon, il ne me pardonnera pas.

La parabole du serviteur impitoyable de Mat 18.23-35 semble confirmer cette fausse compréhension, surtout par le dernier verset: « C’est ainsi que votre Père céleste vous traitera si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son cœur ».

Si nous supposons que Dieu ne nous pardonnera que si nous pardonnons de notre côté, nous annulons toute la doctrine de la grâce, et personne ne serait sauvé.

Je vois deux réponses possibles au problème que cela soulève, l’une dans le présent, l’autre d’ordre eschatologique.

Dans le présent

Le verset 33 de la parabole évoquée peut nous aider: « Ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon, comme j’ai eu pitié de toi ? » Dieu a eu pitié de moi quand je me suis repenti, comprenant que je ne méritais que la punition pour ma constante révolte contre ses commandements; par nécessité, je vais pardonner à ceux qui me font du mal. Au fond, du moment où je me vois comme Dieu m’a vu, foncièrement mauvais, et pourtant m’a pardonné, personne ne devrait plus pouvoir me blesser ni m’insulter "à mort", comme on dit. Qu’ai-je mérité de mieux?

Je vous rappelle la réaction de David quand Chimeï l’insulta et lui lança des cailloux, comme le rapporte 2 Sam16.5-12. David a réagi en vrai chrétien (un homme selon le coeur de Dieu!). David dit en fait: "Cela vient de Dieu, je n’ai pas mérité mieux." Pourquoi dit-il à Abichaï: « Qu’ai-je à faire avec vous, fils de Tsérouya ?» (Il s’agissait de lui, Joab et Asaël.) David était animé par un autre esprit; le chrétien n’a que faire de la réaction violente des autres. Il s’en différencie, comme le chrétien des incrédules.

Le chrétien sait que les méchants sont les dupes et les victimes de Satan, et il en a pitié, tout en abhorrant leurs crimes. Il sait qu’il serait comme eux si ce n’était pour la grâce de Dieu. Il peut leur pardonner le mal qu’ils lui ont fait.

Les paroles de Jésus résonnent à travers les siècles: « Pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Satan les y a poussés. Etienne, lapidé pour avoir rendu témoignage à Jésus, dit de même. Il savait que le péché les avait rendus fous de rage, obnubilant leurs pensées au point de ne pas voir en Etienne un saint et de ne pas pouvoir être tenus responsables. De là la prière de leur pardonner.

Je cite encore David: « Si j’avais vu de la fraude (de l’iniquité) dans mon coeur, le Seigneur ne m’écouterait pas » (Ps 66.18). Si je ne pardonne pas à mon frère, je peux bien demander à Dieu de me pardonner, mais puis-je alors avoir l’assurance qu’il m’écoutera?

Aspect eschatologique

« Que le Seigneur répande sa miséricorde sur la famille d’Onésiphore, car il m’a souvent consolé et il n’a pas eu honte de mes chaînes… Que le Seigneur lui donne d’obtenir miséricorde en ce Jour-là.. ».(2 Tim 1.16-18). Quel jour? Celui dont écrit Paul aux Corinthiens: « Il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin qu’il soit rendu à chacun d’après ce qu’il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal » (2 Cor 5.10). J’aurai donc aussi à rendre compte de mon refus à pardonner, qui figurera parmi les actions faites en mal. J’aurai alors besoin de toute la miséricorde de Christ. Dieu soit loué que nous obtiendrons grâce en mesure où nous aurons fait grâce.

Ceci ne remet pas en question le pardon reçu par Dieu une fois pour toutes lors de notre conversion. Car le tribunal de Christ ne décidera pas de notre sort éternel: il a été décidé au jour de notre nouvelle naissance. Mais il aura une incidence sur la récompense que le Seigneur pourra m’accorder.

Si je ne suis pas miséricordieux, si je n’ai pas de compassion pour ceux perdus dans l’amertume, qui se débattent dans une rage impuissante; si je ne pardonne pas à ceux qui m’ont lésé d’une manière ou d’une autre, je n’ai probablement jamais compris la grâce et la miséricorde que Dieu a exercées à mon égard. Il faudrait alors se demander si, à son avènement, je devrai avoir honte devant lui (1 Jean 2.28).

Résumons…

La grâce de Dieu agit de telle façon que, quand elle inonde notre coeur, le remplissant du pardon de Dieu, nous devenons miséricordieux. Nous proclamons que nous avons reçu le pardon de Dieu par notre pardon accordé. C’est parce que nous avons reçu le pardon de Dieu que nous pardonnons. Et c’est alors que Jésus nous proclame vraiment heureux.


LA QUATRIEME BEATITUDE

Jean-Pierre SCHNEIDER

« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés.» Matthieu. 5.6

Les trois premières béatitudes nous ont permis de nous examiner, pour découvrir notre pauvreté spirituelle et notre faiblesse morale ; et nous avons découvert du même coup que le péché en nous a corrompu notre être tout entier, pourtant créé parfait par Dieu. Le péché est à la base de tous les problèmes mondiaux, à commencer par les guerres.
La quatrième béatitude nous montre la solution : si chaque homme recherchait d’abord la justice, il n’y aurait plus de danger de guerre.

Arrêtons-nous sur chacun des termes de cette béatitude.

1. La justice

Jésus dit que seuls ceux qui recherchent ardemment la justice sont heureux. Le monde recherche le bonheur, et il lui échappe toujours. Selon la Bible, le bonheur n’est jamais le but de notre quête, mais il résulte de quelque chose d’autre. Si nous mettons le bonheur avant la justice, nous ne le trouverons pas. Ce ne sont donc pas ceux qui ont faim et soif de bonheur qui peuvent être heureux ; ce sont ceux qui ont faim et soif de justice : ils seront rassasiés.

Même dans l’Église, combien de gens ont l’air de toujours chercher quelque chose qui leur échappe. Ils vont de réunions en réunions, de conférences en conférences, toujours en quête de quelque chose de merveilleux, d’une expérience qui devrait les remplir de joie, voire d’extase. Ils voient d’autres personnes qui ont cette joie, mais eux ne la trouvent pas. Car, justement, nous n’avons pas à aspirer à des expériences extraordinaires. Pour trouver le bonheur véritable, il nous faut rechercher la justice. La joie et les expériences spirituelles sont le don de Dieu ; notre part, c’est de rechercher la justice.

Quelle justice ? Ce n’est pas ce qu’on entend aujourd’hui : une sorte de justice générale entre toutes les nations, qu’on réclame à grands cris. Déjà les philosophes grecs la réclamaient. Et en même temps, on trompe sa femme, son mari, ses partenaires commerciaux.

Avant de considérer l’aspect proprement spirituel, voici quelques considérations sur l’aspect primaire de cette béatitude. Qui n’a pas souhaité ardemment que justice soit faite et que des monstres tels que Hitler, Staline, Mao et leurs comparses, pour ne nommer que les plus féroces du 20e siècle qui ont fait souffrir et assassiner des millions d’êtres humains sans défense, reçoivent le juste châtiment qu’ils méritent mille fois ? Ceux qui lisent la Bible et ont une notion même fragmentaire de Dieu savent que, s’il est amour, Dieu est tout autant justice absolue. Le dernier jugement satisfera entièrement leur soif de voir la justice de Dieu triompher de toute injustice.

Retournons à l’examen de ce que signifie cette quatrième béatitude pour l’enfant de Dieu. Elle s’inscrit dans l’enseignement fondamental de Jésus concernant le chrétien.

Le mot justice peut aussi être rendu par « droiture, rectitude ». Il ne s’agit pas de respectabilité ou de bonne moralité. Le terme justice contient l’idée de « justification », mais aussi (dans notre contexte) de « sanctification ». Car le désir de justice implique le désir d’être libéré du péché, qui sépare aussi bien de Dieu que des hommes.

Or, tout le malheur du monde actuel est dû au fait que l’homme vit séparé de Dieu. Le monde est sous la domination du péché et de Satan. Il agit dans les enfants de la désobéissance, « les fils de la rébellion » (Eph 2.2) ; Satan est leur tyran, et ils n’arrivent pas à s’en libérer.

Mais l’homme ne peut pas non plus se libérer de lui-même, de son propre désir de pécher, de faire le mal. Celui qui a faim et soif de justice aimerait ne plus vouloir pécher. Il soupire après la délivrance de la pollution du péché.

Les trois premières béatitudes dépeignent l’homme libéré de son Moi égoïste : son orgueil, sa vantardise, sa susceptibilité, le désir de protéger ses droits, ses aises, de se glorifier… La quatrième béatitude traite de l’homme qui, ayant vécu cette libération du Moi tyrannique, désire avant tout la sanctification, parce qu’il aimerait être conforme à l’homme nouveau en Jésus-Christ. Cela implique la connaissance de Dieu, la communion avec Dieu, la marche avec Dieu en Christ par le Saint-Esprit.

2. Avoir faim et soif

C’est l’aspect pratique. Avoir faim et soif ne signifie pas que nous cherchons la justice par nos propres efforts. Ce serait la manière du monde, et elle mène au pharisaïsme.

Avoir faim et soif, c’est être conscient de son besoin, qui doit absolument être satisfait, car ce n’est pas un désir passager. C’est un besoin profond, qui fait mal tant qu’il n’est pas assouvi, sans quoi il mène au désespoir, voire à l’agonie, tant la souffrance en est aigüe.

Avoir faim et soif peut se comparer aux sentiments des amoureux : leur désir primordial est de se trouver ensemble, et la séparation fait mal. Le psalmiste s’exprime ainsi :

« Comme une biche soupire après les courants d’eau,
Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu !
Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant :
Quand irai-je et paîtrai-je devant la face de Dieu ?
Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit,
Pendant qu’on me dit tout le temps :
Où est ton Dieu ? »
(Ps 42.2-4)

Darby l’a parfaitement exprimé ainsi : « Avoir faim et soif ne suffit pas ; je dois être affamé de savoir la pensée de Dieu à mon égard. Quand le fils prodigue avait faim, il se nourrissait des caroubes prévues pour les cochons ; mais quand il était affamé, il s’est tourné vers son père. »

3. Ils seront rassasiés

Etre rassasié signifie simplement avoir ses désirs comblés. C’est là tout l’évangile ! Dieu donne par grâce, et la seule aptitude nécessaire est de savoir que j’ai besoin de lui. « Je ne repousserai personne qui vient à moi » : c’est une promesse ferme ! Et Dieu satisfait immédiatement : je suis justifié par Christ et sa justice ; la barrière de péché et de culpabilité envers Dieu tombe.

En conséquence, le chrétien est quelqu’un qui sait que son péché est pardonné. Il ne doit plus rechercher le pardon par quelque rite ou pénitence, par quelque sacrement ou absolution que ce soit. Il sait tout simplement qu’il est justifié, rendu juste en Christ par la seule grâce accordée en réponse à sa foi en l’efficacité du sang de Christ. Il ne doutera jamais qu’il est rendu juste devant Dieu.

Mais cela ne s’arrête pas là. C’est un processus continuel. Le Saint-Esprit qui habite dans le chrétien dès qu’il a reçu le pardon de Dieu accomplit son œuvre de délivrance : il délivre de la puissance et de la pollution du péché. Il produit en lui la volonté d’exécuter ce qui plaît à Dieu. Cette purification qui suit le pardon se fait peu à peu ; elle n’est jamais finie. Mais le bonheur intérieur qui en découle est immédiat, bien que l’accomplissement parfait se situe dans l’éternité. Là, chacun de nous sera parfaitement juste devant Dieu, corps, âme et esprit. Dans un sens, le chrétien est déjà parfait ; dans un autre, il deviendra parfait à la venue du Seigneur. La perfection actuelle est virtuelle (c’est-à-dire que les conditions essentielles à sa réalisation sont présentes) ; la perfection à venir sera réelle.

C’est une vie fascinante ! Le chrétien a faim et soif et, en même temps, il est rassasié. Et plus il est rassasié, plus il a faim et soif de justice. C’est l’essence de la vie chrétienne : une sanctification jamais atteinte, toujours en devenir, menant de gloire en gloire.

Cette béatitude permet de nous éprouver quant à notre condition et notre position.

Éprouvons d’abord notre doctrine. Cette béatitude est une réponse aux deux objections principales faites à la doctrine du salut :

1. « C’est trop facile ! » Dieu pardonnerait simplement, ferait grâce sans aucun mérite personnel ?
2. Si l’on répond en montrant que le salut implique une marche avec Dieu, une sanctification progressive, une vie de prière et de lecture biblique régulière, alors « c’est trop difficile ».

D’où il faut conclure que celui qui proteste contre le salut pour l’une ou l’autre de ces deux raisons confesse qu’il n’est pas chrétien du tout (pas né de Dieu).

Quant à nous, chrétiens nés de Dieu : comment peut-on voir que nous avons faim et soif de justice (de droiture, de rectitude) ? Je vous propose cinq questions-test pour nous éprouver.

1ère question-test

Sommes-nous conscients que notre propre justice est fausse ? trompeuse ? erronée ?

Tant que je n’ai pas compris que ma propre justice n’est rien (« un vêtement pollué », Es 64.5), je n’ai pas faim et soif de la justice de Dieu. Paul écrivait aux Philippiens que tout ce qu’il avait été et fait avant sa conversion était du « fumier » (ça pourrit, et ça pue…). « Rien de bon n’habite en ma chair » (Rom 7.18): en sommes-nous convaincus ?

Mais attention : cela ne veut pas dire que « de toute façon je ne vaux rien, donc à quoi bon ? » Non, cela veut dire : « Par Christ, je peux tout ! pas par moi-même, mais en mettant ma confiance en lui. Il est ma justice, il est ma sainteté. J’aimerais être comme lui, ou comme Moïse, ou Abraham, ou David. »

Là, je placerai un avertissement. Il est possible d’être comme eux d’une fausse manière, de désirer les bénédictions dont ils bénéficiaient sans vouloir vivre comme eux. Balaam est un exemple typique de cette attitude. Il dit : « Que je meure de la mort de ceux qui sont justes (droits), et que ma fin soit semblable à la leur » (Nom 23.10). Balaam voulait bien mourir comme les justes, mais il ne voulait pas vivre comme eux. Il livra les fils d’Israël à l’idolâtrie et à la débauche (Apoc 2.14). Il faut avoir vécu comme les justes pour mourir comme eux.

2ère question-test

Est-ce que je refuse de marcher là où je risque d’être pollué ?

Si j’ai faim et soif de justice, j’éviterai tout ce qui s’oppose à la justice. Si, d’une part, je ne pourrai jamais devenir vraiment comme Jésus, d’autre part je peux arrêter de m’exposer à la souillure. Il y a deux aspects à cela :

1. Certaines choses sont carrément opposées à Dieu et à sa justice. Si j’ai faim et soif de justice, je les éviterai comme la peste. On évite le contact avec une maladie infectieuse. Le même principe s’applique à l’infection spirituelle.
2. Il y a des choses qui sont inoffensives en elles-mêmes, mais qui ont tendance à nous rendre moins alertes, moins exigeants spirituellement. Si nous trouvons que nous y accordons trop d’importance, trop de temps, il faut les éviter. L’appétit peut être gâté par des gâteries entre les repas. Si je trouve que certains passe-temps, même si c’est quelque chose de parfaitement légitime (comme le sport, une collection de timbres, la télé, la lecture,…), diminuent mon appétit spirituel, et si j’ai faim et soif de justice, de sanctification, je leur donnerai moins (ou plus du tout) d’importance. Rien de plus logique !

3ère question-test

Est-ce que je lis la Bible chaque jour ? et des livres qui me l’éclairent ?

Si j’ai faim et soif de justice, je la placerai sous mes yeux sans cesse. Il faut de la discipline dans ce domaine. Il faut suivre un plan qui me permette de faire connaissance avec la Bible entière. Personne n’est trop occupé pour lire la Bible quotidiennement. Quand on veut, on peut ! Il est extraordinaire de constater comment on trouve le temps de faire ce qu’on veut vraiment faire.

4ème question-test

Est-ce que je recherche la compagnie de ceux qui ont faim et soif de justice ?

Ce n’est pas pour rien que le NT nomme la nouvelle société créée par Jésus-Christ un corps : chaque membre a besoin de l’autre ; aucun chrétien ne peut se suffire à lui-même. S’isoler en ermite est une solution erronée. Chacun a besoin d’autres chrétiens, qui ont besoin de lui. Je sais ce que c’est d’être sans église, sans communauté de frères et sœurs. On doit se contenter de substituts. J’en ai fait l’expérience en Afrique – et ici en Suisse. On est membre du corps de Christ aussitôt qu’on lui appartient, mais quel privilège de l’être tangiblement en se rattachant à une église locale ! Si j’ai faim et soif de justice (de droiture, d’honnêteté, de liberté fraternelle), je ne désirerai pas passer mon temps avec ceux qui s’y opposent ou s’en moquent, mais avec ceux qui la recherchent ardemment comme moi. C’est un test sûr de ma faim et soif de justice.

5ème question-test

Combien d’importance la prière a-t-elle dans ma vie ?

La prière est un don que Dieu peut me donner. Combien de temps est-ce que j’y consacre ? Non pas que le temps en soi ait une grande importance ; prier « en esprit et en vérité » est primordial. Quand je lis les biographies d’un Hudson Taylor, d’un George Müller, et quand je considère Jésus ou l’apôtre Paul – j’ai honte. Ils passaient beaucoup de temps en prière.. Un vieux frère disait : « La réunion de prière est le baromètre de l’église. » La prière n’est-elle pas aussi le test par lequel pourrait se mesurer ma faim et soif de justice ? Je me sens tout petit devant vous en disant cela.

Je résumerai toutes ces questions en une seule question générale : puis-je dire tout à fait honnêtement que ce que je désire par dessus tout, c’est de vraiment connaître Dieu et de ressembler à Jésus ? de vivre de telle manière à honorer et glorifier Jésus-Christ ?

Contemplons donc la personne de notre Seigneur. Voilà comment nous devrions vivre, ce que nous devrions être.


LA TROISIEME BEATITUDE

Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre.
Matthieu 5.5

Qui sont les vainqueurs ?

Selon les versions, le mot "doux" est rendu par débonnaire, humble, aimable, soumis. Je rappelle que le mot "heureux" désigne un état de pleine satisfaction dans l’action, dans la marche en avant.

Une fois de plus, cette béatitude exprime exactement le contraire de ce que pense l’homme naturel : la conquête du monde promise aux doux, aux humbles, aux soumis ! Le monde pense en termes de force, de capacité, de prestige, d’assurance de soi, d’agressivité. Plus on a tout cela, plus on aura du succès. Et Jésus dit que ceux qui sont le contraire posséderont la terre. De nouveau, les chrétiens se distinguent essentiellement de l’homme du monde. Les chrétiens sont des créatures nouvelles ; ils appartiennent à un autre royaume. Le monde ne peut pas les comprendre; pour lui, ils sont une énigme.

N’oublions pas que Jésus parlait à des Juifs. Cette parole doit les avoir choqués, car leur idée du royaume de Dieu n’était pas seulement matérialiste, mais aussi militariste. Le Messie devait les conduire à la victoire sur les nations par la force. Mais Jésus contredit cette idée-là. Il dit, en fait : «Non, je ne suis pas comme cela. Mon royaume n’est pas ainsi. Heureux les humbles, car ils hériteront la terre».

Nous ne raisonnons pas autrement que les Juifs d’alors. L’Église de notre temps ne pense-t-elle pas qu’il faut de grandes organisations, des rencontres impressionnantes? Car, dit-on, l’ennemi est puissant, et l’Église est divisée; formons donc une union œcuménique assez puissante pour combattre cet ennemi; ainsi on aura un impact et on vaincra. Mais Jésus dit que les vainqueurs ne sont pas ceux qui ont confiance en la force des grandes organisations.

La Bible fournit des exemples frappants qui illustrent le principe de Dieu pour vaincre. J’en prends pour preuve le récit qui se trouve dans Juges 7. Gédéon devait faire la guerre aux Madianites, une armée innombrable. Il avait réuni 32000 combattants autour de lui. Mais il fallait les réduire à 10000, puis – chose invraisemblable – à 300! Avec ces 300 hommes, Gédéon remporta la victoire. Dieu n’a pas ajouté au nombre, il en a enlevé. C’est la méthode spirituelle.

L’ordre des béatitudes

Je rappelle que l’ordre dans lequel Jésus aligne les béatitudes n’est pas arbitraire. Chaque béatitude suivante présuppose les précédentes et devient plus difficile à appliquer. Ainsi, quand nous comprenons ce que nous devrions être, ce que nous devrions faire, nous devenons des pauvres en esprit ; c’est un état de conscience de ma nullité et de mon impuissance face aux exigences de Dieu et ma totale dépendance de Dieu face à la loi, à l’évangile. Cela mène – si je suis honnête envers moi-même – à une conviction de mon péché, du mal qui habite en moi, de ma perdition ; je suis alors affligé ; mais le salut par grâce en Jésus-Christ que Dieu m’accorde, me console. Je suis prêt à accepter ces deux choses. Mais suis-je aussi prêt à en témoigner à autrui? C’est moins facile. Et cela me mène à la troisième béatitude.

Quelques exemples bibliques d’hommes doux

Pour mieux saisir ce que c’est d’être doux, humble, soumis, dans le sens où Jésus l’entend ici, cherchons des exemples dans la Bible :

– Abraham: Pensons à ses rapports avec Lot, son neveu, plus jeune et moins spirituel. Son oncle le laisse choisir la meilleure part des pâturages quand ils arrivent près de Sodome avec leurs troupeaux.
– Moïse: Quelles possibilités à la cour de Pharaon! Il y renonce afin de sauver son peuple. La Bible le décrit comme étant le plus humble des hommes, et le voyage dans le désert à la tête d’un peuple récalcitrant en donne maints exemples.
– David: Il savait qu’il serait le roi d’Israël, puisque Samuel l’avait oint. Saül aussi le savait, et il chercha par tous les moyens à le tuer. A deux reprises, il était à la merci de David, qui prononça cette parole remarquable : «Comment toucherais-je à l’oint de l’Éternel» ? Saül devait bien mourir un jour, mais David en laissa le soin à Dieu.
– Jérémie: Les autres prophètes parlaient de choses agréables et avaient la faveur du roi. Jérémie ne parlait pas pour faire plaisir et dut en souffrir. «C’est un individualiste, il s’isole, il est non-coopératif… » aura-t-on dit. Jérémie continuait à donner le message reçu de Dieu malgré le mal qu’on disait de lui. La tradition veut qu’il soit mort en martyr, scié en deux dans un arbre creux. Cela peut être le prix de l’obéissance inconditionnelle.
– Paul: Lisez ses lettres aux Corinthiens, à la lumière de tout le mal que certains chrétiens disaient de lui : quelle patience, quel amour!
– Jésus-Christ: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous donnerai le repos… Je suis doux et humble de cœur» (Mat 11.28). Toute sa vie en est le reflet continuel. Persécuté, il pardonne. Paul décrit le caractère de Jésus : il n’a pas tiré avantage de son égalité avec Dieu mais s’est soumis à lui (lisez Phil 2.5-11). Il s’est fait serviteur, lui, le Maître de l’univers! Il s’est laissé battre et a subi la torture de la croix, par soumission à Dieu le Père.

Regardons encore à Jésus pour cerner de plus près quelle est l’essence de l’humilité. Son humilité foncière ne l’a pas empêché de débarrasser le temple des profiteurs avec un fouet, ni d’apostropher les pharisiens en les nommant "hypocrites" huit fois d’affilée, ni encore de reprendre le serviteur du temple qui lui avait donné une gifle. Parce que, justement, la douceur et l’humilité dont parle Jésus ne sont pas une sorte de lâcheté à l’égard du mal; ce n’est pas "se laisser marcher sur les pieds".

Ce que l’humilité n’est pas… et ce qu’elle est

Examinons un peu ce que l’humilité n’est pas:

1. Ce n’est pas une disposition naturelle. Tous les chrétiens doivent devenir ainsi, pas seulement ceux qui y seraient disposés. David était par nature violent ; Moïse était imbu de son savoir-faire; Paul était supérieurement intelligent et cultivé, jouissant d’un prestige social. Et voyez ce qu’ils sont devenus sous la main paternelle de Dieu!
2. L’humilité n’est pas de l’indulgence, ni du laisser-faire (vivre et laisser vivre).
3. Ce n’est pas la recherche d’un compromis qui arrangera tout le monde. "Passons sur toutes ces divisions et ces distinctions théologiques (comme si elles étaient sans importance!)." – «Soyons un à tout prix, même au prix de la vérité!» N’avez-vous jamais entendu cela?

Voyons donc ce qu’est l’humilité du chrétien régénéré:

1. C’est une affaire intérieure, de l’esprit. Elle est compatible avec la force et avec une grande autorité. Elle n’est jamais de la faiblesse (les martyrs ne sont pas des faibles).
2. L’humilité découle d’une évaluation de soi-même devant Dieu ; elle s’exprime par la conduite envers autrui. C’est chose impossible sans être pauvre en esprit et conscient de son péché. L’humble ne revendique pas ses droits. La psychologie enseigne le contraire: se donner de la valeur, s’imposer par sa personnalité. Jésus-Christ s’est imposé parce qu’il était d’essence divine. C’est aussi Dieu en nous qui nous donne la seule autorité valable face aux autres.
3. L’humble n’est pas susceptible. Il ne s’apitoie pas sur lui-même. Il en a fini avec le Moi revendicateur, car il est mort avec Christ. Comme on ne peut pas faire mal à un mort, on ne peut plus me faire du tort. Bunyan s’exprime ainsi: «Celui qui est par terre n’a plus peur de tomber.»
4. Personne n’a jamais été plus abordable et disponible que Jésus, toujours prêt à écouter l’autre. Sommes-nous prêts à nous laisser enseigner par ceux qui connaissent le conseil de Dieu, même si leur statut est inférieur au nôtre?
5. Finalement, l’humble abandonne sa vie, son travail, ses relations entre les mains de Dieu. Comme Paul, il dira: «À moi la vengeance, dit le Seigneur, c’est moi qui rétribuerai!"

L’héritage promis

Qu’en est-il de la seconde moitié de cette béatitude? «Heureux les humbles, car ils hériteront la terre».

Dans un sens, ils l’héritent déjà maintenant, de la façon suivante : le véritablement humble est toujours satisfait, il est heureux.

– N’ayant rien, il a tout, comme Paul l’exprime: «Nous sommes comme n’ayant rien, et nous possédons toute chose» (2 Cor 6.10).
– Il remercie les Philippiens de leur don en sa faveur et ajoute : « Je sais vivre dans le besoin, aussi bien que dans l’abondance».
– Remarquez aussi ce qu’il écrit aux Corinthiens: «…tout est à vous, …soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous, et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu» (1 Cor 3.21-23).
– Aux Romains: «Si nous sommes enfants (de Dieu), nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ» (8.17). C’est-à-dire nous hériterons le monde.
– Ailleurs: «Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui» (2 Tim 2.12). En d’autres termes : "Ne t’en fais pas si tu souffres. Reste humble et souffre, même injustement, et tu régneras avec lui. Tu hériteras la terre avec lui."

Rappelons-nous que le royaume de Dieu commencera d’une manière visible sur la terre, où Christ régnera depuis Jérusalem, règne auquel il associera ceux qu’il en jugera digne. Son critère: «Quiconque s’exalte sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera exalté» (Luc 14.11). Comprenons bien: "s’exalter" = se suffire à soi-même; ne vouloir devoir rien à Dieu ; être son propre Dieu (archétype: Satan); "s’abaisser" = se soumettre à Dieu ; savoir qu’on lui doit tout (archétype: Jésus).

Nous n’en aurons donc jamais fini avec la terre! Mais il y aura une nouvelle terre, comme il y aura de nouveaux cieux. "Au ciel avec Jésus" voudra donc aussi dire : "sur la terre (régénérée) avec Jésus", terre sur laquelle s’étendra son règne. Les expressions "royaume des cieux" et "royaume de Dieu", parfaitement interchangeables, recouvrent cette double réalité: hériter le royaume et hériter la terre. Dans la parabole des dix mines (Luc 19), les serviteurs fidèles reçoivent, l’un dix villes, l’autres cinq villes à gouverner. Où y a-t-il des villes à gouverner sinon sur la terre? Une chose est certaine: Jésus veut nous associer au gouvernement des cieux et de la terre.

Il est intéressant de constater que le Psaume 37, dont je recommande la lecture entière, faisait déjà entrevoir cette béatitude. Je citerai ici le v.11, une des cinq allusions à cette béatitude: «Les humbles posséderont le pays et feront leurs délices d’une paix complète».

Comment devenir vraiment humble ?

Voilà donc ce que Jésus entend par cette béatitude : « Heureux les humbles, car ils hériteront la terre ».

Mais je ne voudrais pas terminer sans rappeler à nouveau que l’humilité est chose impossible à l’homme naturel (pécheur non régénéré). Jamais homme n’a réussi à se "faire" humble. Ceux qui, en se faisant moines, abandonnant la vie humaine normale, s’imposant toutes sortes de renoncements, pensaient y arriver, ont tous échoué. Seul le Saint-Esprit peut nous faire pauvres en esprit, nous attrister à cause de notre péché et nous mener à la repentance. Lui seul peut produire en nous l’humilité qui caractérise le chrétien né de l’Esprit.

C’est une chose sérieuse. Tous ceux qui sont enfants de Dieu ont reçu le Saint-Esprit. Aucun n’a d’excuse pour être orgueilleux. L’humilité est le fruit direct de l’Esprit.

Tout ce que je puis faire, c’est méditer continuellement sa Parole, et particulièrement ce Sermon sur la montagne, m’en laisser imprégner en regardant au Seigneur Jésus-Christ, et maintenir avec lui une relation ininterrompue par la prière. Je dois en finir avec le vieil homme et le considérer comme mort avec Christ, afin que ce dernier puisse prendre possession de tout mon être, lui qui m’a racheté à un si grand prix.