PROMESSES

D’année en année, les experts économiques, les futurologues et autres augures modernes nous gratifient de leurs pronostics quant à l’évolution de cette plaie qui gangrène nos sociétés « avancées »: la Crise. Pronostics tout en nuances, bien sûr. Ce qui n’empêche pas les termes de « reprise » ou de « relance » d’avoir une allure vaguement suspecte, aux relents de propagande électorale.

Mais la méfiance à l’égard de la chose politique n’explique pas tout. En fait, tout se passe comme si des forces obscures s’amusaient à démonter, les unes après les autres, toutes les prévisions. Tant et si bien que l’on se garde désormais d’évoquer la « fin de la Crise », de peur de passer pour des rêveurs.

Nos contemporains vivent donc à l’heure des désenchantements, et même, pour les plus touchés, du désespoir. Pour autant, ouvrent-ils les yeux sur les origines réelles de la Crise? Veulent-ils les ouvrir?

A notre grande tristesse, nous devons admettre que la majorité est aujourd’hui plus encline à accepter les pseudo-remèdes qu’on lui propose en toute fébrilité, plutôt que d’opérer le seul retournement de conduite qui serait radicalement salutaire.

Et c’est ainsi que nos experts, mais aussi toute la foule des laissés pour compte, continuent de miser sur une « reprise de la conjoncture », sur un redémarrage de la consommation, des investissements, de l’embauche et de l’emploi, bref, sur un retour aux « années bénies » du boom économique. La Crise n’a donc pas guéri le peuple de sa mentalité matérialiste et consumériste, et il reste franchement myope en ce qui concerne ses intérêts profonds.

La Bible nous offre pourtant un moyen de comprendre « notre » Crise, et d’en sortir. Au travers des expériences humaines qu’elle relate – en particulier au travers de l’histoire du peuple d’Israël (lisez-en le saisissant condensé dans les versets 16 à 37 du chapitre 9 de Néhémie), nous pouvons d’emblée établir un premier principe: les moments de désintégration sociale, économique et morale ne sont pas imputables en premier chef à de mauvais systèmes, ou à la mauvaise gestion des divers pouvoirs du corps social. Non, il faut rechercher les causes de nos débâcles plus en amont, car toute misère et toute injustice, toute dérive structurelle, prennent racine dans une perturbation de la relation entre l’homme et son Créateur.

C’est pourquoi l’apôtre Paul, dans la magistrale fresque du chapitre 1 (v. 18 à 32) de son épître aux Romains, ne craint pas d’affirmer que l’anarchie généralisée, dans ses formes les plus diverses, n’a qu’une grande cause première: les hommes… retiennent injustement la vérité captive… ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces, mais ils se sont égarés dans leurs pensées… (v. 18, 21).

Du jardin d’Eden jusqu’aux convulsions terribles de notre siècle chaotique, le scénario reste le même. Le rejet des normes de Dieu et de ses moyens de salut équivaut à un sabordage, suivi d’un naufrage. Et même s’il faut admettre que Dieu a parlé successivement (et souvent simultanément) bien des langages: la création, la conscience, la loi, les prophètes, son propre Fils venu en chair, sa Parole écrite, l’Eglise, malgré donc la variété des approches, l’homme a souvent préféré se donner des idoles selon son cour révolté. C’est pourquoi il ne faut pas craindre, en analysant les temps que nous traversons, de revenir au noud du problème, que l’Ecriture nomme aussi apostasie, abandon de la foi (2 Thes 2.3).

Ce numéro de Promesses voudrait vous fournir une solide étude des tenants et des aboutissants de notre Crise (voir l’article de J.-P. Graber dans notre dossier spécial), mais aussi vous rappeler qu’en temps de démission morale et sociale, Dieu investit ses enfants d’une mission, de ressources et de moyens insoupçonnés (voir l’étude de D. Arnold).

Oui, Dieu reste la Source de vie et de paix, toujours à disposition de ceux qui reviennent à Lui dans un esprit de repentance et de foi. Pourquoi, par les encouragements de l’Ecriture, ne serions-nous pas poussés à implorer le Seigneur afin qu’Il accorde à nos peuples déchristianisés de saisir que leur bonheur ne dépend pas avant tout des impératifs de l' »économie de marché », ni des succès de la philosophie du Nouvel Ordre Mondial, mais de leur réconciliation avec le Dieu d’où proviennent toute grâce excellente et tout don parfait (Jac 1.16)?

C.-A. P.



Notre équipe de rédaction se renforce!
En effet, nous avons la joie d’annoncer à nos lecteurs que notre secrétaire et son mari (chargé de la gestion des abonnements) ont reçu un merveilleux complément en la personne de leur premier enfant, né le 1er mai à Vevey (CH).
Nous souhaitons au petit MARC, et à ses parents, Dung et Myriam Blumenstein, toute la bénédiction du Bon Berger sur leur précieuse famille.
La Rédaction



Nous espérons, chers lecteurs, que vous apprécierez la nouvelle « robe » de votre journal. Sous une forme résolument actuelle, elle illustre le fait que la grâce et les promesses de Dieu sont destinées à être reçues par tous les hommes, en tous temps, et en tous lieux.

En filigrane, la couverture de votre revue dit aussi que l’histoire marche vers un terme glorieux pour ceux qui attendent la venue du Fils unique de Dieu, et qu’il convient de s’y préparer.

Le thème principal du présent numéro, à savoir 1’OEcuménisme, est le développement de notre dossier sur l’Unité (voir numéro 117; 1996/3). A l’heure où tant de voix (dont celle du Souverain Pontife) nous exhortent avec insistance à entrer en dialogue, il n’est sûrement pas superflu de s’arrêter sur le sujet.

Mais au fait, sommes-nous réellement équipés pour entamer un dialogue de cette envergure? Je ne crois pas être le seul à penser que, contrairement à la situation qui prévalut à l’époque de la Réforme, les tenants de la foi biblique sont très mal préparés à aborder un débat dont ils puissent éviter d’être les dupes. Cela pour deux raisons majeures:
-le discours des partisans déterminés de l’ocuménisme semble si humble et si conciliant qu’il en devient désarmant;
-les évangéliques fondamentalistes sont de plus en plus nombreux à ne plus très bien savoir ce qu’ils croient, à ne plus connaître avec précision les fondements bibliques de la doctrine chrétienne, et à se désintéresser de ce que prônent et propagent leurs interlocuteurs potentiels.

D’où, à court terme (et sauf réveil salutaire), une accélération et une multiplication d’alliances de toutes sortes sont célébrées dans l’enthousiasme d’une réconciliation tragiquement bâclée et déficiente .

Chers lecteurs, le Seigneur nous appelle à le suivre, à rester fidèles à l’Ecriture seule, à prêcher par nos actes et par nos paroles, bref à l’aimer, à l’honorer, à le recommander. Ne nous laissons pas obnubiler par le sacro-saint dialogue ocuménique.

Cherchons à vivre en paix avec tous les hommes (Héb 12.14,. Rom 12.18), soyons prêts à rendre compte de notre foi si besoin est (1 Pi 3.15), mais ne nous laissons pas entraîner à des fraternisations auxquelles le Seigneur ne nous convie pas. Nous avons pris la peine de décrire la nature et les conditions de la véritable unité (voir Promesses no 117): à chacun de nous maintenant de la favoriser avec toutes les ressources d’En haut (cf Eph 4.1-6).

Encore cette fable pour votre réflexion: un chasseur se trouvait face à un ours impressionnant. Il épaulait son fusil quand l’ours se mit à parler: je crois que nos points de vues sont très différents. Mais nous sommes tous deux raisonnables: discutons-en. » L ‘homme abaissa son arme et dit: « De quoi veux-tu donc que nous parlions? »

« Eh bien, grogna l’ours en s’approchant, dis-moi pourquoi cette agressivité à mon égard? »

« C’est bien simple, répliqua le chasseur, il me faut un manteau de fourrure! « 

« Et moi, dit l’animal en souriant d’un air bonasse, j’ai besoin d’un déjeuner; je suis sûr que nous allons nous entendre tous les deux. »

Ils s’assirent donc pour tenter de conclure un accord. Un peu plus tard, l’ours se releva, et s’en alla tout seul. La conférence avait trouvé sa conclusion: l’ours avait obtenu son déjeuner et le chasseur était entré dans son manteau de fourrure.

C.-A.P.


Ne cherchez pas, chers amis lecteurs, de forte unité de contenu dans ce numéro de Promesses. Foisonnant et disparate comme une devanture d’antiquaire, il s’offre à vous avec la même intrigante diversité.

L’exemple d’Elie, rappelé par l’article inédit de D. Arnold, nous fournit cependant un point d’ancrage intéressant: de par sa position de serviteur de l’Eternel, Elie a été contraint de se démarquer des gens de son temps dans bien des domaines: questions religieuses, question morales, questions politiques.

Ne sommes-nous pas, nous aussi, confrontés chaque jour à des réalités de tous ordres qui nous forcent à sans cesse nous « (re) positionner », à nous replonger dans la Parole pour affermir nos bases? Et comme Elie, n’éprouvons-nous pas à notre tour la lassitude de ce combat tous azimuts? N’avons-nous pas besoin d’un contact particulier avec Dieu pour retrouver une claire vision des possibilités du Seigneur, de ses plans pour nous, pour l’Eglise, pour le monde?

Si tel est votre cas, que ce tour d’horizon de divers sujets soit pour vous, chers lecteurs, une incitation à démarrer dans cette « reprise » d’automne d’un bon pied, sachant que toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à toute oeuvre bonne (2 Tim 3.16,17).

C.-A. P

P.S: notre prochain numéro sera le 2ème volet du no 117 sur le thème de l’Unité chrétienne. Il sera l’occasion de se pencher sur la question de l’Oecuménisme.


Chers amis lecteurs,

Nous ne voulons pas vous laisser plonger dans les articles de ce nouveau numéro de Promesses sans être d’abord revenus sur les nombreux «questionnaires», dûment remplis, que vous nous avez fait parvenir. Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont pris le temps de nous répondre: vous nous avez fourni un excellent outil pour préparer nos prochaines éditions. De plus, votre soutien fraternel, vos encouragements, vos remarques nous revigorent, car vous devinez bien que l’équipe de rédaction et d’administration a besoin de ce contact direct avec vous, sans lequel elle finirait par penser qu’elle habite une île déserte…

Une première constatation après le dépouillement des «questionnaires»: vous êtes en majorité satisfaits de votre journal, et la présentation de certains numéros sous forme de «dossiers spéciaux» vous intéresse. Nous nous efforcerons donc de privilégier cette approche thématique.

Une deuxième observation: vous êtes nombreux à attendre une aide pratique de nos articles. Vous souhaitez que Promesses vous soit utile dans votre vie personnelle avec Dieu, ainsi que dans votre vie familiale, professionnelle, ecclésiale. Nous nous appliquerons donc à vous offrir de la «théologie pratique», dans l’esprit de Tite 2.

Enfin, une dernière remarque: vos suggestions de «nouveaux sujets» à traiter sont si variées qu’il ne nous sera pas possible, avant bien des années, de les épuiser toutes. Patience donc, et ne nous en veuillez pas si nous n’abordons pas vos thèmes de prédilection dans les mois qui suivent.

Que le Seigneur, le souverain Berger, vous conduise dans ses sentiers et vous nourrisse constamment de lui-même et de sa Parole.

Et merci à vous tous de le prier de nous inspirer quant à la matière de Promesses, et à la manière de la présenter.

Avec les salutations amicales et reconnaissantes de l’équipe de rédaction.

Cl.-A. Pfenniger


Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup. Mat 20.28

Rien de plus humain que de chercher à se servir des autres, et même à les assujettir. Mais Jésus-Christ nous a enseigné autre chose. Il en sera question dans ce numéro de Promesses. Donnons pour l’instant la parole à un témoin peu ordinaire du Roi des rois.

A Sainte-Hélène, Napoléon reçut, par l’intermédiaire de son chapelain, une Bible à reliure très soignée et à son initiale. Il la lut beaucoup et fut frappé par la personne et par l’ouvre de Jésus-Christ; il communiquait souvent à ses compagnons de captivité ses impressions à cet égard: «J’ai, disait-il au Comte de Montholon, dans les jours de ma gloire, passionné des multitudes au point qu’elles mouraient joyeusement pour moi… Mais pour enthousiasmer le soldat, il fallait ma présence, ma parole, mon prestige… Et maintenant qui est-ce qui m’est resté fidèle? Telle est la destinée des grands hommes. On nous oublie. Louis XIV était à peine mort qu’il fut laissé seul dans sa chambre mortuaire; ce n’était plus le maître, c’était un cadavre. Encore quelques jours et ce sera mon sort.

Quelle différence entre la destinée prochaine de Napoléon et celle de Jésus-Christ! Quel abîme entre ma profonde misère et le règne éternel du fils de Dieu. Avant même que je sois mort, mon oeuvre est détruite; tandis que le Christ, mort depuis dix-huit siècles, est aussi vivant qu’au moment de son ministère. Loin d’avoir rien à redouter de la mort, il a compté sur la sienne. C’est le seul qui ait été plus vivant après sa mort que de son vivant. Le temps n’a pas seulement respecté l’ouvre du Christ, il l’agrandie: en quelque endroit du monde que vous alliez, vous trouvez Jésus prêché, aimé, adoré.

Sur quoi avons-nous fait reposer notre pouvoir? Sur la force. Tandis que Jésus-Christ a fondé son empire sur l’AMOUR, et des milliers d’hommes donneraient joyeusement à cette heure leur vie pour lui !

Voici un conquérant qui incorpore à lui-même, non pas une nation, mais l’humanité. Quel miracle! L’âme humaine avec toutes ses facultés devient une annexe de l’existence de Jésus-Christ. Et comment? par un prodige qui surpasse tous les prodiges: Christ veut l’amour des hommes, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus difficile à obtenir; il demande le cour; c’est là ce qu’il veut; Il ne demande rien d’autre et Il l’obtient. J’en conclus sa DIVINITE. Alexandre, César, Annibal, Louis XIV avec tout leur génie ont conquis le monde; ils ne sont pas parvenus à avoir un ami!… L’union qui unit Jésus-Christ à ses rachetés est plus impérieuse que quelque union que ce soit, et tous ceux qui croient sérieusement en Lui ressentent cet amour surnaturel. Ils aiment quelqu’un qu’ils n’ont pas vu. C’est un fait inexplicable à la raison, impossible aux forces de l’homme, et pourtant Il l’accomplit.

Voilà ce que j’admire au-dessus de toute chose, moi, Napoléon. Plus j’y pense, plus je suis absolument persuadé de la divinité de Jésus-Christ.»

On comprend l’impression extraordinaire qu’à dû lui faire le récit de la vie de Jésus-Christ qui, venu sur la terre pour fonder une sorte d’empire, le règne de Dieu, n’a pas voulu d’autre gloire que de donner sa propre vie pour le salut de l’humanité. Pour l’un, ses sanglantes victoires ont été le prélude d’un désastre sans nom; pour l’autre, cette seule mort a fondé un royaume qui, malgré toutes les oppositions, s’étend encore tous les jours.

Napoléon, dont le front ne s’était jamais courbé devant personne, s’est incliné en présence du Christ, reconnaissant en Lui le Fils unique de Dieu. (I)

Pour nous qui nous déclarons disciples de Christ, comment avons-nous l’habitude de considérer notre passage sur terre?

Comme une occasion de concentrer en notre personne un maximum de gloire, de prospérité et de jouissances? Ou bien comme l’apprentissage du don de soi-même, à l’exemple de Celui qui s’est livré pour nos péchés, qui est mort pour nous donner la vie, et qui a répandu le St-Esprit dans nos cours pour nous rendre capables de l’aimer et de le servir?

Note: cet épisode de la vie de Napoléon a été emprunté au journal La Bonne Nouvelle, No 7/8, 1954.

C.-A.P.


Parmi les légions de voyageurs qui sillonnent les routes de l’été, on remarque généralement que deux catégories de transhumants se distinguent nettement l’une de l’autre:
   …les hyper-lestés
   …les hyper-légers

Les premiers ne peuvent passer inaperçus, car ils sont à l’origine de fréquents et pénibles «bouchons». Traînant avec eux un domicile complet (mobilhome extra-long, caravane extra-large), voire un yacht ou un planeur, ces faux-nomades sont équipés pour recréer, où qu’ils s’établissent, des conditions de vie aussi proches que possible de leur milieu originel. Ainsi, enveloppés dans leurs objets familiers, ils préviennent à coup sûr l’inconfort, l’improvisation et le déracinement.

Les hyper-légers sont plus discrets. Sac au dos et baskets aux pieds, ou juchés sur une bécane, ces aventuriers des temps modernes s’efforcent de retrouver la simplicité, laissant aux circonstances le soin de leur suggérer un itinéraire, et n’hésitant pas à dormir sous tente ou à la belle étoile. Survivre avec le minimum vital, telle est leur devise.

Deux catégories de voyageurs, deux conceptions bien différentes de l’autonomie, de la liberté; deux approches opposées des périples en terres étrangères.
 Quant au chrétien, comment comprend-t-il les passages de l’Ecriture qui lui rappellent qu’il est étranger et voyageur sur la terre (1 Pi 2.11 ; Héb. 11.13)? A-t-il conclu de ces versets que pour réussir le voyage de la vie, il est impératif de s’entourer d’un maximum de diplômes, de titres de renommée, de signes extérieurs de réussite sociale? Se comporte-t-il comme les pharaons qui, pour affronter l’au-delà dans les meilleures conditions, passaient une partie importante de leur existence terrestre à bâtir leurs tombeaux et à les remplir de magnifiques mais inutiles trésors? Appartient-il aux «hyper-lestés» de ce monde?
 Interrogeons-nous: quel temps, quelles forces, quelle ingéniosité, quelle affection n’investissons-nous pas, nous chrétiens d’Occident, dans le développement de notre potentiel physique, intellectuel et économique? Quelles caravanes lourdement meublées ne traînons-nous pas avec nous? Combien d’efforts ne sont-ils pas entièrement voués à notre «installation» terrestre, comme si notre salut en dépendait?

Or l’apôtre Pierre dit: «étrangers», littéralement «ceux qui vivent en dehors de leur maison» (paroikous); il dit: «voyageurs», littéralement «immigrants» (parepidèmous). Ni les uns ni les autres ne sauraient se confondre avec des déménageurs…

De son côté, l’apôtre Paul fait remarquer au jeune Timothée qu’il n’est pas soldat qui s’embarasse des affaires de la vie, s’il veut plaire à celui qui l’a enrôlé (II Tim 2.4).

Alors, chers amis lecteurs, efforçons-nous, avec l’aide du Seigneur, de ressembler aux «hyper-légers». Comme Moïse, regardons l’opprobre de Christ (et certains renoncements) comme une richesse plus grande que les trésors de l’Egypte (Héb 11.26). Comme Abraham, consentons à demeurer «sous des tentes», sachant qu’au delà des vicissitudes de notre voyage terrestre, la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur nous est réservée (Héb 11.10).

Animés d’un tel esprit, nous pourrons affirmer avec le grand voyageur que fut l’apôtre Paul: nous sommes regardés comme pauvres, mais nous en enrichissons plusieurs; comme n’ayant rien, mais nous possédons toutes choses (cf. Il Cor 6.10).

C.-A.P.


A en croire une étude réalisée avec la collaboration de 1000 adolescents de 27 pays européens, l’état d’esprit qui règne parmi la jeunesse de ce continent n’a rien de réjouissant1. Apathie, inertie, pessimisme sont les traits dominants de ce groupe d’âge. L’auteur de cette investigation explique ce climat par la gravité des problèmes internationaux, par les dures réalités de la récession. Dans cette conjoncture chaotique, beaucoup de jeunes (surtout dans le nord de l’Europe) s’enferment dans une résignation plus ou moins morose, convaincus de leur impuissance à changer le monde.

Or, parmi les facteurs de démoralisation les plus évidents, toujours selon cette étude, figurent le risque d’attraper le sida et l’insécurité provoquée par le chamboulement de la famille traditionnelle. Pour échapper à la déprime, la majorité des jeunes se réfugient dans les plaisirs faciles et dans le matérialisme; quelques-uns s’efforcent, tant bien que mal, de recréer un cercle familial et social de type traditionnel.

Mais comment les jeunes pourraient-ils reconstruire le monde, et des familles solides, unies, heureuses, s’ils doivent s’inspirer des modèles désagrégés qu’ils ont sous les yeux? Dans le domaine du mariage, qui sera le thème central de ce numéro de Promesses, un adolescent des années 90 ne peut guère se sentir enclin à l’optimisme. En effet, voici ce qu’il aura compris en observant le monde adulte:
  -un mariage sur trois tourne au divorce;
   -l’amour est un sentiment qui va en décroissant; après quelques années de mariage, la plupart des conjoints mènent des existences séparées;
  -les enfants sont des gêneurs; les gens mariés n’en admettent qu’un minimum (en Allemagne, 46% des couples n’en ont pas!)
  -la sexualité et le mariage sont deux réalités disjointes. Au travers de certaines campagnes (dites de «prévention» ),les autorités, les écoles et même certaines églises encouragent les «expériences sexuelles» précoces;
  -le cinéma, la télévision, les magazines à grand tirage affirment que toutes les pratiques et perversions sexuelles ont également droit de cité. Le corps humain n’est qu’un outil de plaisir, un vulgaire objet de profit commercial – mais, chose étrange, lorsqu’un sadique sexuel commet ses forfaits, les mêmes médias s’en offusquent vertueusement.

Avant de percevoir clairement le modèle d’un mariage réussi, d’une famille heureuse, d’une relation exclusive et durable, le jeune d’aujourd’hui aura eu vent de ratages en tous genres, Et comme s’il fallait le vacciner contre tout vestige de romantisme, on continuera de lui répéter que ce qui compte, c’est le «safe sex» (qui finit quand même par tuer); que les mariages d’homosexuels sont très honorables; que l’avortement, malgré ses millions de sacrifiés, est une mesure d’hygiène personnelle bien légitime; que la fécondation artificielle permettra d’avoir l’enfant de son choix, sans conjoint, mais à condition de trouver une grand-mère porteuse bien disposée, etc.

Dès lors, ne nous appartient-il pas à nous les chrétiens, de clamer haut et fort – en vivant ce que nous prêchons – qu’il est grand temps de revenir à la conception biblique du mariage, parce qu’elle est bonne, sûre et entièrement profitable à ceux qui font confiance à Dieu?

Que cette édition de notre revue, consacrée à la préparation au mariage, contribue donc à remettre à l’honneur le mariage tel que le Créateur l’a institué. Et que la Parole de Dieu puisse faire pièce aux menées de l’Ennemi du genre humain, le Diable, qui s’acharne à souiller, à corrompre et à détruire les relations normales entre homme et femme, tout comme il cherche à nous tenir éloignés de notre seul Sauveur et Seigneur.

Dans le domaine du mariage comme dans tous les autres, que notre lecteur prenne très à coeur cette recommandation du Père de toute vie: Celui qui craint l’Eternel possède un appuiferme, et ses enfants ont un refuge auprès de lui. La crainte de l’Eternel est une source de vie, pour détourner des pièges de la mort. Pr 14.26,27

C.-A.P.
1 The European, «The young hedonists and hermits of Europe», article de Julie Read, numéro 1-7 avril 94.


DOSSIER SPECIAL

Tous, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, l’écoutaient attentivement, et disaient: Cet homme est la puissance de Dieu, celle qui s’appelle la grande Act 8.10.

Il arrive que, dans leur enthousiasme, les hommes tombent d’accord pour décréter des faussetés, en toute bonne conscience. En l’occurrence, celui que tous écoutaient avec ravissement était magicien de son état, et la puissance qu’on lui reconnaissait n’était pas de Dieu. S’il est un homme qui a fortement défrayé les chroniques évangéliques de Suisse romande ces derniers temps, et dont on dit qu’il est revêtu de toute la puissance de Dieu, c’est assurément vers le Dr Paul Yonggi Cho que nous devons nous tourner. Et puisque l’émerveillement des foules ne garantit pas de l’erreur, il convient aussi, à son propos, de se demander d’où lui vient son succès.

A ceux qui, d’aventure, trouveraient une telle enquête bardée d’outrecuidance, nous rappelleront l’exigence biblique d’examiner toutes choses, et de retenir ce qui est bon (1 Tim 5.21). Que Dieu nous aide donc à voir clair…

Mais d’abord, qui est celui que des milliers de chrétiens évangéliques iront écouter, pour la deuxième fois en moins de trois ans, au mois de mai 1993, à Yverdon-les-Bains?

Quelques mots des feuillets de propagande suffiront à évoquer le «phénomène» :
-«de pasteur de la plus grande église qui ait jamais existé dans toute l’histoire du christianisme»
-«son église, la «Yoido Full Gospel Church», compte 700’000 membres et se trouve à Séoul, en Corée»
-«51’000 cellules de prières»
-«le dimanche, environ 50’000 personnes assistent à chacun des 7 cultes»
-«le développement de cette église est une suite de miracles accomplis par Dieu»
-«le pasteur Cho a participé dans le monde entier à environ 800 séminaires sur la croissance de l’église…»

Bref, un tableau d’honneur à faire pâlir de honte ou d’envie tout pasteur ou responsable ecclésiastique qui se respecte. Nous ne serons donc pas surpris de découvrir, parmi les plus ardents supporters du Dr Cho, bon nombre de directeurs spirituels en quête d’authenticité, de plénitude et de conquêtes pour l’Evangile. Comme eux donc, nous ne nous arrêterons pas à rêver aux records du Dr coréen, mais nous nous efforcerons de percer ses secrets.

Lorsqu’on écoute le Dr Cho, on se sent étonnamment à l’aise. Pas de supériorité écrasante dans ses propos, pas d’abstractions ou de développements théologiques ennuyeux; l’anecdote, l’histoire vécue, les confessions auto-biographiques abondent; le chemin vers la mise en pratique semble tout tracé. Pour le chrétien biblique, c’est l’impression de redécouvrir un territoire déjà parcouru, avec l’avantage d’un éclairage plus avenant, d’un climat plus tonifiant. Soyons honnêtes: qui peut, du point de vue de la plus stricte orthodoxie biblique, ne pas souscrire aux déclarations suivantes?

Sur la Bible

-«Dans notre Eglise, nous édifions d’abord notre foi par l’étude de la Bible et l’enseignement, avant de nous unir dans la prière» (PCRp: 201) (1).
-«Nous n’entendrons jamais quelque chose venant de Dieu qui serait en contradiction avec la révélation et l’inspiration de la Bible» (PCR p. 158).

Sur la nécessité de la vie spirituelle

-«Nous avons besoin d’un réveil dans nos vies et surtout dans notre assemblée. Nous sommes las des cultes morts et des réunions de prière dépourvues de vie» (ADC p. 122).

Sur le but suprême de Dieu en nous
«La guérison du corps n’est pas le but suprême du Saint-Esprit… Le but suprême de Dieu, c’est la guérison de nos âmes» (QD p. 87).

Sur notre soumission à la Parole
-«Le Saint-Esprit ne contredit jamais la parole écrite de Dieu. ..Ainsi donc, tous nos désirs doivent être soigneusement examinés à la lumière des Ecritures» (QD p. 95).

Sur les rapports entre l’Esprit et la Parole
-«L’Esprit sans la Parole est à l’origine du fanatisme. La Parole sans l’Esprit est à l’origine de la stagnation. Un juste équilibre entre les deux fera croître toute assemblée» (ADCp.181).

Sur la conversion
-«Dès que vous acceptez Jésus-Christ comme votre sauveur personnel, votre esprit renaît. Cela est instantané. Aussitôt la vie de Dieu se répand en vous et votre être spirituel reçoit la vie éternelle» (QD p. 98).

Sur l’importance de l’humilité
-«Si nous marchons avec un esprit orgueilleux, Dieu nous résistera quand nous nous approcherons de lui dans la prière;»« nous ne pouvons rien réussir en nous basant sur nos propres mérites, mais par la grâce divine nous pouvons tout faire» (PCR p.35).

Sur la nécessité de la foi
-«La foi est l’ingrédient particulier qui remplit notre prière de puissance et provoque des résultats…»
-«En priant il faut avoir la foi afin que notre prière soit exaucée» (PCR p . 179).

Avouons-le, ces quelques citations pourraient déjà, à elles seules, servir de mots d’ordre et de cadre doctrinal à toute assemblée chrétienne digne de ce nom. Elles ne représentent pourtant qu’un échantillon des excellentes choses exposées par le Dr Cho. Au point que certains seraient prêts à ranger un tel homme parmi les grands phares de l’Eglise du 20ème siècle.

Il ya, hélas, l’envers du décor. Car tout n’est pas de la même veine, dans l’oeuvre écrite du pasteur Cho. Voici, entre autres, quelques affirmations que je me permettrai de faire suivre de quelques questions.

Sur le baptême du St-Esprit
-«Le parler dans une autre langue est le signe initial du baptême dans le St- Esprit…» «Lorsque nous parlons en d’autres langues, nous sommes remplis du St-Esprit» (QD po 73).


Questions:
a) La Bible enseigne-t-elle que le parler dans une autre langue est le signe nécessaire et général du bap-tême dans le St-Esprit?
b) Existe-t-il un signe qui soit l’accompagnement obligé du baptême dans le St-Esprit? (2)
c) L’expérience des Corinthiens ne prouve-t-elle pas que l’on peut parler en d’autres langues sans être «rempli du St-Esprit»(cf. 1 Cor 3.1-3; 1.7; 13.1)?

Sur la naissance de la foi
-«Dieu est un Dieu de miracles. C’est pourquoi ses enfants sont nés avec le désir de voir des miracles dans leur vie. S’ils ne voient pas de telles choses, les gens ne seront jamais vraiment convaincus que Dieu est tout-puissant» (QD p. 56).

Questions:
a) L’exigence de miracles est-elle nécessairement une marque de vraie soif de Dieu? (cf. Luc 11.29; 23.8; 2 Thes 2.9).
b) Les miracles sont-ils le seul moyen de persuader les hommes de la toute;:puissance de Dieu ? ( cf. Rom 1.18-20).
c) La prédication de l’Evangile n’est-elle pas, à elle seule, capable de produire la vraie foi ? ( cf. Rom 1.16,17; I Cor 1.18-25; Rom 10.8-17; Rom 15.4; 2 Tim 3.15-16).
d) Les plus grands miracles sauraient-ils venir à bout de l’incrédulité humaine? (cf. Luc 16.30, 31; Jean 2.23-25; Act 2.22,23).

Sur la plénitude du St-Esprit et ses manifestations
-«Etre rempli du St-Esprit ne nous conduit pas automatiquement à marcher par la puissance de l’Esprit» (PCR p, 139).

Questions:
a) La plénitude du St-Esprit peut-elle se maintenir dans la vie du croyant si elle n’est pas conjointe à des fruits concrets? Les croyants dont l’Ecriture dit qu’ils étaient pleins de l’Esprit n’ont- ils pas tous, d’une manière ou d’une autre, manifesté la puissance du St- Esprit dans leur attitude ou dans leurs actes? (cf. Act 6.3,5; Act 11.22-24; Act 4.8, 13; Act 7.55-60; Act 13.9- 11).
b) N’y-a-t-il pas grand danger à privilégier les manifestations extérieures de «puissance» (miracles, signes, paroles «créatrices» ), et à considérer les fruits intérieurs de l’Esprit comme moins révélateurs d’une vie spirituelle authentique? (cf. I Cor 13; GaI 5.16- 26; I Cor 6.17; I Jean 4.12-16; 2 Pi 1.3-8).

Sur la bonne façon de prier -«Si vous présentez une requête très précise (à Dieu) et que vous la voyez clairement, vous pouvez la recevoir» (QD p. 22).
-Dieu a toujours répondu à des prières directes et spécifiques, si vous avez besoin de 30’000 francs, demandez ce montant exact(PCR p.180).

Questions:
a) Comment ignorer que Dieu ne bénit les prières «directes et spécifiques» que si elles correspondent à sa volonté? (cf. Jac 4.3; 2 Cor 12.7-9; I Jean 5.14, 15; Luc 22.42).
b) Comment ignorer que les croyants qui ont voulu forcer la main de Dieu ont parfois été exaucés, mais s’en sont mordu les doigts? (cf. Nom 11.4-6, 18-20, 31-34; Nom 14.3,28- 30; 1 Sam 8.4-22; Nom 22 à 25.5 et Jude 11,2 Pi 2.15).
c) La visualisation précise de l’exaucement est-elle une condition sine qua non de la bénédiction ? ( cf. Eph 3.20; Héb 11.8; Rom 8.25-27).

Sur le rôle de la prière
-«La prière de la foi doit nous conduire dans des visions et des songes» (PCR p. 181; citation suivie de la référence à Act 2.28).

Questions:
a) Est-ce que les visions et les songes sont vraiment le canal de la révélation divine aujourd’hui ? (cf. Héb 1.1; 2 Tim 3.16, 17; lac 1.22-25; Apoc 22.18-19. Ces passages et bien d’autres ne proclament-ils pas à l’évidence que la Parole incarnée et la Parole écrite suffisent à nourrir la foi et à inspirer notre action, et qu’il est impie de vouloir y ajouter quoi que ce soit?)
b) Pourquoi vouloir absolument appliquer la citation d’Act 2.16, 17 (vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes) à l’ensemble de tous les chrétiens de tous les temps, alors que l’apôtre Pierre s’adresse spécifiquement à des Juifs, et que la totalité de cette prophétie ne trouvera son accomplissement qu’à l’heure où tout Israël reconnaîtra son Messie? (cf. Jér 30; Zach 12; Apoc 1.7; Rom 11.25-27; Mat 23.37-39).

Sur la puissance de la foi
-«En dominant dans le monde de la quatrième dimension (3) – le royaume de la foi – vous pouvez donner des ordres aux circonstances et aux situations dans lesquelles vous vous trouvez. Vous pouvez transformer et embellir la laideur et le chaos, et guérir ceux qui sont blessés et souffrent» (QD p. 57).

Questions:
a) Si tel est le pouvoir réel de la foi, pourquoi les croyants n’ont-ils pas encore fait venir le ciel sur la terre?
b) Comment concilier une telle puissance avec les propos de Jésus sur la nécessité de la souffrance (Jean 16.33) sans oublier ceux des apôtres: Paul (Act 14.22; Rom 8.22,23; 2 Cor 4.7-11, 16; 5.4; 6.4, 5), Pierre (I Pi 1.6; 2.20,21; 4.12-16), Jacques (Jac 1.2,3; 5.10, II), Jean (Apoc 1.9) et l’exemple de tant de croyants fameux (Héb 11.35-40)?

Sur la guérison du corps
-«Je sais que Dieu peut et veut guérir si nous lui faisons confiance pour accomplir la Parole et obéissons à sa voix» (ADC p.114).

Questions:
a) Etant donné que la mort physique est souvent précédée d’une maladie, pourquoi les croyants meurent-ils encore?
b) La Bible enseigne-t-elle que Dieu veut guérir toute maladie, tout handicap et toute infirmité chez tous ceux qui lui appartiennent? Si oui, pourquoi Monsieur Cho porte-t-il des lunettes? (cf. GaI 4.13, 14; GaI 6.11; 2 Cor 12.7;2 Tim4.20;2 Rois 13.14).


A défaut de constituer une réfutation en règle de toutes les outrances du Dr Cho, nous espérons que les quelques questions qui viennent d’être soulevées auront au moins eu le mérite de dévoiler la présentation tronquée, partiale et subjective que cet homme nous offre de la puissance du chrétien.

Certains croyants en mal d’«événements» se récrieront probablement à ce point, en nous lançant: «Vous voulez disserter sur la doctrine. Le Dr Cho, quant à lui, nous montre ses oeuvres. Où sont les vôtres?»

L’argument n’est pas mince, nous en convenons. Le Dr Cho a non seulement pour lui des performances spectaculaires, mais démontre une qualité d’engagement chrétien hors du commun. Les relations de ses combats spirituels, de ses veilles, de ses jeûnes, et surtout sa hardiesse (le seul don particulier qu’il se reconnaisse: QD p. 32) sont autant de gages de sincérité et de consécration. Nous n’hésiterons pas à admettre que si la majorité des chrétiens évangéliques fondamentalistes déployaient le même zèle et montraient une foi aussi ardente que celle, du pasteur Cho, bien des problèmes de croissance seraient résolus et le témoignage à la vérité rendu plus crédible. Que notre examen critique des positions du Dr Cho nous pousse donc à revoir notre engagement devant le Seigneur, et à vivre moins mollement au service du roi de gloire, telle pourrait être une retombée positive et justifiée de cette étude.

Néanmoins, et précisément parce que nous attribuons une bonne part de la célébrité du Dr Cho à la quantité de confusion qu’engendrent ses partis-pris, nous ne voulons pas conclure cet article sans avoir expliqué pourquoi le «Plein Evangile» du pasteur coréen nous semble inconciliable avec une compréhension saine de l’Ecriture.

Tout d’abord, le Dr Cho est l’un des représentants dominants de la «troisième vague» du pentecôtisme. Ce courant met la sourdine à quelques-unes des erreurs les plus manifestes du pentecôtisme classique et du charismatisme des années 70, mais il n’en reste pas moins profondément pentecôtiste. Son insistance caractéristique sur les démonstrations de puissance, sur la primauté de l’expérience, sur les messages directs du St-Esprit, sur la valeur normative des premiers temps du ministère des apôtres, tout celà s’inscrit dans la ligne mystique du pentecôtisme originel.

Or la tendance pentecôtiste de Yonggi Cho entretient (volontairement ou non) un certain nombre d’équivoques et de confusions qui, comme nous tenterons de le résumer, touchent à l’intégrité même de Dieu.

I. La puissance de Dieu

Selon Yonggi Cho, puisque Dieu, par sa seule Parole, a pu créer le monde (cf. QD, chap. 3), le chrétien, par analogie, et du fait qu’il héberge l’esprit de Dieu, doit aussi créer par la parole. La puissance créatrice de Dieu en nous est même conditionnée par nos actes de parole: «J’ai appris un secret: avant que vous ne parliez, le Saint-Esprit n’a pas les moyens de créer» (QD p. 65); «Jésus est lié à ce que vous proclamez. Comme vous pouvez libérez la puissance de Jésus par le moyen de la parole que vous prononcez, vous pouvez aussi créer la présence du Christ» (QD p. 70).

Ce langage et ce programme sont séduisants. Mais à y regarder de près, ils s’avancent un peu trop loin:
-la capacité de créer ex nihilo n’appartient qu’à Dieu. Le verbe «créer» n’est jamais utilisé pour décrire l’activité d’un chrétien (cf. Rom 4.17). S’il est vrai que l’être humain est capable d’invention (cf. Ex 31.4; 35.32, 35), et qu’il faut voir dans cette caractéristique un trait distinctif de la créature faite à l’image de Dieu, il est cependant nécessaire de ne pas assigner au croyant un rôle qui reste la prérogative du seul Créateur (cf. Es 40.18-26; 45.5-8).
-Le St-Esprit peut fort bien agir, et même créer, sans passer par le canal de notre parole. Yonggi Cho fait dépendre la réalisation des promesses de Dieu de la qualité de notre collaboration avec l’auteur de ces promesses: «Dieu n’oeuvre jamais sans se manifester par votre manière de penser, votre vision et votre foi. Vous êtes le canal par lequel il passe» (QD p. 136) (4). De telles assertions ne sont-elles pas de nature à enfermer les diverses opérations de Dieu (cf. 1 Cor 12.6) dans un carcan étouffant? Souvenons-nous: la Bible nous révèle que bon nombre des promesses les plus merveilleuses que Dieu ait faites se réalisent indépendamment du bon (ou du mauvais) vouloir des croyants, et ses oeuvres sont exécutées avec ou sans notre concours (Dan 4.35). Il serait sûrement bien absurde de prétendre que Christ n’a pu naître dans le sein de la vierge Marie qu’en vertu de la réponse favorable de cette dernière au discours de l’ange Gabriel. Ou que ce sont les pensées et les prières «créatrices» des disciples qui ont contraint le St-Esprit à descendre sur eux-mêmes, au jour de la Pentecôte. Ou que l’Ecriture ne peut pas, sans notre prédication ou nos commentaires, parler au coeur d’un incroyant. Ou que Dieu n’oeuvre dans nos vies qu’en fonction de notre acquiescement à un programme qu’il aura dû nous soumettre au préalable.

En définitive, le Dr Cho pèche par excès. Non, ce ne sont pas avant tout nos paroles de chrétiens qui changent le monde et mènent les âmes au Sauveur, c’est l’Evangile (cf. 1 Cor 4.15;Gall.11-12;Eph 1.13;Coll.5- 6). Nous ne sommes, au mieux, que d’humbles porte-parole (Phi12.16; Act 14.3). Et si nous étions empêchés de remplir cette mission, nous savons que la parole de Dieu n ‘est pas liée (2 Tim 2.9). <

2. La victoire de Christ Fidèle à la tradition pentecôtiste,

le Dr Cho maintient l’idée que la victoire de Christ sur le péché et ses conséquences (maladie, infirmité, mort, peine) est telle que tout chrétien peut sur le champ en revendiquer tout le bénéfice: «Vous devez faire pénétrer dans votre esprit l’idée de la victoire et de l’abondance. Dieu n’échoue jamais. Si donc vous recevez les pensées qui viennent de Dieu, vous connaîtrez toujours le succès. Dieu ne perd jamais la bataille, car il est l’éternel vainqueur. Vous devriez toujours être conscients de la victoire. Dieu ne manque jamais de rien. Habituez-vous également à penser en termes d’abondance» (QD p. 125, 126).

En regard d’un tel triomphalisme, on peut estimer que les apôtres nous ont laissé un bien piètre exemple. ..(cf. 2 Cor Il.23-30; 2 Cor 4.7-11; 1 Pi 4.12-13; Act 14.22; Rom 5.3; Mat 16.24-25). Le Dr Cho aurait-il donc oublié que le serviteur n’est pas plus grand que son maître (Jean 15.20) et que nous devons apprendre l’obéissance par la souffrance (Héb 5.8; IPi 4.1-2)?

L’hommage que Yonggi Cho semble rendre à Christ est un faux-fuyant destiné à flatter notre envie de bonheur, de succès et d’aisance. Il faut en dénoncer la trompeuse vraisemblance. Comme le signale P. Ranc dans son livre «Le bonheur à tout prix?», (5) le bonheur du chrétien est une réalité, mais c’est un «bonheur paradoxal» (p. 91), dans la droite ligne des béatitudes (Mat 5.1-12). On ne saurait passer sous silence cette marque distinctive de la vie avec Christ sans porter gravement préjudice à l’équilibre du message biblique, et sans encourager les croyants à rechercher en priorité les bénédictions de moindre valeur. Or, si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes ( 1 Cor 15.19).

Au reste, l’«évangile» du Dr Cho draine de nombreux contresens (le même constat s’impose au sujet des autres leaders de la «3ème vague»: J. Wimber, P.Wagner):
-le taux de réussite des guérisons miraculeuses est loin du 100 % de Jésus et des apôtres;
-si Dieu nous garantit l’abondance en toutes choses, pourquoi ne pas poursuivre le confort, la richesse et la notoriété?
-si la maladie du croyant est une anomalie, pourquoi des chrétiens ont-ils dû supporter leur vie durant de pénibles infirmités? et pourquoi la gloire de Dieu a-t-elle reposé sur le témoignage de tant d’enfants de Dieu éprouvés? (6)
-si la victoire de Christ est déjà entièrement à notre disposition, pourquoi faut-il mourir? pourquoi ne pouvons- nous pas opérer des résurrections, à l’instar de Jésus et des apôtres? pour-quoi ne pas être invulnérables aux poisons et aux animaux dangereux (cf. Marc 16.17)?

L’«évangile de la prospérité» de Yonggi Cho souffre manifestement de trop d’incohérence pour être avalisé. Consciemment ou non, le nouvel apôtre «Paul» confond l’état éternel du croyant et sa condition actuelle.

Cela dit, la victoire de Christ sur le péché, sur Satan et sur la mort est une réalité en marche. A la croix, notre Sauveur a réellement dépouillé Satan de ses droits (usurpés) et de sa puissance(Col 2. 15). Dès lors, ceux que le Fils affranchit de la servitude du péché deviennent enfants de Dieu (Jean lI2), et sont réellement libres (Jean 8.31,32,36). Ainsi l’Eglise contribue à la victoire effective et universelle de Christ (1 Cor 15.20-28). Dans cette espérance et dans cette foi, nous pouvons attendre avec confiance la gloire à venir (Rom 8.18-25), laissant à Dieu la liberté d’intervenir dans nos affaires selon sa sagesse, de manière miraculeuse ou naturelle.

3. La volonté du St-Esprit

A plusieurs reprises, le Dr Cho nous transmet des messages qu’il affirme avoir directement reçus du St-Esprit. Hormis le fait que ce genre d’expériences nous rappelle les avertissements de l’Ecriture au sujet des fausses révélations (cf. Gal 1.6-11 ; Mat 7.22-23), le contenu même des messages ne manque pas d’étonner. Quoi! il aura fallu attendre 2’000 ans pour qu’enfin la chrétienté découvre le monde de la «quatrième dimension», de 1’«incubation», et de la «puissance créatrice de la parole», alors que les mouvements occultes et les fausses religions utilisent ces concepts depuis la nuit des temps!

Une autre surprise nous est réservée lorsque le Dr Cho nous relate quelles ruminations ont préludé à la réception des messages directs du St- Esprit: «Quand mon ministère a débuté en 1958, j’avais un désir brûlant dans mon âme; je désirais ardemment bâtir la plus grande église de Corée. Ce désir brûlait tellement en moi que je vivais avec lui, je dormais avec lui et je marchais avec lui. Aujourd’hui, quelque vingt ans plus tard, on dit que mon église est la plus grande du monde» (QD p. 23). A chaque nouvelle étape de la carrière du pasteur Cho, et avant plusieurs révélations spéciales, on retrouve cette même passion des records, des chiffres inouïs et de la croissance express. Cette tournure d’esprit semble souvent procéder d’un sentiment de frustration à la vue des miracles et du succès obtenus par des sectes non-chrétiennes (comme la secte bouddhique de la Sokagakkai: QD p.34-36). Le raisonnement implicite est toujours celui-ci: puisque le succès de ces croyances leur est accordé par le moyen de prodiges surnaturels, nous les chrétiens, qui nous tenons dans le camp du Dieu Tout-Puissant, devons prouver la véracité de l’Evangile par des prodiges plus spectaculaires et par une croissance numérique plus rapide. Tenaillé par ce désir de rivaliser avec les incroyants en les affrontant sur leur propre terrain et en adoptant leurs méthodes, leur mentalité et leurs objectifs, le Dr Cho s’enferme dans une surenchère de paris toujours plus sensationnels. Le Seigneur Jésus, quant à lui, ne se permettait pas de faire usage des paroles de l’Ecriture pour tenter Dieu ( cf. Mat 4.5-7). Il ne fait aucun doute qu’en fondant son ministère sur des critères de réussite calqués sur ceux du monde, le Dr Cho fait sauter toutes les bornes de la sobriété, et s’expose, comme il expose ceux qui le suivent, à des pièges profonds. Il se met en position idéale pour recevoir des impulsions et des révélations d’un «esprit» qui n’est pas le St-Esprit, et pour confondre ses désirs avec la volonté de Dieu. N’est-ce pas dans ce piège-là que s’est pris Simon le magicien après sa convefsion (cf. Act 8.18-24)?

Enfin, et ce n’est pas la moindre surprise, le Dr Cho nous offre, pour justifier la recherche et la réception régulière d’«émissions spéciales» du St-Esprit, des commentaires exégétiques fort peu sérieux. Dans le chapitre 4 de «La Quatrième Dimension», il établit en effet une distinction radicale entre les vocables grecs «1ogos» et «rhêma» (7). Selon lui, le «1ogos», à savoir la Parole manifestée en Jésus-Christ et dans la Bible, ne peut inculquer la foi. Pour acquérir la foi, il faut que Dieu nous adresse une communication spéciale et privée, le «rhêma» . Voici son raisonnement: «Romains 10.17 nous montre que ce qui édifie la foi dépasse de loin le seul fait de lire la parole de Dieu: Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ. Dans ce texte, le mot «parole» n’est pas le terme grec logos, mais rhêma. La foi vient quand on entend le rhêma» (QD p. 78). Et Yonggi Cho de se lancer dans une promotion des voix, des signes et des confirmation externes qui seuls, en tant que rhêma, peuvent donner vie, sens et force au logos. Cette attitude, qui rappelle la position du théologien Karl Barth (8), ne reconnaît plus à la Bible une force et une autorité intrinsèques, et ouvre la porte au subjectivisme.

Or, l’exégèse du Dr Cho est voisine de la fantaisie. En effet, dans le contexte de Rom 10, le rhêma représente très précisément l’Evangile: cf. Rom 10.8, 18. Nous admettrons bien volontiers que le terme rhêma fasse davantage référence à un acte de parole qu’au contenu de cette parole, mais l’emploi biblique de ce mot ne nous permet pas d’introduire une dissociation entre forme et contenu. De plus, il est bien téméraire d’affirmer que le logos ne peut à lui seul produire la foi. Il aurait suffi au Dr Cho de lire le prologue de l’évangile de Jean pour s’en convaincre. Si nécessaire, on y ajoutera la lecture des passages suivants: Act 15.7; 1 Cor 1.18; Héb 4.12; Eph 1.13; Col 1.4-6; Mat 13 .23. La grande leçon de ces textes et de bien d’autres semblables, c’est que Dieu travaille dans ce monde en utilisant conjointement et simultanément la parole incarnée et glorifiée (Christ), la parole écrite, et le St-Esprit: Car il y en a trois qui rendent témoignage: l’Esprit, l’eau (= la parole écrite) et le sang (de Christ), et les trois sont d’accord (1 Jean 5.7-8). Et si tous n’acceptent pas ce triple témoignage, nous savons du moins que la parole de Dieu ne retourne jamais à Lui sans effet ni sans avoir accompli sa volonté (Es 55.10-11 ).

La seule concession que nous puissions faire au Dr Cho, c’est de souligner avec lui que la découverte de la volonté de Dieu pour nous est une tâche qui requiert toute notre attention, de la patience, de la docilité, de l’humilité, et une foi complète. Cette tâche serait évidemment hors de notre portée sans la Grâce et sans l’action en nous du St-Esprit, qui opèrent en nous un renouvellement spirituel constant de sorte que nous puissions discerner la pensée parfaite de Dieu (Rom 12.2; Eph 1.17-19; Phill.9-10), et grandir à l’image de Christ (Eph 4.13).


Qu’ajouter à ces considérations, si ce n’est qu’il ne nous appartient pas de porter un jugement sur les motivations profondes, le degré de sincérité et la part d’inconséquence d’un homme qui, à tant d’égards, paie si généreusement et bravement de sa personne, et sait faire montre d’une hardiesse souvent très sympathique?

Cependant, nous ne pouvions pas ne pas faire remarquer l’ambiguité du personnage et de son système. Oui, la vérité est à la fois présente et déformée dans cette nouvelle vague de l’évangélisme. La puissance de Dieu est à la fois magnifiée et récupérée au profit de la chair. L’oeuvre médiatrice de Christ est à la fois proclamée et remplacée par l’oeuvre médiatrice de la parole humaine. Le salut éternel est reconnu comme le but suprême de Dieu pour nous, mais pratiquement, les regards des croyants sont dirigés vers des accomplissements purement terrestres.

Mais alors, nous direz-vous, Paul Yonggi Cho est-il donc un magicien, un instrument involontaire de l’ennemi ?

Permettez-nous de suspendre notre appréciation, et de prendre au sérieux cet avertissement de l’apôtre Paul: Frères, vous avez été appelés à la liberté,. seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair… Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs (Gai 5.13, 24).

Bibliographie:

Ouvrages de P. Yonggi Cho consultés:
-La Quatrième Dimension (Vida, Flo- ride, 1985) QD
-Au-Delà des Chiffres (Vida, Floride, 1986) ADC
-La Prière: Clé du Réveil (Vida, Flo- ride, 1987) PCR
Ouvrage d’obédience charisma- tique (3ème vague):
-Signes et Prodiges Aujourd’hui (arti- cles rassemblés par Peter Wagner et le magazine Christian Life; Vida, 1986)
Ouvrages critiques:
-Guérisons et Miracles Aujourd’hui (articles rassemblés par Paul Wells; Synapse Vie de l’Eglise no 6; Ed. Kerygma, Aix-en-Provence, 1990)
-La Séduction de la Chrétienté, par Dave Hunt et T .A. Mc Mahon (Ed. Parole de Vie, Montpellier, 1989)
-Christianity and New Evangelical Philosophies, par R;L. Heldenbrand (Words of Life, W arsaw, Indiana, 1989)
-The Healing Epidemic, par Peter Masters (The Wakeman Trust, London, 1988)
-Spiel mit dem Feuer, par Wolfgang Bühne ( Christliche Literatur- Verbreitung, Bielefeld, 1991 )
-Dritte Welle »,gesunder Aufbruch? , par WolfgaÏ1g Bühne (CL V, Bielefeld, 1992), Cet ouvrage est disponible en français à la Maison de la Bible, Le Trési 6, 1028 Préverenges (CH), Titre: La Troisième Vague », le plus grand réveil de l’histoire de l’Eglise?

Notes:
(1)Les citations du Dr Cho sont données se/on un système d’abréviations décrit dans /a bib/iographie.
(2) Notre question porte sur /es signes miracu/eux. Nous nous réjouissons de ce que le St- Esprit produise, au moment où il s’établit dans une vie, les fruits surnaturels que sont; la certitude de la vie éternelle (1 Jean 5.13); l’esprit d’adoption (Rom 8.15-16); la com- préhension spirituelle (1 Cor 2.12). De plus, il commence à remplacer nos sentiments naturels par les sentiments de Dieu (Gai 5.22; Phil 2.5-8; Eph 5.1-2). Enfin, il façonne notre volonté et nous rend capables d’agir selon /a volonté de Dieu (Phi/ 2.13)
(3) «Quatrième Dimension»; un des concepts-clés de la doctrine du Dr Cho (QD chap 2 p.34 ss).
1 ère dimension: la ligne. 2ème dimension; le plan. 3ème dimension; le cube; «Le monde matériel et l’ensemble de la terre appartiennent à la troisième dimension» (QD p.35). 4ème dimension; l’esprit;«Dans l’univers, il y a trois types d’esprits: le St-Esprit de Dieu, l’esprit du mal et l’esprit humain» (QD p.35). La quatrième dimension commande la troisième, la troisième commande la deuxième, la deuxième commande la première. Par son esprit, l’homme peut influencer et transformer le monde matériel, Il peut «avec certaines limites», commander et créer, Même les incroyants peuvent dominer la troisième dimension, «ce qui inclut leurs maladies physiques» (QD p.36). Ainsi s’expliquent les miracles accomplis par des hommes dont l’esprit s’unit à l’esprit de Satan.
Quant aux chrétiens, du fait que leur quatrième dimension peut s’unir à celle du Père -le créateur de l’univers-, ils sont à même d’exercer leur propre domination sur les circonstances (QD p. 37); ils peuvent influencer les événements de leur vie (id).
(4) Il conviendrait de toujours mettre l’accent sur la grâce de Dieu, car c’est elle qui est à l’origine des promesses et c’est encore elle qui en rend possible la concrétisation (Phil 1.6). Tout dépend, y compris notre libre et joyeuse collaboration, de la seule grâce de Dieu (Tite 2.11-13; 3.4-8).
(5) Editions Contrastes, Lausanne, 1987
(6) Quelques exemples: Calvin, A. Monod, C,H. Spurgeon, A. Ca11nichael, I. Kuhn, D. Livingstone, Joni Eareckson-Tada.
(7) Ces deux termes du Nouveau Testament sont traduits, selon le contexte, de manières fort diverses dans nos versions françaises. Ainsi le mot «logos» reçoit plus d’une vingtaine d’acceptions différentes, et le mot «rhêma», environ trois. Le mot «parole» est une des traductions que «iogos» et «rhêma» ont en commun.
(8) Karl Barth «ne considère pas la Bible comme étant en elle-même la parole de Dieu, mais seulement comme susceptible de le devenir par une intervention du St-Esprit qui nous parle par elle», cit. du livre de J.-M, Nicole, Précis de l’Histoire de l’Eglise,p.241.

C.-A.P.
Voir Chronique de livres en page 31 de ce numéro de PROMESSES.


Voici, nous disons bienheureux ceux qui ont souffert patiemment. Vous avez entendu parler de la patience de Job, et vous avez vu la fin que le Seigneur lui accorda, car le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion (Jac5.11).

NB: Les références en chiffres seule- ment se réfèrent au livre de Job; p.ex.: (1.21) = (Job 1.21).

La patience de Job? Etrange association de mots, à la vérité, car le bouillant et véhément malade ne ressemble en rien à un agneau muet et résigné. Pour le lecteur qui émerge de plus de trente chapitres de diatribes entre Job révolté et ses amis fâcheux, il est assurément difficile de discerner en Job un modèle de patience. Le terme grec utilisé par l’apôtre Jacques (hypomone), et traduit dans nos versions françaises par «patience», «constance», «endurance», suggère «l’action de supporter sans fléchir, ou sans se laisser entamer» (Dict. Bailly). Est-ce bien l’attitude générale de Job au sein de l’épreuve? Ce dernier offre-t-il au monde le spectacle d’une foi stoïque et impassible? Persiste-t-il longtemps dans l’admirable logique qu’il soutient en face de la vague déferlante des premiers malheurs:

L’Eternel a donné, et l’Eternel a ôté; que le nom de l’Eternel soit béni! (1.21). Quoi! nous recevrons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal! (2.10).

Non, la patience de Job ne sera pas celle d’un être désincarné ou d’un surhomme; elle ne sera ni muette ni résignée;elle ne sera pas celle d’un être qui abdique facilement, ou qui cherche une issue à n’importe quel prix. En un mot, la patience de Job ne sera jamais celle d’un lâche.

Pour bien saisir ce qu’une telle patience comporte d’exemplaire, il faut d’abord observer le comportement de Job et dégager ses principaux traits de caractère; nous tenterons ensuite de décrire la nature de sa foi et de comprendre comment, en fin de compte, le Tout-Puissant peut réhabiliter son serviteur.

I. Patience et réalisme

La patience de Job se conjugue d’abord avec sa lucidité. Job ne minimise jamais son mal, ni ne le cache. Malgré la flatteuse réputation dont il jouit (cf 29), il ne songe ni à dissimuler ses plaies et la laideur de son apparence, ni à voiler ce qu’il ressent. Peu intéressé par la préservation de son image de marque, il expose son désespoir (6:11-13; 17.16), crie sa douleur physique (7.3-5), son amertume (7.11; 10.1; 27.2), ses angoisses (7.11; 6.21). Job avait été rendu fort et célèbre par la grâce de Dieu; il sait maintenant se voir malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu (cf. Ap 3.17).

Ce n’est pas à dire qu’il n’ait pas honte de son état (10.15; Il.5), ni qu’il ne souffre pas vivement du mépris dont on l’abreuve (19.3.1-19). Sa lucidité lui représente telle qu’elle est toute l’étendue de son naufrage. Peut-être ressent-il même quelque chose de ce que Christ a dû éprouver lorsqu’on l’apostrophait: Il a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix… (Mat 27.42). En effet, Job est trop intègre pour ne pas sentir profondément l’acuité de certaines flèches: Tes paroles ont relevé ceux qui chancelaient, tu as affermi les genoux qui pliaient. Et maintenant qu’il s’agit de toi, tu faiblis! (4.3-6).

Tout lucide qu’il soit, Job pourrait néanmoins chercher des faux-fuyants. Or il préfère admettre son impuissance face à l’épreuve (16.6-8), et le trouble profond qui s’est emparé de tout son être (3.26). En cela, il se tient aux antipodes d’un certain optimisme contemporain qui se voile la face devant la réalité du péché et de la misère humaine, et croit pouvoir trouver son salut dans n’importe quelle thérapie à la mode, dans n’importe quelle frivolité distrayante, ou dans les chimères de la «pensée positive». Job, à aucun moment, ne perd de vue son état réel, à l’horreur de sa déréliction.

Ainsi, la patience de Job se définit d’abord comme la capacité de maintenir sur soi-même, au sein de la plus totale déchéance, un regard exact.

Ici déjà, Job nous donne une leçon. Car quel est en effet l’obstacle majeur sur le chemin de la conversion, et ensuite sur celui de la vie chrétienne? N’est-ce pas que nous portons, sur le gravité du péché et l’absolue détresse de l’homme sans Dieu, un jugement superficiel? N’est- ce pas que nous fermons les yeux sur le fait que notre vielle nature humaine est invariablement mauvaise? A tous les chrétiens tentés d’oublier leur condition première, l’apôtre Jacques déjà recommande: Sentez votre misère; soyez dans le deuil et dans les larmes; que votre rire se change en deuil, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera (Jac 4.9- 10). Oui, il faut de la patience et du réalisme pour maintenir qu’en ce qui concerne notre condition originelle, de la plante du pied jusqu’à la tête, rien n’est en bon état: ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives… (Es 1.6).

Mais de ce regard sans illusions sur nous-même dépend la possibilité, pour le Seigneur, de nous relever et de manifester en nous sa nouvelle création (2 Cor 5.17).

II. Patience et exigence de justice

A aucun moment, Job ne se sent responsable de son malheur (9.21 et ss; 12.4). Jusqu’à mon dernier soupir, je défendrai mon innocence; je tiens à me justifier, et je ne faiblirai pas; mon coeur ne me fait de reproche sur aucun de mes jours (27.5-6).

Et de ce fait, Dieu lui-même semble confirmer ce certificat d’excellence lorsque, d’entrée de jeu, il déclare à Satan qu’il n’y a personne comme Job sur la terre; c’est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal (1.8).

Quant à Job, l’incompréhensible supplice qui lui est imposé lui donne le sentiment d’être cerné par Dieu (3.23; 6.4; 16.9), d’être pris à partie sans raison (7.17-21), d’être contraint à une confrontation par trop inégale (9.2-4; 14.3- 4), d’être piégé par un Dieu rancunier (10.13,14), d’être l’objet d’une mystérieuse crise de colère divine (14.13).

Devant un tel torrent d’assauts divins, un autre que Job aurait probablement battu en retraite. Il eût été plus facile d’acquiescer aux propos des «consolateurs», d’avouer n’importe quoi pour avoir la paix. Au lieu de cela, Job demande des comptes à Dieu.

Excédé par le silence de Dieu, et l’absence d’explications plausibles, Job va d’abord maudire le jour de sa naissance (3.1), puis exiger que Dieu le laisse respirer un peu (10.20) ou qu’il l’écrase définitivement (6.9). L’ensemble des discours de Job ne forment du reste qu’une longue revendication, l’exigence d’un homme qui pense qu’il a droit à un procès en règle, ou alors à la paix.

Remarquons ici que Job ne pense pas que, de manière absolue, il soit sans faute ni péché (7.21; 9.2-3; 13.26; etc). Ce qui révolte Job, c’est que Dieu semble désormais le poursuivre pour des péchés déjà pardonnés, ou même des péchés fictifs: Aujourd’hui tu comptes mes pas, tu as l’oeil sur mes péchés; mes transgressions sont scellées en un faisceau, et tu imagines des iniquités à ma charge (14.16-17).

Or, pendant ces nombreuses années de prospérité, Job a appris à considérer le Dieu tout-puissant comme son ami, comme le Seigneur qui daigne traiter avec l’homme non sur la base de la seule justice et sainteté divines, mais aussi sur celle de la grâce et de la miséricorde: Tu m’as accordé ta grâce avec la vie, tu m’as conservé par tes soins et sous ta garde (10.12). Par rapport au statut d’antan, Dieu semble avoir fait volte-face: Voici… ce que tu cachais dans ton coeur… Si je pèche, tu m’observes, tu ne pardonnes pas mon iniquité (10.13-14).

Voilà donc l’injustice que Job, obstinément, dénonce. Job crie à la rupture d’alliance, à l’incohérence de traitement. Tout se passe comme si Job refusait à Dieu le droit d’être autre chose que ce qu’il est: juste et bon, saint et miséricordieux.

Bien sûr, Job se trompe lorsqu’il croit pouvoir demander des comptes à l’Eternel, lorsqu’il imagine que son problème pourrait être réglé par une «explication», lorsqu’il accuse Dieu d’injustice et tente d’enfermer Celui qui est au-dessus de toute créature dans la logique de la créature. Job finira par avouer qu’il a parlé, sans les comprendre, de merveilles qui le dépassent (42.3). Toutefois, il y a quelque chose d’admirablement exact dans l’affirmation opiniâtre de Job: si Dieu n’est plus égal à lui-même, nos chances de subsister devant lui et sur cette terre sont nulles. C’est pourquoi Dieu fera remarquer aux amis de Job: Vous n’avez pas parlé de moi avec droiture comme l’a fait mon serviteur Job (42.7).

Dans cette perspective, la patience de Job prend l’allure d’une lutte avec Dieu dont l’enjeu principal est, non une bénédiction secondaire, mais une pleine réconciliation avec Dieu lui-même. Comme Jacob luttant avec l’ange du Seigneur, comme Jonas dans le ventre du poisson, Job insiste jusqu’à ce que Dieu réponde et se montre favorable. Car enfin, à quoi sert la guérison et la bénédiction (et la prospérité, et la richesse, et le succès) si l’on n’est pas sûr des intentions du souverain Médecin?

Job nous enseigne que, quelle que soit l’épreuve qui nous frappe, quelque éloigné que semble se tenir le Seigneur, quelque distante que semble sa voix, il nous appartient de ne jamais cesser de le chercher. Jacques, encore une fois, nous y exhorte: Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu’à ce qu’il ait reçu les pluies de la première et de l’arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos coeurs, car l’ avènement du Seigneur est proche (Jac 5. 7b- 8).

III. Patience et connaissance de Dieu

Nous l’avons dit, Job connaît son Dieu de longue date. Le prologue du livre laisse même apparaître comme une sorte de vieille connivence entre Dieu et Job, à la grande déconvenue de Satan.

Les habitudes du «plus éminent de tous les fils de l’Orient» dénotent un respect profond et authentique à l’ égard de Dieu (1.1-5). A ce moment déjà, on devine que Job n’est pas un simple croyant par opportunisme et commodité. Le désir de ce serviteur de l’Eternel, c’est de bénir son Maître et de le laisser libre d’agir à sa guise.

Pourtant, lorsque la souffrance devient intolérable et qu’elle doit trouver un exutoire, lorsque les accusations injustifiées pleuvent sur le malheureux, Dieu se voit placé, comme les amis bien-pensants, sur la sellette – pour parler avec modération.

Toutefois le lecteur ne peut manquer d’être surpris par quelques déclarations qui, au passage, révèlent que la connaissance que Job possède des choses de Dieu est beaucoup plus vaste que le prologue le laissait entrevoir.

Il y a surtout cette certitude, bouleversante de la part d’un homme qui se sent victime de la colère de Dieu, qu’un jour il verra Dieu en face, et que ce dernier lui sera favorable: Après que ma peau aura été détruite, moi-même je contemplerai Dieu. Je le verrai, et il me sera favorable; mes yeux le verront, et non ceux d’un autre; mon âme languit d’attente au-dedans de moi (19,26-27). Comment expliquer cette bouffée de joie farouche, cette certitude incompréhensible? On touche ici au mystère même de la foi et de l’amour que l’amour de Dieu peut engendrer dans un coeur d’homme. L’amour est fort comme la mort, dit le Cantique des Cantiques, les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeraient pas (Cant 8.6- ,7). Les années que Job a passées en compagnie de Dieu ont laissé en lui une empreinte indélébile, une attente indestructible. N’est-ce pas aussi cela qui confère à sa patience une valeur que Dieu peut honorer?

Mais plus encore, le coeur de Job abrite l’intuition prophétique qu’il y a dans le ciel un Témoin qui prend sa défense, un Médiateur qui le représente là où lui, Job, n’a pas encore accès: Déjà maintenant, mon témoin (ou avocat) est dans le ciel, mon témoin est dans les lieux élevés (16.19); Lui, qu’il défende l’homme contre Dieu, comme un humain intervient pour un autre (16.21, trad TOB; la King James traduit dans le même sens. Voir aussi 19.25).

A l’heure où tous ses amis l’abandonnent, et où Dieu se cache, Job s’accroche donc à cette ultime pensée que Dieu donne à tout croyant un Défenseur céleste. Aussi va-t-il jusqu’à formuler cette étonnante prière à son Dieu: Sois auprès de toi-même ma caution; autrement, qui répondrait pour moi? (17.3).

Avec quelques millénaires d’avance, Job a écrit Romains 8. Il a saisi Jésus-Christ par anticipation, et ne l’a pas lâché.

La troisième leçon de patience que Job nous enseigne, c’est que le croyant en proie à la difficulté peut passer à travers bien des doutes quant aux intentions de Dieu pour lui (cf. 10.2 et ss); il peut connaître toute une gamme de sentiments, de la révolte à la terreur, du désir de vivre au désir de mourir; mais s’il a un jour rencontré Christ, goûté et accepté son pardon, marché dans sa présence, cette relation ne sera jamais anéantie. Elle est le gage certain de ce qu’un jour nous verrons Dieu, et qu’il nous sera favorable, car Dieu nous a réconciliés avec lui par Christ (2 Cor 5.18-19).

Ainsi, l’épreuve du croyant n’est plus le signe d’une condamnation, mais le creuset de la foi, l’occasion pour Dieu de nous accorder une mesure supplémentaire de miséricorde et de compréhension de sa grandeur: Mon oreille avait entendu parler de toi; mais maintenant mon oeil t’a vu (42.5); la réponse aux besoins physiques, affectifs et moraux du serviteur éprouvé découle de cette révélation (42.10-17).

Heureux l’homme qui supporte patiemment la tentation; car après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment (Jac 1.12).

C.-A.P.