PROMESSES

Comme un joyau aux multiples facettes, l’œuvre salvatrice de Jésus-Christ est présentée dans la Bible sous différents aspects. Les thèmes de la rédemption, de la propitiation et de la réconciliation éclairent ce que Jésus-Christ a accompli pour ceux qui étaient des prisonniers en esclavage, des pécheurs encourant la colère divine, des rebelles en révolte contre leur Créateur.

Rédemption

Le thème de la rédemption traverse toute la Bible. Son illustration la plus frappante dans l’Ancien Testament est la sortie d’Égypte : « L’Éternel vous a fait sortir à main forte, et t’a racheté de la maison de servitude, de la main du Pharaon, roi d’Égypte. » (Deut 7.8, Darby) Comme Israël en Égypte, l’homme est esclave. Comme pour Israël, Dieu intervient en sa faveur par la rédemption, c’est-à-dire qu’il délivre ou rachète, pour le conduire à la liberté.

Peut-être, comme les Juifs qui écoutaient Jésus, certains diront : « Jamais nous n’avons été esclaves de personne ! »

De quoi l’homme est-il donc esclave ?

1)  L’esclavage du péché

 D’abord du péché, c’est-à-dire de la puissance du mal qui habite en tout homme : « vendu au péché » (Rom 7.14), les actes mauvais que j’accomplis sous cette emprise construisent en même temps les murs de ma prison : « Quiconque pratique le péché est esclave du péché » répond le Seigneur à ces mêmes Juifs, fiers de leur indépendance (Jean 8.33-34).

2)  L’esclavage de la loi

 La Bible nous indique une autre sorte d’esclavage, celui de la loi. Compris dans un sens général, c’est le besoin d’acquérir par soi-même la faveur de Dieu. Sous « une apparence de sagesse en dévotion volontaire et en humilité », on se place ainsi sous une malédiction (voir Gal 3.10-14), incapable de ne jamais atteindre le standard divin. Paul qualifie toutes ces pratiques religieuses de « faibles et pauvres principes élémentaires auxquels vous voulez vous asservir encore » (Gal 4.9), car c’est une servitude épuisante de chercher en vain à mériter la faveur divine. Mais « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi », non seulement en portant cette malédiction à notre place, mais en nous libérant de la contrainte de la loi.

3)  L’esclavage de Satan

 Enfin, celui qui tient d’une manière ou d’une autre tous les hommes enchaînés, c’est Satan, le prince de ce monde. Il le fait par des moyens variés.

a)  Par les fausses religions

 Les faux-cultes, derrière lesquels se cache l’influence démoniaque, rendent les hommes « asservis à ceux qui, par nature, ne sont pas des dieux » (Gal 4.8, Darby).

b)  Par une manière de vivre et de penser

 « La vaine manière de vivre » dont Christ nous a rachetés (1 Pi 1.18) est dépourvue de sens car elle est orientée par les modèles et les idées d’un monde dont Satan tire les ficelles, en le conduisant à la perdition. C’est ce qui est appelé « la façon de vivre de ce monde » selon Satan (Éph 2.2, Darby) : elle emprisonne des hommes aveugles dans un univers dont Dieu est exclu, et où le péché est la norme. Les hommes eux-mêmes se font à leur insu les instruments du diable en enseignant une façon de vivre (1 Pi 1.18) mais aussi une façon de penser.

Car on peut être esclave d’une manière de penser : « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les principes élémentaires du monde, et non sur Christ… qui est le chef de toute domination et de toute autorité » avertit Paul (Col 2.8,10).

c)  Par la crainte de la mort

 Enfin, la crainte de la mort est une arme effrayante dont dispose Satan (Héb 2.15, Act 10.38) : elle nourrit la peur des puissances occultes, les superstitions en tout genre, elle maintient les hommes dans l’angoisse de l’au-delà, qu’ils cherchent en vain à oublier.

Deux possibilités s’offraient pour délivrer un esclave : soit payer le prix de sa libération, soit vaincre celui qui l’avait réduit en esclavage.

Le terme français « rédemption » est la transcription du terme latin pour « rachat » : il traduit bien cette idée d’un prix payé pour la libération de quelqu’un, d’une rançon, comme l’explique Jésus : « Le Fils de l’homme est venu… pour donner sa vie comme la rançon de beaucoup. » (Matt 20.28)

Mais la rédemption contient aussi l’idée de délivrance, d’une victoire remportée. Comme sur les rives de la mer Rouge, Dieu a montré sa puissance glorieuse en écrasant l’ennemi. Jésus a été celui qui a remporté la victoire sur l’homme fort (Luc 11.21-22), celui qui, par sa mort a rendu « impuissant celui qui avait la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable » (Héb 2.14).

Dans les deux cas, le moyen employé par notre Dieu est le même : la vie de Jésus donnée sur la Croix, prix inestimable et pleinement suffisant de notre rachat, moyen inédit d’une totale et victorieuse délivrance.

On retrouve ces deux nuances complémentaires dans les deux termes différents qu’emploie l’Ancien Testament : « payer la rançon », comme pour les premiers-nés qui appartenaient à l’Éternel d’une façon particulière (Ex 13.12), et « délivrer », employé le plus fréquemment. Ce dernier terme est aussi utilisé pour désigner comme « rédempteur » celui qui a le droit de rachat (tel que Boaz) et le vengeur du sang (Nom 35.19). C’est la personne qui prend en main la cause du plus faible, de l’opprimé, de celui qui est dans la détresse.

On comprend ainsi la portée intemporelle de ce terme : mon rédempteur est non seulement celui qui m’a délivré, mais aussi celui qui m’a pris par la main (És 41.13-14) et qui ne la lâchera pas, quelles que soient les difficultés rencontrées.

Ainsi, avec la sécurité de lui appartenir, la conscience du prix payé par notre rédempteur, celui-ci nous engage à sa suite dans une vie de sainteté (1 Cor 6.20), jusqu’au moment où la rédemption aura son aboutissement, dans la transformation de nos corps pour être semblables à lui (Rom 8.23, Éph 1.14).

Propitiation

Si l’Éternel a délivré Israël de l’Égypte, c’était « pour qu’ils le servent ». Le chapitre 16 du Lévitique institue ainsi le jour des propitiations (Yom Kippour ou communément Grand Pardon). Cette cérémonie est justifiée aux versets 1 et 2 par le fait qu’on ne peut s’approcher à la légère du Dieu Saint, car le péché de l’homme lui est insupportable. Pour l’avoir ignoré, Nadab et Abihu, pourtant sacrificateurs ordonnés, sont morts devant l’Éternel. « Notre Dieu est aussi un feu dévorant » affirme le Nouveau Testament (Héb 12.29) comme l’Ancien, et cette affirmation ne saurait être artificiellement limitée au Dieu de l’Ancienne Alliance, car sa sainteté est immuable.

Par conséquent, seul Dieu lui-même est en droit de définir la manière dont les hommes peuvent s’approcher de lui : « Voici de quelle manière Aaron entrera dans le sanctuaire » (Lév 16.3) en particulier, « non sans y porter du sang » (Héb 9.7).

Aaron ne pouvait donc entrer dans le lieu très-saint qu’une fois par an, en aspergeant de sang le propitiatoire (le couvercle d’or de l’arche). Sur ce couvercle s’élevaient face à face les chérubins d’or, au regard abaissé vers lui. Il les séparait du contenu de l’arche, à savoir les deux tables de pierre de la loi (outre le bâton d’Aaron et la cruche de manne, qui ont disparu avant l’époque de Salomon, 1 Rois 8.9). Entre la loi que l’homme pécheur est incapable d’accomplir, et les exécuteurs du jugement mérité (les chérubins), se trouvait le propitiatoire, recouvert du sang des sacrifices. Image frappante de celui que « Dieu a présenté pour propitiatoire », Jésus-Christ, qui détourne par son sang le châtiment divin de notre transgression (Rom 3.25).

Si on s’intéresse au sens de ce mot un peu mystérieux (il n’est pas synonyme d’expiation, mais en présente plutôt un aspect particulier), on constate que « faire propitiation » est dans l’Ancien Testament le même verbe que « couvrir » : au sens propre, il fait référence naturellement au « couvercle » du coffre de l’alliance, mais dans la révélation biblique et par extension, à ce qui soustrait le péché aux yeux de Dieu : « Heureux celui à qui la transgression est remise. » (Ps 32.1)

Le terme équivalent utilisé par le Nouveau Testament signifie, quant à lui, « rendre favorable ». C’est cette même expression qu’on retrouve dans la bouche du publicain qui se frappait la poitrine en disant : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur » (Luc 18.13), et dans la citation d’Hébreux 8.12 (Darby) : « Je serai clément à l’égard de leurs injustices, et je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités. » La colère de Dieu est apaisée, sa clémence nous est assurée en ce que notre péché est effacé par le sang de notre divin propitiatoire.

Deux éléments sont encore à souligner, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament :

– La propitiation est une initiative divine : c’est Dieu qui a indiqué autrefois à son peuple le moyen de s’approcher de lui (voir Lév 18.11) ; aujourd’hui, nous sommes dans sa faveur par le Christ Jésus « que Dieu a présenté comme propitiatoire » (Rom 3.25, Darby).

– La propitiation est aussi un désir divin : « L’Éternel, l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant… » (Ex 34.6), est ce Dieu qui nous a montré son amour « en ce que lui nous aima et qu’il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés » (1 Jean 4.10, Darby).

Réconciliation

Il est merveilleux pour le croyant d’être assuré de la faveur de Dieu, de pouvoir s’approcher de lui. Mais encore faut-il vouloir s’approcher de Dieu !

Les prophètes décrivent d’une façon frappante la rébellion de l’homme contre l’Éternel : « Je ne veux plus être dans la servitude ! » (Jér 2.20) L’indifférence même est une forme d’inimitié, car elle frustre le créateur de la reconnaissance et de l’obéissance que tout homme lui doit.

Colossiens 1.21 indique que nous étions ennemis de Dieu, non seulement par nos actes, contraires à sa volonté, mais par nos dispositions intérieures : tout en nous se refusait à se soumettre à Dieu. Il ne s’agit donc pas seulement des offenses commises, qui nécessitaient une expiation, mais d’une nature rebelle, foncièrement opposée à Dieu.

On remarque que c’est l’homme qui a besoin d’être réconcilié avec Dieu, pas l’inverse. Cependant, c’est Dieu, lui seul, l’artisan de la réconciliation, en la personne de notre médiateur, à la fois homme et Dieu, « l’homme Christ Jésus » (1 Tim 2.5). C’est Dieu lui-même qui donne le moyen de cette réconciliation, la mort de son Fils (Rom 5.10).

Quelles sont les conséquences de cette réconciliation ?

1)  La paix avec Dieu

 La paix avec Dieu a été faite (Col 1.20), nous la recevons comme un don (Rom 5.1), elle nous est assurée aujourd’hui et éternellement par la personne même de notre Sauveur (Éph 2.14).

2)  Une transformation intérieure

 S’il ne s’agissait que d’effacer l’ardoise, la question de notre nature rebelle demeurerait, aucune réconciliation définitive ne serait assurée. La sanctification rend possible une vie en harmonie avec notre Dieu, qui nous veut parfaits en sa présence (Col 1.21-22).

3)  Un ministère de réconciliation

 En même temps, Dieu nous confie, à la suite de Jésus (Éph 2.17) le ministère de la réconciliation (2 Cor 5.19-20) : ce message de la paix que Dieu offre doit être proclamé !

La portée de la réconciliation est très large. Il s’agit d’abord de la relation de chaque homme avec Dieu. Mais elle concerne aussi les relations des hommes entre eux.

On oublie parfois, tant cela nous paraît aujourd’hui évident, que l’œuvre de Jésus a aussi aboli la séparation entre Juifs et païens de l’Ancienne Alliance (Éph 2.14-15). Et sans trahir la pensée de Paul, on peut élargir cette conséquence à la réconciliation entre les hommes. De même que la désobéissance qui a privé Adam de la présence de Dieu fut suivie de l’inimitié entre Caïn et Abel, la rébellion des hommes contre Dieu a aussi pour conséquence la haine et la guerre. Comme chrétiens, réconciliés avec Dieu, soyons « ceux qui procurent la paix » ; soyons prompts, si nécessaire, à nous réconcilier avec notre frère (Matt 5.9,24).

4)  Une réconciliation complète

 Enfin, la réconciliation a une portée universelle (Col 1.20)1 : elle s’étend non seulement à l’humanité, mais à toute la création, terrestre et céleste, troublée par l’apparition du péché, qui vivra un jour dans l’harmonie retrouvée avec son Créateur. Elle est à la mesure de la plénitude divine et du prix payé par Jésus-Christ.

1De quelle manière « ce qui est dans les cieux » est concerné par l’œuvre de Christ nous demeure mystérieux (Héb 9.23). Mais pour « ce qui est sur la terre », ce passage ne doit pas faire oublier qu’entre Dieu et l’homme, il ne peut y avoir de réconciliation pour ceux qui la refusent, « mais une certaine attente terrible de jugement et l’ardeur d’un feu qui va dévorer les adversaires » (Héb 10.27).


Vue générale des chapitres 7 à 12

Trois principales sections se détachent dans ces six chapitres :

– 1. de 7.1 à 9.7 : Emmanuel ;

– 2. de 9.8 à la fin du ch.10 : l’Assyrie, instrument de la colère divine ;

– 3. ch. 11 et 12 : le règne du Messie.

1. Emmanuel (7.1-9.7)

Le chapitre 7 s’ouvre par un des rares passages narratifs du livre d’Ésaïe. À la période prospère du règne d’Ozias ont succédé des jours difficiles pour le petit royaume de Juda, assailli par ses voisins : 2 Chroniques 28 montre qu’une première campagne contre les Syriens et le roi d’Israël (le royaume du nord, dont la capitale est Samarie) s’est soldée par une cuisante défaite. Ces deux royaumes coalisés comptent donner le coup fatal à Juda et installer au pouvoir un de leurs affidés (le fils de Tabéel).

Tandis que le roi Achaz inspecte l’approvisionnement en eau de Jérusalem, en prévision d’un siège, Ésaïe lui apporte un message de la part de Dieu :

– D’abord un encouragement : les deux voisins hostiles n’accompliront pas leur projet, ils ne sont que deux tisons fumants et près de s’éteindre (7.4). En effet, quelques années plus tard, l’intervention assyrienne a anéanti le royaume de Damas et écrasé Samarie (2 Rois 15.29;16.9).

– Ensuite une exhortation à faire confiance à Dieu. Et pour ranimer la foi d’Achaz, un signe lui est proposé. Mais Achaz, que la Bible nous décrit par ailleurs comme un roi impie et idolâtre, feignant la piété, refuse l’offre divine. Peut-être avait-il déjà pris la décision de faire appel à l’Assyrie, au lieu de se confier en Dieu.

La réponse du prophète est en deux parties : Dieu lui-même donnera un signe, celui d’Emmanuel, mais enverra aussi un fléau inédit, l’invasion assyrienne. L’expédient choisi par Achaz face à la menace immédiate d’Israël et de la Syrie allait se retourner contre lui et son royaume, comme un tsunami qui emporte tout sur son passage (8.7-8).

On voit dans cette prophétie d’Emmanuel, comme très souvent dans ce livre, une continuité entre le futur immédiat et l’horizon messianique : le prophète glisse de l’un à l’autre au cours d’un même passage, dans une perspective divine qui dépasse notre vision du temps.

En effet, le signe d’Emmanuel n’est pas facile à comprendre : certes, son accomplissement principal — c’est-à-dire la venue du Messie — est clairement expliqué à la fois par le chapitre 9 (« un enfant nous est né… ») et par la citation de Matthieu 1 qui insiste sur la naissance virginale de Jésus-Christ. Mais les v. 15 et 16 indiquent tout aussi clairement un accomplissement à très court terme, dans les années qui ont suivi le message à Achaz. L’explication la plus convaincante est de voir en Maher-Schalal-Chasch-Baz le premier Emmanuel : un enfant né de celle qu’Ésaïe allait épouser en secondes noces (« la prophétesse », 8.3) et qui était encore jeune fille au moment où Ésaïe a prononcé cet oracle devant Achaz.

Plusieurs éléments plaident en faveur de cette explication : d’abord le parallèle évident entre les v. 14 à 16 du ch. 7 et les v. 3 et 4 du ch. 8. Ensuite des témoins sont présents pour attester du mariage du prophète tout autant que de l’inscription « Maher-Schalal-Chasch-Baz » sur une grande plaque, qui pouvait être lisible de tous. Enfin, si l’enfant du ch. 8 porte un nom différent d’Emmanuel, on peut remarquer que notre Seigneur lui-même n’a jamais été appelé Emmanuel : « Tu lui donneras le nom de Jésus » dit l’ange à Joseph en Matthieu 1.21, dans le passage même qui cite Ésaïe 7.

Ainsi, le signe d’Emmanuel a été pour Achaz et les contemporains d’Ésaïe cet enfant dont le nom surprenant (qui signifie litt. « vite au butin, en hâte au pillage ») avait été inscrit avant sa naissance sur un grand panneau à la vue de tous.

Il en sera de même des siècles plus tard, lors de la naissance miraculeuse de cet autre enfant, né de femme mais conçu du Saint-Esprit, annoncé en même temps par Ésaïe (9.6). Qui d’autre que Christ pouvait porter les noms de « Dieu puissant » et « Père éternel » ?

Inséré dans le message prophétique d’Emmanuel, les v. 11 à 20 du ch. 8 sont un message personnel à Ésaïe, qui, avec ses enfants et ceux qui craignent l’Éternel (les « disciples », 8.16), se démarquent de leurs concitoyens.

2. L’Assyrie, instrument de la colère divine (9.8-10.34)

Après la vision de la venue du Messie, la Parole divine revient à la situation présente dans quatre strophes adressées au royaume de Samarie qui font écho aux six malheurs prononcés sur Juda au ch. 5. Ce peuple persiste dans son orgueil inconscient malgré un premier jugement de Dieu ; il est tout entier aveugle et perverti, dévoré par le feu de la discorde et rempli d’injustice envers les petits. « Pour tout cela, sa colère ne s’est pas détournée, et sa main est encore étendue. » (9.12,17,21 ; 10.4, Darby)

L’instrument de cette colère divine, l’Assyrie, est aussitôt présenté, mais sera châtié à son tour en raison de son arrogance (10.5-34).

3. Le règne du Messie (11.1-12.6)

Le ch. 11 s’ouvre alors sur celui qui est « la racine et la postérité de David » (Apoc 22.16, Darby). Tout différent des hommes orgueilleux dont l’ambition a causé la ruine du peuple, le prophète le rattache à Isaï, et non pas à David, comme pour souligner son humble origine et ôter toute prétention à la maison de David qui, en la personne d’Achaz, a montré son infidélité.

Le règne du Messie est décrit sur une terre où toute violence a disparu, dans un tableau évoqué de nouveau au ch. 65 : celui de la nouvelle création, toute entière pleine de la connaissance de l’Éternel.

Israël à nouveau rassemblé, comme Israël délivré de l’Égypte, entonne alors le cantique du ch. 12 : « Jah, Jéhovah est ma force et mon cantique, il a été mon salut. » (12.2, Darby) Ce cantique d’Israël racheté, qui rappelle celui chanté autrefois sur le rivage de la mer Rouge, est la conclusion et le point d’orgue de la première partie du livre où ont été abordés, en une majestueuse introduction, les thèmes principaux de la prophétie d’Ésaïe.

Foi et courte vue

Le récit du ch. 7 est d’abord une épreuve de foi. Dans la situation critique qu’il vivait, il était naturel pour Achaz de mobiliser toutes les ressources à sa disposition, et d’user d’un moyen qui pouvait paraître imparable : faire appel à la grande puissance de l’époque, l’Assyrie, devant laquelle ses ennemis du moment ne pourraient résister.

À tout problème on est tenté de trouver une solution humaine, en reléguant Dieu au second plan : pourvu qu’il fasse réussir le moyen que j’ai trouvé et que la sagesse humaine préconise ! Mais nos solutions ne sont pas toujours celles de Dieu. Le choix de faire confiance à Dieu, de donner plus de crédit à Celui qui est invisible qu’aux éléments tangibles qui nous entourent, n’est jamais un choix facile : c’est pourtant la seule manière de « subsister » (7.9).

Dans l’histoire d’Achaz, le choix de l’Assyrie, s’il a semblé judicieux à première vue, s’est avéré lourd de conséquences. Se tourner vers le monde, et faire appel aux ressources qu’il propose, c’est s’exposer à être submergé par lui. David, qui contrairement à Achaz était un homme de foi, s’est aussi laissé prendre à ce piège : pour échapper à Saül, il est allé se réfugier chez les Philistins en faisant croire qu’il était des leurs ; puis, de compromission en dissimulation, il s’est retrouvé entraîné dans la guerre, près de combattre contre son propre peuple (1 Sam 27-30).

Ce récit nous montre aussi une décision prise sous la pression des événements. L’urgence nous fait souvent croire qu’une action doit être entreprise au plus vite, parce que le temps est contre nous ; peut-être jugeons-nous aussi avec légèreté qu’il sera toujours temps de « corriger le tir », si notre choix initial n’est pas bon. Mais le temps de Dieu n’est pas toujours le nôtre.

Le contraste est instructif entre d’un côté Achaz et la majorité des hommes de Juda, agités comme les arbres par le vent, paniqués par les rumeurs d’un complot imminent (8.12), et de l’autre ceux qui s’attendent à Dieu comme Ésaïe. « Je m’attendrai à l’Éternel, … je l’attendrai » (8.17, Darby), ou « Je me confierai en lui », comme est cité ce verset dans Hébreux 2.13. Cette même Épître, en plusieurs endroits, nous montre le lien étroit entre patience et confiance (Héb 6.12,15 ; 11.13,39). La confiance en Dieu nous permet d’échapper à la pression de l’immédiat, en sachant que notre Dieu, lui, a notre avenir en ses mains.

Crainte de Dieu

Ce ne sont pas les événements menaçants, réels ou imaginaires, l’actualité brûlante, que les croyants doivent redouter. Bien plutôt, c’est notre Dieu que nous devons craindre, comme lui même l’enjoint à Ésaïe « avec toute la force de son autorité » (8.11, Seg21). Le « sanctifier » (8.13) — c’est-à-dire lui donner, dans notre vie et dans notre cœur, la place qui lui revient — est la seule source de sérénité pour ceux qui lui appartiennent. On raconte que John Wesley, embarqué pour l’Amérique, s’est converti en voyant le calme inébranlable de frères moraves rassemblés pour rendre culte alors que leur navire était pris dans une effroyable tempête.

L’apôtre Pierre cite ce passage, en montrant que les croyants, même soumis à l’hostilité de ceux qui les entourent, ne doivent pas davantage craindre les hommes, mais désarmer leur méchanceté par une conduite irréprochable (1 Pi 3.13-16).

Craindre Dieu, ce n’est pas avoir peur de lui ; c’est le respecter et avoir conscience de sa grandeur et de sa sainteté. Bien loin d’être une simple affirmation abstraite, le craindre nous amène à diriger notre vie en fonction de ce qui lui plaît. Nous sommes alors assurés de trouver auprès de lui refuge et sécurité, comme dans un sanctuaire (8.14), avec la conviction qu’il tient notre destin dans ses mains, et qu’il est avec nous en toute circonstance.

Emmanuel

Le sens de ce nom d’Emmanuel, « Dieu avec nous », répété trois fois dans les chapitres 7 et 8, condense d’une certaine manière toute la révélation biblique : celle du Dieu Tout-Puissant, par nature en dehors et au delà de toute création, qui resterait éternellement lointain et inaccessible à l’homme, s’il ne s’intéressait à lui. Un Dieu qui s’approche de l’homme, qui intervient activement en sa faveur et qui veut se faire connaître à lui.

Cette proximité voulue par l’Éternel, et vécue par de nombreux croyants de l’A.T., est devenue totale par l’incarnation. Jésus, Dieu fait homme, est véritablement « Dieu avec nous » : plus encore qu’une expérience vécue par ceux qui l’invoquent, c’est une personne, venue comme un enfant, que Dieu nous a donnée. Un homme parmi les hommes, qui a vécu ce que nous vivons, pour partager jusqu’à la mort notre humanité.

Mais si, pour ceux qui croient, Emmanuel (comme Maher-Schalal-Chasch-Baz) est l’assurance d’être délivrés, pour ceux qui n’ont pas placé leur confiance en l’Éternel, il est « une pierre d’achoppement, un rocher de scandale… un filet et un piège » (8.14).

Le signe d’Emmanuel introduit ainsi une alternative dans la bouche d’Ésaïe. Ne pas se confier en Dieu, ce n’est pas seulement se priver de la bénédiction d’Emmanuel, c’est être condamné à l’échec et à l’obscurité. Il est frappant de voir comme notre société occidentale qui a laissé de côté toute idée de Dieu, est envahie de pratiques occultes, exactement telles que les décrit Ésaïe. La révélation divine ne peut venir que de la parole inspirée (8.19-20), la lumière ne peut briller qu’en Jésus-Christ (8.21-9.7).

L’affirmation « Dieu est avec nous » n’est pas non plus un blanc-seing à des hommes incrédules, et le prophète s’attache à ce que nul ne la prenne avec légèreté.

Maher-Schalal-Chasch-Baz a annoncé à la fois la délivrance et la dévastation, la destruction des ennemis de Jérusalem et l’invasion assyrienne. Schear-Jaschub, le nom du premier fils d’Ésaïe, montre lui aussi clairement ces deux côtés du message prophétique : « un reste reviendra » est une promesse, celle d’un vrai retour à Dieu, mais aussi une menace, celle d’être consumé par la colère du Dieu saint, comme le montre 10.22 : « un reste seulement reviendra ».

On ne peut invoquer la protection de Dieu tout en rejetant son autorité et en méprisant ses exigences. Les soldats d’Hitler aussi avaient, gravé sur leur ceinture, ces mêmes mots : « Gott mit uns » (« Dieu avec nous ») ! Mais Dieu n’est jamais l’otage de ce qu’il a promis. Il est également bon et fidèle à ses promesses, juste et sévère envers le mal : « Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu… » (Rom 11.22)

Cependant, pour ceux qui le craignent, cette sévérité n’est pas une source de terreur : elle leur fait mesurer, en Jésus, la grandeur de son amour qui attire ceux qui reviennent à lui, et chantent alors avec son peuple : « Je te loue, ô Éternel ! Car tu as été irrité contre moi, ta colère s’est détournée, et tu m’as consolé. » (12.1)