PROMESSES
Un chrétien doit-il être pacifiste en toute circonstance ? Devrait-il « tendre l’autre joue » même si son agresseur le met physiquement en danger ? Il nous semble difficile d’imaginer Jésus dire cela à une femme qui se ferait battre par son conjoint… Dans cet extrait de son ouvrage Vivre l’éthique de Dieu, Daniel Arnold nous propose un survol de la question de l’usage de la légitime défense pour le chrétien.
Extrait
La légitime défense consiste à prendre des mesures adéquates pour empêcher un agresseur de tuer ou de blesser une personne. Contrairement à une décision de justice qui peut être prise à tête reposée, une action défensive doit souvent se prendre dans le feu de l’action. La personne agressée doit rapidement user de son bon sens pour évaluer la gravité de la situation. S’il est manifeste qu’un intrus ne veut que dérober des biens matériels, il est illégitime de l’abattre. Mais si le voleur porte une arme, ses intentions sont moins manifestes.
Dans l’Exode, on fait une différence entre un voleur abattu de nuit ou de jour : « Si le voleur est surpris dérobant avec effraction, et qu’il soit frappé et meure, on ne sera point coupable de meurtre envers lui, mais si le soleil est levé, on sera coupable de meurtre envers lui » (Ex 22.2-3).
De nuit, un voleur peut difficilement être distingué d’un criminel. On ne peut pas le voir comme il faut et mesurer ses coups.
De jour, l’acte de l’intrus est plus manifeste. La loi ne doit pas être appliquée à la lettre, mais selon le principe qu’elle souligne. Par exemple, de nos jours, il suffirait de tourner un interrupteur pour éclairer une pièce en pleine nuit. L’intention du visiteur se verrait mieux, mais on pourrait hésiter à tourner le commutateur, car l’agresseur alerté pourrait réagir dangereusement. Tout est une affaire de jugement et d’intention. Dans tous les cas, il est manifeste qu’un droit à la défense existe, mais qu’il faut en user avec modération.
Quand Jésus dit qu’il ne faut pas résister au méchant (Mat 5.39), il ne pense pas au meurtrier, mais à une personne qui veut humilier son prochain ou le déposséder d’un bien. Les exemples que Jésus cite sont très explicites. Le premier agresseur donne une gifle pour humilier (il frappe du revers de la main sur la joue droite), le second veut traîner un homme en justice pour lui ravir un objet de valeur (un manteau), le troisième impose une tâche difficile et ingrate (Mat 5.39-41).
Lorsque Jésus est arrêté au jardin de Gethsémané, il demande à Pierre de rengainer son épée : « Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée », puis il rajoute : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? » (Mat 26.52-53). Jésus fait comprendre à son disciple que la défense par les armes n’est pas utile dans cette situation. En effet, Jésus ne va pas être mis tout de suite à mort, mais il va simplement être arrêté pour être jugé. Or, il ne faut pas que les adversaires de Jésus puissent l’accuser d’avoir résisté par les armes aux autorités judiciaires. (Un maître devrait pouvoir contrôler ses disciples.) Jésus guérit donc l’homme que Pierre a blessé (Luc 22.51). Ainsi, aucune accusation ne pourra être portée ni contre lui ni contre Pierre. Jésus témoigne aussi de sa compassion pour le serviteur du souverain sacrificateur, injustement blessé.
Quelques heures plus tôt, Jésus avait dit à ses disciples une parole parfois mal comprise : « Que celui qui a une bourse la prenne et que celui qui a un sac le prenne également, que celui qui n’a point d’épée vende son vêtement et achète une épée » (Luc 22.36). Par là, il ne voulait certainement pas dire qu’il fallait combattre les ennemis par les armes, puisqu’il rejette fermement les deux épées que les disciples lui présentent : « Ils dirent : Seigneur, voici deux épées. Et il leur dit : Cela suffit » (Luc 22.38).
Jésus leur annonçait simplement un temps nouveau fait de tribulations.
Conclusion de la rédaction de Promesses
On pourrait objecter que nous cherchons ici à minimiser les paroles de Jésus. En effet, en face d’une persécution violente, de nombreux chrétiens ont suivi Jésus jusqu’à la mort, sans se défendre. Le sujet délicat du martyr n’est pas abordé dans cet article.
Il démontre seulement que de manière générale, la légitime défense est permise pour le chrétien.
Replacées dans leur contexte biblique, les paroles de Jésus s’éclairent. Il ne désire pas que son disciple se laisse tuer ou maltraiter par plaisir. Seulement, dans certaines circonstances précisément établies dans le texte, le « lâcher-prise » sera un témoignage plus « frappant » pour l’agresseur et les potentiels témoins. Dans de telles situations, le défi lancé par Jésus reste donc de taille pour le chrétien.
Pourquoi le mal ?
Pourquoi la souffrance ?
Comment expliquer la naissance d’un enfant handicapé ?
Les disciples posent la question à Jésus au sujet d’un mendiant aveugle : « Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » (9.2).
Les disciples ne parlent pas d’injustice, mais de responsabilité. Pour eux, le mal ne s’explique que par le péché, soit celui des parents, soit celui de l’aveugle qui aurait péché dans le sein maternel. Les rabbins faisaient référence à la lutte entre Jacob et Ésaü dans le sein de Rebecca (Gen 25.21-23) pour souligner que le caractère, les rivalités et le mal se manifestent déjà avant la naissance.
Jésus ne s’intéresse pas au passé pour expliquer l’infirmité, mais il regarde vers l’avenir : « Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui » (9.3).
Le contexte du récit
Pour comprendre la question des disciples et la réponse de Jésus, il faut tenir compte du contexte. Au lendemain de la fête des Tabernacles, Jésus retourne au temple pour enseigner (8.2). Il dit : « Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (8.12). Face à l’opposition grandissante des Juifs de Jérusalem, Jésus se présente comme le juge qui dénonce le péché. En particulier, il affirme que les Juifs qui l’entourent ne sont pas, pour la plupart, de vrais descendants d’Abraham, puisqu’ils sont animés de désirs meurtriers. Ces hommes veulent le tuer. Ils ont donc pour ancêtre le diable et non pas Abraham (8.44). Ils sont menteurs comme leur père (Satan), alors que Jésus dit la vérité. À la fin du chapitre 8, lorsque Jésus affirme exister de toute éternité (« avant qu’Abraham fût, je suis », 8.58), les Juifs « prirent des pierres pour les jeter contre lui ; mais Jésus se cacha, et il sortit du temple » (8.59). Ironiquement, la lumière du monde doit se cacher ! Mais Jésus ne se cache pas longtemps, puisqu’au sortir du temple, il opère un prodige.
Jésus « voit » un aveugle
De manière surprenante, l’auteur de l’Évangile affirme au début du chapitre 9 que Jésus voit, en passant, un homme aveugle de naissance (9.1). On s’attendrait à ce que l’auteur dise que les disciples voient un aveugle de naissance puisqu’ils posent ensuite leur question, mais pourquoi indiquer que Jésus voit un aveugle ? Le regard de Jésus a dû attirer l’attention des disciples. C’est comme si Jésus cherchait quelqu’un et finit par le trouver. Son regard s’arrête sur la personne recherchée.
Ce mendiant aveugle-né intéresse Jésus, et c’est ce qui pousse les disciples à poser leur question. Jésus vient de parler des Juifs qui ont pour père le diable, et maintenant Jésus regarde un aveugle de naissance. Jésus voudrait-il poursuivre sa leçon sur le péché des hommes et sur le triste lien qui unit les individus à leurs ancêtres pécheurs ?
Jésus continue effectivement à se révéler puisqu’il affirme une seconde fois qu’il est « la lumière du monde » (9.5). Cependant, il ne va pas mettre en exergue le péché des hommes (en tout cas pas dans un premier temps), mais il va manifester sa grâce envers un malheureux. Il choisit un aveugle de naissance, car la guérison d’un tel homme illustre le mieux qu’il est « la lumière du monde » et le souverain créateur.
La salive, la boue et la piscine
Jésus « cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : Va, et lave-toi au réservoir de Siloé — nom qui signifie envoyé » (9.6-7a). Jésus utilise sa salive, où on pourrait voir un symbole de sa parole. Il crache sur la poussière de la terre pour faire de la boue qu’il applique ensuite comme une onction sur les yeux de l’aveugle. Jésus imite le Dieu Créateur qui a établi toute chose par sa parole et qui a tiré l’homme « de la poussière de la terre » (Gen 2.7). Jésus vient d’affirmer son éternité (« avant qu’Abraham fût, je suis ») et maintenant il agit comme le Dieu Créateur.
Le premier jour de la création, Dieu avait dit : « Que la lumière soit ! Et la lumière fut » (Gen 1.3), et maintenant, Jésus affirme « pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (9.5 ). Au commencement, la lumière que Dieu crée est « bonne » et Dieu sépare « la lumière d’avec les ténèbres » (Gen 1.4). À Jérusalem, Jésus donne la lumière à l’aveugle.
Jésus envoie l’aveugle à la piscine de « l’envoyé » (9.7), car il veut enseigner que celui qui l’écoute, lui, l’envoyé de Dieu, trouvera la vue. Cela est vrai sur le plan physique et sur le plan spirituel.
Qui est Jésus ?
Une fois guéri, l’aveugle revient sur ses pas et témoigne de sa guérison. Plusieurs personnes l’interrogent sur la manière dont la guérison s’est réalisée : « Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? » (9.10 ; cf. 9.19, 26) La réponse est claire et succincte : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, a oint mes yeux, et m’a dit : Va au réservoir de Siloé, et lave-toi. J’y suis allé, je me suis lavé, et j’ai pu voir » (9.11). Dès cet instant, les échanges se focalisent sur la personne du guérisseur. « Où est cet homme ? » (9.12). Certains affirment que l’homme en question ne peut pas venir de Dieu, « car il n’observe pas le sabbat » (9.16), ce que d’autres contestent (« Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? » 9.16) Pour l’aveugle, son bienfaiteur est « un prophète » (9.17).
La tension entre les Juifs et l’aveugle augmente d’un cran, quand les Juifs l’interrogent une seconde fois. Les Pharisiens veulent que l’aveugle critique Jésus — ce qu’il refuse de faire. Il les reprend sur leur attitude et conclut en disant : « Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs ; mais, si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais, on n’a entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (9.31-33).
Les Juifs, incapables de répondre à l’argumentation de l’homme, ne peuvent que l’insulter et le chasser (9.34). Ainsi, après avoir chassé du temple « la lumière du monde » (Jésus), les Juifs chassent maintenant (de la ville ?) le témoin qui a retrouvé la vue.
Jésus rencontre alors l’aveugle une seconde fois, car il veut que l’homme ne voie pas simplement physiquement, mais aussi spirituellement. Jésus s’identifie comme étant le « Fils de Dieu », une parole aussitôt acceptée avec enthousiasme : « Et il [l’aveugle] dit : Je crois, Seigneur. Et il l’adora » (9.35-38).
Qui est aveugle ?
Le récit se termine sur le thème du début. Les disciples avaient évoqué un lien possible entre la cécité et le péché passé des parents ou de l’aveugle. Jésus souligne le lien entre la cécité spirituelle et le péché présent des protagonistes (9.39-41). Les Juifs ne sont pas seulement les descendants du diable, mais ils sont inexcusables, car ils viennent de rejeter le signe de grâce et de puissance que Jésus leur a donné. « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : Nous voyons. C’est pour cela que votre péché subsiste » (9.41). En d’autres mots, si vous n’aviez pas vu mes prodiges, vous ne seriez pas (autant) coupables. Mais les Juifs s’entêtent dans leur incrédulité et restent prisonniers du péché dans lequel ils ont été engendrés.
Poser la bonne question sur le mal
Depuis la chute, le mal et la mort règnent dans le monde. Parfois un lien direct existe entre une maladie et le péché d’un individu (Act 5.1-12 ; 12.21-23 ; 1 Cor 11.28-30), mais ce n’est pas toujours le cas. Souvent les victimes d’un fléau ne sont pas plus coupables que ceux qui en ont échappé (Luc 13.1-5). Les questionnements sur le pourquoi d’un malheur restent souvent sans réponse. Et même quand les réponses existent, elles ne permettent pas de revenir en arrière. Les questions à poser face au malheur sont : comment puis-je m’en sortir ? et surtout qui peut m’aider à m’en sortir ?
Jésus est la réponse à toute notre misère. Il est l’envoyé du Père céleste pour éclairer les hommes et les restaurer physiquement et spirituellement, dans le présent et pour l’éternité. Telle est l’œuvre de Dieu : complète et définitive.
Texte tiré du livre : Vivre l’éthique de Dieu. L’amour et la justice au quotidien, Daniel Arnold, La Maison de la Bible, 2020, p.132-133, 138-139.
L’apôtre Paul exhorte les chrétiens à se soumettre les uns aux autres : « Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ » (Éph 5.21 ).
Par cette phrase, Paul n’abolit pas toute structure hiérarchique, mais signifie que chacun est appelé à la soumission dans des domaines particuliers : les femmes à leur mari, les enfants à leurs parents et les esclaves à leur maître (Éph 5.22-6.9). Paul attire aussi l’attention sur les responsabilités des chefs (le mari, les parents, le maître). Chacun — chef et subalterne — doit être soumis à Dieu dans la fonction qu’il occupe.
Paul indique clairement que les structures sociales ne sont pas abolies, mais qu’elles doivent être régénérées à la lumière du Christ. L’apôtre s’oppose simultanément à la négation et à l’abus de pouvoir. Dans la famille, le mari et les parents doivent exercer leur mandat d’autorité dans l’amour, le respect et l’écoute.
Le mari
Le mari est appelé par Dieu à être le chef du foyer. Son mandat doit s’inspirer de l’amour du Christ qui s’est donné pour son Église (Éph 5.25). Cela signifie que l’amour du mari pour son épouse doit aller jusqu’au don de sa vie. Paul dit que « les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps ; celui qui aime sa femme s’aime lui-même » (Éph 5.28). Un tel amour exclut toute brutalité, toute moquerie, toute remarque désobligeante. Celui qui aime sa femme lui fait confiance, et n’hésite pas à lui dévoiler le montant de son salaire. Mieux encore, il lui donne accès à la totalité de ses gains, car la gestion financière se fait en parfaite harmonie, aucun conjoint ne cherchant à tirer la couverture à lui, mais au contraire, chacun étant prêt à se découvrir pour couvrir l’autre.
Être chef du foyer signifie donner le bon exemple sur le plan moral et spirituel. Le mari n’abandonne pas « les choses de l’Église » à sa femme sous prétexte qu’il est trop occupé par sa profession, mais il sera le premier à veiller au développement spirituel de tous les membres de sa famille. Il doit donner l’exemple d’une vie de prière et de consécration à Dieu. Il lira et méditera la Bible pour trouver les forces et l’inspiration nécessaires pour mener une vie droite. Son comportement devrait donner à chacun l’envie de se plonger dans les Saintes Ecritures. Le mari doit être le modèle dans le domaine de la droiture, du contrôle de soi, de la vérité, de la générosité.
Lors d’un différend avec sa femme, si les torts sont partagés, le mari devrait être le premier à demander pardon. Il n’attendra pas que son épouse fasse cette démarche (bien qu’elle puisse le faire), mais il doit, en tant que chef du foyer, montrer l’exemple de la réconciliation en demandant le pardon pour ses fautes et en accordant le pardon à tout pécheur repentant.
Les parents
Les parents doivent guider leurs enfants dans le droit chemin. Ils forment tous deux, à parts égales, l’autorité de l’unité familiale. Ils n’abuseront pas de leur situation de force pour humilier leurs enfants. Leur rôle consiste à instruire, éduquer, élever, punir si nécessaire, mais sans excès, toujours en rapport avec le péché commis. Un verre de lait renversé par mégarde sur le tapis d’Orient ne sera pas puni, même si les dégâts sont grands. Par contre, le mensonge, la parole inutilement blessante, le mépris par rapport à un aîné, la cruauté envers les plus petits doivent être réprimandés. La paresse sera sanctionnée, mais pas les échecs scolaires, car l’éthique chrétienne n’est pas utilitariste. Le mal n’est pas défini en fonction de la réussite, mais par rapport à la loi de Dieu.
Le rôle formateur des parents se manifeste en premier par l’exemple de leur vie. Le père et la mère laisseront une trace indélébile chez leurs enfants s’ils se respectent l’un l’autre et se parlent avec tendresse, s’ils prient quotidiennement et font confiance à Dieu pour leurs besoins quotidiens, s’ils traitent leurs enfants avec amour et fermeté et témoignent l’amour du Christ à leurs voisins.
La soumission sera le mieux enseignée si les parents ont une crainte respectueuse de Dieu, si la mère est soumise au père et si les parents honorent les autorités ecclésiastiques et politiques. N’oublions jamais que les enfants apprennent en premier par imitation. Aux parents de leur laisser le bon modèle !
En temps de crise, on cherche toujours un coupable. Lors de la pandémie du COVID-19, on a commencé par pointer du doigt les Chinois qui mangent tout et n’importe quoi. Puis, on a critiqué le système sanitaire des Italiens. Les dirigeants occidentaux ont été accusés tour à tour d’attentisme, puis d’interventionnisme. On a critiqué le voisin pour ses légèretés à l’égard des mesures de confinement, tout en cherchant soi-même à contourner ces mesures lorsqu’elles nous dérangeaient. Certains ont accusé Satan ou les démons.
Mais faut-il vraiment chercher un seul coupable quand il y a mille suspects, voire mille coupables ? Certains ont même accusé Dieu, le seul qui est parfait et juste.
Le livre de Job nous apprend qu’une explication aux malheurs n’est pas toujours possible et qu’elle n’allège en rien les souffrances. Parfois le juste souffre. C’est difficile à accepter et à vivre, mais c’est comme ça. Le livre de Job nous appelle non pas à la critique d’autrui, mais à la réflexion. Job a tout eu : la richesse, la santé, une famille nombreuse, des amis et la considération de tous. Puis il a tout perdu. Les plaintes de Job nous emmènent sur le parcours du souffrant, de la victime innocente dont les interrogations débordent de partout. A la fin du livre, Job retrouve la sérénité lorsqu’il accepte ses limites à tout comprendre et s’en remet à Dieu, qui seul, est juste, bon et tout-puissant. « Je reconnais que tu peux tout, et que rien ne s’oppose à tes pensées. » (Job 42.2). C’est dans la confiance à ce Dieu que vient la paix intérieure dans les temps d’adversité.
L’évangile nous permet d’aller encore plus loin que Job, car à la croix, c’est l’amour illimité de Dieu qui s’est exprimé. Jésus pardonne à ceux qui le crucifient et il offre le salut au brigand qui l’implore à son côté. Dans la souffrance, nous n’avons pas besoin de chercher un coupable, mais de trouver le sauveur.
Quelle attitude le chrétien doit-il avoir par rapport à la terre, notre bien matériel commun ? La question concerne l’immédiat (notre génération) et le long terme (les générations à venir).
Les questions écologiques sont d’actualité. L’Église commence aussi à se préoccuper de ces questions.
La préoccupation du rapport de l’homme à la terre n’est pourtant pas nouvelle. De tout temps, les hommes se sont souciés de cette question, mais leur approche était plus religieuse que scientifique. Les catastrophes naturelles étaient conjurées par la prière et par des rites religieux. Les prêtres de Baal se mutilaient pour inciter leur divinité à envoyer la foudre, annonciatrice de l’orage, après trois ans de sécheresse : « Ils crièrent à haute voix, et ils se firent, selon leur coutume, des incisions avec des épées et avec des lances, jusqu’à ce que le sang coule sur eux. » (1 Rois 18.28) Élie, le prophète, se moque de leurs pratiques : « À midi, Élie se moqua d’eux et dit : Criez à haute voix, puisqu’il est dieu ; il pense à quelque chose, ou il est occupé, ou il est en voyage ; peut-être qu’il dort, et il se réveillera. » (1 Rois 18.27) Pourtant, lui aussi recourt à la prière pour ramener la pluie dont Dieu avait pourtant annoncé le retour (1 Rois 18.1,41-45).
Aujourd’hui, les idéologies ne sont pas absentes du débat écologique, mais elles sont parfois masquées par un discours scientifique.
Pour une juste approche des choses, le regard biblique est fondamental. En voici les points principaux :
- Toute la création est une œuvre exceptionnelle reflétant les perfections invisibles de Dieu (Rom 1.20). Elle ne doit jamais être admirée pour elle-même, car seul le Créateur est digne d’adoration (Apoc 4.11). D’ailleurs, toute la création loue le Seigneur et reconnaît sa grandeur et sa magnificence (Ps 148).
- Cette œuvre de création est corrompue depuis le péché d’Adam et Ève. La responsabilité humaine par rapport aux catastrophes naturelles est indéniable. Elle est même nettement plus grande que ne l’affirment les mouvements écologistes, car elle ne date pas de ces cent dernières années, mais remonte au début de l’humanité. Ce n’est pas la fausse relation à la création qui en est la cause première, mais la fausse relation à Dieu. Les victimes des catastrophes ne sont pas toujours directement responsables. Ainsi, les dix-huit victimes de l’effondrement de la tour de Siloé n’étaient pas plus coupables que les autres habitants de Jérusalem (Luc 13.4).
- La création est donnée pour la jouissance de l’homme (Gen 1.29) et des animaux (Gen 1.30), mais Dieu a confié à l’homme le soin de gérer toute chose (Gen 1.26,28). Il est appelé à « dominer sur les animaux » et à « soumettre la terre », ce qui ne signifie pas qu’il doive tout massacrer sur son passage. L’homme reçoit le mandat d’un serviteur qui doit prendre soin d’un domaine. Le bien-être des autres créatures humaines doit être prioritaire comme pour toute autre entreprise humaine. Celui qui construit une maison doit ériger une barrière sur le toit plat, si un escalier y donne accès, pour éviter que des personnes qui s’y rendraient ne se blessent (Deut 22.8). De même, celui qui détruit une forêt en montagne pour des besoins industriels doit s’assurer qu’aucune avalanche ne menace ensuite des habitations, ni n’entraîne un autre fléau en aval. Il doit réfléchir et prévenir tout inconvénient que son action pourrait avoir pour d’autres. La responsabilité des hommes dépasse la génération présente. Lors du siège d’une ville, certains arbres pouvaient être coupés pour les besoins de l’opération, mais les arbres fruitiers devaient être préservés pour les générations futures (Deut 20.19-20). La préoccupation du bonheur des générations suivantes est largement soulignée dans l’Écriture.
- Le respect des hommes envers les animaux y est aussi enseigné, mais à un moindre degré. D’un côté, l’animal domestique doit être nourri pour son travail (Deut 25.4) et a droit au repos sabbatique (Ex 20.10 ; 23.12 ; Deut 5.14). De l’autre, les animaux peuvent être tués et mangés par l’homme (Gen 9.3). Ils servent aussi d’offrandes pour des sacrifices. Tout animal domestique qui présente un danger pour l’homme doit être abattu (Ex 21.28). Le propriétaire qui n’a pas pris toutes les mesures pour surveiller un bœuf réputé dangereux sera condamné comme meurtrier en cas d’agression mortelle de son animal (Ex 21.29). Par analogie, on peut en déduire qu’un lynx qui ravage des troupeaux de brebis dans les montagnes et détruit le travail d’un berger, voire menace des promeneurs, doit être neutralisé, c’est-à-dire abattu ou enfermé. Le laisser en liberté est un non-sens. Que le fauve soit le dernier de la région (ou le premier à repeupler une contrée) ne change rien. La protection de l’environnement doit toujours privilégier l’homme. D’un autre côté, l’affection qu’un individu peut avoir pour un animal n’est pas négligeable, et doit être respectée. Le roi David condamne sévèrement un riche pour avoir pris et tué la brebis du pauvre, car l’animal était non seulement son moyen de survie, mais sa compagne (« il la regardait comme sa fille », 2 Sam 12.3). Les espèces animales et végétales doivent être protégées, dans la mesure du possible, car chacune est un témoin de l’activité du Créateur, et constitue une raison supplémentaire pour l’adorer.
- Le rapport à la terre est fondamental pour Israël. La promesse faite à Abraham concerne une descendance et une terre d’accueil. La Genèse rapporte la longue attente des patriarches qui n’étaient qu’« étrangers et voyageurs » sur la terre promise ( Héb 11.13 ; 1 Pi 2.11), Abraham n’acquérant pour seule propriété qu’une grotte pour y enterrer son épouse (Gen 23). Ce n’est que quatre siècles plus tard qu’Israël reçoit enfin la domination de la terre promise sous la conduite de Josué. Par la suite, la bénédiction du peuple élu est étroitement liée à cette terre promise, l’Éternel repoussant ou renforçant divers envahisseurs en fonction de la fidélité ou de la désobéissance de son peuple. Dieu montre au travers de l’histoire d’Israël que le salut pour l’homme n’est pas désincarné, mais qu’il est lié à la création.
- À long terme, la survie de la planète échappe à tout effort humain. L’homme ne peut pas vaincre la mort. Il peut au mieux la retarder. L’espoir fondamental de toute vie ne peut reposer qu’en Dieu. Il est le Créateur, le Juge et le Rédempteur. C’est lui qui renouvelle toute chose en temps voulu. Jésus est la résurrection et la vie. À la suite d’un long développement sur la rédemption divine, l’apôtre Paul inclut une pensée sur la création : « La création attend avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité — non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise — avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. » (Rom 8.19-22).
A Introduction | 1S.1-15 |
1 Le ministère fidèle du juge Samuel et le rejet de la maison d’Eli | 1-7 |
…2 L’instauration de la royauté | 8-12 |
.…..a La demande formulée par le peuple | 8 |
………b L’appel de Saül (et de sa maison) | 9.1-11.13 |
……a’ La demande confirmée par Samuel | 11.14-12.25 |
1’ Le ministère infidèle du premier roi et le rejet de la maison de Saül | 13-15 |
B Le problèmes de David avant son accession au trône | 1S 16.1- 2S 2.7 |
1 Appel et onction de David | 16-17 |
…2 La famille de David (femme et beau-frère) le délivre des griffes de l’ennemi | 18.1-21.1 |
……3 Les problèmes de David à l’étranger | 21.2-23.28 |
………4 Attitude remarquable de David : il épargne trois fois des vauriens | 24-26 |
……3’ Les problèmes de David à l’étranger | 27-29 |
…2’ David délivre sa famille (ses femmes et enfants) des griffes d’un ennemi | 30 |
1’ Onction de David et accession au | 1S 31.1-2S 2.7 |
C- Le règne de David | 2S 2.8-10.19 |
1 Attitude exemplaire de David envers les hommes | 2.8-5.25 |
…a Guerre civile : combat victorieux contre un fils de Saül | 2.8-3.39 |
……b Respect de David envers un fils de Saül (Ich-Bocheth) | 4 |
………c Guerre de conquête | 5 |
2 Attitude exemplaire de David envers Dieu | 6-7 |
…………d Respect de David pour Dieu : l’arche (i.e. l’alliance) est ramenée au centre de la nation | 6 |
…………….e L’alliance de Dieu avec la maison de David | 7.1-17 |
…………d’ Respect de David pour Dieu : sa prière d’adoration | 7.18-29 |
3 Attitude exemplaire de David envers les hommes | 8-10 |
……..c’ Guerre de conquête | 8 |
……b Respect de David envers un fils de Jonathan (Mephibocheth, petit-fils de Saül) | 9 |
…a Conflit avec un allié : combat victorieux contre le fils d’Hanoun, roi des Ammonites | 10 |
B’ Les problèmes de David après son péché | 2S 11-20 |
1 Le péché de David | 11 |
…2 L’annonce du jugement de Dieu | 12 |
……a Les paroles du prophète | 12.1-15a |
……b Les signes du jugement | 12.15b-31 |
1’ Les problèmes de David | 13-20 |
…a Infidélité sexuelle et familiale | 13-14 |
……b Infidélité filiale et politique | 15-19 |
…c Infidélité politique | 20 |
A’ Conclusion ou appendices | 2S 21-24 |
1 Un péché de Saül : jugement et pardon | 21.1-14 |
…2 Les hommes vaillants de David | 21.15-22 |
……3 Cantique de David à la fin de ses difficultés | 22 |
……3’ Paroles (cantique) de David à la fin de sa vie | 23.1-7 |
…2’ Les hommes vaillants de David | 23.8-39 |
1’ Un péché de David : jugement et pardon | 24 |
L’histoire commence avec l’engendrement de Samuel, le dernier juge (1 Sam 1), et elle se termine avec l’achat, par David, du terrain sur lequel Salomon construira le temple de Dieu à Jérusalem (2 Sam 24). Les récits couvrent une période d’un peu plus d’un siècle (environ 1100 à 970 av. J.-C.).
1. L’auteur du livre
L’auteur de 1-2 Samuel n’est pas mentionné, ce qui est généralement le cas des livres historiques de l’Ancien Testament. La tradition juive attribue l’ouvrage à Samuel, Nathan et Gad sur la base de 1 Chroniques 29.29 : « Les actes du roi David, les premiers et les derniers, sont écrits dans les Actes de Samuel le Voyant, dans les Actes de Nathan le prophète et dans les Actes de Gad le Voyant ». Cependant, l’unité du livre rend peu probable que 1-2 Samuel ait été écrit par trois auteurs différents, à des époques différentes. L’auteur de 1-2 Chroniques cite, selon son habitude, des sources complémentaires que ses lecteurs pouvaient consulter après l’exil pour compléter les informations qu’il transmet. Samuel, Nathan et Gad ont donc écrit au sujet de David, mais qu’ont-ils écrit ? Beaucoup de livres cités par l’auteur de 1-2 Chroniques ont disparu. Dans tous les cas, Samuel n’a pas pu écrire l’ensemble du livre de 1-2 Samuel, puisque sa mort est mentionnée en 1 Sam 25.1, durant le règne de Saül, c’est-à-dire avant les événements rapportés dans 2 Samuel. Le livre porte le nom de « Samuel », car il est l’homme qui a instauré la royauté en Israël. Il reste Nathan ou Gad comme auteurs possibles du livre. Nathan semble particulièrement bien correspondre à la thématique du livre, centrée sur l’alliance avec la maison de David (cf. 2 Sam 7 ; 12).
2. L’instauration de la royauté
La période des juges est caractérisée par un pouvoir décentralisé. Durant trois cents ans (de la mort de Josué à Samuel), les douze tribus forment une confédération d’États dans laquelle chaque tribu gère ses affaires de manière autonome. Aucun pouvoir politique ne représente l’ensemble des tribus ni ne les guide. L’unité est religieuse. Le chef spirituel est le souverain sacrificateur qui officie au Tabernacle, lieu de rassemblement de la nation trois fois par année. Fondamentalement, l’unité d’Israël se trouve en Dieu.
L’instauration de la royauté marque un changement important dans l’organisation politique des tribus. Pour la première fois depuis l’entrée en Canaan, Israël est dirigé par un chef commun aux douze tribus. Le pouvoir politique devient même héréditaire, puisque la royauté se transmet de père en fils, à l’instar de la charge de souverain sacrificateur qui est, elle aussi, héréditaire.
Les douze premiers chapitres de 1 Samuel décrivent ce changement, mais l’ouvrage ne s’arrête pas avec l’onction du premier roi (1 Sam 10 ; 12), puisque l’auteur rapporte le règne des deux premiers rois, Saül et David, dans les quarante-trois chapitres suivants (1 Sam 13-2 Sam 24).
3. Des récits passionnants
L’auteur rapporte le comportement de plus de 80 personnages nommés. Les plus connus sont David (cité 450 fois), Saül (307x), Samuel (112x), Joab (85x), Absalom (83x), Jonathan (77x) et Abner (50x), et parmi les femmes, nous avons Bath-Chéba (18x), Mical (14x), Abigaïl (13x), Anne (13x) et Tamar (13x).
Les personnages principaux sont généralement liés entre eux par des liens de parenté, de mariage, d’amitié et de travail. De David par exemple, on connaît le père (Isaï), les frères (Eliab, Abinadab, Chamma), les fils (Amnon, Absalom, Salomon, et 11 autres 2 Sam 5.14-16), une fille (Tamar), les épouses (Mical, Abigaïl, Ahinoam, Bath-Chéba), le beau-père (le roi Saül), les beaux-frères (Jonathan, Ich-Bocheth), les généraux (Joab, Abner), les compagnons de lutte (voir la liste commentée en 2 Sam 23.8-39), quelques amis influents (Samuel, Ahimélek, Akich, Nathan, Gad), des ennemis (Chiméï) et des traîtres (Ahitophel).
Certains personnages interviennent dans un seul récit, d’autres sont mentionnés dans plusieurs narrations, voire presque tout au long du livre. Chaque personnage mérite d’être étudié pour lui-même, mais une étude en parallèle permet de faire mieux ressortir des caractères très contrastés.
Par exemple, Jonathan est le contraire d’Absalom. Le premier s’attache à David et le soutient bien que, sur le plan humain, il puisse être jaloux de lui et craindre celui qui régnera (à sa place) sur le trône d’Israël. Absalom est le fils de David, mais au lieu d’être soumis à son père, il veut lui ravir le pouvoir et le tuer.
Autre exemple : Abigaïl est le contraire de Bath-Chéba. Les deux femmes sont mariées lorsqu’elles rencontrent David pour la première fois. Abigaïl est noble et sage, et va permettre de sauver de la mort aussi bien ses serviteurs que son mari pervers (Nabal), et éviter à David de commettre une action qu’il aurait regretté par la suite. Bath-Schéba se trouve être une occasion de chute pour David. Elle trahit son mari admirable (Urie). Les deux femmes deviendront à la mort de leur mari, les épouses de David.
4. La trame du livre : l’alliance avec la maison de David
L’alliance divine avec la maison de David est le thème fondamental autour duquel s’articulent tous les récits. Cinq sections composent l’ouvrage.
A | 1 Sam 1-15 | La première section sert d’introduction. L’auteur présente Samuel, l’homme qui a établi la royauté en Israël, a choisi le premier roi, puis l’a rejeté. |
B | 1 Sam 16-2 Sam 1 | La deuxième section présente l’onction de David par Samuel, et les persécutions injustes que le futur roi a dû subir avant son accession au trône. |
C | 2 Sam 2-10 | La troisième section est au centre de l’ouvrage. Elle présente le règne glorieux de David. Au centre de cette section se trouve le chapitre clé du livre, celui qui rapporte l’alliance éternelle que Dieu a établie avec la maison de David (2 Sam 7). |
B’ | 2 Sam 11-20 | La quatrième section décrit les difficultés rencontrées par David à la suite de son péché avec Bath-Chéba. Cette section rappelle la seconde, à la différence que les souffrances de David sont la conséquence de son péché. | A’ | 2 Sam 21-24 | La cinquième et dernière section est un épilogue dans lequel l’auteur transmet certains événements qu’il n’a pas encore eu l’occasion de rapporter. En particulier, le dernier chapitre permet à l’auteur de conclure sur « la maison de Dieu » (le temple) qui sera construite à Jérusalem (2 Sam 24). |
A. L’introduction (1 Sam 1-15)
L’engendrement de Samuel est miraculeux tout comme celui de Jean-Baptiste. La mère de Samuel est remarquable, tout comme le sont les parents de Jean-Baptiste. Anne, la mère de Samuel, est remplie de foi et consacre son fils à l’Éternel comme elle l’avait promis (1 Sam 1.24-28). Quant à Zacharie et Élisabeth, les parents de Jean-Baptiste, ils « étaient tous deux justes devant Dieu, et suivaient d’une manière irréprochable tous les commandements et les ordonnances du Seigneur » (Luc 1.6). Le cantique d’Anne lorsqu’elle consacre son enfant au tabernacle (2 Sam 2.1-10) anticipe le cantique de Marie, lorsque celle-ci rencontre Élisabeth qui lui annonce que son enfant Jean-Baptiste a bondi de joie dans son ventre au son de la voix de Marie (Luc 1.39-55).
Une fois adultes, les deux hommes critiquent les autorités religieuses et politiques. Samuel annonce le jugement de Dieu au souverain sacrificateur Éli (1 Sam 3.11-18) et au roi Saül (1 Sam 13.13-14 ; 15.16-29), tout comme Jean-Baptiste reprend les pharisiens hypocrites qui veulent se faire baptiser (Mat 3.7-12) et critique le roi Hérode Antipas pour ses mauvaises actions (Luc 3.19-20). Dans les deux cas, l’action rédemptrice de Dieu se déroule dans un monde rebelle et pécheur.
Notons que le premier chapitre de Samuel place d’emblée le lecteur dans un contexte de péché, de rivalités et de stérilité. Samuel est engendré dans une famille polygame marquée par la lutte entre les deux épouses d’Elkana. En particulier, Pennina afflige Anne et la pousse à se révolter contre Dieu, car cette dernière n’a pas d’enfant. Mais, Anne reste intègre et se confie en l’Éternel. Le conflit entre Anne et Pennina préfigure le conflit entre David et Saül, qui préfigure, à son tour, le conflit entre Jésus-Christ et Satan.
Vers la fin de la vie de Samuel, Dieu utilise le désir charnel du peuple, qui veut un roi comme toutes les autres nations, pour instaurer la royauté en Israël et préparer la venue de son roi-messie promis de longue date (1 Sam 8 ; cf. Deut 17.14-20). Comme premier roi, Dieu choisit un homme qui correspond exactement aux attentes du peuple. Saül est « un homme d’élite et beau, plus beau qu’aucun des Israélites, et les dépassant tous de la tête » (1 Sam 9.2). L’homme ne connaît rien de Dieu. Néanmoins, le Seigneur, miséricordieux, se révèle à lui par une série de signes (1 Sam 10), mais Saül ne s’attache jamais vraiment à lui. Le premier roi reste toute sa vie un homme religieux qui désire la bénédiction divine, mais transgresse constamment les commandements du Seigneur.1
B. Les souffrances injustes de David (1 Sam 16-2 Sam 1)
Immédiatement après son onction, David sert à la cour du roi comme musicien privé de Saül (1 Sam 16.14-23). Il apaise le roi de ses crises d’angoisse en jouant de la harpe, une musique probablement accompagnée de cantiques à la gloire de Dieu que David avait composés dans le passé. Le prochain épisode rapporte le combat et la victoire contre Goliath (1 Sam 17). L’engagement de David démontre sa foi et son courage, mais aussi la bénédiction divine.
Quand Saül entend les femmes admiratives accorder plus de gloire à David qu’au roi, ce dernier prend le nouveau héros en grippe (1 Sam 18.6-9) et cherche à le tuer à de nombreuses reprises, d’abord de manière discrète en lui proposant de se battre contre les Philistins pour obtenir la main de sa fille (1 Sam 18.17, 20-25). À deux reprises, sur un coup de tête alors que David joue de la harpe, il essaie de le transpercer avec sa lance (1 Sam 18.11 ; 19.9-10). Finalement, il le poursuit avec son armée.
Jonathan est le contraire de son père. Il admire David pour son courage et sa foi et s’attache à lui comme un frère. Il conclut même une alliance avec David (1 Sam 18.3-4), alors qu’il aurait pu craindre que David lui ravisse le trône qui lui était destiné.
Dieu protège David des projets meurtriers de Saül. Le Seigneur utilise divers agents pour sauver le futur roi. On peut noter l’agilité de David à se détourner de la lance de Saül (1 Sam 18.10 ; 19.10) et le succès du futur gendre lors des campagnes militaires contre les Philistins (1 Sam 18.27-30). Il y a aussi les enfants de Saül (Micah et Jonathan) qui protègent David contre leur père (1 Sam 19.11-17 ; 1 Sam 20), et les Philistins qui, sans le savoir, font une œuvre de diversion et obligent Saül à laisser filer David (1 Sam 23.25-28). Parfois, Dieu conseille David ; il lui révèle, par exemple, par le biais du souverain sacrificateur qui consulte l’éphod, que les gens de la ville de Qeïla livreront David, leur libérateur (1 Sam 23.1-13). À une occasion, l’Esprit de l’Éternel reprend même directement Saül pour un court instant et l’oblige à prophétiser et à s’humilier (1 Sam 19.19-24).
Devant les attaques répétées de Saül, David doit fuir à l’étranger, chez les Philistins, les ennemis d’Israël. Pris entre le marteau et l’enclume, David est obligé de ruser. Il joue à l’insensé (1 Sam 21.11-16), puis, plus tard, fait croire à Akich, le roi philistin, qu’il attaque les Hébreux, alors qu’il ne fait que combattre les ennemis communs à Israël et aux Philistins (1 Sam 27).
Dieu protège aussi David sur le plan moral. Il l’empêche de faire justice en Israël avant son onction officielle. David résiste au conseil de ses amis et à l’envie de tuer Saül lorsque les circonstances l’ont mis à portée de son épée (1 Sam 24 ; 26). À En-Guédi, dans la grotte, « David sentit battre son cœur » après avoir coupé le pan du manteau de Saül (1 Sam 24.6). Ainsi, par son esprit, Dieu reprend le fugitif qui, aussitôt, empêche ses hommes de tuer Saül (1 Sam 24.7-8). Dans le même ordre d’idées, lorsque Nabal, un homme inique et puissant, humilie David, celui-ci est empêché par la femme de Nabal de se faire justice (1 Sam 25). À une autre reprise, les princes philistins convainquent leur roi de ne pas laisser David accompagner leurs troupes dans la guerre contre Saül, craignant que David ne se retourne contre eux (1 Sam 30). Ainsi, David se voit dispensé de se battre, malgré lui, contre le roi d’Israël.
D’une manière générale, on peut affirmer que tous les récits de 1 Samuel 16 à 2 Samuel 1 soulignent la protection divine et la droiture de David.
C. Le règne glorieux de David (2 Sam 2-10)
1. David commence par régner au sud du pays à Hébron (2 Sam 2.1), puis, après sept ans de conflits avec le nord du pays qui s’est rallié à Ich-Bocheth (le fils de Saül), David règne sur tout Israël (2 Sam 5.1-5). Il conquiert alors Jérusalem des mains des Yébusiens, et en fait sa capitale, une ville située au centre du pays (2 Sam 5.6-10). L’auteur prend soin de noter la droiture de David à l’égard de la maison de Saül après son décès. Le second livre de Samuel commence par une oraison funèbre sur Saül et Jonathan, dans laquelle David vante les qualités des deux hommes (2 Sam 1). David n’a jamais été animé par un esprit revanchard. Même la lutte avec Ich-Bocheth, fils de Saül et successeur au trône, est empreinte de retenue, voire de noblesse (2 Sam 2.12-32). David ne cherche pas à tuer l’héritier de Saül. Il ira même jusqu’à punir de mort les serviteurs d’Ich-Bocheth qui l’ont lâchement assassiné (2 Sam 4).
2. Une fois Jérusalem conquise, David désire placer Dieu au cœur de son royaume. Il fait venir l’arche qui avait été oubliée dans la maison d’Abinadab depuis le temps des juges (1 Sam 7.1). David veut honorer Dieu plus que tout et il ne craint pas de paraître ridicule en dansant devant l’arche (2 Sam 6). Il projette aussi de construire une demeure permanente à l’arche, c’est-à-dire un temple, mais Nathan l’informe que ce ne sera pas David qui construira une maison à l’Éternel, mais l’Éternel qui construira une maison à David (2 Sam 7). L’alliance conclue avec la maison de David est au centre structurel du livre de 1-2 Samuel.
3. La troisième et dernière section du règne glorieux de David reprend deux thèmes présentés au début du règne de David. Sur le plan militaire, David affermit son règne en battant divers ennemis (2 Sam 8 et 10), et sur le plan personnel, il honore la mémoire de son ami Jonathan en prenant soin de son fils Mephibocheth, petit-fils de Saül (2 Sam 9).
D. Le jugement divin suite au péché de David (2 Sam 11-20)
Le prophète Nathan confronte le roi avec son double péché (adultère et meurtre) et lui annonce le jugement divin. David verra sa famille voler en éclats. Ses femmes lui seront volées et seront violées publiquement ; les rivalités internes déchireront sa famille, et son fils nouveau-né mourra. David a agi en secret, mais l’Éternel punira le roi « en face de tout Israël et à la face du soleil » (2 Sam 12.11).
Les huit chapitres suivants rapportent les misères de David (2 Sam 13 à 20). Amnon, le fils aîné du roi, viole sa demi-sœur Tamar (2 Sam 13.1-22). Absalom assassine Amnon, son demi-frère, pour venger sa sœur (2 Sam 13.23-39), puis planifie un coup d’État contre son père et prend le pouvoir, obligeant David à fuir à l’étranger (2 Sam 15-17). Face au comportement scandaleux de ses fils, David se montre faible et incapable de les punir. Sa passivité et son attentisme contrastent avec son zèle pour la justice qui l’avait animé avant son péché.
Pourtant, David n’a pas tout perdu. À la suite des reproches de Nathan, David s’est repenti, et le prophète lui annonce le pardon de l’Éternel (2 Sam 12.13). David n’est pas Saül. Le premier roi d’Israël n’a jamais marché avec Dieu, alors que David est toujours qualifié comme un homme selon le cœur de l’Éternel (cf. 1 Sam 13.14 ; 16.17 ; 1 Rois 14.8 ; 15.3). Certes, David a péché, gravement même, mais il s’est repenti, du fond du cœur. Dieu l’a puni, mais il ne lui a pas retiré son alliance. Un descendant de David régnera pour toujours sur le trône d’Israël.
E. Épilogue (2 Sam 20-24)
1-2 Samuel commence avec Samuel, le précurseur (le Jean-Baptiste de l’Ancien Testament), et se termine avec une allusion au ministère expiatoire de Jésus. David prépare cette venue de Jésus et la typifie d’une certaine manière (en particulier par les souffrances injustes subies avant son règne royal). Le fils d’Isaï est un homme admirable dès son onction et durant une grande partie de son ministère, mais il n’est pas sans péché. Lui aussi a besoin qu’un plus grand que lui, meilleur que lui, vienne mourir sur la croix pour lui. Cet homme est Jésus-Christ, le Messie promis, le descendant de David selon l’alliance conclue avec la maison de David.
La Bible décrit deux cadres de vie idylliques dans les premiers et les derniers chapitres. Le jardin d’Éden (Gen 2.2-24) et la Jérusalem céleste (Apoc 21-22) partagent plusieurs caractéristiques : ils contiennent un arbre de vie situé au centre du jardin ou au centre de la place de la ville. Un fleuve sort du centre du jardin ou du temple pour irriguer la terre. Des fruits variés, abondants et sains sont à disposition des habitants, et des métaux précieux sont nommés. Et, par-dessus tout, les deux cadres de vie existent après la création du ciel et de la terre (Genèse) ou la création d’un nouveau ciel et de la nouvelle terre (Apoc 21.1).
Dans l’Apocalypse, juste après une première description de la nouvelle création, Dieu se présente comme l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin (21.6). Cette affirmation encourage le lecteur à comparer le début de l’histoire de l’humanité à sa fin ultime.
Les deux cadres de vie sont tellement beaux qu’il semble hasardeux de vouloir suggérer une supériorité de l’un sur l’autre, par exemple du second sur le premier. D’autant plus que lors du premier récit de la création, il est affirmé que chaque acte créateur était bon (1.4, 10, 12, 18, 21, 25). Rien à redire ou à refaire. Le dernier acte est même qualifié de « très bon »2 (1.31). Dieu fait bien les choses, et il les fait même très bien. D’ailleurs, l’apôtre Paul affirme que les perfections invisibles de Dieu se voient comme à l’œil nu quand on considère sa création (Rom 1.20). Néanmoins, certaines affirmations de Genèse 1-2 suggèrent que les premiers actes créateurs sont perfectibles, ce qui n’est pas le cas de la nouvelle création. Cette dernière est parfaite et définitive dès le départ (Apoc 21-22). Examinons de plus près ces deux créations.
1. Les étapes de la première création
Dans la Genèse, Dieu crée par étapes. Il y a un premier jour, puis un deuxième, un troisième et ainsi de suite pendant six jours. Ce que Dieu fait le premier jour est bien, mais incomplet, puisqu’il se remet à la tâche le lendemain pour continuer son travail. Dieu procède par différenciation. Il « sépare » les choses ; c’est le mot clé. Il donne une forme, il ajoute des détails, il met en place certaines spécificités, et le résultat est chaque fois bon. La vie sur terre et autour de la terre s’anime progressivement. Le soleil, la lune et les étoiles sont créés et deviennent des luminaires qui se déplacent. Les eaux et le ciel grouillent d’animaux, puis la terre est aussi peuplée d’animaux et finalement, Dieu crée l’homme à son image. À ce moment seulement, Dieu déclare que tout est « très bon ». On est donc allé de progrès en progrès durant six jours. Au chapitre deux de la Genèse, l’auteur du livre (Moïse selon l’Écriture) donne un second récit de la création (2.4-25) qui complète le premier (1.1-2.3). Ce second récit se concentre sur Adam, le premier homme. Le lecteur apprend qu’avant la création d’Ève, soit avant la fin du sixième jour, tout n’était pas encore parfait. Dieu dit : « Il n’est pas bien que l’homme soit seul » (2.18). Dieu fait défiler tous les animaux devant Adam pour qu’il puisse trouver une compagne, mais rien n’y fait, aucun d’eux ne convient. Dieu plonge alors Adam dans un sommeil, puis il crée la première femme (Ève) à partir d’une côte du premier homme. À son réveil, Adam s’écrie, enthousiaste, qu’Ève est l’être parfait qui lui convient (2.23).
Les deux premiers chapitres de la Genèse présentent une création par étapes. Ils décrivent aussi certaines tâches que les créatures doivent remplir pour que l’acte créateur prenne tout son sens. Les animaux et les hommes reçoivent l’ordre de se multiplier (1.22,28). Adam doit garder et cultiver le jardin (2.15). Il doit examiner les animaux et leur donner un nom (c’est-à-dire relever leurs caractéristiques). Il reçoit la permission de manger des arbres du jardin, mais doit s’abstenir de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (2.16-17). À cet ordre, est assorti un avertissement, voire une menace : en cas de transgression, la mort sera au rendez-vous pour l’homme (2.17). Le jardin d’Éden est donc un lieu magnifique, mais il est « ouvert » sur l’avenir. Il peut y avoir des améliorations (il faut cultiver le jardin et l’homme doit se multiplier), mais il peut aussi être exposé à des revers (la mort est envisagée).
2. Une ville céleste achevée
Le récit de la nouvelle création dans l’Apocalypse présente les choses sous l’angle de la perfection immédiate et totale. La Jérusalem céleste descend du ciel parfaite. Ce n’est pas une ville en construction ou une ville dont seulement les bâtiments principaux sont érigés, mais qui laissent encore les abords en friche. Non, la Jérusalem céleste est entourée d’un mur décoratif exceptionnellement beau. La ville est habitée par les plus nobles personnages (le Dieu tout-puissant et l’Agneau de Dieu). Ils éclairent de leur lumière toute chose à tel point que le soleil est inutile. Le fleuve qui donne la vie coule déjà. La ville est livrée « clé en main ». Ainsi, le jardin d’Éden est bon, voire très bon, mais il n’est pas encore le lieu de vie dans lequel plus rien ne peut être amélioré. La Jérusalem céleste se présente au contraire comme une demeure parfaite dès le départ et qui le restera éternellement. Ce constat va maintenant être encore mieux étayé, et pour ce faire, nous allons comparer certains éléments mentionnés dans les deux récits. Commençons par les éléments physiques, puis nous nous pencherons sur les individus.
3. Les métaux précieux
En Éden, de l’or, du bdellium et la pierre d’onyx sont disponibles dans une des quatre régions délimitées par les quatre fleuves (Gen 2.11-12). L’or est « d’excellente qualité » (v.12). Le minerai devra bien sûr être travaillé et épuré de ses scories, car « l’excellente qualité » de l’or ne signifie pas que ce métal est trouvé à l’état pur, mais que le pourcentage d’or par rapport aux résidus est excellent. Dans la Jérusalem céleste, l’or est « pur » (21.18,21). Cette information est répétée deux fois, une fois en lien avec l’or de la ville et une fois en lien avec la place centrale. Dans les deux cas, tout le travail de purification a déjà eu lieu. L’or épuré de toutes ses scories est utilisé dans une partie centrale de la ville. L’or est « comme du verre transparent » (21.21) (« À l’époque de Jean, le verre « transparent » était exceptionnel »), et voilà que l’or est crédité des mêmes qualités que ce verre qui servait à la fabrication des miroirs. Douze pierres précieuses ornent les fondements d’une muraille longue de plus de 9 000 kilomètres. Les douze portes de la ville sont constituées d’une perle chacune, ce qui suggère une perle gigantesque.
4. L’arbre de vie
En Éden, l’arbre de vie est au milieu du jardin et il est entouré de « toutes sortes d’arbres d’aspect agréable et bons à manger » (2.9). L’arbre de la connaissance du bien et du mal semble être à côté de l’arbre de vie, puisqu’ils sont mentionnés l’un à la suite de l’autre. En d’autres termes, l’arbre de vie fait partie d’un ensemble « botanique » essentiellement plaisant, mais pas sans danger. Après la chute, l’accès à l’arbre de vie devient impossible, car Dieu a placé deux chérubins pour empêcher que l’homme ne prenne du fruit de cet arbre et vive éternellement (3.22). Dans la Jérusalem céleste, l’arbre de vie est au milieu de la place de la ville (22.2) et en même temps sur les deux bords du fleuve qui sort de la ville. L’arbre est productif puisqu’il donne douze récoltes par année, autant dire sans interruption. Son fruit est donc disponible 365 jours par an. Aucun autre arbre n’est mentionné, ce qui laisse penser que l’arbre de vie répond à tous les besoins. Les feuilles de l’arbre « servent à la guérison des nations ». Elles ont donc une vertu guérissante pour tous les individus, quelle que soit leur origine ethnique. Il est aisé d’imaginer que ces feuilles soient envoyées au loin en grande quantité, car les feuilles sont beaucoup plus légères que les fruits et se conservent facilement. Une sorte de tisane guérissante pourrait servir aux quatre coins du monde. Notons qu’il n’est pas spécifié qu’elles seront un jour utilisées. En effet, juste après leur mention, il est dit « il n’y aura plus de malédiction » (22.3). Les feuilles semblent être là comme une roue de secours qui ne sera jamais utilisée, car les roues du royaume (si l’on peut s’exprimer ainsi) sont increvables. En conclusion, l’arbre de vie de la Jérusalem céleste offre une garantie de vie éternelle et de bien-être que rien ne peut entacher. Notons aussi l’absence de tout arbre « problématique » dans la Jérusalem céleste.
5. Le fleuve qui sort
En Éden, un fleuve sort du jardin pour l’arroser, puis il se divise en quatre bras (2.10-14). Ceux-ci sont nommés (Pichôn, Guihôn, Hiddéqel, Euphrate) et vont entourer diverses régions, dont trois sont identifiées (Havila, Kouch, orient de l’Assyrie). Dans la Jérusalem céleste, une source d’eau de la vie est offerte gratuitement à toute personne qui a soif (21.6). Cette source est identifiée comme un fleuve (22.1). L’eau est « limpide comme du cristal » et « sort du trône de Dieu et de l’Agneau ».
En Éden, le fleuve est là pour arroser, mais tout le monde sait qu’un fleuve n’arrose pas un jardin sans le travail du jardinier. Celui-ci doit canaliser l’eau du fleuve en creusant des tranchées pour irriguer les différentes parties du jardin. En Égypte, par exemple, où il ne pleut pas (une situation analogue à celle d’Éden), le travail d’irrigation est important. Dans la Jérusalem céleste, les habitants ne sont pas confrontés à ce problème, car le seul arbre qui est mentionné (l’arbre de vie) est planté sur les rives même du fleuve. Il puise donc directement l’eau nécessaire à sa production par ses racines. Notons que le fleuve d’Éden a essentiellement des fonctions botaniques, alors que le fleuve de la ville céleste a des vertus apaisantes (il rafraîchit « celui qui a soif » 21.6) et fait fructifier l’arbre de vie qui porte des feuilles guérissantes.
6. Les frontières fluviales et la muraille de Jérusalem
Les quatre cours d’eau qui sont alimentés par le fleuve qui sort du jardin d’Éden forment les frontières naturelles du jardin. L’image qui en résulte est celle d’un monde fermé sur lui-même. D’ailleurs après la chute, l’entrée du jardin est gardée par les chérubins.
La muraille de Jérusalem semble de prime abord former un rempart imposant. La hauteur de l’enceinte est impressionnante : 70 mètres (21.17). Cette première impression est vite dépassée quand on considère la vision dans son ensemble. La Jérusalem céleste n’est menacée par aucun ennemi. Ainsi les portes de la ville n’ont jamais besoin d’être fermées (21.25). D’ailleurs, le texte de l’Apocalypse, avant de décrire la muraille, informe que les méchants de toutes sortes ont été jetés dans l’étang de feu (21.8). Après la description de la muraille, la vision annonce que les nations viennent vers la ville, non pour s’en emparer et la piller, mais pour apporter leur gloire et leur honneur (21.26), c’est-à-dire ce qu’elles ont de meilleur. Jean apprend aussi qu’il n’y a plus de nuit (21.25) et que rien d’impur n’entrera dans la ville (21.27).
La preuve absolue qu’aucun danger ne menace la ville est le fait que la muraille est construite avec des pierres précieuses. Personne ne place ses bijoux sur la clôture de son jardin, car le premier voleur s’en emparerait. Les bijoux sont placés dans des coffres forts à l’abri des voleurs, mais ici les pierres précieuses sont exposées, car il n’y a plus de voleurs. Les pécheurs ont disparu. Une muraille faite de pierres précieuses n’a donc aucune fonction défensive, mais elle est décorative. On pourrait rétorquer que la muraille est quand même bien haute. Certes, elle est imposante si on la prend isolément, mais quand on la compare à la grandeur de la ville, les 70 mètres de la muraille sont insignifiants par rapport à une ville haute de 2 300 kilomètres ! La muraille est tout juste un cordon décoratif qui prépare le visiteur au ravissement qui le saisira lorsqu’il entrera dans la ville.
7. La lumière sans soleil
Dans le premier récit de création, Dieu révèle que la lumière a été créée le premier jour (1.3-5), alors que les luminaires du ciel (soleil, lunes, étoiles) n’ont été créés que le quatrième jour (1.14-19). La lumière a donc précédé la création du soleil ! À la fin des temps, « la ville n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l’éclaire, et l’Agneau est son flambeau » (21.23). Ainsi, dans la première création, les grands astres sont secondaires, et dans la seconde, ils sont inutiles. Dans le récit de la Genèse, aucune explication n’est fournie sur l’existence de la lumière en l’absence du soleil, alors que dans l’Apocalypse, il est révélé que la présence même du Créateur est amplement suffisante pour éclairer les hommes. Celui qui a créé le soleil éclaire par sa seule présence le monde entier. Lors de la première création, l’absence du soleil n’a duré que trois jours. Dans la nouvelle création, l’absence du soleil et de la lune est permanente.
8. La valeur des hommes
Lors du premier récit de création, les hommes sont présentés comme formant l’apothéose de l’œuvre divine. Ils sont créés « à l’image de Dieu » (1.27), et Dieu dit pour la première fois en considérant son œuvre que « tout cela était très bon » (1.31). Lors de la nouvelle création, Dieu dit à propos de ceux qui habiteront la ville : « Celui qui vaincra héritera ces choses ; je serai son Dieu, et il sera mon fils » (21.7). L’homme passe donc du statut de créature privilégiée et exceptionnelle (Genèse) à celui de « fils » (Apocalypse). À la fin de toutes choses, il est question « d’héritage », donc de cadeau offert, qui clôt une période importante et annonce une période nouvelle. Dans le premier monde, l’homme est une créature terrestre parmi d’autres. Dans la nouvelle création, il est la seule créature terrestre. Aucune autre n’est mentionnée, aucune n’est autorisée à vivre dans la présence de Dieu et à partager le « tabernacle » divin. Il n’y a pas d’animaux, pas de serpent, même pas d’hommes pécheurs. Le seul animal nommé est « l’Agneau », un titre donné au Christ en référence à son œuvre expiatoire sur la croix.
9. Le lieu de vie
Le lieu de résidence du premier couple est un jardin. Par contre, à la fin de l’Apocalypse, Jean voit une ville cubique de 2 300 kilomètres de côté descendre du ciel. Ainsi entre le début et la fin de la Bible, on passe d’un jardin idyllique à une mégapole. Est-ce vraiment un progrès ?
Aujourd’hui les grandes villes n’ont pas bonne presse, car elles sont le lieu où la pauvreté, la criminalité et la pollution règnent. Les personnes riches préfèrent souvent vivre à la campagne, dans un espace vert. L’idéal écologique moderne n’est pas pour rien dans cet attrait de la campagne, mais la ville reste un pôle d’attraction pour beaucoup en raison des possibilités d’emplois et de la richesse culturelle qui gravite autour des centres humains.
Dans l’Écriture, la communauté humaine est un bienfait. Avoir des enfants est une grâce, et en avoir beaucoup est une grande bénédiction. L’homme aspire à avoir une descendance. Dieu promet à Abraham une postérité aussi nombreuse que les grains de sable au bord de la mer. C’est pourquoi Abraham doit quitter son pays pour aller dans une terre nouvelle où sa descendance pourra vivre. Mais lorsqu’Abraham se retrouve sans enfant dans la terre promise, il se lamente et se dit qu’une terre sans enfants n’a pas de sens. Une famille est une bénédiction et le regroupement familial est souhaitable. La communauté humaine est un lieu de réjouissance ; les fêtes ne se célèbrent pas seul, mais avec les proches, les amis, la famille élargie, la tribu, le clan, l’ethnie, les concitoyens.
La vision d’une ville immense (où le péché et les méchants sont exclus) est le symbole d’un bonheur immense qui attend l’humanité. Le jardin, les plantes, les animaux, un conjoint aimant, c’est bien (comme le souligne la Genèse), mais une ville immense remplie de gens charitables et consacrés à Dieu, membres d’une même famille, tous enfants de Dieu est une perspective encore beaucoup plus réjouissante. La Jérusalem céleste est un lieu de vie encore plus attrayant que le jardin d’Éden.
10. La présence de Dieu
Dans le premier récit de la création (Gen 1.1-2.3), Dieu se manifeste comme le Dieu souverain (Elohim), qui crée et agence le ciel et la terre. Lors du second récit de la création (Gen 2.4-25), Dieu se fait plus personnel. Il parle avec Adam et lui confie des tâches (cultiver et garder le jardin). Il le place aussi devant une interdiction et l’instruit des conséquences dramatiques d’une désobéissance. Dans ce récit, le Créateur est appelé « l’Éternel Dieu » (Yahweh-Elohim). Le nom du Dieu de l’alliance est utilisé (Yahweh). D’une manière générale dans Genèse 1-2, Dieu se révèle (1) comme le maître souverain qui offre un cadre de vie agréable à ses créatures (Gen 1.1-2.3) et (2) comme le Dieu personnel qui fixe aux hommes des objectifs (procréation pour toutes les créatures, et tâches supplémentaires pour l’homme).
Les derniers chapitres de l’Apocalypse contiennent aussi deux versions du nouveau monde (Apoc 21.1-8 ; 21.9-22.5). Cette fois, un homme a l’honneur d’être témoin de l’arrivée du nouveau cadre de vie. (Lors de la première création, c’était impossible, car le premier homme n’a été créé que le sixième jour.) Jean voit la ville sainte descendre du ciel « d’auprès de Dieu ». D’emblée Dieu est étroitement associé à cette ville, car la cité a été réalisée au ciel. On pourrait dire qu’elle est « made in heaven » (faite au ciel). Par contre le jardin d’Éden est planté sur terre ; on dirait « made on earth » (fait sur terre).
Lorsque la ville céleste arrive sur terre, une voix forte s’exprime, mais ce n’est pas pour transformer la ville (car elle est complète), mais pour expliquer à Jean sa signification et son utilité. « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ». Moïse avait dû construire le tabernacle dans le désert en suivant des instructions précises. Ici, tout est construit. Dieu va vivre avec les hommes, il va habiter avec eux. Dieu n’est donc pas d’abord présenté comme le Dieu souverain qui ordonne, mais comme le Dieu qui vient vivre avec les hommes et leur tient compagnie. « Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu sera lui-même avec eux » (21.3). Dans la nouvelle création, Dieu ne fixe pas d’abord des tâches aux hommes, mais il vient les aider et les consoler : « Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu » (21.4). Il leur offre de l’eau de la vie gratuitement (21.6). Aucune contribution n’est attendue, car tout est grâce. Il n’est pas question d’un salaire ou d’un dû, mais d’un héritage (21.7).
Dans le second récit des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (Apoc 21.9-22.5), l’accent est placé sur la ville sainte et sur l’épouse. Le lecteur apprend que le lieu d’habitation des créatures sera un cube immense. Or, « le Saint des saints » dans le temple construit par Salomon était aussi un cube (1 Rois 6.20). Il faut donc comprendre que les hommes vivront non seulement dans la maison de Dieu (« le tabernacle » de Dieu), mais dans la partie la plus sainte de cette maison, le Saint des saints. Les hommes connaîtront Dieu, car ils vivront dans sa présence, et ils verront la « face » de Dieu (22.4). Le nom de Dieu « sera sur leur front » (22.4). Notons encore que « l’Agneau » de Dieu est mentionné à sept reprises dans la dernière section (21.9-22.5). La consolation et la présence intime avec Dieu et avec l’Agneau ne sont possibles que grâce au sacrifice expiatoire de Jésus-Christ. Dieu et l’Agneau sont indissociables. Ils trônent tous deux dans la ville sainte.
11. L’épouse
Dans les récits de création du début et de la fin de la Bible, l’épouse occupe une position centrale. Dans Genèse 1, la création du premier couple humain clôt l’œuvre du Créateur (2.22-24) et lui permet d’affirmer, quand l’homme et la femme sont créés, que « voici tout était très bon » (1.31). Dans la seconde version du récit de la création en Genèse 2, alors que Dieu a presque tout terminé, le Créateur exprime une réserve : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui » (2.18). Le récit relève aussi l’insatisfaction d’Adam quand il passe en revue tous les animaux, et c’est seulement lorsque Dieu crée Ève qu’Adam exprime non seulement sa satisfaction, mais son enthousiasme. « Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme » (2.23) ; en d’autres termes, elle est formidable. Dieu offre le mot de la fin en indiquant le lien qui unira les deux êtres : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (2.24). Il y aura une unité profonde (« une seule chair ») et un engendrement (une nouvelle chair sera créée) dans la mesure où il y aura séparation et attachement : séparation du lien de sang (quitter père et mère) pour un attachement volontaire (une alliance nouvelle appelée mariage). Les bases de la multiplication de l’homme (créé à l’image de Dieu) sont mises en place.
Dans l’Apocalypse, l’épouse est le point d’orgue de la nouvelle création. Tout tourne autour d’elle, car la nouvelle Jérusalem n’est autre que « l’épouse, la femme de l’Agneau » (21.9). « Cette nouvelle Jérusalem » est présentée aussi « comme une épouse qui s’est parée pour son époux ». (21.2). Dans toutes les cultures, les femmes se font ravissantes le jour de leur mariage. Elles s’habillent d’un habit exceptionnel et se parent de bijoux. Dans le cas de la Jérusalem céleste, la muraille est le vêtement de mariage de la ville. De même qu’une muraille entoure une ville, ainsi une robe entoure le corps d’une femme. La muraille de la Jérusalem céleste est composée de perles et de pierres précieuses, tout comme une épouse se revêt de ses plus beaux bijoux.
La symbolique de la muraille comme vêtement décoratif est encore renforcée quand on réalise que les douze pierres précieuses de la ville rappellent les douze pierres précieuses ornant « le pectoral de jugement », un tissu décoratif de forme carrée suspendu à l’éphod, l’habit d’apparat du souverain sacrificateur. Les douze pierres précieuses étaient placées en trois rangées de quatre pierres (Ex 28.17 ; 39.10-13), ce qui rapproche encore davantage ce collier décoratif de la muraille de Jérusalem constituée de quatre côtés ayant trois ouvertures. Le tissu était assorti à l’éphod (même étoffe) et il était fixé aux anneaux de l’éphod avec un cordon violet, afin que le pectoral soit sur la ceinture de l’éphod et qu’il ne puisse pas se séparer de l’éphod (Ex 28.27-28).
Notons certaines différences quant aux pierres exposées sur l’habit du souverain sacrificateur, et celles composant les fondements des murailles. Sur les douze pierres précieuses de l’habit du sacrificateur, sept (le chiffre exprimant la totalité) sont présentes dans la muraille de Jérusalem et cinq sont nouvelles, une manière de dire que le passé est pris en compte, mais qu’il est aussi renouvelé. La dernière pierre mentionnée sur le pectoral devient la première à être mentionnée dans les fondements de la muraille, une autre manière de dire que les choses dernières seront les premières.
Concernant le pectoral et l’éphod, notons encore que « les noms des fils d’Israël » étaient gravés sur le pectoral (Ex 28.29). Ils étaient aussi gravés sur deux pierres qui étaient fixées sur les épaulettes de l’éphod. Or, sur les portes de la Jérusalem céleste (c’est-à-dire au-dessus des portes), il y a le nom glorieux des douze tribus d’Israël (21.12). Ainsi, les portes de la ville rappellent les épaulettes du souverain sacrificateur. Pour terminer, signalons que la muraille est construite sur le fondement qui porte le nom des douze apôtres (21.14). Ainsi, la muraille de la Jérusalem céleste n’est pas seulement ornée de pierres précieuses formées de minerais, mais elle est aussi ornée du nom précieux des fondateurs du passé, tant d’Israël que de l’Église. En résumé, la muraille de Jérusalem représente en même temps l’habit d’une épouse ornée pour rencontrer son époux, et en même temps l’habit d’apparat du souverain sacrificateur, l’homme le plus saint et le plus consacré en Israël.
L’identité de l’épouse est indiquée de plusieurs manières. Comme cela a été relevé, l’épouse est « la femme de l’Agneau ». Les noms sur les portes de la muraille identifient aussi la ville, de la même manière que le nom d’un bâtiment est fixé sur sa devanture. De plus, les noms liés aux fondements de la muraille permettent aussi d’identifier la ville-épouse. Ainsi, la Jérusalem céleste représente le lieu d’habitation de tous les croyants de l’ancienne et de la nouvelle alliance, les croyants qui ont été rachetés par le sang de l’Agneau, soit de manière anticipée, soit a posteriori.
12. La transparence
Une dernière caractéristique de la muraille mérite encore d’être relevée. La muraille est faite, partiellement en tout cas, de matériaux transparents. Quand la ville descend du ciel, Jean relève qu’elle a « un éclat semblable à celui d’une pierre très précieuse, d’une pierre de jaspe transparente comme du cristal » (21.11). Plus loin, l’apôtre note que « la muraille était construite de jaspe » (21.18). Cela peut surprendre qu’une muraille soit (partiellement) transparente et cela peut surprendre encore plus si la muraille symbolise un habit. Un habit transparent laisse apparaître la nudité. Un tel vêtement, s’il existe, semble totalement inapproprié pour une épouse qui va se marier. Mais la « nudité » de l’épouse de l’Agneau n’est pas nécessairement négative. Elle rappelle la nudité d’Ève dans le jardin d’Éden. Adam et Ève étaient nus avant la chute et n’en avaient point honte. Mais après la chute, tout change, et Adam et Ève cherchent à cacher leur nudité. La nudité dans le jardin d’Éden doit être comprise comme une caractéristique de l’innocence et de la pureté. Adam et Ève n’avaient rien à cacher. Par contre, après le péché, ils ont peur de Dieu et se cachent derrière les arbres et derrière les feuilles de figuier qu’ils ont cousues ensemble en guise de ceinture. La Jérusalem céleste a une muraille partiellement transparente, car la ville n’a rien à cacher. Il n’y aucun mal dans la ville.
* * *
Pour terminer, relevons que si le mariage instauré dans la Genèse consiste en une séparation (du père et de la mère) et une union (entre conjoints), dans l’Apocalypse, l’épouse de l’Agneau est formée des individus qui ont quitté le monde ancien (celui du péché) pour s’attacher à Jésus-Christ. Entre le début et la fin de la Bible, on passe du mariage humain, au « mariage » divin. Il n’y a pas à dire, le paradis surclasse Éden.
L’Évangile selon Jean est construit sur le principe de la dualité. L’apôtre débute son récit par un prologue (Jean 1.1-28) et le termine par un épilogue (Jean 21) situé après la conclusion de l’Évangile (Jean 20.30-31). Le prologue souligne l’œuvre du Logos (le Christ) dès le début, c’est-à-dire lors de la création du monde (Jean 1.1-2), et l’épilogue annonce l’œuvre du Christ ressuscité, au travers de l’Église, jusqu’à la fin du monde. En effet, la pêche miraculeuse illustre l’évangélisation du monde (cf.Luc 5.10) et le ministère pastoral dans l’Église.
Le corps de l’Évangile comporte deux parties. La première couvre les trois années du ministère de Jésus (Jean 1.19-10.42), et la seconde est centrée sur la passion de Jésus1 et s’étend sur quelques semaines (Jean 11-20).
La première partie est séparée elle-même en deux sections : d’abord les faits relatifs à la première année du ministère de Jésus, événements se situant avant l’arrestation de Jean-Baptiste (Jean 1.19-4.54). Ces informations ne sont pas rapportées dans les trois autres Évangiles puisque ceux-ci ne présentent le ministère de Jésus qu’après l’arrestation de Jean-Baptiste (Mat 4.12 ; Marc 1.14). Dans une seconde section, Jean décrit les deux dernières années du ministère de Jésus (Jean 5-10).
Sur le plan géographique, il y a alternance entre les événements situés à Jérusalem et en dehors de Jérusalem. Dans la première partie, trois sections concernent le ministère en dehors de la capitale, et trois sections se déroulent dans la ville sainte. Pour commencer, le récit passe du Jourdain à Cana (Jean 1.19-2.12), puis il s’arrête à Jérusalem (2.13-3.21) ; ensuite le lecteur repart avec Jésus au Jourdain, puis aboutit à Cana où Jésus a effectué son premier miracle (Jean 3.22-4.54). Le chapitre 5 décrit les événements à Jérusalem, le chapitre 6, les événements en Galilée, et finalement les chapitres 7 à 10 se déroulent à Jérusalem.
La seconde et dernière partie de l’Évangile concerne la passion de Jésus. Cette partie est divisée en cinq sections organisées en chiasme. La résurrection de Lazare (Jean 11) annonce et anticipe la résurrection de Jésus (Jean 20). Lazare revient à la vie le septième jour (Jean 11.6, 39), et Jésus ressuscite le premier jour de la semaine (20.1). En deuxième lieu, Jean décrit les événements publics de l’entrée triomphale à Jérusalem (Jean 12) et en avant dernier lieu, il décrit les événements publics de la passion de Jésus : arrestation, procès et crucifixion (Jean 18-19). Au centre de la seconde et dernière partie du livre, Jean s’arrête longuement sur les instructions privées de Jésus à ses disciples (Jean 13-17).
Remarques :
-Jean 6 est structurellement au cœur de l’ouvrage. Contrairement à son habitude, l’apôtre reprend ici des événements déjà décrits dans les Synoptiques (la multiplication des pains et la marche sur la mer). Il permet ainsi « d’intégrer » dans son récit la narration des trois premiers Évangiles. Mais Jean ne se contente pas de répéter les Synoptiques puisqu’il présente le commentaire de Jésus sur la multiplication des pains (Jean 6.22-71). Le chapitre suit un arrangement chiasmatique : miracle des pains, marche sur la mer, discours sur le pain de vie.
-La résurrection de Lazare (Jean 11) se déroule avant la passion, mais Jean 12.1 permet de raccrocher le chapitre 11 au récit de la passion :« Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare qu’il avait ressuscité d’entre les morts. »
Plan du livre2
Le prologue :Jean 1.1-18
Le ministère de Jésus avant la passion :Jean 1.19-10.42
La première année. Le développement de la foi (ou la foi naissante) :Jean 1.19-4.54
A.1 Du Jourdain à Cana :Jean 1.19-2.12
B Ministère à Jérusalem :Jean 2.13-3.21
A.2 Du Jourdain à Cana :Jean 3.22-4.54
Les deux dernières années. Le développement de l’incrédulité (ou l’opposition grandissante) :Jean 5-10
A.1 Ministère à Jérusalem :Jean 5
B Ministère en Galilée :Jean 6
A.2 Ministère à Jérusalem :Jean 7-10
La passion de Jésus :Jean 11-20
A.1 Lazare ressuscité le septième jour :Jean 11
B.1 Témoignage public de Jésus à Jérusalem :Jean 12
C Instruction privée aux disciples :Jean 13-17
B.2 Passion de Jésus à Jérusalem :Jean 18-19
A.2 La première semaine de la résurrection de Jésus :Jean 20
L’épilogue : Jean 21
1C’est-à-dire l’ensemble des souffrances endurées par Jésus-Christ avant et pendant sa crucifixion. (NDLR)
2 Information à nos lecteurs : un plan de l’Évangile selon Jean, proposé par Joël Prohin, a déjà été publié dans le n° 141 de Promesses (juillet-septembre 2002). http://promesses.local/arts/141p17-22f.html
Avant l’établissement du royaume (Marc 13)
Difficultés futures
Après avoir publiquement manifesté son autorité au temple, Jésus se retire du lieu « saint » pour annoncer à ses disciples les signes relatifs à l’établissement de son royaume. Ce discours peut nous étonner. En effet, Jésus vient de se présenter comme maître et Seigneur qui reprend tout contestataire (Marc 12). Les disciples pourraient croire que la vie du fidèle sera aisée avec un chef qui peut réduire au silence chaque ennemi. Il n’en est rien. Jésus annonce dans son discours eschatologique une série de calamités qui atteindront la terre et les chrétiens. Jésus est Seigneur, mais la manifestation de son règne n’est pas pour l’immédiat.
Dans l’avenir, les problèmes vont se multiplier. Une intensification des difficultés est perceptible. Pour commencer, Jésus relève des problèmes auxquels tous les hommes seront confrontés : bruits de guerres, guerres, catastrophes naturelles (Marc 13.7-8). Puis il annonce les troubles supplémentaires que subiront les chrétiens (les persécutions religieuses : 13.9-13). Ensuite, il décrit un temps d’épreuves unique dans l’histoire de l’humanité (13.14-23). « Car la détresse, en ces jours, sera telle qu’il n’y en a point eu de semblable depuis le commencement du monde que Dieu a créé jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. » (13.19) Pour finir, juste avant l’avènement du Fils de l’homme, « les cieux seront ébranlés » (13.25).
Les fidèles sont exhortés à persévérer, à mettre leur confiance dans leur Seigneur et à ne pas se laisser troubler par ces difficultés1. Jésus les a annoncées (13.23), elles ne doivent donc pas nous surprendre lorsqu’elles surviennent. Les premières difficultés seront suivies d’autres (« il faut que ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin », 13.7), puis d’autres encore (« Ce ne sera que le commencement des douleurs », 13.8). Aucune promesse de salut n’est formulée pour ce temps d’épreuve, car la délivrance est pour un temps futur (« celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé », 13.13). Les seules aides reçues serviront au témoignage clair de notre foi (« ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit-Saint », 13.11). L’épreuve finale sera aussi abrégée « à cause des élus qu’il a choisis » (13.20).
Comparaison avec les paraboles du royaume
Ce discours est le second discours développé de Jésus que Marc nous transmet, le premier ayant été prononcé au début du ministère de Jésus sous forme de paraboles (4.1-34). Les deux discours présentent des similitudes et des contrastes. Le discours en paraboles était résolument optimiste. Chaque parabole se terminait par le succès qui augmentait d’une parabole à l’autre. Les difficultés initiales étaient non seulement résolues à la fin de la première parabole, mais elles n’étaient même plus mentionnées par la suite.
Au chapitre 13, le discours eschatologique est différent. Le ton en est sinistre, car les difficultés ne cessent de croître. Certes, la victoire finale est promise (13.26-27), mais elle viendra comme une surprise et non comme l’aboutissement d’un long mûrissement. La différence de ton entre ces deux discours tient au fait que le premier est centré sur le royaume de Dieu et le second sur le monde. Le premier garantit le succès de l’Évangile et le second décrit l’effondrement inéluctable du monde. Que les disciples ne placent pas leur espoir dans le monde, car celui-ci n’a pas d’avenir ; il finira par s’écrouler. Jésus annonce pour commencer la destruction du temple (« Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée », 13.2), une construction qui suscitait l’admiration de tous (« Maître, regarde quelles pierres, et quelles constructions ! », 13.1). À la fin de son discours, Jésus annonce que même l’univers sera touché par la déchéance : « Le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. » (13.24-25) Ces deux discours sont complémentaires et non pas contradictoires.
Dans ces deux récits, l’auditeur ou le lecteur est exhorté à comprendre la parole : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende » (4.9) ; « Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende. » (4.23) ; « Que celui qui lit fasse attention. » (13.14)
Comparaison avec l’Apocalypse
Le discours eschatologique de Jésus est appelé parfois « la petite apocalypse ». Il se rapproche en particulier du livre de l’Apocalypse et de la deuxième partie du livre de Daniel qui soulignent :
1. des guerres entre nations (13.7,8),
2. la persécution religieuse (13.9,11),
3. des fléaux climatiques (13.8a),
4. l’intensification des difficultés (13.8b),
5. un tournant décisif (13.14),
6. des références géographiques à la Judée (13.14),
7. des exhortations à veiller et persévérer malgré les difficultés (13.13),
8. la manifestation temporaire de l’Antichrist (13.14),
9. la venue glorieuse du Fils de l’homme (13.26),
10. le salut final des élus (13.27).
Notons dans le discours de Jésus l’absence de toute référence au royaume divin, un aspect apocalyptique fréquent. La « petite apocalypse » est aussi dépourvue de tout langage symbolique, contrairement à de nombreux textes apocalyptiques. Jésus suit ainsi le mouvement général de la révélation qui devient de plus en plus explicite. En effet, lors de son premier discours (les paraboles du royaume), il avait utilisé des images, mais maintenant, il parle en termes clairs à ses disciples.
Utilité de ce discours
Personne ne connaît « le jour et l’heure » du retour de Jésus (13.32). Bien que le retour de Christ puisse être daté par rapport à l’avènement de l’Antichrist (moins d’une génération), cela ne signifie pas que tout soit dévoilé concernant la durée de cette période : « Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais le Père seul. » (13.32) Le chrétien doit vivre dans la dépendance de Dieu, qui connaît tout, mais qui a décidé de ne pas tout révéler. Il suffit au chrétien de savoir que Dieu connaît toutes choses pour être rassuré, car tout « connaître » signifie pour Dieu tout contrôler. Les jours et les heures sont fixés par le Seigneur (cf. Apoc 9.15). Le monde court à sa perte, mais le fidèle est entre de sûres mains.
Jésus termine son discours par diverses exhortations à « veiller en tout temps ». La connaissance de certains signes précis (par exemple la profanation du temple par l’Antichrist) ou la prolongation de l’attente du Seigneur (cf. 2 Pi 3.3-10) ne doit pas diminuer l’intensité de notre attente. Jésus peut revenir à n’importe quel moment.
Jésus avait commencé son discours avec l’impératif du verbe blepô (« prenez garde », litt. « voyez », « veillez » : 13.5 ; même mot qu’en 13.2, « vois », 13.9,33, « prenez garde » et 13.23, « soyez sur vos gardes »). Il le termine avec un autre impératif qui souligne encore davantage la vigilance : grêgoreite (« veillez comme des veilleurs professionnels », 13.35,37).
1Il y a 19 impératifs dans les versets 5 à 37. Il est donc manifeste que le but principal de ce discours n’est pas de satisfaire notre curiosité concernant le futur, mais de nous donner un enseignement pratique et éthique.
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