PROMESSES
17 Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal. 18 Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu ; il a été mis à mort quant à la chair, et rendu vivant quant à l’Esprit, 19dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison, 20qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau. 21Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus-Christ ; 22il est à la droite de Dieu, depuis qu’il est allé au ciel, et que les anges, les autorités et les puissances lui ont été soumis. 4.1 Ainsi donc, Christ ayant souffert dans la chair, vous aussi armez-vous de la même pensée. Car celui qui a souffert dans la chair en a fini avec le péché, 2afin de vivre, non plus selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu, pendant le temps qui lui reste à vivre dans la chair. (1 Pierre 3.17- 4.2) |
Dans ce texte, Pierre montre à ses lecteurs que Christ les a devancés dans le chemin difficile du témoignage face à un monde hostile. Ce faisant, il donne un des résumés les plus riches du N.T. sur le sens de la croix de Jésus Christ. Le seul juste a souffert une fois pour les péchés. Par la souffrance que lui infligeaient ses adversaires, il a porté les péchés des hommes et leur a ouvert la porte du salut. La mort de Christ ne l’a pas anéanti, pas plus qu’elle ne détruira le croyant. Christ ressuscité est vainqueur, et ceux qui se confient en lui partageront sa victoire.
Ce texte est un des plus difficiles à comprendre de tout le N.T., alors qu’il ne devait certainement pas poser aux lecteurs de l’Épître les difficultés de compréhension que nous rencontrons.
Que dit le texte ? Le verset 18 résume l’œuvre de Christ à la croix.
Le verset 19 est difficile et pose plusieurs questions :
– Où le Christ est-il allé « prêcher » ? Le texte ne le précise pas.
– Quel est le sens de « prêcher » ? Est-ce simplement annoncer l’évangile ou bien proclamer la victoire (autre sens du mot) ?
– Qui sont ces « esprits » ? Des âmes d’humains ou bien, comme presque toujours dans le N.T. quand il est au pluriel, des êtres spirituels angéliques ou démoniaques ?
– Pourquoi, au verset 20, Pierre renvoie-t-il à l’époque de Noé et à la crise de Genèse 6.1-8 ?
Ces versets ont donné lieu à plusieurs interprétations et aucune n’est pleinement satisfaisante. En voici trois :
- La première est avancée par Origène et d’autres. Jésus serait allé dans le séjour des morts « prêcher » aux esprits qui avaient péri lors du déluge. Il leur aurait offert une deuxième chance de salut. Cette lecture, retenue par les catholiques, n’est pas biblique puisque de nombreux textes de l’A.T. et du N.T. affirment que le sort de chacun est définitivement scellé à la mort (cf. Héb 9.27).
- Augustin a suggéré une autre lecture, reprise avec des variantes par beaucoup de commentateurs. La prédication de Christ a été faite en réalité par Noé. Comme le dit Pierre au début de l’Épître à propos des prophètes : « l’Esprit de Christ qui était en eux rendait témoignage par avance… ». Ceux qui entendaient le jugement annoncé par Noé étaient dans une prison spirituelle. Ils ont refusé d’entrer dans l’arche et ont été condamnés. Cette lecture a le grand mérite de la simplicité. Mais le temps du verbe « prêcher » semble indiquer un fait unique et non une prédication étalée dans le temps (or celle de Noé a duré 120 ans !) et elle ignore la structure en chiasme de 1 Pierre 3.17 à 4.2 (cf. annexe).
- La troisième proposition voit dans les « fils des dieux » de Genèse 6 des princes possédés par des démons qui les poussent à s’unir aux « filles des hommes ». En remontant au ciel, Christ a proclamé sa victoire à ces princes-démons emprisonnés dans l’attente du jugement. Cette lecture repose sur plusieurs arguments, mais elle n’est pas exempte de critiques. Elle apparaît un peu « tirée par les cheveux ». Le livre de 1 Enoch (livre apocryphe, non retenu dans le canon), cité par Jude 6, privilégie cette interprétation. La structure du texte de 1 Pierre, à laquelle peu ont prêté attention, semble aussi la favoriser.
En effet, la péricope qui va de 3.17 à 4.2 est construite sous forme de chiasme. Les mots du texte biblique mis en gras marquent les correspondances entre les parties A et A’, B et B’, C et C’ :
A 17 Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien, qu’en faisant le mal. 18 Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu ; il a été mis à mort quant à la chair, et rendu vivant quant à l’Esprit,
B 19 dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison,
C 20 qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau.
C’ 21 Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus Christ ;
B’ 22 il est à la droite de Dieu, depuis qu’il est allé au ciel, et que les anges, les autorités et les puissances lui ont été soumis.
A’ 4.1 Ainsi donc, Christ ayant souffert dans la chair, vous aussi, armez-vous de la même pensée. Car celui qui a souffert dans la chair en a fini avec le péché, 2 afin de vivre, non plus selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu pendant le temps qui lui reste à vivre dans la chair.
Si l’on retient cette structure, les « esprits en prison » (3.19) correspondent aux « anges, autorités et puissances » (3.22), qui sont manifestement des êtres angéliques. La prédication de Christ serait donc une proclamation par le fait de son exaltation.
* * *
Quelle que soit l’interprétation retenue, il importe davantage de savoir pourquoi Pierre prend cet exemple et quel est le rapport avec les destinataires de la lettre.
Comme Noé, ces chrétiens sont une minorité persécutée par la majorité soumise à des esprits désobéissants. Mais la proclamation du triomphe de Christ et le rappel du récit du déluge où un petit nombre a été délivré est de nature à encourager ces croyants. L’œuvre de Christ est « l’arche » qui leur permettra de traverser le jugement qui attend ce monde et d’arriver à bon port.
Pierre affirme que ces croyants sont sauvés de la même façon que Noé, c’est-à-dire à travers l’eau, ici celle du baptême1. Pierre précise que le baptême ne consiste pas en un lavage qui sauverait, car l’eau n’a pas de vertu magique. Le salut ne vient pas du baptême, mais de la foi en Jésus Christ ressuscité.
Au v. 22, Pierre ajoute trois points :
– Christ est à la droite de Dieu (Ps 110.1) ;
– il est monté au ciel (Act 1.10) ;
– il règne sur les anges, les autorités et les puissances.
Les affaires du monde sont encore temporairement contrôlées par différentes forces spirituelles, soumises à Satan. Mais Christ a triomphé de ces puissances et il ne reste plus qu’à les soumettre définitivement.
Au début du ch. 4, Pierre revient à l’impératif : « Armez-vous de la même pensée… » Par le baptême, les lecteurs de Pierre — et nous à leur suite —sont identifiés à Christ dans sa mort, et ont rompu avec l’esclavage du péché. Ils peuvent mener maintenant une vie soumise à la volonté de Dieu et goûter le repos de la vie nouvelle.
Le récit de l’appel du prophète Ésaïe (ch. 6) se situe après une première collection de messages (ch. 1 à 5). A priori, on ne comprend pas pourquoi le livre commence par cinq chapitres d’oracles qui sont prononcés chronologiquement après cet appel.
Une simple lecture n’apporte pas de réponse. Elle suscite plutôt de nouvelles interrogations : reproches, avertissements, sanctions, promesses de pardon, visions d’avenir, s’entremêlent dans un désordre apparent. En réalité, l’auteur multiplie les parallélismes thématiques, comme en témoigne l’analyse structurelle en forme de chiasme :
A Ch. 1. Oracles contre Juda et Jérusalem
La vigne : v. 8
“Malheur… ” : v. 4, 24
« C’est pourquoi » : v. 24 (un des rares mots déductifs en hébreu, suivi de l’annonce de jugements)
B Ch. 2.1-5. Oracle sur le mont Sion
« … en des jours qui suivent ceux-là » (litt.) : v. 2
C Ch. 2.6 à 3.12. Humiliation de l’homme hautain
Plus de chef, alors « Sois notre chef ! » (NBS) : 3. 6
D Ch. 3. 13-15. Dieu juge
C’ Ch. 3.16 à 4.1. Humiliation des femmes hautaines
Plus de mari, alors « Sois notre mari » (litt. « Fais-nous porter ton nom ») : 4. 1
B’ Ch. 4.2-6. Oracle sur le mont Sion
« En ce jour-là » : v. 2
A’ Ch. 5. Oracles contre Juda et Jérusalem
Parabole de la vigne : v. 1 à 7
« Malheur » (6 fois) : v. 8, 11, 18, 20, 21, 22
« C’est pourquoi » : v. 13, 14, 24, 25 (suivi de l’annonce de jugements)
Dans ces chapitres, Ésaïe utilise la forme littéraire du procès : « Plaidons ensemble » (1.18), « l’Éternel se tient là pour plaider et il est debout pour juger les peuples » (3.13) ou encore : « jugez entre moi et ma vigne » (5.3).
Au centre du chiasme, l’Éternel, présenté comme le Juge suprême (D : 3.13-15), dresse deux réquisitoires contre son peuple (1.4-24 en A et 5.8-23 en A’), dans lesquels il dénonce les crimes de nature religieuse (culte formaliste, pratiques superstitieuses) et ceux d’ordre politique et social (injustices, corruption, violence). Le chapitre 5 reprend et détaille les reproches formulés au chapitre premier. Les Judéens idolâtres et immoraux ont oublié « Dieu et le prochain ».
Le prophète n’en reste pas là. Il annonce le jugement inéluctable des responsables orgueilleux (C : 2.6 à 3.12) et des dames hautaines (C’ : 3.16 à 4.1). Les premiers seront privés de chefs à un moment crucial de l’histoire nationale. Le nombre d’hommes morts à la guerre contraint les secondes à accepter le déshonneur de rester célibataires ou d’accepter un mariage au rabais.
Après avoir dénoncé la rébellion, l’hypocrisie et l’injustice, Ésaïe dévoile la destinée glorieuse d’un Israël purifié, lumière des nations (B : 2.1-5 et B’ : 4.2-4). Promis à un avenir aussi béni, Israël peut-il continuer à mépriser sa vocation ? Comment ce peuple qui, par sa cruauté et son oppression envers les faibles, est comparé à Sodome et Gomorrhe (1.10), sera-t-il habilité un jour à annoncer le droit (2.4) ? Comment cette nation idolâtre sera-t-elle qualifiée pour proclamer la suprématie universelle du culte rendu à l’Éternel, symbolisée ici par le mont Sion plus élevé que les montagnes alentour (2.2) ? Comment les nations pourront-elles affluer à Jérusalem pour écouter la Loi ?
La réponse est « suggérée » en B’ : 4.2-6. Ésaïe annonce le salut à venir en la personne du « germe » (c’est-à-dire le Messie). Le prophète entrevoit le « jour » où, après l’exil et un nouvel exode (cf. 11.11), ce qui restera de la communauté de Jérusalem purifiée, se rassemblera en Sion et rendra culte à l’Éternel (4.5). Dans ce même verset, la nuée et la colonne de feu, témoins de la présence de Dieu au milieu de son peuple, rappellent Moïse conduisant le peuple hors d’Égypte pour qu’il célèbre, lui aussi, une fête à l’Éternel. Le prophète semble annoncer, comme l’auteur de l’Épître aux Hébreux (ch. 12), la mise de côté de la montagne du Sinaï (la Loi et ses insuffisances) au profit du mont Sion (la grâce et les exigences divines satisfaites) — le jugement et la condamnation d’un côté, le salut et la consolation de l’autre.
Ainsi, les cinq premiers chapitres d’Ésaïe, loin d’être sans objet précis, présentent les deux grands thèmes du livre qui s’entremêlent : jugement et consolation. Les Judéens étaient persuadés que les jugements annoncés par le prophète étaient incompatibles avec les promesses divines. Dès les premiers chapitres, Ésaïe les détrompe en mettant en évidence la tension qui existe entre les promesses divines et les obstacles qui s’opposent à leur accomplissement. Comment concilier la volonté souveraine de Dieu, maître de l’histoire, avec « la liberté de l’homme en sa nature récalcitrante1» ? Comment faire comprendre au peuple que son éloignement de Dieu n’empêchera pas, malgré les vicissitudes politiques de l’exil, la réalisation du dessein divin à travers une trajectoire parfois bien compliquée ? C’est le « germe » (ou « rejeton » 53.2), sorti de la lignée de David, le « serviteur » souffrant, qui remplira parfaitement cette mission : « le libérateur viendra de Sion » (Rom. 11.26 ; citation d’Ésaïe 59.20) et «… je t’établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations… » (42.6). Ainsi, bien des siècles à l’avance, Ésaïe entrevoit « l’économie du salut2 » dont les bénédictions ne sont plus réservées aux Juifs et dont le centre n’est plus la Loi, mais le Christ.
1R. Alter, L’art du récit biblique, Lessius, Bruxelles, 1999, p. 50
2« L’économie du salut » est une expression formulée dès le IIe siècle par Irénée, évêque de Lyon. Elle désigne la compréhension de l’histoire du salut dans les différentes étapes rapportées par l’Écriture.
Dans la dernière partie de l’Épître (12.14-13.19), les croyants hébreux sont exhortés à poursuivre la paix et la sainteté. Ces deux mots résument toute la vie chrétienne. Après une mise en garde contre le danger de revenir à la condition religieuse ancienne, l’auteur insiste une fois encore sur les privilèges de l’ordre nouveau dans lequel la grâce les a introduits. Il rappelle le thème central de l’Épître : rendre « à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte » (12.28).
L’auteur encourage d’abord ses lecteurs à persévérer dans une vie sainte (13. 1-6). Il évoque ensuite le sacrifice de Christ et en tire des enseignements pour la vie chrétienne et plus spécialement pour le culte (13.7-19). Enfin, il prononce une bénédiction et conclut par des salutations (13.20-25).
Persévérez dans l’amour, la fidélité et la foi ! (13.1-6)
Trois injonctions brèves introduites par « que » (13.1,4,5, TOB, Darby) présentent la nécessité de poursuivre la paix avec tous et la sanctification personnelle.
L’amour fraternel (13.1-3)
– L’amour fraternel accueille celui qui est dans le besoin. Cet acte d’hospitalité, habituel dans l’Antiquité, peut prendre une dimension qui échappe à l’hôte qui, sans le savoir, loge peut-être des anges (par ex., Genèse 18 et 19). Sans aller jusque-là, la présence de croyants a souvent été en bénédiction pour le foyer qui les recevait. Pour autant, l’hospitalité ne relève pas du principe de réciprocité, aujourd’hui en vogue, appelé le « donnant-donnant ». Elle est motivée par le désir d’honorer Dieu et de partager ce qu’il nous a donné avec le prochain.
– L’amour fraternel montre de la sympathie envers les prisonniers. Peu nourris, maltraités physiquement, ils ne pouvaient survivre sans secours matériel, affectif et spirituel. Les Hébreux sont encouragés à persévérer dans ce service (cf. 10.34).
D’une manière très générale, le Seigneur se préoccupe des besoins des humains et l’auteur de l’Épître rappelle que nous sommes appelés à « aimer Dieu et le prochain », l’un ne pouvant aller sans l’autre. Nous avons une responsabilité particulière envers toute personne en situation de fragilité : les veuves, les orphelins, les prisonniers, les étrangers, les exclus… Un langage que les destinataires de l’Épître, familiers de l’Ancien Testament, comprenaient facilement.
La fidélité dans le mariage (13.4)
Elle n’est pas une option. Dans le monde gréco-romain, la fidélité était considérée comme déraisonnable et injustifiée. Chez les Juifs, le statut de la femme restait fragile, souvent lié à sa capacité à assurer la descendance. L’auteur invite les conjoints à un attachement exclusif qui construit une barrière autour des époux, mais détruit toutes les barrières qui se dresseraient entre eux.
La confiance en Dieu (13.5-6)
Elle se traduit par le contentement. Les richesses sont passagères et Dieu ne peut abandonner les siens (citation du Ps 118.6).
Le sacrifice de Christ (13.7-19)
L’unité interne de ce paragraphe n’est pas évidente au premier abord tant les sujets évoqués semblent disparates : le souvenir des conducteurs, les doctrines étrangères, les rites alimentaires, la foi, la louange, la bienfaisance, l’obéissance. Pourtant, tout ce paragraphe s’ordonne autour d’un point central (voir schéma)1 : le sacrifice de Christ « hors de la porte » (13.12).
A 7 Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu ; considérez quelle a été la fin de leur vie, et imitez leur foi. B 8 Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui, et éternellement. 9 Ne vous laissez pas entraîner par des doctrines diverses et étrangères ; car il est bon que le cœur soit affermi par la grâce, et non par des aliments qui n’ont servi à rien à ceux qui s’y sont attachés. C 10 Nous avons un autel dont ceux qui font le service au tabernacle n’ont pas le droit de manger. D 11 Les corps des animaux, dont le sang est porté dans le sanctuaire par le souverain sacrificateur pour le péché, sont brûlés hors du camp. E 12 C’est pour cela que JESUS D’ aussi, afin de sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. 13 Sortons donc pour aller à lui, hors du camp, en portant son opprobre. B’ 14 Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. C’ 15 Par lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. 16 Et n’oubliez pas la bienfaisance et la libéralité, car c’est à de tels sacrifices que Dieu prend plaisir. A’ Obéissez à vos conducteurs et ayez pour eux de la déférence, car ils veillent sur vos âmes dont ils devront rendre compte ; qu’il en soit ainsi, afin qu’ils le fassent avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait d’aucun avantage. 18 Priez pour nous ; car nous croyons avoir une bonne conscience, voulant en toutes choses bien nous conduire. 19 C’est avec instance que je vous demande de le faire, afin que je vous sois rendu plus tôt. |
L’auteur de l’Épître en tire les conséquences pratiques : participer à ce sacrifice exige du chrétien qu’il sorte du camp (13.13). Associé à Christ, il ne peut retourner à la foi juive traditionnelle. En même temps, il est encouragé à entrer dans une compréhension plus complète de l’œuvre de Christ et à rendre un culte agréable à Dieu.
Accorder de l’importance aux aliments (13.9), se préoccuper uniquement de pureté rituelle, n’est pas conciliable avec la foi des premiers conducteurs (13.7), avec l’œuvre de Christ (13.12-13), avec l’obéissance aux dirigeants actuels (13.17).
« La fausse conception, formaliste, se cristallise autour de la question des aliments ; elle menace la foi et sape l’union des chrétiens. La vraie conception, au contraire, est celle qui tend à mettre la vie même, dans toute sa profondeur personnelle et toute son extension sociale, sous la mouvance de la grâce. […] Il y a séparation entre les chrétiens et ceux qui rendent le culte du tabernacle (v. 10) ; la raison s’en trouve dans la nature du sacrifice de Jésus (v. 11-12), auquel les chrétiens ont à participer (v. 10 et 13) ; elle s’en trouve aussi dans l’aboutissement de ce sacrifice qui donne aux chrétiens une orientation future (v. 14). »2
Ayant présenté les différences fondamentales entre les deux systèmes, l’auteur résume pour les croyants hébreux la nature du vrai culte fait de louanges envers Dieu (13.15) et d’actes d’amour envers le prochain (13.16). Un culte offert « par lui » (13.15a), « sans cesse » (13.15a), sans oublier « la bienfaisance » (13.16) qui se matérialise, entre autres, le dimanche par la collecte.
Ce culte chrétien — une vie de foi sous la grâce — facilite les relations interpersonnelles. Le respect des conducteurs, la soumission heureuse à leurs décisions, permettent l’harmonie de la communauté (13.17). Enfin, l’auteur invite clairement les fidèles à prier pour lui (13.18-19).
Bénédiction finale et salutations (13.20-25)
Avant de terminer ses « paroles d’exhortation » (13.22), l’auteur résume son message en deux points :
– l’œuvre de Christ, fondement de la nouvelle alliance,
– l’œuvre de Dieu en nous « pour faire sa volonté ».
Il invoque le « Dieu de paix » (13.20), un titre qui convient bien à des chrétiens vivant dans un environnement hostile. Victimes de persécutions à l’extérieur, de risques d’apostasie à l’intérieur, les Hébreux sont ainsi encouragés à voir en Christ le « bon berger », le « Berger d’Israël » annoncé dans les Psaumes (Ps 80.1 ; 79.13).
La référence explicite à la résurrection de Christ reprend le thème essentiel de l’Épître : l’aboutissement céleste de l’œuvre de Christ. L’alliance, scellée par son sang, est « éternelle » (13.20), en écho au « salut éternel » (5.9), à la « rédemption éternelle » (9.12) et à « l’héritage éternel » (9.15).
Au verset 21, l’auteur forme le souhait que Dieu réalise sa volonté dans les croyants. Il conclut par une doxologie solennelle à la gloire du Seigneur Jésus.
Les versets 22 à 25 prennent la forme d’une courte adjonction, un peu à la manière d’un « post-it » qu’on joindrait aujourd’hui à une lettre.
* * *
Aimer ses frères, honorer son mariage, obéir à ses conducteurs, rendre culte à Dieu — si notre lecture de l’Épître aux Hébreux nous amène à vivre davantage ces vertus chrétiennes pratiques développées dans ce chapitre final, cette « parole d’exhortation » n’aura pas été vaine pour nous.
1 Ce schéma est repris de A. Vanhoye, La structure littéraire de l’Épître aux Hébreux, DDB, Paris 1963. Les mots en gras permettent de mettre en évidence les correspondances.
2 A. Vanhoye, op. cit., p. 215, 213.
Le contexte historique
Le piétisme désigne un mouvement de renouveau religieux qui apparaît au xviie siècle en Allemagne luthérienne et s’épanouit pleinement au xviiie siècle en Europe. Peu connu en France, il a néanmoins fortement influencé le protestantisme évangélique européen jusqu’à nos jours.
De 1560 à 1650 environ, l’Europe est déchirée par des luttes religieuses, relayées par des conflits politiques. Beaucoup de chrétiens s’interrogent devant les horreurs commises de tous côtés : comment le message d’amour et de pardon du Christ peut-il conduire à de telles dérives ? Beaucoup en viennent à douter de la pertinence de l’Évangile. L’idée de tolérance pénètre chez de nombreux chrétiens qui relativisent alors les fondements bibliques. La foi personnelle, qualifiée de « subjective », fait place à une foi « objective » qui se résume à accepter une série de propositions suffisantes pour être un « bon chrétien ».
L’initiateur du piétisme : P. J. Spener (1635-1705)
Philipp Jacob Spener naît dans une famille luthérienne alsacienne. Il fait des études à la faculté de théologie de Strasbourg pour devenir pasteur. Il y exerce son ministère, puis à Francfort sur le Main, Dresde et Berlin.
Déçu par une vie d’église qu’il juge formelle, il rassemble les chrétiens sincères dans des « collèges de piété », petites assemblées d’édification mutuelle. Il espère ainsi réveiller l’Église luthérienne. De fait, ces réunions donnent un nouvel élan qui ébranle le luthéranisme établi. L’afflux de fidèles est tel qu’il faut bientôt leur trouver un qualificatif, on les appelle alors les « piétistes ».
En 1675, Spener publie un ouvrage de rénovation religieuse qui a un grand retentissement : les Pia desideria (« Vœux pour introduire davantage de piété »). Le livre se divise en trois parties.
La première décrit le triste état de l’Église luthérienne.
Les chrétiens luthériens, après la disparition des grands initiateurs de leur mouvement, eurent tendance à considérer les textes conciliateurs (Confession d’Augsbourg, Articles de Smalkalde, Catéchismes, traités et propos de Luther, Formule de Concorde) comme source privilégiée d’autorité. Cent ans après la Réforme, beaucoup de luthériens n’avaient qu’une connaissance très approximative des Saintes Écritures. Ils versèrent alors dans le formalisme.
Spener, lui aussi, affirme la nécessité de revenir à des textes comme celui de la Confession d’Augsbourg. Mais, dit-il, cela ne suffit pas. Si les pratiques ne sont pas des actes de foi, elles deviennent un piège subtil. Pour Spener, la doctrine de l’Église luthérienne reste vraie, mais la vie de l’Église et de ses membres est défaillante.
La seconde partie annonce un avenir meilleur pour l’Église luthérienne.
En effet, si les croyants vivent l’Évangile au quotidien, juifs et catholiques se convertiront en présence d’un témoignage aussi lumineux. Le trait caractéristique du piétisme est dévoilé : la sanctification. Pour Spener, quel que soit l’état de ruine de l’Église, le Saint Esprit a toujours la même puissance qu’aux temps apostoliques. Il peut donc opérer l’œuvre de conversion et de sanctification indispensable au renouveau de l’Église luthérienne.
La troisième partie propose six solutions concrètes.
1. Répandre la Parole de Dieu
« Le précieux travail de la Réformation a consisté à ramener les gens à la Parole de Dieu qui avait été presque jetée aux oubliettes. […] Toute l’Écriture […] devrait être connue de la communauté. »
Les communautés devraient se familiariser avec l’ensemble de la Bible, à la fois par la lecture privée et par des études bibliques communes.
2. Remettre en usage l’ancienne forme apostolique des assemblées
Spener regrette que le sacerdoce universel du croyant soit tombé en désuétude. Selon 1 Corinthiens 14, il rappelle qu’il n’est pas réservé à un seul homme de prêcher. Spener propose donc un entretien fraternel sur le texte lu : l’étude biblique communautaire est née !
3. Pratiquer le vrai christianisme
« Le savoir n’est absolument pas suffisant dans la vie chrétienne. Celle-ci réside beaucoup plus dans la pratique et surtout, notre cher Sauveur nous a bien recommandé l’amour comme vrai signe distinctif des disciples. Si nous réussissions à faire surgir parmi nos chrétiens un amour ardent les uns pour les autres d’abord et pour tous les hommes ensuite, alors presque tout ce que nous revendiquons est accompli. »
4. Se défier des controverses religieuses
Elles conduisent trop souvent à des divisions injustifiées du point de vue biblique. Pour autant, il ne s’agit pas de renier ses convictions !
« Nous attacher à nous consolider, à nous fortifier dans la vérité que nous avons reconnue. Mais dans cette vérité chrétienne, il y a l’amour. ».
5. Changer la formation des pasteurs
Spener dénonce les facultés luthériennes de théologie qui forment des controversistes et pas des pasteurs. Spener souhaite que les étudiants produisent « des diplômes attestant non seulement leur savoir, mais une vie de piété. »
6. Veiller au contenu des prédications
Elles doivent amener les inconvertis au salut et nourrir la vie spirituelle des paroissiens.
« La chaire n’est pas l’endroit où l’on doit étaler son art avec magnificence. On doit prêcher la Parole du Seigneur avec simplicité, mais avec force. »
Le piétisme au xviiie siècle
Zinzendorf (1700-1760) et les frères moraves
Le comte L. Zinzendorf naît dans une famille noble. Son père, ministre et conseiller à la cour de l’Électeur de Saxe, à Dresde, rencontre Spener. Il entre dans le mouvement piétiste et envoie son fils, Ludwig, étudier à l’université de Halle, fondée par les piétistes. Ainsi, tout jeune, Zinzendorf a baigné dans le piétisme. Il héberge sur ses terres la communauté des Frères moraves de Hernnhut, qui s’organise assez rapidement en église indépendante de l’Église luthérienne. Tournée vers l’évangélisation, elle envoie des missionnaires dans 24 pays et crée un réseau d’églises un peu partout dans le monde.
John Wesley (1703-1791) et le méthodisme
L’Église anglicane, anémiée spirituellement, a besoin d’un renouveau religieux. John entend suivre les traces de son père pasteur. Il fait des études à Oxford, est ordonné en 1728 pour exercer son ministère au sein de l’Église anglicane.
John, son frère Charles, G. Whitefield, et quelques camarades d’étude, décident de mener une vie chrétienne « méthodique ». Ils fondent le « Holy Club » (« club de la sainteté »). La « méthode » rappelle la discipline monastique du Moyen Âge : lever à 5 heures, jeûne deux jours par semaine, une journée consacrée à la prière…
En 1735, John s’engage comme missionnaire auprès des Indiens en Géorgie, colonie américaine. Sur le bateau, il rencontre un groupe de frères moraves. Leur foi vivante, leur joie communicative, leur dévouement pour les autres l’impressionnent beaucoup.
La mission en Géorgie se solde par un échec. Au lieu d’apporter l’Évangile aux Indiens, il se retrouve pasteur de paroisse. John rentre à Londres, raconte son expérience à un pasteur morave qui lui dit : « Il te manque la foi ! » John comprend qu’il n’a pas vécu l’expérience d’une vraie conversion. En mai 1738, il se confie au Seigneur et écrit peu après : « Je sentis que j’avais foi dans le Christ, le Christ seul pour mon salut. Je reçus l’assurance qu’il avait effacé mes péchés. » Désormais Wesley prêche dans les églises anglicanes la justification par la grâce et la sanctification qui en découle. Son message ne convient pas à sa hiérarchie qui lui interdit de prêcher en chaire. Alors Wesley annonce l’Évangile en plein air à des foules d’ouvriers du textile, des mines, aux pauvres et aux exclus. Avec son ami Whitefield, Wesley inaugure l’évangélisation de masse, réunissant jusqu’à 30 000 personnes.
La rupture avec l’Église anglicane se produit en 1784, les wesleyens sont alors appelés « méthodistes ».
L’originalité du piétisme
D’une manière générale, le piétisme a renoué avec les thèmes clés de la foi chrétienne, notamment le salut de l’homme pécheur grâce au sacrifice du Christ sur la croix, en insistant sur la repentance et la régénération.
Les piétistes, marqués par la lutte contre la philosophie des Lumières (la raison humaine devient la source d’autorité), influencés par la sentimentalité romantique individualiste, affirment avec force que le christianisme est une affaire d’expérience personnelle, de « cœur », avant d’être une doctrine.
La piété personnelle
L’importance de la nouvelle naissance, de la sanctification, du culte personnel et familial (lecture de la Parole, de la prière, du chant) a été réaffirmée.
Le piétisme favorise un christianisme conçu comme décision personnelle. Cette mise en avant du « je » alimente l’hymnologie et de nombreuses biographies, qui devient un genre littéraire très en vogue.
L’importance de la Bible
Le commentaire biblique (souvent linéaire) donne toute son importance à la Bible et remplace la somme théologique.
Toutefois, l’insistance sur l’expérience personnelle (souvent opposée à la réflexion théologique et à l’exégèse biblique, jugées trop intellectuelles) constitue un danger qui n’a pas toujours été évité et qui a pu conduire à des dérives doctrinales (par ex. la double sanctification chez Wesley).
La piété collective
Le piétisme a inauguré les groupes d’étude biblique, véritable révolution à une époque où le « ministre » avait souvent le monopole de la parole.
Sous l’influence du piétisme, le chant communautaire évolue. Zinzendorf et les frères moraves accentuent le lien entre le croyant et les souffrances du Christ. John et Charles Wesley composent environ 6000 cantiques. Quelques-uns ont été traduits en français, notamment, « Seigneur, que n’ai-je mille voix ? » Les cantiques se substituent aux psaumes chantés.
Dans plusieurs « cantates et passions », le luthérien J.S. Bach, fait dialoguer l’âme du croyant et le Christ. Cette complicité, proche de la familiarité, détone par rapport à l’austérité d’autres compositions. Il s’agit là d’un héritage du mouvement piétiste.
Par ailleurs, les frères Wesley, pasteurs, pour un temps encore, de l’Église anglicane, vont permettre la prière libre dans l’assemblée. Une nouveauté qui a survécu jusqu’à nos jours.
Les piétistes adoptent aussi un langage particulier : les titres de civilité font place à l’appellation de « frères » ou « sœurs ». Sont particulièrement prisés les mots « âme », « cœur », « vivant » (un témoignage « vivant »), « bienheureux », « réveillé »…
Le rapport à l’Église
Le piétisme modifie la conception de l’appartenance ecclésiastique : être membre de la communauté chrétienne ne consiste plus en premier lieu à se soumettre aux doctrines et aux pratiques de l’Église, mais à se rattacher à la communauté des chrétiens sincères et authentiques.
L’importance de l’expérience personnelle conduit à la réhabilitation des laïcs dans l’Église. En effet, pour les piétistes, un ministre n’est pas accrédité dans le ministère par un diplôme ou une ordination, mais par sa piété. Un laïc, dont la moralité est reconnue, peut exercer un ministère public.
La mission
Les fondateurs du mouvement se sont beaucoup impliqués dans l’évangélisation des foules et dans la mission hors d’Europe. Tout chrétien converti doit travailler à répandre l’Évangile et à propager la foi. Le colportage de journaux et de petits traités se développe. Les sociétés d’édition de Bibles diffusent de nouvelles traductions (Ostervald surtout).
L’aide matérielle aux plus démunis n’est pas négligée. L’amour du prochain retrouve ainsi la dimension sociale rappelée si souvent dans les Écritures.
L’influence du piétisme jusqu’à nos jours
Le piétisme a fortement marqué les Églises anglo-saxonnes et les mouvements de Réveil qui ont suivi.
En France, la pensée théologique des réveils n’est pas autonome ; elle dépend de la Grande-Bretagne (Wesley, Wilcox, Haldane, Darby…), de l’Allemagne (Spener) et de la Suisse (Ostervald, A. Bost, Empeytaz, Neff,…).
Le piétisme a été diffusé en France au xviiie siècle par des pasteurs luthériens comme J. F. Nardin (1687-1728), du pays de Montbéliard, dont les milliers de sermons ont été repris par de nombreux « évangéliques » comme F. Neff (Hautes Alpes), J. F. Vernier (Dauphiné), etc.
Au xixe siècle, les mouvements de réveil, influencés par le méthodisme de Wesley, ont pris le relais pour transmettre l’héritage piétiste.
Que reste-t-il du piétisme aujourd’hui ?
Nombre de communautés évangéliques ont su garder les valeurs bibliques « revisitées » par le piétisme (conversion et sanctification personnelles, autorité de la Parole…). Mais l’importance accordée à l’expérience personnelle, à la critique systématique de la théologie et de l’Église institutionnelle a conduit trop souvent à des dérives regrettables (ghettoïsation, divisions injustifiées, appauvrissement spirituel…).
Le piétisme ? Une belle leçon d’histoire porteuse d’interrogations pour nous aujourd’hui !
titre 2
Généralités
Troisième livre du Pentateuque, le Lévitique — du mot grec « Lévitikon » qui désigne ce livre dans la Septante3> — signifie « qui se rapporte aux lévites » ; on dirait aujourd’hui « qui se rapporte aux sacrificateurs » ou « aux prêtres ». Ce titre n’est pas très bien choisi parce que l’essentiel du livre s’adresse aussi souvent à l’Israélite or-dinaire qu’au lévite, tous deux concernés par le culte et la sanctification, sujets essentiels de l’ouvrage.
Difficile à comprendre, le Lévitique est aujourd’hui trop souvent considéré comme réservé à une élite experte en typologie. Pourtant, à celui qui relit attentivement le Lévitique et l’Épître aux Hébreux qui en donne un commen-taire éclairant, ce livre apparaît d’une étonnante actualité.
Date et auteur
Conduit par Moïse, le peuple qui vient de sortir d’Égypte va entrer dans le désert pour se diriger vers la Terre Promise. L’Éternel donne les instructions lévitiques au pied du Sinaï vers –1500.
Il n’est pas expressément dit dans le livre que Moïse l’ait rédigé ou en ait dirigé la rédaction. Toutefois, son at-tribution à Moïse est formellement établie à plusieurs reprises par le Seigneur dans les évangiles (Matt 8.4 ; Marc 1.44 ; etc.).
Genre littéraire
Dans l’A.T., Dieu s’adresse à l’homme sous différentes formes littéraires (par le style direct des textes de lois et de la prophétie, par le discours indirect de la narration ou des écrits de sagesse).
i le récit « pur » n’est pas totalement absent (Lév 24.10-16), la quasi-totalité du Lévitique est constituée de tex-tes « législatifs » (règles du culte, lois civiles et pénales)
Cette loi n’est cependant pas une parole désincarnée à la manière des manuels juridiques d’aujourd’hui : les ins-tructions sont souvent données sous une forme narrative très « pédagogique ». L’entrée en fonction des sacrifica-teurs (ch. 8 et 9), le Grand Jour des Expiations (ch. 16) — ordonné selon une « mise en scène » détaillée — en sont des exemples parmi d’autres.
Dans la majeure partie de ce livre, Dieu explique à Moïse ou à Aaron comment diriger son peuple, d’où la fré-quence des expressions « l’Éternel parla à Moïse… » (on a dénombré 56 occurrences) ou « l’Éternel parla à Moïse et à Aaron » (Lév 11.1 ; 13.1 ; 15.1, etc.).
Prenons deux exemples : l’un dans la vie quotidienne, l’autre dans l’exercice du culte.
• Lév 24.10-16 : Un Israélite a blasphémé le nom de Dieu au cours d’une dispute dans un champ. On l’amène devant Moïse qui le met en détention provisoire en attendant les consignes de Dieu. Ce bel exemple de la rela-tion confiante de Moïse avec Dieu, de sa sagesse dans la gestion des relations communautaires, ne nous parle-t-il pas aujourd’hui ?
• Lév 21.16-24 : Si un membre de la famille d’Aaron présente un défaut corporel (cécité, boiterie, déformation), il ne peut officier comme les autres à l’autel. Cette discrimination peut paraître scandaleuse aujourd’hui, mais il faut comprendre le contexte du livre : ceux qui officient à l’autel doivent refléter, dans leur apparence, la perfection attendue dans le lieu saint4.
But du livre et contenu
De la Genèse à Josué, le Lévitique s’insère dans un continuum chronologique, celui de la naissance d’Israël.
Après avoir formé et délivré le peuple d’Israël (Gen 12.10 à Ex 19), Dieu lui révèle l’ensemble des lois qui vont régir sa vie (Ex 20 à Nom 10.10), et lui offre enfin la conquête d’un pays (Nom 10.10 à Josué 24). Ces trois élé-ments : un peuple, une série de lois, un pays, devaient faire d’Israël une « nation sainte ».
Ces instructions, données dans un contexte historique et théologique précis (celui de la création et de la chute, des promesses faites à Abraham dans le livre de la Genèse ; de la rédemption et de l’alliance sinaïtique dans le livre de l’Exode), sont des mesures de grâce et de liberté destinées à aider Israël à faire face à l’engagement qu’il a pris devant Dieu. Il est appelé à vivre pleinement son identité de peuple racheté de l’esclavage pour servir le Dieu saint qui désire habiter au milieu de lui. Après la rédemption (livre de l’Exode), le culte et la sanctification sont donc les grands sujets du Lévitique.
? D’une façon générale, les rituels, qui semblent aujourd’hui bien compliqués, visent à enlever les obstacles intro-duits par l’impureté quotidienne et par le péché. Plusieurs types de rituels sont ainsi institués :
– les rituels d’adoration introduits par l’expression : « Si ton offrande est… » (Lév 1 à 3),
– les rituels de fondation (ou d’inauguration), par exemple lors de l’entrée en fonction de la sacrifica-ture (Lév 8 et 9),
– les rituels de rétablissement de la relation avec Dieu en cas d’impureté (Lév 11 à 15), ou d’expiation du péché (Lév 4)5,
– les rituels de « maintenance » (Lév. 16).
Le but de ces deux derniers rituels était de rappeler :
– que Dieu ne pouvait habiter au milieu d’un peuple pécheur sans conditions,
– que ce peuple, appelé à la sainteté, devait être un peuple différent des peuples alentour.
Le péché et la sanctification sont largement développés dans le Lévitique.
Être saint, c’est distinguer soigneusement les différentes catégories de la création, c’est élaborer des définitions justes, être capable de choix et d’ordre… Lors de la création, Dieu sépare et différencie et le septième jour, il sanctifie (unique usage de « qadosh » dans la Genèse).
Seul l’homme est alors capable de discerner les lignes de démarcations inscrites dans la création et de la nom-mer. Mais, après la chute, au lieu de discerner, il confond ; au lieu de gérer la création, il la détruit. Cette entre-prise de « décréation » est manifeste. Pour preuve, les abominations stigmatisées dans le Lévitique : actes de transgression et de confusion (inceste, adultère, homosexualité…, Lév 18 à 20). Toutefois, s’il respecte les pres-criptions du Lévitique, Israël se sanctifie et se conforme aux ordonnances de la création.
Ainsi, par les distinctions qu’elle opère, la sainteté réhabilite chez le croyant les facultés de discernement et l’introduit dans la vraie liberté. Si la conversion permet à l’homme de retrouver son humanité et sa place devant Dieu (l’obstacle du péché est levé), la sanctification lui permet de répondre à sa vraie vocation, là où Dieu le place
Dans l’A.T., les sacrifices pour le péché regardent en arrière sur ce qui a été commis ; la sanctification regarde en avant sur ce qu’il convient de faire pour plaire à Dieu. Dans le N.T., Pierre reprend le précepte de sainteté du Lé-vitique dans le domaine moral : « Soyez saints dans toute votre conduite » (1 Pi 1.15-16). Il rappelle l’identité du chrétien et la façon dont il doit se « conduire » (un des mots clés de l’épître) dans un monde hostile — on n’est pas loin du sens profond du Lévitique !
Dieu voulait faire d’Israël une nation de sacrificateurs (Ex 19.6). Mais après l’affaire du veau d’or, cette bénédic-tion est confiée à la tribu de Lévi (Nom 3.12-13,45 ; 8.14). Aujourd’hui, chaque croyant est sacrificateur devant Dieu. Cette fonction s’exerce à travers l’adoration, l’intercession et le service (Apoc 1.6).
? A ces rituels s’ajoutent des lois civiles et pénales accompagnées de préceptes moraux — surtout dans les chapi-tres 18 à 27.
Ces chapitres insistent sur :
– L’égale dignité du riche et du pauvre, de l’Israélite et de l’étranger, de l’homme libre et de l’esclave : Le respect de l’autre est une constante dans l’Écriture. Les textes détaillent des situations concrètes où l’amour du prochain est appelé à se montrer.
– Le degré de responsabilité, variable selon la fonction exercée au sein du peuple de Dieu : Ainsi, un sacrificateur ou un chef du peuple doivent, en cas d’impureté ou de péché, se soumettre à des procé-dures de purification ou d’expiation plus compliquées que celles requises pour un simple Israélite.
– La solidarité entre les hommes et la création : Si l’Israélite obéit à l’Éternel en respectant les temps de repos (sabbat, année sabbatique et jubilé), les récoltes seront abondantes.
Vus sous l’angle théologique en rapport avec la rédemption, sous l’angle social en rapport avec la famille et le prochain, ou sous l’angle économique et écologique en rapport avec le travail et la nature, les rituels du culte et les lois civiles et pénales ne sont pas sans intérêt pour le chrétien du XXIe siècle. Notre vocation retentit sur cha-que domaine de notre vie : comme adorateurs, comme membres d’une famille, comme consommateurs dans une économie devenue globale, comme travailleurs côtoyant telle ou telle catégorie professionnelle…
Le plan du livre
Proposition de plan
1. COMMENT S’APPROCHER DE DIEU : ch. 1 à 16 (= l’adoration publique)
Les sacrifices ch. 1 à 7
L’entrée en fonction de la sacrificature ch. 8 à 10
L’impureté et son remède ch. 11 à 16
2. COMMENT VIVRE AVEC DIEU : ch. 17 à 27 (= l’adoration privée)
La sainteté attendue dans la conduite de l’Israélite ch. 17 à 20
La sainteté attendue dans la conduite des sacrificateurs ch. 21 et 22
La sanctification du calendrier : le sabbat et les fêtes à l’Éternel ch. 23
La sanctification du lieu saint et un cas de blasphème ch. 24
La sanctification du pays par l’année sabbatique et le jubilé ch. 25
Les bénédictions et les malédictions ch. 26
Les dons, les vœux et les dévotions ch. 27
Commentaire
– La première partie (ch. 1 à 16) introduite par l’expression : « Et l’Éternel parla à …», traite de l’aspect collectif de l’adoration, qui se déroule essentiellement à la tente de la Rencontre.
Le peuple n’est pas livré à son imagination : Dieu lui donne une « feuille de route ». Si les instructions sont né-cessaires, elles ne constituent pas un but en elles-mêmes. Dieu cherche une relation, pas une régulation : il donne les instructions qui permettent d’entretenir la communion et de la rétablir lorsqu’elle est interrompue.
Au chapitre 16, le Jour du Grand Pardon ou Grand Jour des Expiations, point culminant de la purification collec-tive, permet à Dieu de continuer à habiter au milieu d’un peuple pécheur.
– La seconde partie, (ch. 17 à 27) introduite par l’expression : « L’Éternel est celui qui vous sanctifie » et : « Soyez saints, car moi je suis saint »6 se déroule plutôt dans le camp ou dans la tente de l’Israélite. Ce « code de sainteté » traite davantage de la sphère individuelle et de la vie quotidienne.
Le peuple d’Israël, libéré de l’esclavage du péché, « nettoyé » de toute impureté, encouragé par la promesse que l’Éternel le sanctifie, est appelé à déployer ce caractère de sainteté dans le monde qui l’environne.
- Parmi les commentaires de qualité publiés ces dernières décennies, The Book of Leviticus, de G. J. Wenham, NICOT, Eerdmans, Grands Rapids, 1979, 362 p. reste l’ouvrage de référence.
- Version grecque de l’AT
- Pour autant, il est évident que Dieu ne rejette personne et qu’aucun défaut apparent ne peut écarter quelqu’un de son salut. Preuve en est la multitude de personnes malades ou handicapées que Jésus a approchées lors de sa vie sur la terre
- L’expression traduite par « sacrifice pour le péché » recouvre deux réalités bien différentes : – Un sacrifice destiné à ôter la souillure extérieure contractée lors d’activités légitimes (contact avec un mort, etc.). Dans ce cas, la personne n’a pas péché et il n’est pas dit : « Il lui sera pardonné ». Ces impuretés témoignent du dé-sordre introduit dans la création par le péché, d’où la nécessité d’une purification (ex. : Lév 15). – Un sacrifice pour expier des péchés commis « par ignorance » ou « par omission ». Ces sacrifices assuraient seule-ment un pardon temporaire, d’où la nécessité de les renouveler (Héb 10.11)
- La sainteté est une notion-clé du livre. Elle est illustrée aussi bien dans la première partie du livre, celle de l’adoration, que dans la seconde, celle de la vie quotidienne. C’est en l’observant dans la première et en la vivant dans la seconde que le peu-ple d’Israël peut être une nation sainte
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