PROMESSES

Cet article a été initialement publié par la revue La Bonne Nouvelle (n° 2/2005, p. 567-569) dans une forme légèrement différente.

Paul-André Dubois, aujourd’hui à la retraite, a exercé des fonctions pastorales au Portugal et en Suisse. Il a également assumé des tâches d’enseignement et de direction à l’Ecole biblique de Genève (actuellement Institut Biblique de Genève). Il est encore actif dans l’enseignement de l’écriture et dans des tâches rédactionnelles (revue La Bonne Nouvelle).

Certains théologiens, mus par le désir louable de ne pas attribuer le moindre mérite à l’homme dans l’obtention du salut, et d’exclure toute espèce de contribution humaine qui porterait atteinte à la gloire de Dieu, placent la foi après la régénération (ou « nouvelle naissance »). Pour eux, dans l’ordre logique, le pécheur doit être régénéré par l’Esprit de Dieu pour croire. La foi ne précéderait pas la régénération ; elle la suivrait, au contraire, comme l’effet suit la cause. Mais cette thèse nous mène dans un chemin sans issue et confine à l’absurde.

A. Deux impasses

La position ci-dessus se heurte à deux difficultés majeures.

1. La foi n’a plus de fonction claire dans l’expérience du salut

Selon l’Écriture, un homme régénéré ou né de nouveau est par définition « un homme sauvé », au plein sens du terme, de façon tout à fait effective. Il est passé de la mort à la vie : « II nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit, qu’il a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions, en espérance, héritiers de la vie éternelle. » (Tite 3.5-7)

Le salut effectif évoqué par Paul inclut, outre la régénération, la justification gratuite (« justifiés par sa grâce ») et la résurrection finale du corps du racheté au retour en gloire de Jésus-Christ (« héritiers en espérance de la vie éternelle », cf. Rom 8.23-24). Cela fait partie de l’héritage de celui qui est devenu une nouvelle créature en Jésus-Christ.

Si l’on affirme que la foi suit la régénération comme son fruit, quel peut donc être son rôle dans le processus du salut ? Où est sa place, quel est son sens, si l’on peut être régénéré — et donc sauvé — sans elle ? En quoi est-elle encore nécessaire ?

2. Les affirmations de l’Écriture sur le rôle de la foi dans le processus du salut deviennent caduques

La foi occupe une place déterminante dans les préalables au salut. Qu’il suffise de rappeler ici quelques textes fondateurs sur ce point.

* Un message sans équivoque

 – Jean 3.16 : «  … afin que quiconque croit en lui […] ait la vie éternelle. »

– Jean 3.36 : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle … »

– Jean 5.24 : « Celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle ». Séquence : « parole » ? « foi » ? « vie éternelle »

– Act 15.9 : (Pierre à propos des païens) Dieu a « purifié leurs cœurs par la foi. »

– Act 16.31 : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé … »

– Rom 5.1 : « Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu. »

– Rom 10.9 : « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » (Remarquez le futur « tu seras sauvé » : sans la foi, personne n’est sauvé. Son rôle est « premier », primordial.)

* Un passage-clé

 – Éph 2.8,9 : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. ».

Ce passage est crucial sur le plan de la doctrine, car l’apôtre définit et articule nettement le rôle de la foi par rapport au salut. Il est clair que, dans la pensée de Paul, la grâce — et elle seule — est la source, la cause, et le fondement du salut. Nous ne devons donc pas attribuer à la foi ce que l’Écriture ne lui attribue pas. Mais il est tout aussi évident que c’est « à travers » la foi que nous sommes sauvés. Il s’agit d’un passage obligé. Pas de salut pour qui que ce soit sans la foi. Elle est le moyen voulu de Dieu, et désigné par lui, pour atteindre le salut. On ne peut donc postuler une « régénération » qui précéderait la foi, qui l’escamoterait, et qui — pour comble — en serait la cause !

Mais alors, que devient la gloire de Dieu ? Il est vrai que ceux qui soutiennent la thèse d’une régénération antérieure à la foi sont désireux de tout attribuer à Dieu : ils défendent et chérissent avec jalousie sa gloire. Mais l’apôtre tout autant, sinon davantage ! Et il le montre en précisant au verset 8, après avoir désigné la foi comme moyen de salut : « et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » Et, pour qu’il n’y ait aucune équivoque, il précise : « Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. »

J’aimerais affirmer que ceux qui placent la foi avant la régénération, convaincus que c’est là l’enseignement de l’Écriture, sont tout aussi soucieux de la gloire de Dieu. Ils n’attribuent rien à l’homme, mais tout à la seule grâce de Dieu (v. 8). Pour eux, personne ne peut croire en Jésus-Christ de façon salvatrice sans l’action prévenante et efficace de la grâce, selon la déclaration sans appel du Seigneur : « Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. » (Jean 6.44) Mais cette action souveraine du Père par l’Esprit Saint, ce labourage de la conscience, de l’intelligence et du cœur de l’homme, n’équivaut pas à la régénération et ne doit pas lui être assimilée. Elle laisse intacte la responsabilité de l’homme dans le fait de croire à l’Évangile et en Jésus-Christ (cf. Marc 1.15).

* Le salut, une œuvre de Dieu dans sa totalité

Cet « acte de foi », inconcevable sans l’intervention de la grâce, ne correspond en rien à une œuvre dont la créature pourrait se prévaloir. Au contraire, nous devons tout notre salut à Dieu seul, et la foi en fait partie. Elle est « le germe » du salut suite à l’action de la semence de Dieu dans le cœur : « La semence, c’est la parole de Dieu. » (Luc 8.11 ; cf. 1 Pi 1.22-25 ; Rom 10.17)

Ce passage d’Éphésiens 2 est lumineux, car, après avoir montré l’absolue nécessité de l’œuvre de Dieu dans nos cœurs, il en dévoile l’aboutissement concret, visible : « Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions. » (v. 10) Nous sommes « son ouvrage » en vertu d’une « nouvelle création » opérée en Christ, en qui nous sommes et qui est en nous par la foi. La boucle est donc bouclée.

B. Confirmation : les étapes de la nouvelle naissance selon Jean

L’apôtre Jean, dans le prologue de son Évangile (1.1-13), rappelle aussi avec clarté les phases et les conditions de cette « gestation spirituelle ». Ce passage est explicite quant aux étapes qui mènent à la nouvelle naissance spirituelle. Pour bien les comprendre, il faut d’abord se pencher sur les réalités résumées dans les versets 1 à 11. Jean y parle de la Parole divine (le Logos), égale à Dieu et préexistant auprès de lui de toute éternité, nommée aussi « la Lumière » avant et après l’événement extraordinaire de l’Incarnation. L’évangéliste fait ensuite remarquer que la nation d’Israël n’a pas voulu recevoir son Messie-Sauveur, la Parole incarnée :

« Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue. » (v. 11)

Voilà pour l’attitude d’Israël en tant que nation : rejet, fin de non recevoir. Mettons ce verset en contraste avec le v. 12 : « Mais à tous ceux qui l’ont reçue [on dépasse ici les limites de la nation juive], à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »

Voici la séquence établie par ce texte :

a) Accueil de la Parole incarnée en la personne historique de Jésus-Christ

Cette Parole, qui n’a pas été connue par le monde (pourtant fait par elle, cf. v. 10), qui a été rejetée par les siens, les Juifs (à qui cependant elle était destinée en priorité), trouve finalement un accueil auprès d’une multitude d’individus juifs et païens auxquels elle s’est révélée à travers l’Évangile. Tous ceux-ci ont perçu sa nature, son caractère, les traits distinctifs de sa Personne, et ont mis définitivement leur confiance en elle : « …à ceux qui croient en son nom ». Le nom renferme la totalité des attributs de Celui en qui l’on se repose pour le temps et l’éternité.

La foi, qui est l’expression même de l’accueil favorable1 réservé à Jésus-Christ, la Parole incarnée, est une vraie et complète adhésion à la personne et à l’œuvre du Messie prédit et révélé par la Parole écrite (cf. És 42.1 ; 49.1-7; 52.13 ; 53.10,11).

On peut même franchir un pas de plus et dire que la foi mène à une vraie union avec le Seigneur ressuscité, car par elle s’établit un lien de vie2 entre le croyant et Jésus-Christ, l’objet de la foi (cf. 1 Cor 6.17).

b) Régénération (nouvelle naissance)

« …elle [la Parole faite chair] leur a donné le pouvoir3 de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » (v. 12b et 13)

En raccourci, voici le commentaire du grand exégète F. Godet (xixe siècle) sur ce passage : « Jean se plaît à faire éclater les conséquences salutaires et glorieuses de l’accueil fait à la Parole par les individus croyants de tous les peuples. Cet hôte divin a conféré à ceux qui l’ont reçu des privilèges dignes de lui. L’apôtre en indique deux, dont l’un est la condition pour obtenir l’autre : une nouvelle position vis-à-vis de Dieu, et, dans cette position nouvelle, la participation à sa vie parfaite. » Dans le temps, ces deux faveurs sont accordées simultanément.

La position nouvelle est « celle de réconcilié ou de justifié, en vertu de laquelle il (le croyant) peut recevoir le pneuma, l’Esprit de Dieu, qui est chez lui le principe d’une vie divine. Par la possession de cette vie, il devient teknon Theou, enfant de Dieu. Cette expression renferme plus que l’idée de l’adoption (huiothesia, chez Paul), qui correspondrait plutôt à l’état de justifié … Le terme teknon, du verbe tiktein, engendrer, implique la communication réelle de la vie de Dieu, tandis que le mot huios, fils, ne dépasse pas nécessairement l’idée de l’adoption. » […]

Quant à la foi de l’homme, « qui rend apte à être engendré de Dieu », voici ce que Godet en dit : « Ce n’est pas en elle-même qu’est le secret de sa puissance ; car elle n’est que simple réceptivité ; c’est dans son objet. »4 Godet n’exalte pas la foi elle-même, mais le Christ glorieux qu’elle contemple et qui la suscite (cf. Héb 12.2).

C. Conclusion

La promesse de Dieu est pleinement digne d’être reçue : « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car en croyant du cœur on parvient à la justice, et en confessant de la bouche on parvient au salut, selon ce que dit l’Écriture : Quiconque croit en lui ne sera pas confus. » (Rom 10.9-11)

1Bien des prédicateurs et théologiens n’ont aucune sympathie pour la formule « accepter Jésus-Christ », qu’ils jugent offensante en regard de la majesté de sa Personne à qui, par ce langage, l’on semble « faire une faveur ». Ils soulignent à juste titre que c’est lui qui nous reçoit en sa communion : « Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi. » (Jean 6.37) Toutefois le verbe « recevoir » (prendre, saisir) est biblique !
2La justification gratuite obtenue par la foi (cf. Rom 5.1), est une « justification de vie » (texte grec de Rom 5.18). Segond traduit : « … qui donne la vie ».
3« le pouvoir », c’est-à-dire le droit, le privilège.
4F. Godet, L’Évangile de Saint Jean, 2e édition, 1877.


LA SOUVERAINETÉ DE DIEU

Cet article est une adaptation libre d’une longue étude de Paul-André Dubois. Celui-ci, aujourd’hui à la retraite, a exercé des fonctions pastorales au Portugal et en Suisse. Il a également assumé des tâches d’enseignement et de direction à l’École biblique de Genève (actuellement Institut Biblique de Genève). Il est encore actif dans l’enseignement de l’Écriture et dans des tâches rédactionnelles (revue La Bonne Nouvelle).La souveraineté de Dieu : son affirmation

A. La souveraineté de Dieu : son affirmation

De l’ensemble de la Révélation biblique se dégage une évidence massive : Dieu est souverainement élevé au-dessus de tout, revêtu de l’autorité et de la puissance suprêmes. En sa qualité de Roi des rois, de Seigneur des seigneurs, il siège sur le trône céleste, rayonnant de sa majesté de seul Tout-Puissant1 .

Mais Dieu ne se contente pas de s’attribuer le titre de Tout-Puissant : il exerce effectivement son autorité. En dépit de tous les éléments qui semblent contredire ce règne, l’Écriture est catégorique : c’est à lui qu’il appartient de gouverner le monde en général, et de nourrir nos pensées en particulier2 . Le désordre du temps présent est grand, certainement, mais les événements n’échappent pas au contrôle de Dieu, qui poursuit l’achèvement de son plan dans l’histoire du monde et accomplit sa volonté dans la vie de ses enfants d’adoption, les croyants, car il « opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté » (Éph 1.11).

B. La souveraineté de Dieu : sa définition

Dieu est au-dessus de toutes choses, visibles ou invisibles : « L’Éternel a établi son trône dans les cieux, et son règne domine sur toutes choses. » (1 Chr 29.11) Sa volonté et son pouvoir sont absolus. Tout ce qu’il a conçu et décidé s’accomplira3 . Ceux qui lui résistent n’échappent pas à son empire, leur vie continue de dépendre constamment de lui4 . Derrière tous les événements, ordinaires ou extraordinaires, la main puissante de Dieu est à l’œuvre. Celle-ci ne se relâchera pas, jusqu’à ce que tout genou fléchisse devant le Maître divin, soit dans l’adoration, soit dans le tremblement5 .

Parce que rien ni personne ne saurait impunément défier Dieu, ce dernier se rit de ses adversaires6 . Au Jugement dernier, les révoltes, les injustices et les blasphèmes de toute créature rebelle seront sanctionnés, et toute bouche sera fermée devant le Juge suprême7 .

C. La souveraineté de Dieu : ce qu’elle n’implique pas

1. Dieu n’agit pas arbitrairement

Des passages bibliques comme Ps 115.3 : « Notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut » n’impliquent nullement l’arbitraire, le caprice, encore moins le despotisme. Contrairement aux dieux païens ou aux tyrans, Dieu ne recourt jamais à sa toute-puissance pour en mal user, ou en abuser. Car s’il est vrai que Dieu agit « selon le bon plaisir de sa volonté » (Éph 1.5), et que personne ne peut le manipuler, il est également vrai qu’il « opère toutes choses selon le conseil de sa volonté » (Éph 1.11), et sa volonté est toujours sage, éclairée et intelligente.

Job, même au sein de l’épreuve, l’admettait : « En Dieu résident la sagesse et la puissance, le conseil et l’intelligence lui appartiennent » ; « À lui la sagesse et la toute-puissance. » (Job 12.13 ; 9.4) Cependant, son expérience nous apprend qu’il y a parfois une grande distance entre la reconnaissance théorique de la souveraineté divine, et l’acceptation des méthodes divines. C’est pourquoi, à la fin de ses tribulations, Job doit s’humilier pour avoir contesté le bien-fondé de la stratégie divine à son égard : « Oui, j’ai parlé, sans les comprendre, de merveilles qui me dépassent et que je ne connaissais pas… C’est pourquoi je me condamne et je me repens… » (Job 42.3b,6) Heureusement pour lui, Job vient de faire en même temps un grand pas en avant dans la connaissance personnelle de son Dieu : « Maintenant mon œil t’a vu. » (Job 42.5b)

2. Dieu n’agit pas injustement

La puissance sans limite de Dieu n’entraîne aucune atteinte à sa sainteté. Contrairement aux puissants de ce monde ou aux démons, Dieu maintient en parfaite harmonie puissance et justice. Dans la sphère des hommes, il faut plutôt reconnaître que « la raison du plus fort est toujours la meilleure » ou bien, comme Pascal le disait avec ironie : « Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » Dieu n’a pas à choisir entre la force ou la justice : « Tout ce que l’Éternel veut, il le fait, dans les cieux et sur la terre » (Ps 135.6) — sans jamais se départir de sa parfaite justice. Et « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même. » (2 Tim 2.13 ; cf. Gen 18.22-25 ; Job 8.3 ; 34.10-12,17-19). Le psalmiste Éthan l’a fort bien résumé : « Ta main est puissante, ta droite élevée, la justice et le droit sont la base de ton trône. La bienveillance et la vérité se tiennent devant ta face. » (Ps 89.14b,15)

3. Dieu n’approuve pas les actes répréhensibles, même quand ils servent à l’accomplissement de son dessein

Quelques exemples illustreront ce principe :

– En vendant Joseph aux Madianites, ses frères, mus par la jalousie et la haine, commirent un acte criminel. Les événements ultérieurs montrent toutefois que le plan Dieu s’accomplit à travers ce drame : la présence de Joseph en Égypte contribua à sauver les siens de la famine. Pour autant, la Parole ne laisse jamais entendre que Dieu ait approuvé le forfait ancien (cf. Gen 37 ; 42-45). Au contraire, il utilisa les circonstances pour amener les frères de Joseph à avouer leur faute, et à s’en repentir.

Schimeï insulta grossièrement David, jusqu’à le maudire, mais, au lieu de se venger lui-même, David remit sa cause à Dieu, car il savait que celui-ci entend les propos malveillants et peut retourner la situation : « Peut-être l’Éternel regardera-t-il ma peine, et me fera-t-il du bien en retour de sa malédiction8 d’aujourd’hui. » (2 Sam 16.12) Le souhait de David fut exaucé. Quant à Schimeï, il fut exécuté plus tard par un serviteur de Salomon (1 Rois 2.8,9,36-46).

– Dieu utilisa les Assyriens pour punir son peuple rebelle. Mais il déclara : « Malheur à l’Assyrien, verge de ma colère. » (cf. És 10.5-16) Pourquoi cette condamnation ? « Je punirai le roi d’Assyrie pour le fruit de son cœur orgueilleux et pour l’arrogance de ses regards hautains. » (v. 12b)

– Dieu avait prévu et déterminé de toute éternité l’incarnation, le ministère et la crucifixion de Jésus-Christ. Ceux qui l’ont mis à mort ont néanmoins commis un crime infâme, inexcusable, dont Dieu les a tenus coupables. Dans la mesure où les instigateurs et les exécutants de ce crime ont reconnu leur faute, ils ont pu entrer dans le plan de grâce du Seigneur, être pardonnés et recevoir le Saint-Esprit. (Act 2.23-41) La trahison de Judas était annoncée, elle était un élément du plan divin (Ps 41.10). Mais Judas a été néanmoins considéré comme coupable de son acte (Luc 22.21-23).

En bref, les actes répréhensibles des hommes, même quand ils servent au dessein de Dieu, n’en sont pas justifiés pour autant, car Dieu ne peut rester indifférent ni aux mobiles de leurs auteurs, ni à leur état d’esprit9 .

4. Dieu ne traite pas les hommes comme des engins téléguidés

L’homme n’est ni un robot, ni une machine. Dieu ne le manipule pas à son insu. Dès l’origine, l’homme et la femme ont été rendus responsables de leurs choix. Ni Adam et Ève, ni Caïn et ses descendants n’ont été prisonniers d’un déterminisme aliénant. Lorsque la Révélation (orale d’abord, puis écrite) sous l’éclairage du Saint-Esprit sont intervenus dans l’histoire, des choix ont été possibles10 — et particulièrement le choix capital entre tous : celui qui consiste à se placer volontairement sous l’autorité et sous la grâce du Dieu-Sauveur.

Autrement dit, la souveraineté de Dieu ne s’exerce jamais au détriment de la responsabilité humaine, ni au détriment de la justice ou des décrets divins, ni en contradiction avec l’intelligence, la sagesse, et la vérité qui caractérisent la nature de Dieu. Au lieu de nous en prendre aux mystères de la volonté de Dieu, et d’accuser celui-ci (pour nous blanchir), prenons en exemple l’attitude du péager de Luc 18.13,14 : « Il se tenait à distance, n’osant même pas lever les yeux au ciel, mais se frappait la poitrine et disait : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur. »11 La parabole souligne que Dieu se plaît à honorer cette disposition du cœur.

D. La souveraineté de Dieu : ses domaines d’application

Dieu, par définition, doit régner en tout, partout, sur tout, ou alors il n’est plus Dieu. C’est ce qu’affirment grand nombre d’écrivains bibliques (voir par ex. Ps 103.19 ; 1 Chr 29.11 ; Lam 3.37). Mais ce règne, comme nous l’avons déjà reconnu, n’est pas encore apparent de manière universelle : le Royaume est en devenir, et à venir. Il constitue l’espérance de tout croyant (« Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »), et la Création tout entière soupire après ce jour (Rom 8.19-22).

Quoique partiellement voilée dans le temps présent, la souveraineté de Dieu repose sur des bases solides, de sorte que les germes du Royaume à venir sont déjà profondément plantés dans l’histoire passée. Rappelons-en quelques manifestations :

– La symphonie de la Création, librement composée, orchestrée et exécutée par le Dieu tout-puissant 12 ;

– La conservation du monde physique, volontairement garantie par le Dieu tout-suffisant13  ;

– L’histoire des nations et de leurs chefs, et l’histoire d’Israël en particulier, souterrainement canalisées par le Roi des rois 14 ;

– L’histoire du salut, magistralement conduite par le souverain Berger15  ;

– La rédemption de l’humanité perdue, résolument accomplie par le Fils de Dieu au travers de l’offrande de la Croix et de la victoire de la Résurrection16  ;

– La création de l’Église 17.

On peut ajouter que Dieu n’a jamais cessé de veiller à la rédaction, à la transmission, et à la conservation de sa Parole révélée, car sans elle nous ne saurions rien de sûr quant à Dieu, quant à ses desseins, quant à nous-mêmes, et à la relation nouvelle dans laquelle nous sommes invités à entrer. Sans la souveraine sagesse, puissance et inspiration de l’Auteur divin, le miracle de la Révélation ne serait pas18 .

E. La souveraineté de Dieu : source de bénédiction éternelle

Dans la droite ligne des promesses de bénédiction universelle faites à Abraham et à sa postérité, Jésus-Christ a annoncé l’édification future de son Église, et Paul en a fait connaître la dimension. Le dévoilement de ce « mystère caché de tout temps en Dieu » a rendu possible la réunion en un seul « corps » des Juifs et des païens convertis. La naissance, puis l’extension de l’Église suivent donc un plan issu de Dieu19 .

De même que Satan, les puissances invisibles malfaisantes et les hommes se sont ligués en leur temps pour faire obstacle au ministère et à la suprématie de Jésus-Christ, ces mêmes acteurs se sont promis d’anéantir l’Église et le témoignage à la Vérité. Christ avait annoncé cette lutte sans merci (Mat 16.18), mais avait aussi promis que les desseins de l’Ennemi ne prévaudraient pas, ce dont les apôtres surent se souvenir en périodes de crises internes ou de persécutions20. La Croix et la Résurrection sont les signes de l’écrasante et inéluctable victoire de Dieu, non seulement sur Satan, le péché, et la mort, mais aussi sur tout ce qui s’oppose à la marche en avant de l’Église vers le but glorieux que Dieu lui a fixé21. L’autorité de Dieu sur les puissances invisibles est donc réelle et totale dès le début. Elle va sans cesse en se déployant et en s’affirmant.

Le retour et l’avènement de Christ, le renouvellement du monde créé, le règne messianique, puis l’état éternel, dépendent également d’un calendrier et de modalités librement fixés par le Père céleste22. Au moment où l’humanité, se croyant mûre pour prendre seule son destin en mains, passera par les heures les plus sombres de son histoire, au moment où l’apostasie sera globale, où l’Antichrist pensera avoir assujetti la terre entière, Dieu manifestera sa colère de la façon la plus radicale. À aucun instant de cette « fin de partie » catastrophique, le cours des choses et des affaires humaines n’échapperont au contrôle de Dieu. Bien plus, c’est lui-même qui poussera les hommes à aller jusqu’au bout de leur logique impie, et les jettera les uns contre les autres : « C’est Dieu qui a mis dans leurs cœurs d’exécuter son dessein, d’exécuter un même dessein… » (Apoc 17.17)23 Après la grande Tribulation dont parle l’Apocalypse, le Seigneur Jésus-Christ apparaîtra en gloire, fera taire toute opposition, et précipitera l’Antichrist, le faux Prophète, et Satan dans l’abîme24. Le règne millénaire qui suivra, la dernière révolte globale, son écrasement, le Jugement dernier ainsi que la formation des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, puis la venue de la nouvelle Jérusalem, constitueront le prélude à la bénédiction éternelle pour tous les élus25 .

F. Et aujourd’hui ?

Chaque étape de la vie du croyant dépend de la grâce et de la souveraine sagesse divines. L’amour et la puissance de Dieu sont en effet nécessaires dans les opérations suivantes :

– l’élection au salut, et la prédestination à tous les fruits qui en découlent26  ;

– l’appel au salut, appel rendu efficace par la puissance du Saint-Esprit 27 ;

– la justification et la régénération, rendues possibles par l’œuvre de Christ28  ;

– notre sanctification progressive ici-bas, notre transformation à l’image de Christ29  ;

– la glorification finale, la résurrection de notre corps et la vie éternelle en présence de l’Éternel, de tous les rachetés et des saints anges 30.

Cette œuvre parfaite dont nous bénéficions est résumée magnifiquement en Romains 8. On y trouve synthétisés tous les aspects du plan de notre salut, d’une éternité à l’autre. L’action de Dieu en notre faveur constitue un tout absolument compact et indivisible ; elle est couronnée par un triomphe assuré, quelles que soient les circonstances ou l’opposition.

En résumé, la doctrine de la souveraineté de Dieu est infiniment réconfortante : elle est conforme à la nature glorieuse de Dieu ; elle détourne nos regards de la vanité, de l’absurdité, de la méchanceté, de l’impuissance et du désespoir qui constituent le « fonds de commerce » de l’humanité31  ; elle se dresse contre toute prétention hégémonique du diable 32 ; elle nous offre une vision de l’avenir dégagée du défaitisme33  ; elle nous permet d’envisager l’histoire comme un processus guidé par des lois rationnelles (non, le monde n’est pas l’enfant du hasard !) ; elle nous fait voir nos épreuves et nos échecs sous un jour nouveau, car « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu », et Dieu fixe les limites de la tentation 34 ; elle nous permet de nous reposer en Dieu quant à l’aboutissement de notre propre parcours terrestre, puisque le Père céleste nous tient fermement dans sa main, pour toujours35 .

Dans la mesure où nous saurons reconnaître la souveraineté du Roi de l’univers au gré de notre voyage ici-bas, nous serons heureux de nous ranger parmi ses sujets. S’il est mon Souverain, j’accepte ce qui vient de sa main, et dans cette soumission loyale et filiale, je trouve la vie, la pleine bénédiction, la joie et la paix.

 

 

  1. Le terme « Tout-Puissant » appliqué à Dieu est la traduction de l’hébreux « El Chaddai » ou du grec « Pantokratôr ». Sous forme de nom ou d’adjectif, on trouve cette expression environ 50 fois dans l’A.T. et 10 fois dans le N.T. (NDLR)
  2. 2 Cor 10.5 ; Phil 2.5 ; 4.8.
  3. Ps 93.3,4 ; 2 Rois 6.14-17 Ps 33.8-11 ; 103.19 ; 115.1-3 ;És 14.24-27 ; 43.11-13 ; 44.28 ; 46.9-11. Cette définition implique que le Dieu éternel soit éternel : Dieu le Père, comme Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit, n’ont en effet « ni commencement de jours, ni fin de vie » (cf. Héb 7.13).
  4. És 36.18-20 ; 37.4-7 ;;Act 12-20-23 ; 17.25-28 ; Job 12.10 ; 34.10-15 ; Dan 5.22,23.
  5. És 45.22-25 ; Phil 2.9-11 ; Pr 1.25,26,
  6. Ps 2.1-4 ; 37.13 ; Pr 1.25,26.
  7. Apoc 20.11-15.
  8. « sa malédiction » : c.-à-d. celle de Schimeï.
  9. Ps 90.8 ; Rom 2.14-16.
  10. Quelques textes.clés concernant la responsabilité humaine : Deut 30.15-20 ; 32.4-6 ; Or 1.20-33 ; És 55.6,7 ; Lam 3.39-45 ; Éz 18.23,32 ; 33.10,11 ; Jean 3.14-19 ; 5.39,40 ; Rom 1.18-21 ; 2.1-5 ; 2 Thes 1.6-10 ; 2.9-12.
  11. Deut 32.4-6 ; Lam 3.21-25,39-42.
  12. Ps 33.6-9 ; Rom 11.33-36 ; Apoc 4.11.
  13. Gen 8.22 ; Job 34.13-15 ; Ps 104.10-15,24-30 ; Act 14.16-17 ; Col 1.17 ; Héb 1.1-4.
  14. Ex 9.13-16 ; tout le livrre d’Esther ; Job 34.16-32 ; Ps 2.1-9 ;És 40.12-17 ; 44.24-28 ; 37.21-29 ; Dan 2.20,21,44,45 ;4.24-34 ; Mat 25.31-35 ; Rom 9.17.
  15. És 44.6-8 ;45.21 ; Act 15.16-18.
  16. 1 Pi 1.18-20 ; 2 Tim 1.8-10 ; Luc 2.25-32 ; 24.25-27 44-49 ; Jean 1.29 ; 14.15-17 ; Act 2.32-36.
  17. Éph 1.22 ; 2.20 ; 1 Tim 3.15.
  18. Jér.1.4-5 ; Marc 1.14,15 ; 1 Cor 2.13 ; Gal 1.15,16 ; 2 Tim 3.16 ; 2 Pi 1.20,21.
  19. Gen 12.1-3 ; És 49.4-6 ; Mat 16.13-18 ; Marc 16.15 ; Mat 28.19 ; Luc 24.47 ; Act 1.8 ; 13.47 ; Gal 3.8,9,13-16 ; Éph 2.11-18 ; 3.1-7 ; 1 Tim 3.15 ; Apoc 2.3.
  20. Jean 15.18-21 ; 16.1-4 ; Act 5.33-39 ; 2 Cor 2.11,14 ; 2 Tim 3.10-13.
  21. Jean 12.31 ; Col 2.15 ; Héb 2.14 ; Éph 10.6-20 ; 1 Pi 5.8,9 ; Jac 4.7 ; Apoc 2.9-11.
  22. Rom 8.19-22 ; 2 Pi 3.13 ; Apoc 21.1-4.
  23. Exemples antérieures de l’histoire : cf. 2 Rois 19.28 ; Job 12.16-25 ; Pr 21.1 ; És 44.25 ; Éz 29.4 ; 38.4 ; 39.2.
  24. Apoc 19.11-20.2.
  25. Apoc 20.21.
  26. Éph 1.3,4 ; 2 Thes 2.13 ; 2 Tim 1.9 ; Apoc 17.8.
  27. Rom 8.30a ; 2 Thes 2.14.
  28. Rom 8.30b ; Rom 5.1 ; 1 Pi 1.3,22,23 ; Jac 1.18 ; Tite 3.4-7 ; Jean 3.1-7.
  29. Phil 1.6 ; 1 Thes 5.23,24 ; 1 Cor 1.8,9 ; 1 Pi 5.10 ; 2 Thes 3.3.
  30. Col 3.4 ; 2 Thes 1.10 ; 1 Jean 3.1-3 ; 1 Pi 5.1 ; 1 Cor 15.20-22 ; 42-44,51,54 ; Phil 3.20,21 ; Apoc 22.3-5.
  31. Lam 3.18-24,38 ; 1 Pi 5.6,7.
  32. 1 Pi 5.8-10 ; 1 Jean 3.8b ; 5.18-20.
  33. Ps 10 ; 73 : Dans ces deux Psaumes, notez le changement de perception à partir du moment, où le Dieu souverain est reconnu ; Ps 46.
  34. 1 Cor 10.13 ; Rom 5.3,4 ; Jac 1.2-4 ; Héb 12.7-11 ; 1 Pi 1.6,7 ; 2 Cor 4.16-18 ; Jean 10.27.30.
  35. Jean 10.27-30.

VIE CHRÉTIENNE

(2ème partie)

Cet article comprend la deuxième et dernière partie du thème «la résistance à l’esprit du monde». Son auteur, Paul-André Dubois, expose les différentes facettes du culte de l’homme et, dans sa conclusion, nous donne le secret pour résister à l’esprit du monde régi par son prince. Les deux articles ont paru dans la revue trimestrielle «La Bonne Nouvelle», 21, rue de la Patinoire, CH-2504 Bienne (n° 4/2000 et 1/2001). Nous les avons reproduits avec l’aimable autorisation de sa rédaction.

Dans la première partie de cet article – «La résistance à l’esprit du monde» -, nous avons illustré ce combat par l’exemple donné au VIIe siècle avant Jésus-Christ par Daniel et ses trois compagnons, dans leur confrontation avec l’idolâtrie païenne: Daniel ch. 1, 3, 6. Puis nous avons dégagé trois leçons:

– Il incombe au croyant, quelle que soit l’époque, de ne pas reculer d’un pouce dans la lutte contre l’esprit du siècle.
– C’est l’erreur qui doit reculer; les rois païens ont fini par «louer» le Dieu des Hébreux, cf. Dan 6.25-27. L’emprise de l’idolâtrie sur eux s’est relâchée.
– Cette victoire spirituelle n’est possible que par la foi, cf. Héb 11.30-34; 1 Jean 5.3-5, qui est capable de vaincre des royaumes, à savoir la coalition de la puissance politique et religieuse.

III – La résistance au monde aujourd’hui

A chaque époque de l’histoire, les croyants ont été et sont confrontés à l’esprit du siècle, à ce qui émane de la société sans Dieu. La culture du jour, les modes de penser, de sentir, de vivre, voudraient s’imposer à l’enfant de Dieu, le modeler, et pour la simple raison qu’il y a, derrière tout cela, une puissance spirituelle invisible en conflit irréductible avec Dieu et avec le peuple de Dieu. Le diable, appelé par Jésus- Christ le prince de ce monde, Jean 12.31; 14.30, et par Paul le dieu de ce siècle, qui aveugle l’intelligence des incrédules afin qu’ils ne voient pas briller la splendeur de la gloire de l’Evangile de Christ, cf. 2 Cor 4.3,4, patronne la société sans Dieu. Il est le «chef d’orchestre» invisible derrière le rideau.

Nous aussi, nous sommes exposés, soumis à d’énormes pressions dans notre intelligence, notre âme, notre sensibilité, nos sens. Nous aussi, nous devons affronter un rouleau compresseur culturel qui cherche à «niveler» les conceptions, les émotions, les réactions, les aspirations. Ce rouleau compresseur agit avec d’autant plus d’efficacité qu’il dispose d’un appareil médiatique perfectionné et de la puissance grandissante des images. L’homme moderne ne court-il pas le risque d’être un jour enseveli sous les images et les moyens d’information et de communication toujours plus développés et performants?

Le danger est d’être peu à peu conformés à un modèle culturel unique conçu par le diable, d’être embrigadés à notre insu dans de nouvelles formes d’idolâtrie, dans des cultes adaptés à notre époque, cf. Rom 12.2.

Ce modèle culturel unique se reflète dans le langage, de plus en plus impersonnel, uniforme et d’une pauvreté effrayante! Les cultes dominants sont facilement repérables et ils vont dans le sens d’une nouvelle «paganisation » de notre société. Je vais partir de ce qui est le plus tangible et choquant.

A) Le culte du sexe

Avec ce culte, de plus en plus agressif et envahissant, on est tout près de la pourriture morale de la Grèce et de la Rome antiques. Il suffit pour s’en rendre compte de lire les dénonciations de Paul et de Pierre, cf. Rom 1.18-32; 1 Pi 4.1-6.

Après la seconde guerre mondiale, on a beaucoup parlé de révolution sexuelle et de libération des mœurs. Mais le dernier mot, «libération», est terriblement trompeur. L’apôtre Pierre ne dit-il pas: Ils leur promettent la liberté, quand ils sont euxmêmes esclaves de la corruption, car chacun est esclave de ce qui a triomphé de lui, 2 Pi 2.19?

Les idéaux de pureté, chasteté, discipline dans le domaine des sens, ont été mis au rancart. On a prôné et prêché «l’amour libre », hors mariage, avant le mariage (pour ceux qui donnaient encore une valeur à cette institution divine), sans cadres, sans frontières, sans contraintes, sans tabous!

La pression du sexe, de l’érotisme, de la sensualité, de l’hédonisme (recherche du plaisir, cf. 2 Tim 3.4), se fait sentir partout, et les chrétiens n’y échappent pas. Ce «moule » culturel veut s’imposer. L’idolâtrie du sexe pénètre tout: les journaux, les livres, certains festivals, un certain type de musique, le cinéma, la télévision, les bandes dessinées, la publicité et, bien sûr, la mode!

On peut dire de la société moderne «sans dieu», et sur tous les continents: Ils ont pour dieu leur ventre, ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte, ils ne pensent qu’aux choses de la terre, Phil 3.19.

B) Le culte du corps

Voilà encore un relent de paganisme, et il y a forcément connexion entre ce culte et le précédent.

Plus l’homme moderne se vend au péché, aux plaisirs de la chair, autrement dit plus «il se vide de son âme», plus aussi son corps prend de la place.

Il est légitime de se préoccuper de la santé corporelle, mais l’attention et les soins apportés au corps – enveloppe de l’âme – ne doivent pas tourner à l’obsession. Pour la santé, le bien-être, la forme physique, les exercices, les disciplines et thérapies de tout genre se multiplient. Il suffit de penser à la prolifération des établissements de «fitness »!

Pour la beauté du corps, les produits et les soins cosmétiques sont légion; l’étalage publicitaire donne la nausée…

Le rite sacré du bronzage – malgré tous les risques qu’il comporte – montre que le corps est devenu le centre de tout et jusqu’où certains sont prêts à sacrifier à sa beauté.

C) Le culte de l’exploit ou de la performance

Peut-être pour se prouver à lui-même qu’il est quelqu’un, l’homme veut se dépasser, se surpasser. Il se lance des défis. A un présentateur de télévision qui lui demandait le pourquoi de sa tentative, une jeune Bretonne qui a traversé l’Atlantique à la rame a fait cette réponse significative: «Le dépassement de moi». Il semble que l’homme moderne soit hanté par l’image du «surhomme ».

Il y a les défis et les exploits d’ordre scientifique et technologique, comme la conquête de l’espace, le génie génétique… Mais Rabelais nous avertit que: «Science, sans conscience, n’est que ruine de l’âme». Cet écrivain du XVIe siècle a pressenti les dangers qui guettaient ceux qui veulent aller toujours plus loin dans la recherche de la connaissance.

Il y a les défis et les exploits sportifs: on tente aujourd’hui les épreuves les plus extrêmes, les plus risquées, les plus osées, les plus coûteuses aussi: il n’est que de penser au fameux «Paris Dakar», qui se répète chaque année, malgré son caractère scandaleux.

On se pâme devant des records qui se comptent en quelques centièmes de seconde!

De plus, les champions deviennent de vrais dieux: un joueur de basket-ball a même été qualifié de «dieu vivant». C’est du blasphème, de l’idolâtrie et de la pure folie collective.

Cette rage de l’exploit révèle le vide profond de l’homme moderne, orphelin de Dieu. Quel contraste avec le profond rassasiement intérieur de l’homme qui adore Dieu, devenu son Père en Jésus-Christ, cf. Phil 4.11 b, 12; Ps 131!

Que veut dire «se dépasser, repousser ses limites», si, en définitive, l’on passe toujours à côté du but suprême: Dieu Lui-même?

Ne s’agit-il pas de vains records et de vaines tentatives? L’homme se dépasse pour le vide et pour le néant, ce qui est tout à fait irrationnel. N’est-ce pas là ce que Jean appelle l’orgueil – ou la fanfaronnade – de la vie? (1 Jean 2.16)

D) Le culte du délire

Le trafic et l’usage de la drogue dans notre culture sont emblématiques. Ils révèlent que, dans ce domaine aussi, l’homme veut «s’éclater», dépasser ses limites. Mais il y a toutes sortes de drogues et toutes sortes de délires, de transes et d’extases.

A côté de la drogue chimique qui altère les états de conscience, qui «dilate» le psychisme et les perceptions sensorielles (le poète Rimbaud parlait déjà d’un «dérèglement de tous les sens»), il y a aujourd’hui le délire de la musique. Dans certains concerts l’on assiste à un phénomène d’hystérie collective, que le dictionnaire définit comme un «délire nerveux». Or, l’hystérie – la perte de contrôle – est contraire à la volonté de Dieu, cf. Eph 5.18, et l’inverse du résultat de l’action du Saint-Esprit. Dans Gal 5.22, «la tempérance», un des fruits de l’Esprit, signifie l’auto-contrôle.

Il y a aussi le délire mystique ou religieux. A Delphes, la pythie vouée au culte d’Apollon et qui rendait des oracles, entrait en transe en mâchant des feuilles de laurier.

Aujourd’hui, une frange importante de la chrétienté s’est laissé envahir, depuis le milieu du XXe siècle, par une série de vagues mystiques accompagnées de phénomènes bizarres extraordinaires: visions, prophéties, parler en langues, souvent dans une atmosphère survoltée. C’est un signe certain de paganisation, bien que tout cela soit attribué à l’action du Saint-Esprit, malgré le fait que la Bible le caractérise comme un Esprit d’ordre et de paix, cf. 1 Cor 14.33,40. Dans un livre paru en 1981 (Labor & Fides), intitulé «Le Mouvement Charismatique », l’auteur, Françoise Van der Mensbrugghe, enseignante et sociologue, a ajouté au-dessous du titre une double question: «Retour de l’Esprit? Retour de Dionysos?» Nous avons reconnu dans ce nom grec l’équivalent de Bacchus, dieu de l’ivresse et du délire.

E) Le culte de l’argent

La cupidité sans frein, taxée d’idolâtrie par l’Ecriture, cf. Col 3.5, est une des marques ignominieuses de notre société matérialiste, où les «affaires» (détournements, abus des biens publics, profits scandaleux, corruption), pullulent.

La poursuite frénétique du gain, du profit, accompagne l’exploitation du sexe, du sport et même du délire mystique. Ne connaissons- nous pas des «gourous» qui se remplissent les poches?

F) Le culte du nombre

Le nombre, la majorité, l’opinion majoritaire, semblent avoir une auréole. Voyez la course aux records d’audience à la télévision!

Un jour, une religion majoritaire, basée sur une unité de façade, factice, humaine et diabolique parce que fondée sur le compromis et la confusion, exigera la soumission des minoritaires, soit des chrétiens attachés à la pureté et à l’unité authentique de l’Eglise.

Serons-nous impressionnés, ébranlés, écrasés par le prestige du nombre, et allonsnous fléchir les genoux devant l’idéologie religieuse dominante et menaçante? Il en est aujourd’hui, hélas, et même dans le monde évangélique, qui ont déjà succombé et qui ont fait des alliances honteuses avec l’immense machine œcuménique (cf. la Célébration œcuménique du 23 janvier 2000 à la cathédrale de Lausanne, où une fédération d’églises évangéliques (1) a pris publiquement et officiellement des engagements qui déshonorent Dieu et constituent une trahison de l’Evangile).

G) Le culte de la nature

Quand l’adoration du vrai Dieu cède place à une perversion du sentiment religieux – par le rejet de la vérité révélée dans la création, cf. Rom 1.18-32, dans la conscience, Rom 2.14-16, et dans l’Ecriture – le sens du sacré doit se loger ailleurs que dans son objet légitime. «La créature» (les chose créées) se substitue au Créateur: … Ils ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen! Rom 1.25.

Aujourd’hui, la déesse «nature» a remplacé le Dieu vivant et vrai. Ne lisons-nous pas souvent, sous la plume de scientifiques, que «la nature a bien fait les choses»? C’est une façon commode d’escamoter Dieu, d’occulter l’action du Dieu personnel infiniment sage et puissant.

Lors des dernières et toutes récentes catastrophes en Europe (tempêtes), les médias se sont référés à la fragilité de l’homme face… à la nature, aux éléments déchaînés. Je n’ai entendu personne faire allusion à Celui à qui la nature obéit, au Maître absolu de toutes choses, au Souverain de l’univers qui tient tout dans Sa main. Qui a élevé son regard au-dessus du monde naturel, vers Dieu qui siège dans les cieux? (Ps 123.1; Dan 4.34)

La majesté de Dieu est anachronique, une notion rétrograde! On en drape la nature, qui est «sacralisée».

Il peut y avoir, chez les écologistes, si épris et jaloux des équilibres naturels, un respect louable et utile des choses créées. Mais, le mal, c’est que la plupart d’entre eux ont complètement oublié le Créateur et qu’ils voient la nature presque comme une entité divine. Leur respect tourne à l’idolâtrie, la divinisation.

H) Le culte de l’homme

Sur un fond d’oubli volontaire de Dieu (dans ses rubriques religieuses, le Figaro a parlé «d’Europe apostate», de «paganisation de la France» et de «panthéisme qui revient au galop»), se développe le culte abominable de la confiance en l’homme, en ses capacités extraordinaires, en son génie «prométhéen », en son pouvoir à changer son destin, à infléchir le cours des événements.

Quelques esprits lucides, ici et là, discernent le côté dramatique de notre situation, voient que l’humanité va tout droit «dans le mur», entrevoient avec terreur la catastrophe finale. Mais ce qui prévaut, en général, c’est une confiance folle, aveugle et obstinée en l’homme, un optimisme buté, suicidaire, et cela malgré les coups de boutoir des deux grandes guerres mondiales, et les preuves accumulées au cours des siècles – «erreurs et horreurs» – de la misère morale de l’homme. Même s’il reste «grand» par certains côtés comme créature faite à l’image de Dieu, l’homme a amplement démontré sa faillite, son impuissance totale à maîtriser les forces du mal et de la destruction, à commencer par le mal qui est en lui et ronge son propre cœur.

En dépit de tout, la confiance, l’assurance, l’arrogance continuent à prévaloir, et l’on s’acharne sans états d’âme à élever «une statue d’or» à la gloire de l’homme. C’est la répétition de l’Histoire.

A l’aube de l’an 2000, j’ai été frappé d’entendre deux discours présidentiels allant exactement dans le même sens, celui de l’optimisme à tous crins nourri aux sources de la foi en l’homme. Cela fait frémir… surtout après des avertissements divins (catastrophes naturelles) comme ceux que nous avons eus récemment!

La forme individualisée de cette foi démente en l’homme, c’est «le culte de soi» que promeut et nourrit la psychologie, si omniprésente dans notre culture: Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes… 2 Tim 3.1,2. Egoïstes signifie littéralement épris d’eux-mêmes.

Un narcissisme effrayant sévit dans notre société, y compris dans une chrétienté décadente.

IV – Le secret pour résister au monde

Vers la fin du livre de Daniel, nous trouvons l’annonce prophétique de la venue d’un roi syrien, Antiochus Epiphane («l’illustre »), dont le règne se situe au début du IIe siècle avant Jésus-Christ (175 – 164). Ce roi impie cherchera à détruire en Palestine le culte du vrai Dieu, défiera la foi juive et les fidèles en Israël en dévalisant le Temple et en érigeant une statue de Jupiter dans le Lieu Très Saint. Il ordonnera aussi d’offrir des porcs en holocaustes et détruira tous les écrits sacrés qu’il trouvera. Ces profanations suscitèrent la révolte des Maccabées, cf. livre apocryphe du même nom.

C’est à propos de cette résistance héroïque à un paganisme provocateur et persécuteur que le livre de Daniel nous révèle le secret spirituel de la victoire: CEUX QUI CONNAITRONT LEUR DIEU agiront avec fermeté, Dan 11.32.

Pas de fermeté sans connaissance personnelle, intime, profonde de Dieu.

Les quatre Hébreux connaissaient intimement et clairement leur Dieu: sa gloire, sa puissance, souveraineté, fidélité, justice, miséricorde, bonté, etc. (cf. Dan 9, la prière du prophète).

C’est pourquoi ils ont pu, par la foi, résister à l’idolâtrie païenne et à ses menaces, et même la vaincre.

Cette connaissance est source de convictions inébranlables, et c’est d’hommes et de femmes convaincus dont l’Eglise a besoin, de chrétiens profondément enracinés dans la connaissance de leur Dieu à travers l’action de la Parole et de l’Esprit.

Notes :
(1) FREOE, «Fédération Romande d’Eglises et Oeuvres Evangéliques»


VIE CHRÉTIENNE

(1ère partie)

Nous sommes heureux de reproduire un texte important paru dans la revue «La Bonne Nouvelle» (n°4/2000 et 1/2001 – 21 Rue de la Patinoire – CH – 2504 – BIENNE) et remercions la rédaction de son aimable autorisation de le publier ici. Il enseigne et exhorte le chrétien à résister à l’esprit du monde sous toutes ses formes modernes. Son auteur, le pasteur Paul- André Dubois, ancien directeur de l’Ecole Biblique de Genève, souligne dans son premier article l’importance de ce combat contre l’esprit du siècle en établissant un parallèle avec l’exemple de Daniel et de ses trois compagnons.

Dans son second article, il expose les différentes facettes de ce modèle culturel unique patronné par le prince de ce monde, sous forme de divers cultes, pour exalter l’homme. En conclusion, il nous montre comment résister au monde.

La société «sans Dieu» qui nous entoure et dans laquelle nous vivons exerce une pression sur notre esprit, notre intelligence, par la philosophie qui l’imprègne et s’en dégage, ses valeurs, ses «dieux», ses cultes, ses credos, son programme.

De là, l’exhortation de Jean : «Je vous ai écrit, jeunes gens, parce que vous êtes forts, et que la Parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le malin. N’aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais vient du monde. Et le monde passe, et sa convoitise aussi; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement» (1 Jean 2.14b-17).

Au verset 14 b, Jean mentionne «le malin», et juste après vient l’exhortation à résister au monde. Le lien de pensée est évident: il faut résister au monde parce qu’il est le système idéologique, la sphère entièrement «patronnée» par Satan et d’où le Père est absolument absent: «Tout ce qui est dans le monde… ne vient point du Père, mais vient du monde»(v. 16).

Le Saint-Esprit que Dieu a fait habiter en nous dès notre conversion – et Jean le mentionne à plusieurs reprises, 1 Jean 2.20,21; 3.24; 4.13 – est esprit d’obéissance au Père (comme dans la vie de Jésus- Christ, le Fils parfait), mais aussi et tout autant de résistance au monde, à ses dieux, à ses cultes, à ses credos.

I – La résistance au monde dans le livre de Daniel

A) Un parallèle

Chacun se rappelle la scène qui s’est déroulée il y a douze ans à Pékin sur la place Tien-An-Men: des étudiants protestataires affrontant les chars d’un régime dictatorial et oppresseur. Ils s’opposaient au «rouleau compresseur» d’un Parti au pouvoir absolu.

Eh bien! Si l’on fait un saut en arrière dans le temps, nous voyons dans le livre de Daniel quatre jeunes Hébreux de lignée royale, ou, en tout cas, de familles nobles (emmenés captifs à Babylone à la fin du VIIe siècle avant Jésus-Christ par le roi Nebucadnetsar), faire face, non à un parti politique, mais à un système religieux au service d’un pouvoir totalitaire.

Daniel et ses trois compagnons (le nom de chacun d’eux a une connotation religieuse israélite et contient le nom de Dieu, du seul vrai Dieu), affrontent le paganisme de la Chaldée ou Mésopotamie, suggéré dès les premiers versets du chapitre 1.1,2.

Menacés d’écrasement spirituel par le «rouleau compresseur» de l’idolâtrie païenne, ils manifestent aussitôt un remarquable esprit de résistance. Malgré leur jeunesse, cf. 1.4,17, ils sont résolus à ne plier les genoux que devant le Dieu unique, celui qu’ils servent, leur Dieu, cf. Phil 2.1-11.

B) Trois épisodes de la résistance à la pression du paganisme

– L’épisode des mets et du vin du roi, 1.1-9

La première manifestation de résistance est déclenchée par une occasion apparemment triviale, v.3-5, 8 et 9. La loyauté de Daniel envers la foi juive et son Dieu se révèle dans la décision ferme de ne pas contracter une souillure spirituelle en absorbant des mets et du vin associés à des rites païens, offerts à de faux dieux. Or, selon l’apôtre Paul, ce que l’on offre à des idoles est, en fait, offert à des démons, cf. 1 Cor 10.14-22.

Daniel ne veut faire aucune concession à la superstition païenne, ni compromettre sa pureté.

Ce premier acte de résistance spirituelle est capital: il donne le ton, il fixe la ligne qui sera suivie, il révèle la trempe du combattant. En même temps, il reçoit l’approbation immédiate et active de Dieu, cf. v.9.

Dans un milieu spirituellement contraire, hostile, nos premiers gestes ont une importance stratégique. Ils nous démarquent, ils clarifient les positions. Mais le fait de nous démarquer doit s’accompagner de sagesse et de courtoisie, cf. v.8-13.

– L’épisode de la dédicace de la statue, ch. 3

Cette fois ce sont les compagnons de Daniel qui sont au premier plan dans la résistance à la pression despotique de l’idolâtrie païenne.

Suite à l’interprétation donnée par Daniel au songe de Nebucadnetsar (la grande statue d’or, d’argent, d’airain, de fer et d’argile représentant la succession des grands empires païens jusqu’à l’avènement du royaume messianique, cf. ch. 2), les compagnons de Daniel ont été élevés par le roi à la dignité d’intendants de la province de Babylone, cf. 2.49. Cela en fait des personnages très en vue et donne par conséquent un grand retentissement à leurs actes publics.

C’est alors que le roi, peut-être inspiré par son récent songe, élève une imposante statue d’or, convoque tous les dignitaires de l’empire en vue de la dédicace solennelle, et intime à tous ses sujets l’ordre d’adorer l’idole, sous peine du supplice du feu, cf. 3.4-6.

Cette fois la confrontation avec l’idolâtrie païenne est directe et redoutable, publique même, puisque le culte de la statue est imposé par le roi en personne. Daniel avait déjà pris de gros risques en décidant par-devers soi de ne pas se souiller avec les mets royaux. L’affaire aurait pu mal tourner. Mais, cette fois, un refus de s’aligner expose à un risque tangible, immédiat et mortel.

On sait la suite du récit. Par fidélité à leur Dieu, les trois Hébreux ignorent purement et simplement l’ordre du roi. Dénoncés, ils ne peuvent éviter le choc frontal avec le souverain en fureur. La menace du feu ne les ébranle pas dans leur détermination et la réponse qu’ils font au roi est un modèle de sérénité et de fermeté : «Voici, notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise ardente, et Il nous délivrera de ta main, ô roi. Sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n’adorerons pas la statue que tu as élevée » (3.17,18).

C’est une «fin de non-recevoir» d’une extrême fermeté, mais polie. Ces Hébreux intrépides, qui ne se laissent pas intimider, n’oublient pas toutefois à qui ils s’adressent. Ils reconnaissent la dignité du roi, mais appliquent avant l’heure le principe énoncé par les apôtres devant les autorités religieuses juives, un peu plus de six siècles plus tard : «Jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu; car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu»(Act 4.19). Les trois jeunes Hébreux sont immédiatement jetés dans la fournaise, mais Dieu honore leur foi par une délivrance miraculeuse, cf. 3.24- 26, Héb 11.34.

– L’épisode de l’édit royal sur la prière, ch. 6

Les années se sont écoulées, le royaume babylonien a passé sous la puissance des Mèdes et des Perses, cf. 5.30-31. Cela s’est produit en 539 av. J-C., le conquérant s’appelle Cyrus, mais c’est Darius qui gouverne le royaume en son nom, cf. 6.1.

Entre-temps, Daniel a accédé «à la troisième place dans le gouvernement du royaume», 5.29. Darius songe même à l’établir sur tout le royaume, cf. 6.3.

Excités à la jalousie par la supériorité inexplicable de Daniel, «en lui il y avait un esprit supérieur», 6.3, les deux autres chefs du royaume et les cent vingt gouverneurs sous leurs ordres résolvent de le perdre, non sur la base de son administration des affaires de l’Etat – car Daniel était absolument irréprochable, – mais sur celui de sa piété juive : «Et ces hommes dirent: Nous ne trouverons aucune occasion contre ce Daniel, à moins que nous n’en trouvions une dans la loi de son Dieu», 6.5. Quel magnifique témoignage!

Et c’est ainsi qu’ils amènent le roi à publier un édit interdisant formellement – avec menace de mort, «la fosse aux lions» -, pendant l’espace d’un mois, toute prière adressée à quelque Dieu ou à quelque homme excepté au roi, cf. 6.7. Ils jouent bien sûr sur l’orgueil royal.

Daniel est tout aussi résolu que dans l’affaire des mets et du vin du roi, cf. ch. 1, quand il arrête dans son cœur de ne pas se souiller avec l’idolâtrie ambiante. Cette fois, défié dans sa piété envers l’Eternel son Dieu, il passe outre à l’interdiction: Lorsque Daniel sut que le décret était écrit, il se retira dans sa maison, où les fenêtres de la chambre supérieure étaient ouvertes dans la direction de Jérusalem ; et trois fois le jour il se mettait à genoux, il priait et il louait son Dieu, comme il le faisait auparavant, 6.10.

Rien n’ébranle Daniel dans sa fidélité envers Dieu. Selon une expression d’Apoc 2.10, il est fidèle jusqu’à la mort. L’issue de cette épreuve nous est bien connue: jeté dans la fosse aux lions, Daniel en sort sans une égratignure grâce à l’intervention surnaturelle du Dieu qu’il adore, cf. Héb 11.33.

II – Leçons tirées de ces trois récits

• Ces quatre jeunes Hébreux, transportés brusquement dans un grand empire païen, nous fournissent un modèle de résistance à l’esprit du monde, spécifiquement du monde religieux. Dans l’affrontement avec l’idolâtrie, ils ne reculent pas d’un pouce, même si derrière la fausse religion il y a le pouvoir étatique absolu.

• Plus extraordinaire encore, c’est l’idolâtrie qui recule et cela est perceptible dans l’évolution du concept de Dieu chez les rois païens qu’ils affrontent, comme aussi dans l’attitude intime de ceux-ci vis-à-vis du vrai Dieu. Après ses interventions extraordinaires en faveur de ses serviteurs fidèles et éprouvés, les rois païens ne peuvent que louer le Dieu des Hébreux dans des termes de plus en plus proches de la vérité biblique, de la pure tradition juive. Leur conception de Dieu se perfectionne et se précise. C’est comme si les ténèbres du paganisme perdaient de leur emprise. Un seul exemple: «Car Il est le Dieu vivant, et Il subsiste éternellement… C’est Lui qui délivre et qui sauve» (6.25-27). Cette mention de l’action salvatrice est importante. Rappelons que YAHVÉ est le Dieu de l’alliance et de la rédemption et que le nom de Jésus (Joshua ou Jéoshua) signifie: «L’Eternel est salut».

• La résistance au monde et à son idolâtrie suppose une formidable énergie spirituelle, surtout quand la fausse religion fait corps avec le pouvoir en place. En ce qui concerne les jeunes Hébreux, cette énergie cachée ne pouvait venir que de leur foi au seul vrai Dieu, si présent dans ces six premiers chapitres de Daniel. Au ch. 3, Nebucadnetsar lui-même rend témoignage à la foi des Hébreux, cf. v. 28. Et que la foi soit le «moteur» de la vie pieuse et l’«artisan de la victoire », c’est ce que nous dit l’épître aux Hébreux: «C’est par la foi que les murailles de Jéricho tombèrent, après que l’on en eut fait le tour pendant sept jours… Et que dirai-je encore ? Car le temps me manquerait pour parler de Gédéon, de Barak, de Samson, de Jephté, de David, de Samuel, et des prophètes qui, par la foi, vainquirent des royaumes…, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu…» Héb 11.30-34.

C’est Dieu qui sauve – Lui seul – mais Il le fait en réponse à la foi. Et remarquez cette expression extraordinaire: «…qui, par la foi, vainquirent des royaumes… » v. 33.

Oui, Daniel et ses compagnons ont vaincu, par leur foi, des royaumes politiques et spirituels, ils n’ont pas reculé devant le pouvoir royal ni celui de la fausse religion, et de leur coalition.

Luther, à la Diète de Worms, en 1521, en présence de l’empereur Charles-Quint et des cardinaux de l’Eglise Romaine («des royaumes»), tout seul, a été capable de résister à tous, à l’énorme pression qui pesait sur lui : «Je ne peux ni ne veux me rétracter en rien». Et tout cela «par la foi». Celle-ci, fondée en Dieu et en sa Parole vivante, a un pouvoir offensif et conquérant, comme l’affirme Jean: «Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c’est notre foi. Qui est celui qui a triomphé du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu?» 1 Jean 5.3-5.

Il n’y a qu’une alternative: ou nous sommes vaincus par le monde, ou nous triomphons du monde par notre foi en Christ.


Cet article est la transcription d’une conférence donnée à Pâques, en 1981, à l’Ecole Biblique de Genève

L’exposé qui va suivre est un appel à la réflexion. Il s’inspire de Col. 2.6,7 et, plus généralement, de l’ensemble de l’épître, qui est d’une brûlante actualité.

Introduction

Le plus grand danger d’aujourd’hui, c’est de se réclamer d’un Christ et d’une spiritualité qui ne correspondent pas aux données bibliques:

-soit que l’on ait un Christ et une spiritualité bien en-deçà de la dimension complète fournie par l’Ecriture (dans l’épître aux Colossiens les mots remplis, plénitude, pleinement sont très fréquents).
-soit que l’on ait un Christ et une spiritualité qui constituent une déviation, une déformation, par rapport aux points de repère donnés par la Bible.

Il est plus dangereux d’avoir « un faux Christ » – qui ne correspond pas à la définition et à la dimension bibliques – que de n’avoir pas de Christ du tout. Le chemin vers la vérité sera plus long, car il faudra se dégager d’une illusion, abandonner un mirage.

Il est plus dangereux d’avoir « une fausse spiritualité » (ou une fausse religion, si vous préférez) que de n’avoir pas de spiritualité du tout.

De Luther, le réformateur, l’on rapporte cette réflexion: « La véritable croyance n’implique pas seulement le fait de croire en Christ, mais également de croire ce que Christ est » (cité par Jean-Paul II en Allemagne).

Cette pensée semble avoir été formulée pour nos temps. N’y a-t-il pas des milliers de personnes qui disent « croire en Christ »? Combien d’entre elles sont-elles en mesure de définir qui est ce Christ en qui elles croient? Il y a tant de notions vagues, indéfinies, de nos jours, dans ce domaine.

Dans un reportage sur Taizé (FEMINA no8, 15.4.1981, p. 102) j’ai trouvé cette phrase: « la recherche de la foi se fraie parfois un chemin à travers les fumées du haschich », mais il y a d’autres fumées que celles du H!!

Et si ces personnes définissaient le Christ en qui elles croient, leur définition recouvrirait-elle ce que Christ est selon la Bible, la seule norme de foi?

Mon but, dans cet exposé, est de dissiper les fumées dont on a enveloppé Jésus-Christ et l’expérience spirituelle au cours de ces dernières décennies.

Il y a dans cet auditoire une grande diversité humaine et probablement diverses situations par rapport à Jésus-Christ, le Seigneur que nous prêchons. Je désire être utile à chacun.

-Si quelqu’un ne connaît pas encore Jésus-Christ, j’aimerais lui dire: « Attention! N’acceptez pas un produit falsifié! ».
-Si quelqu’un vient de le connaître, fait ses premiers pas dans la vie chrétienne: « Attention! Ne l’échangez pas contre un produit de remplacement! » (Les Colossiens couraient ce danger: le culte des anges.)
-Si quelqu’un le connaît depuis plusieurs années: « Attention! Ne vous arrêtez pas! Dieu vous appelle à une croissance, une maturité dans la connaissance de Jésus-Christ. Il veut aussi vous employer pour aider ceux qui sont en danger ».

I. Un Christ selon la dimension biblique

Celui qui lit l’épître aux Colossiens se rend immédiatement compte que la figure de Jésus-Christ a une dimension telle qu’elle éclipse, et de loin, les plus hauts dignitaires de ce monde et les plus grands personnages de l’Histoire. A lui s’appliquent ces paroles d’Esaïe: « A qui me comparerez- vous, pour le faire mon égal? A qui me ferez-vous ressembler, pour que nous soyons semblables? » (46.5).

En traitant de la dimension biblique de Jésus-Christ, je veux me référer à:
-Son être
-Sa mission
-Son rang
-Son exemple

A. Son être

1. DIEU, UN AVEC LE PÈRE

L’apôtre nous présente Jésus-Christ comme parfaitement un avec Dieu: « Il est l’image du Dieu invisible » (1,15), c’est-à-dire qu’Il exprime exactement dans son être tout ce que Dieu est. Celui qui m’a vu a vu le Père (Jean 14.9).

Je pense que Jean veut dire la même chose quand il écrit: Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu (1.1).

Christ est parfaitement un avec le Père dans la divinité: tout ce que le Père est, Il l’est également. C’est pourquoi, dans la même épître, Paul peut écrire en se référant à Christ dans son incarnation et dans sa condition présente dans la gloire: En lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2.9). Autrement dit, Il est, avec le Père, Dieu, au plein sens du terme.

Cette dimension biblique de Jésus-Christ doit être fortement rappelée et mise en valeur aujourd’hui, car, sous l’influence de théories occultes, on cherche à le réduire à une simple « émanation du divin », ou encore, dans la théologie récente, à « un homme en qui le divin a affleuré, a fait surface », si je puis dire. Ces conceptions, très répandues, dépouillent tout simplement Jésus-Christ de son égalité avec Dieu. Il n’est plus, dans cette représentation, consubstantiel au Père.

2. DEUXIÈME PERSONNE DE LA TRINITÉ

Bien que Jésus-Christ soit un avec le Père dans son essence, un seul et même Dieu, Il est cependant distinct du Père. Dans la prière sacerdotale, Il pouvait dire: Père, je veux que là où je suis ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi (Jean 17.24). Quand quelqu’un peut dire « je » c’est qu’il est une personne distincte, qu’il est doué d’individualité. C’est pourquoi nous disons que Jésus-Christ est la 2ème personne de la Trinité.

L’apôtre Paul reconnaît cette distinction: Rendez grâce à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ (Col 1.3). Il distingue entre le Père et le Fils, dans la déité. (L’Esprit, la 3e personne de la Trinité, est nommé au verset 8 de ce même chapitre).

Cette dimension – Christ est une personne – est fort importante vu la forte tendance dans certains cercles de dépersonnaliser Jésus-Christ, de nous présenter un Christ sans visage, impersonnel, anonyme, presque incognito, qui s’identifierait avec les pauvres, les déshérités, les opprimés, les marginaux de notre société.

Cette vue de Jésus-Christ est très répandue dans l’ocuménisme. Elle repose en partie sur une fausse interprétation de cette déclaration du Seigneur en Matthieu 25: Toutes les fois que vous avez fait ces choses (donner à manger, à boire, recueillir, vêtir, visiter un malade, un prisonnier) à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites, v. 40. Mais le Seigneur parlait de Ses frères, des siens, – ceux qui écoutent et reçoivent la Parole de Dieu – et non des hommes en général. Et ce qu’Il soulignait, c’était son unité avec ses disciples.

3. CRÉATEUR

La culture moderne, même en Occident, incline de plus en plus vers le panthéisme. Pour cette philosophie, Dieu et le monde ne sont pas distincts. Au lieu que Dieu soit personnel et transcendant, il est immanent. C’est pourquoi l’on parle aujourd’hui d’un «Christ cosmique», qui se confond avec l’univers (affiche d’une conférence: Le Christ cosmique!).

Mais la dimension biblique est aux antipodes, si l’on me passe l’expression, et l’épître au Colossiens nous apporte l’antidote: Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.

Ce texte pose avec toute la netteté voulue un Créateur et une création. Il établit une transcendance. De plus, il présente Christ sous 4 aspects:

-Créateur et but de la création (tout a été créé par lui et pour lui)
-Conservateur de la création (toutes choses subsistent en lui), celui qui en maintient l’ existence
-Souverain sur la création (le premier-né sur toute la création), le premier né avait des droits spéciaux.
-Pré-existant à la création (Il est avant toutes choses). Ce texte s’oppose absolument à l’idée d’un Christ immanent.

B. Sa mission

Notre époque ne s’est pas fait faute d’utiliser la figure de Jésus-Christ à des fins politiques et on l’a largement transformé, dans l’aile la plus radicale de la théologie oecuménique, en un protagoniste de la révolution.

Bien sûr, la présence du Seigneur au milieu des hommes corrompus, et son enseignement, remettaient en cause bien des choses et bien des gens. Mais de là à en faire un apôtre de l’action révolutionnaire, et même de la violence- alors que pour d’autres il est l’apôtre de la non-violence systématique (Gandhi) -il y a loin!

En tout cas, ce n’est pas ainsi que ses disciples les plus proches;les apôtres, ont compris sa mission et son action, et pourtant ils avaient .la pensée de Christ»!

Même si l’Evangile, de par ses implications, a des répercussions sociales et politiques, on ne voit jamais les apôtres présenter le Christ comme le protagoniste de la Révolution, mais comme celui de la Rédemption.

La mission du Christ a, avant tout, une dimension verticale et éternelle; réconcilier l’homme rebelle avec Dieu et le sauver à tout jamais du jugement (Col 1.19, 20).

L’action révolutionnaire laisse complètement de côté la dimension verticale et éternelle. Elle prétend changer la société sans Dieu et sans le salut.

C. Son rang

L’enseignement de l’épître aux Colossiens nous empêche de prendre la moindre familiarité avec Jésus-Christ, car elle insiste beaucoup sur le rang qu’Il occupe dans le plan de Dieu.

Par démagogie, certains prédicateurs, surtout quand ils ont affaire à des auditoires de jeunes, tombent dans le travers de présenter Jésus-Christ comme un -camarade- ou même comme un .copain-. Et on lit des écrits, ou l’on entend des disques, où Jésus- Christ est traité avec une familiarité déconcertante.

Mais, même si pour nous sauver Christ s’est abaissé, s’il s’est fait pour un peu de temps inférieur aux anges, s’il n’a pas honte de nous appeler .frères-, s’il nous qualifie d’amis-, ce n’est pas une raison pour le traiter familièrement.
Ce que Paul nous enseigne, c’est que Dieu lui a conféré en tout la prééminence, que Christ a en tout le premier rang:

-prééminence sur la Création (v. 17)
-prééminence sur l’Eglise, le peuple des rachetés, la nouvelle création (v.18 a)
-prééminence dans l’ordre de la résurrection (v. 18 b)
-afin d’être en tout le premier (v.18c)

Application: Est-ce que nous le considérons et le traitons selon son rang? Est-ce que nous nous rappelons qu’Il est la tête du corps de l’Eglise? (le chef, l’autorité suprême, celle dont nous relevons, si nous sommes membres de ce corps?) Est-ce que nous le traitons comme notre Seigneur, à qui toute obéissance et toute déférence sont dues, ou comme notre valet? (Pour beaucoup de chrétiens, le Seigneur est censé faire leurs volontés).

Selon la dimension biblique, Il est Seigneur (Col 3.17,23 et 24).

D. Son exemple

A côté du Christ révolutionnaire, il y a eu le Christ hippie, non conformiste, marginal. Cela correspond à une mode. Dans le reportage sur Taizé auquel j’ai déjà fait allusion, une jeune fille de 18 ans, catholique non pratiquante, en séjour à Taizé, confiait ceci: «Surtout, on discute de tout et de rien, mais à en perdre haleine. On est généralement contre la violence, contre le nucléaire, contre la société bourgeoise et les valeurs établies» (p. 102).

Ce n’est que d’une façon abusive et simpliste que l’on peut ramener Jésus-Christ à la figure d’un marginal ou d’un non-conformiste. Il faudrait en tout cas définir ce non-conformisme.

S’il y a eu en lui (je parle de sa vie terrestre) du non-conformisme, c’était du non-conformisme au mal, sous toutes ses formes.

S’il a été marginal, c’était assurément dans sa perfection morale et sa sainteté unique, qui le mettaient à part de tout le reste des hommes. Il a été tellement marginal dans ce domaine que les hommes méchants et pervers s’en sont débarrassés (ôte! ôte! crucifie!).

Mais, en ce qui concerne la fidélité aux Ecritures et l’obéissance à la volonté de Dieu, Il a certainement été l’Homme le plus conformiste qui puisse être.

Paul nous rappelle dans Col 1.13, qu’Il est le Fils de Son amour, l’élu en qui Dieu prend plaisir, le bien-aimé en qui Il a mis toute son affection. Voilà la dimension biblique en ce qui concerne l’exemple que Christ nous a laissé (cf. Col 3.9 à 13).

N.B.: Attitude de Jésus-Christ à l’égard des «marginaux» de son temps: publicains, etc. S’Il ne les a pas repoussés, traités comme des parias, cela ne voulait pas dire qu’Il approuvait leur marginalité, qu’Il se faisait marginal avec eux. Il agissait selon l’amour de Dieu, qui ne repousse personne, surtout pas ceux que la société repousse et stigmatise.

Il voulait montrer aux pharisiens que le salut n’est pas pour les bien-portants, mais pour les malades, les pécheurs (Marc 2.15-17).

Enfin, il réagissait contre l’hypocrisie d’une société qui pratique en quelque sorte une sélection des péchés, qui choisit hypocritement de s’attaquer à certaines formes du mal, et qui tolère les autres. Aux yeux du Seigneur, face à la sainteté de Dieu, le pharisien était aussi marginal que le publicain ou la prostituée, et même davantage, à cause de son maudit orgueil.

II. Une expérience spirituelle selon la dimension biblique

Comme je l’ai dit, la spiritualité qui se manifeste aujourd’hui est fort douteuse, elle comporte un curieux mélange et nous ne devons pas l’accueillir sans examen.

Je me suis référé à cette jeune fille interviewée à Taizé. Ce que le journaliste relève de sa spiritualité est assez typique du courant religieux moderne: « Avec ses amis, elle participe régulièrement à des « célébrations » dans un local appartenant au Centre Catholique Universitaire. A ces réunions on récite des poèmes, on lit des pages de l’Evangile, on médite et prie. Une fois par mois, on se réunit pour une « bouffe », qui se termine par des chants et de la danse. Surtout, on discute… » (p. 102).

Je vais maintenant aborder sous quatre angles l’expérience spirituelle telle que la Bible la définit:

-l’objet de l’expérience
-la porte de l’ expérience
-le vif de l’expérience
-le développement de l’expérience

A. L’objet de l’expérience

On peut chercher à rencontrer (à entrer en contact avec) quelque chose, sans s’occuper de savoir ce que l’on rencontre au juste. Pourvu que l’on rencontre une réalité plus grande que soi-même, quelque chose qui nous serve d’absolu, on ne pousse pas pus loin l’identification.

Sur cette pente, beaucoup de personnes, dans leur quête d’une expérience spirituelle, s’exposent à entrer en contact avec les démons, les puissances des ténèbres, mais déguisées sous de beaux atours.

Il y a des adorateurs volontaires du diable et des démons (le satanisme se développe d’une façon extraordinaire. A Genève même: on célèbre des messes noires). Mais une foule de gens entrent en contact avec les démons sans le savoir.

Selon la Bible, l’objet ou le contenu de l’expérience, ne doit pas être n’importe quoi, n’importe qui. Il doit être Christ Lui-même, Jésus le Seigneur, Celui vers qui tout converge dans la Bible et dans les plans de Dieu. C’est Lui qu’il faut rencontrer, et pas un autre à sa place.

Mais, aujourd’hui, sous le couvert d’une « rencontre avec Dieu », il arrive souvent que ce soit tout autre chose que les gens rencontrent, parce que, au départ, ils ont une idée très vague de Christ et de Dieu.

B. La porte de l’expérience

Si l’on passe à côté de l’objet de l’expérience et que l’on communie avec une tout autre réalité (tout en croyant avoir atteint l’authentique), c’est aussi parce que l’on passe à côté de la porte de l’expérience, de la voie d’accès tracée par la Bible.

Pour un nombre de personnes toujours plus grand, la porte d’entrée de l’expérience spirituelle, de la rencontre avec Dieu, c’est un certain état psychologique, des sensations, des émotions, éventuellement des visions et des voix.

Je reviens à la jeune fille en pèlerinage à Taizé. Elle fait partie d’un groupe de silence, dont l’occupation principale est la méditation. Voici ce que rapporte le journaliste: « Dans l’église de la Réconciliation, étendue la face contre terre, elle « prie avec son corps ». Et puis « les chants sont sublimes ». Sous le coup de l’émotion, il lui est arrivé d’y rester six heures d’affilée » (p, 102).

Mais si quelqu’un n’a que des émotions et des sensations (même très fortes), il reste bien en deçà de la dimension biblique de l’expérience spirituelle. Il n’est pas encore passé par la porte d’entrée.

Et c’est le grand danger aujourd’hui. Beaucoup restent au stade de l’émotion, ou de la commotion. (Cela risque d’autant plus d’arriver si la forme du culte fait largement appel à l’émotivité, aux sentiments, plus qu’à l’intelligence et à la volonté, et si l’on conditionne l’auditoire en vue d’un effet psychologique. Livre: « Des conversions: psychologiques ou spirituelles? »

Même dans les cas où l’émotion est produite par l’action de Dieu et même si elle atteint le centre de l’être (en contraste avec une émotion superficielle au niveau du psychisme et de la sensibilité), il ne faut pas rester au stade de l’émotion. Il faut le dépasser.

Ex.: Quand les auditeurs du message de Pierre, à la Pentecôte eurent le cour vivement touché (par Dieu), ils comprirent eux-mêmes qu’ils ne pouvaient en rester là: Hommes frères, que ferons-nous? (Act 2.3 7) .

Oui, la porte de l’expérience spirituelle est plus qu’une émotion ou même une forte conviction produite par le Saint-Esprit, c’est un ACTE.

Ecoutons Paul: Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui (Col. 2.6). Il s’agit de rien moins que de recevoir Christ en personne, sur la base de la révélation claire et précise qu’en donne l’Evangile (cf. Col 1.5,6).

N.B.: La vérité qui sauve n’est pas un rébus à déchiffrer, un secret que seuls quelques-uns découvrent au terme de longs efforts, d’une laborieuse initiation, d’exercices spirituels raffinés, d’une savante technique de méditation.

Non! La vérité qui sauve est déjà là, à découvert, dans l’Evangile, qui est « la Parole de la vérité », la révélation de Dieu. Elle est là, offerte, pour tous ceux qui veulent la saisir et se l’approprier.

La porte d’entrée de l’expérience spirituelle est donc un acte. Nous ne pouvons pas nous contenter d’être des admirateurs ou des sympathisants de Jésus-Christ.

Non! Il faut le recevoir – Jean 1.12 – en sa qualité de Messie-Sauveur (mort sur la croix pour notre péché, notre état de rébellion contre Dieu, et pour rendre possible notre réconciliation avec Dieu), en sa qualité de Seigneur (celui qui a le droit de régner, et qui entend régner sur nos vies).

La porte de l’expérience spirituelle, son point de départ, c’est une reddition inconditionnelle à celui qui a été crucifié pour nous, mais qui est maintenant vivant et glorifié à la droite de Dieu (cf. Col 1.21, 22).

S’il n’y a pas eu ce point de départ, il ne peut pas y avoir de «cheminement». Remarquez-le bien! Paul parle d’abord de « recevoir » (le Seigneur, en toute réalité, comme il l’a lui-même fait sur le chemin de Damas, par une capitulation), et seulement après de «marcher».

Certains se croient déjà en chemin avec Dieu, alors qu’ils n’ont pas encore franchi la porte de toute expérience spirituelle authentique: la reddition au Seigneur.
Il faut savoir si l’on marche, si l’on chemine réellement avec Dieu ou si l’on marche avec une illusion et dans une illusion.

C. Le vif de l’expérience

Cette porte franchie, l’on entre dans le vif de l’expérience spirituelle, c’est-à-dire que la vie, la puissance et la présence de Dieu se manifestent dans la sphère de notre existence personnelle.

1. Le fait de recevoir le Seigneur Jésus-Christ entraîne avec lui ce que la Bible appelle la nouvelle naissance, par laquelle nous devenons enfants de Dieu, entrons dans la famille de Dieu. (Jean 1.12,13; Col 1.1,2. Nous avons des frères en Christ, et Dieu est devenu notre Père.)

L’expérience spirituelle, selon la dimension biblique représente plus qu’une connaissance. Elle englobe une naissance: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu, Jean 3.3.

Recevoir le Seigneur Jésus-Christ est le seul moyen pour devenir un homme nouveau, une nouvelle créature.

Ainsi, l’on est bien au-delà de simples sensations mystiques. Il s’agit d’un point tournant, d’une réorientation complète de notre être et de notre existence.

2. Le fait de recevoir le Seigneur Jésus-Christ entraîne une délivrance dont la portée est immense (Col 1.12-14).

On lit des récits laissant entendre que des gens auraient été délivrés de la drogue, du vice, de la puissance de Satan, par le parler en langues. C’est absolument impossible! Les dons spirituels (les charismes) ne nous délivrent ni de la puissance de Satan, ni de la colère de Dieu. Ils n’ont pas été donnés pour cela. Ils n’ont pas cette fonction. Ils servent à l’édification de l’Eglise, pour autant, toutefois, que ce soient d’authentiques charismes et qu’ils soient bien employés. Des gens qui croient avoir été délivrés de la puissance de Satan par le parler en langues, ou par toute autre manifestation extraordinaire, sont encore sous la puissance de Satan et peut-être plus qu’auparavant.

La délivrance de la mainmise de Satan sur nous, de son pouvoir d’asservissement, ne peut venir qu’à travers celui qui a expié nos péchés par son sang (nous délivrant ainsi de la colère de Dieu), qui nous a rachetés pour son Père au prix de sa propre vie, et qui a permis que nous soyons ainsi transférés du royaume de Satan dans le sien (transfert de l’esclavage à la liberté).

Je suis sûr que Paul avait, en toile de fond, le souvenir de la délivrance du jugement de Dieu par le sang de l’Agneau pascal et la sortie de l’esclavage de l’Egypte pour le passage dans la Terre Promise.

L’expérience spirituelle selon la dimension biblique inclut ce glorieux transfert. C’est un miracle de la grâce de Dieu et non le résultat d’un effort humain (cf. Col 1.12). Nous ne nous sommes pas délivrés nous-mêmes, et nous ne nous sommes pas transportés nous-mêmes. C’est la plus miraculeuse délivrance qui soit. La connaissez-vous?

Il fait beau être dans le Royaume, ou sous le Règne du « Fils de son amour ». Là nous ne sommes plus écrasés, piétinés, exploités, trompés, mais rendus à la liberté, restaurés, comblés.

3. Quand l’on reçoit le Seigneur Jésus-Christ, cela nous mène à une communion la plus haute qui soit.

N.B. L’homme moderne, déshumanisé et dépersonnalisé, mourant de soif dans le désert de la science et de la technologie, ressent très fortement le besoin d’une communion, d’une présence, d’une communication. Mais il les recherche sur un faux niveau et au mauvais endroit. Il les cherche «dans le groupe» humain – « la dynamique de groupe » – où il se dépersonnalise encore davantage.

Remarquez, dans Col. 2.6, le « en lui ». Ce « en lui » indique un lien de communion, une proximité, une intimité.

Celui qui a reçu le Seigneur est uni au Seigneur. Il est « en lui », dès ce moment-là, jamais auparavant! Il n’est plus isolé, seul. Christ est devenu sa demeure. D’autre part, lui-même est devenu la demeure de Christ: Christ en vous, l’espérance de la gloire…, Col. 1.27. (Il ne l’avait été à aucun moment avant sa reddition à Christ. Contre l’idée actuelle de «la lumière intérieure», Dieu au fond de moi, le divin en moi, être par nature un avec le divin. Au marché: jeune homme crasseux, débraillé et évidemment amoral: «Pas besoin de recevoir Christ. Il est avec moi». Pour eux, Dieu est toute la réalité, toute la réalité est Dieu. Ni bien, ni mal.

D. Le développement de l’expérience

Dans cette communion, l’expérience doit se poursuivre. C’est ce qu’indique le «marchez». Il y a suite, continuité.

Alors que le monde d’aujourd’hui foisonne d’expériences religieuses éphémères, sans vrai caractère biblique, qui n’ont pas de lendemain (sinon des lendemains d’amertume, de déception, de durcissement à l’égard du christianisme biblique), l’expérience spirituelle vraie est promue à un lendemain, à un développement.

1. Une chose capitale à souligner: dans ce développement, Christ et sa Parole restent toujours au centre: «marchez…» vers des expériences sensationnelles, extraordinaires, spectaculaires vers des visions, des phénomènes miraculeux?

Non, pas du tout! Marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d’après les instructions qui ont été données (v. 6 et 7) (cf. Col 1.6, 7). Christ et sa Parole occupent toujours le centre.

Le développement de l’expérience ne consiste pas dans la culture d’une spiritualité «super», à côté de Christ ou hors de Christ (cela peut arriver à de vrais chrétiens qui, trompés par une fausse spiritualité, s’égarent loin du centre, Gal 3.3: Après avoir commencé par l’Esprit, voulez-vous maintenant finir par la chair?)

Le développement de l’expérience spirituelle nous ramène toujours à l’essentiel: la Personne et la Parole de Christ.

«Du Baptême à la plénitude», citation de Stott: « Il ne suffit pas d’honorer des lèvres ces affirmations touchant à la suprématie et à la pleine suffisance de Christ; nous devons tous, en outre, aller jusqu’au bout des conséquences. Certains chrétiens donnent l’impression d’avoir une doctrine comportant Jésus plus autre chose. Ils seraient prêts à dire: « Vous avez trouvé Jésus; c’est bien; mais il vous faut encore autre chose pour compléter votre initiation ». D’autres, il est vrai, soulignent si fortement la pleine suffisance de Jésus qu’ils semblent avoir une conception statique de la vie chrétienne, qui ne laisse aucune place pour la maturation de la foi ou pour des expériences plus pleines et plus profondes de la réalité de Jésus-Christ ». (p. 11).

2. Il s’agit de «marcher» en lui, c’est-à-dire, par notre union constante avec lui (sur laquelle nous avons à veiller, dont nous sommes responsables), de manifester sa vie dans notre existence journalière.

Notre foi en Christ doit s’exprimer pratiquement par l’amour, l’amour des frères d’abord (Col 1.4, 8). Gal 5.6: La foi qui est agissante par l’amour.

N.B. Le fait de vivre « en marge » des églises locales, en cellules individualistes autonomes, n’est pas selon le modèle biblique.

Notre foi en Christ doit s’exprimer pratiquement par une conduite de plus en plus conforme à la volonté de Dieu, en contraste avec la religiosité amorale de notre temps, (cf Jac 2.17), Et par la persévérance et la victoire dans l’épreuve, Col 1.10, 11. (Contraste avec Luc 8.13).

3. Il s’agit d’être enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi…

Alors que les fausses expériences spirituelles se soldent par des naufrages, des catastrophes, de terribles dégâts, l’expérience selon la dimension biblique comporte un enracinement, un approfondissement et un affermissement dans la connaissance de Christ par l’Ecriture.

Non seulement dans la connaissance des vérités relatives à Christ, mais dans la connaissance personnelle de ce Sauveur et Seigneur, qui doit nous devenir un compagnon (pas un copain) toujours plus cher, plus précieux, plus indispensable.

Conclusion

La Bible contraste souvent la paille (le méchant) et l’arbre (le juste) (cf. Ps 1.3, 4).

La paille est improductive, légère, sans consistance, sans racines. Le moindre vent la balaie, l’emporte. Ainsi en est-il de multiples expériences dites « spirituelles ».

L’arbre est productif. Il donne son fruit en sa saison. De plus il est solide, planté dans le terrain, tenu par ses racines qui plongent profondément dans le sol. Ainsi en est-il de l’expérience spirituelle selon la dimension biblique.


Cette perspective génératrice d’espérance est le fait d’individus et de communautés qui professent la foi chrétienne. Nous allons voir si elle s’ accorde avec les données prophétiques sur les temps de la fin.

I) Mise au point

Déblayons le terrain avant d’entrer dans le vif du sujet.

a) Fausse argumentation

Ceux qui soutiennent la thèse d’un réveil mondial avant l’avènement du Seigneur – la Parousie – parlent volontiers de «pluie de l’arrière-saison» et de «nouvelle Pentecôte».

La pluie de l’arrière-saison. C’est à la faveur d’une exégèse grossièrement fautive de Joë12.23: Il vous enverra la pluie de la première et de l’arrière-saison, comme autrefois, que l’on annonce avec conviction une effusion spectaculaire de l’Esprit pour le temps de la fin, soit la période qui précède de peu le retour de Christ. Mais Joël, dans ce passage, ne fait pas d’eschatologie, il s’adresse à ses contemporains israélites, et la «pluie» dont le Seigneur parle, comme signe de sa bénédiction, est tout bonnement matérielle. Le contexte immédiat, v. 21 à 27, où il est aussi question des bêtes des champs, du figuier et de la vigne, du blé, du moût et de l’huile – un ensemble de réalités matérielles – le prouve. Et que signifierait le comme autrefois – allusion à un phénomène physique régulier -s’il s’agissait d’une pluie «spirituelle» ? C’est au verset 28 seulement que le prophète passe au plan eschatologique, aux derniers temps inaugurés par la venue du Messie promis, et qu’il prophétise alors l’effusion historique de l’Esprit: Après cela, je répandrai mon Esprit sur toute chair ...(v. 28 à 32). Cette promesse a été accomplie au début de l’ère chrétienne, le jour de la Pentecôte, selon Actes 2.17 à 21 (1).

Nouvelle Pentecôte
Ce concept n’a aucune base biblique. Davantage, il heurte de front l’enseignement apostolique. En effet, Pierre, en déclarant, par rapport à l’ événement survenu le jour de la Pentecôte: Mais c’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël…, identifie l’effusion de l’Esprit ce jour-là comme la réalisation définitive de la parole prophétique de Joël. A l’instar des autres actes historiques de la rédemption: incarnation, expiation, résurrection, ascension et glorification – celle-ci étant la condition de l’effusion historique de l’Esprit Saint, cf. Jean 7.39; Jean 14.15 à 19; Jean 16.5-15; Actes 2.32 à 36; Eph 4.8 – l’événement de la Pentecôte est unique. Il appartient à l’origine, à la naissance de l’Eglise. Il ne se répétera pas (2).

La conversion nationale d’Israël
Ceux qui défendent l’idée d’un réveil mondial dans les temps de la fin pourraient éventuellement se référer à l’événement extraordinaire de la conversion d’ Israël, attesté sans ambiguïté par Paul, Rom 11.25- 27, et assimilé à une résurrection spirituelle, une vie d’entre les morts, Rom 11.15, avec des répercussions glorieuses pour le monde.

Ce fait, indéniable, n’appartient pas toutefois à la catégorie des «réveils religieux» tels que nous les entendons d’habitude. L’apôtre Paul le classe dans celle des mystères, c’est-à-dire des vérités révélées, des vérités de foi (Rom 11.25). Il est de l’ordre de la prophétie biblique et a un caractère «sui generis», une spécificité qui lui est tout à fait propre. Il n’entre donc pas dans le cadre des réveils classiques, qui ne relèvent pas d’une annonce prophétique. Ils se produisent en effet sans faire l’objet d’une révélation spéciale.

Remarquons ceci: Paul ne présente pas le mystère de la conversion d’Israël comme «la pluie de l’arrière-saison», comme une «nouvelle Pentecôte», mais comme une vie d’entre les morts en bénéfice aux non-juifs eux- mêmes. Contentons-nous de ce qu’il nous révèle et réjouissons- nous avec lui !

b) Fausses conclusions

Quand nous nous permettons de mettre en doute la possibilité d’un réveil mondial à l’approche du retour de Christ, certains concluent, à tort, que notre position signifie:

L’exclusion de tout réveil
Mais nous croyons fermement à la possibilité, aussi longtemps que le temps de la grâce dure, de réveils géographiquement limités, comme il s’en produit d’ailleurs aujourd’hui en diverses régions du globe, en particulier en Asie. J’ai entendu l’évêque africain Kivengere mentionner, il y a un certain nombre d’années, un vrai réveil en Ouganda. Il a même précisé que ce mouvement remarquable de l’Esprit de Dieu ne devait rien au courant charismatique.

La mise en cause de l’immutabilité de Dieu
Non, nous n’égratignons en rien le fait que Dieu reste le même (Mal 3.6) dans son essence et ses attributs. Nous confessons donc que sa puissance n’est pas moindre aujourd’hui qu’hier(Héb 13.8).

La mise en cause de la souveraineté de Dieu
Nous récusons l’idée irrévérencieuse qu’en certaines circonstances Dieu ne pourrait pas faire ce qu’Il veut, ou que sa souveraineté ne s’étendrait pas à tous les domaines: Notre Dieu est au ciel, Il fait tout ce qu’Il veut (Ps 115.3). Tout ce que l’Eternel veut, Il le fait, dans les cieux et sur la terre, dans les mers et dans les abîmes (Ps 135.6).

Nous croyons par conséquent qu’Il peut toujours susciter des réveils où Il veut, quand Il le veut, comme Il le veut, à l’exemple de ce que nous rapporte Aggée 1.14. Ce réveil intervenait après un temps de relâchement provoqué par le découragement (cf Esd 4.4,5,24).

C’est quand Il parlait à Nicodème de l’ouvre de l’Esprit que le Seigneur a dit: Le vent souffle où il veut… Jean 3.8.
Il en résulte deux choses pour l’homme:
-L’impossibilité d’induire le réveil, de le provoquer. Même la prière instante, ardente, persévérante pour le réveil, «les réunions de réveil», ne sont pas la cause du réveil Cette prière est suscitée et inspirée par Celui-là même qui veut le réveil. Elle n’est pas un facteur autonome, mais un instrument du bras souverain du Seigneur.
-L’impossibilité d’empêcher le réveil. On ne peut pas empêcher le vent de souffler…

Un manque de foi
A cause d’une incrédulité congénitale, nous sommes, il est vrai, toujours enclins à limiter Dieu : Sara (Gen 18.11-14), l’officier du roi à la porte de Samarie (II Rois 7.1-2), Zacharie (Luc 1.18-20), Thomas (Jean 20.24-29).

Mais il est possible de reconnaître d’un cour vrai et entier que Dieu peut tout, absolument – même là où, quant à nous, nous ne voyons que des motifs de désespoir – et cependant avoir de bonnes raisons de douter de la possibilité d’un réveil à l’échelle mon diale aujourd’hui. Un tel doute ne ressortit pas à l’incrédulité.

II) Le noud de la question

En effet, le problème qui se pose à nous n’est pas de savoir si Dieu est en mesure, oui ou non, de produire un réveil mondial aujourd’hui, comme si sa puissance avait changé, mais s’Il veut le faire. Nous le répétons: même de la manière la plus infime, dans son essence et ses attributs, Dieu ne change pas: en Lui il n ‘y a ni changement ni ombre de variation, Jac 1.17. Mais son mode d’action peut changer.

Certes, l’action de Dieu au sein des Eglises et dans le monde ne cesse à aucun moment d’être souveraine, toute-puissante, mais elle n’a rien d’arbitraire, d’aveugle. Le Seigneur, qui sonde tout, connaît les cours et regarde au cour (I Sam 16.7; Prov 15.11). Il prend en compte les dispositions secrètes de ceux au milieu desquels Il agit, pour manifester sa grâce ou son jugement. L’exemple de Ninive nous le montre de façon évidente, Jonas 3.3-10.

Ainsi, dans un cas, Il produit la repentance et sauve, même parmi les païens. Dans l’autre, Il endurcit, même s’il s’agit de son peuple, Esaïe 6.8-10.

Il peut s’Il le veut travailler en profondeur les consciences chrétiennes et les réveiller par le ministère de Sa parole vivante, secouer la torpeur d’églises endormies, produire un puissant renouveau de vie spirituelle chez les siens, avec un impact bienfaisant sur « ceux du dehors ». Cela se traduit alors par de réelles et nombreuses conversions, de significatives transformations du climat moral, social, culturel. La Réforme du 16ème siècle en est une preuve éloquente.

Ou alors, face au débordement de l’iniquité, et jugeant qu’elle a atteint la pleine mesure (cf Gen 15.16), Il peut, par décision judiciaire, enfermer les cours dans leur propre endurcissement.

N’est-ce pas quelque chose de ce genre qu’indique la sentence d’ Apocalypse 22.11, prononcée dans la perspective du proche avènement de Celui qui vient sur les nuées comme Juge de la terre? Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore, et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore. -Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi pour rendre à chacun selon ce qu’est son oeuvre, v.11 et 12. Bien entendu, ce n’ est pas à nous de déci der du degré qu’a atteint l’iniquité. Dieu seul, qui fixe les limites, est à même d’apprécier.

III) Arguments en défaveur d’un réveil mondial

a) L’apostasie généralisée: un appel au jugement …

Je crois qu’un examen honnête, lucide, de la société humaine à la fin du 20ème siècle révèle une apostasie généralisée. C’est en masse que les hommes tournent le dos à Dieu, le Dieu vivant et vrai, révélé dans la nature -l’univers créé et la conscience humaine, Rom 1 et 2 – et dans l’Ecriture. Une véritable lame de fond soulève notre monde. C’est la révolte ouverte, délibérée, décrite au Ps 2: Brisons leurs liens, délivrons-nous de leurs chaînes, v .3.

Et comme à chaque fois que l’homme tourne consciemment et volontairement le dos à Dieu – en se détournant de la vérité dont il dispose – il appelle sur lui, non la grâce, non la visitation salvatrice de l’Esprit, mais le jugement divin.

Là où l’apostasie a pris pied, s’est installée, où elle règne, il est vain de s’attendre à un vaste mouvement des manifestations bienfaisantes de l’Esprit. La démarche de l’Esprit est au contraire de se retirer .

Nous le voyons bien dans le cas de la société antédiluvienne, adonnée corps et âme au mal (Gen 6.5), remplie de violence (Gen 6.11 ), débordante de corruption (Gen 6.12). C’est à propos d’elle que Dieu déclare: Mon Esprit ne restera pas à toujours dans l’homme (Gen 6.3), ce qui peut aussi se traduire par: Mon Esprit ne contestera pas à toujours dans l’homme. La Colombe, qui donne en note cette traduction, ajoute en guise de commentaire: «pour le défendre de lui-même».

Là où l’apostasie sévit, le Saint-Esprit quitte la scène, cf Ez 8.6; 10.18; 11.23, en contraste avec Prov 1.23. Il n’agit plus comme un frein par rapport à l’iniquité. Ce retrait est un jugement.

Pour certains commentateurs, II Thes 2.7 pourrait être une allusion à ce retrait de l’Esprit, sans que cela épuise le sens du passage.

Bien sûr, nous ne suggérons pas que les opérations de l’Esprit cessent d’une façon absolue en vue du salut des individus. Nous parlons d’un jugement sur la société. Nous n’excluons donc pas que, même au sein d’une société apostate, le Saint-Esprit puisse agir en réveil ici et là. Mais cette visitation de grâce aura forcément un caractère limité.

A ceux qui rêvent d’un réveil mondial aujourd’hui, un simple rappel, qui doit porter à la réflexion. Le Seigneur, à la fin du sermon prophétique, met justement en parallèle la période qui précédera l’ avènement du Fils de l’homme avec le temps de Noé (Matt 24.36-39). Cela ne nous dit- il rien?

Et dans l’Evangile selon Luc, le parallèle s’étend au temps de Lot, avec le jugement sur Sodome, Luc 17.28-30.

Dans les deux cas, il s’ agit non de grâce mais de jugement sur des sociétés pourries jusqu’à la moelle… exactement comme la nôtre !

b) Le caractère irréversible du mal en temps d’apostasie

Sur ce qui précède, on pourrait m’objecter deux choses. La première, c’est que l’homme a toujours été mauvais et que l’humanité a connu bien d’autres époques de corruption et de ténèbres profondes: par exemple, l’état moral au sein de l’empire romain au moment du démarrage de l’annonce de l’Evangile et de la naissance de l’Eglise de Jésus-Christ.

J’en conviens mais signale d’autre part qu’à vouloir tout niveler l’on va contre le témoignage de l’Ecriture. S’il est vrai, en un sens, qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, il serait abusif de prétendre que cette parole de l’Ecclésiaste englobe tout le message de la Bible. Celle-ci nous parle aussi d’un progrès du mal. Les choses ne sont ni statiques, ni simplement cycliques. Le mystère de l’iniquité agit déjà écrit l’apôtre, II Thes 2.7, ce qui implique un développement, une maturation à travers les âges pour aboutir à la manifestation de l’ homme du péché (II Thes 2.3). De son côté, Jean nous dit: Il y a maintenant plusieurs antéchrists, mais cela ne l’empêche pas d’annoncer en même temps qu’un Antéchrist vient (1 Jean 2.18), qui les dépassera tous.

Il y a donc une montée de l’iniquité vers un certain sommet, une crue indéniable du mal vers «la cote d’alerte» .

Jésus-Christ lui-même en Matt 24 parle d’ une intensification de la séduction et d’un accroissement de l’iniquité au fil du temps, Matt 24.11, 12,24,25.

Paul affirme: Les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux- mêmes (II Tim 3.13).

Les choses ne sont donc pas toujours parfaitement égales à elles-mêmes. S’il y a constance dans le mal, il y a aussi progression.

La seconde objection que l’on peut me présenter, c’est que, faire de la corruption ambiante un argument contre la possibilité d’ un réveil, trahit une conception fort défectueuse des réveils : ne sont-ils pas donnés justement pour contrer la corruption, pour freiner le mal, pour le faire reculer? L’Esprit de Dieu agit au milieu de l’iniquité pour délivrer du mal et le vaincre, et non dans «un champ aseptisé»…

Ici encore, je ne peux qu’approuver, mais tout en ajoutant: «aussi longtemps que le mal a un caractère réversible».

Car l’Ecriture elle-même nous enseigne que le mal atteint parfois le stade où il est sans remède, où rien ne le fera déboucher sur la repentance, même sous les pires jugements. Il suffit de lire Apocalypse 16, avec son terrible refrain: Ils blasphémèrent le nom de Dieu. ..et ils ne se repentirent pas pour lui donner gloire (v.9. cf II,21).

Sous l’ apostasie, le mal n’est plus réversible. On ne peut plus inverser le sens de la marée. Hébreux 6.4 à 8 et 10. 26-31 nous atteste solennellement «un point de non-retour» pour des individus qui rejettent sciemment, malignement et définitivement la vérité de l’Evangile: Car il est impossible… qu ‘ils soient encore renouvelés et amenés à la repentance, puisqu’ils crucifient pour leur part le Fils de Dieu et l’exposent à l’ ignominie ( 6.4-6, cf Héb 10.26-27). Cette vérité peut, dans une grande mesure, s’appliquer aussi à une société comme la nôtre, où l’abandon délibéré de Dieu s’affirme de jour en jour – dans le domaine de la foi et de l’éthique – où un massif mouvement de défi à ses lois et à ce qu’Il a institué pour le couple, la famille, la cité, l’Eglise, prend l’allure d’un «tumulte» universel, cf Ps2.1.

N’oublions pas que notre culture est entrée dans un moule qui la prépare à accueillir l’Antéchrist – l’homme «sans loi» par excellence, l’ANOMOS – et que lorsqu’il sera là tous les habitants de la terre l’ adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau, qui a été immolé, (Apoc 13.8) (3).

A l’exception des élus, gardés par la puissance de Dieu et par la foi pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps (1 Pi 1.5) -c’est-à-dire pour le glorieux avènement du Seigneur – l’immense masse humaine succombera au redoutable envoûtement de l’esprit d’Antéchrist et l’accueillera, lui, en personne, comme son dieu. L’apostasie – dans le sillage de laquelle l’Impie apparaît, cf II Thes 2.3 – aura conditionné l’humanité pour cela.

c) La disparition du consensus chrétien

Rappelons ici que c’est dans le cadre d’un vaste consensus chrétien – je veux dire dans une culture fortement marquée, imprégnée par le christianisme biblique, par ses vérités, ses certitudes, ses valeurs – que se sont produits en Occident, au cours des siècles passés, les grands réveils, à commencer par la Réforme.

Mais, vers le milieu de notre siècle, tout a basculé (il y a naturellement eu une longue période d’incubation), au point que l’on a pu forger pour nos temps la formule de «société – ou culture – post-chrétienne». Cela veut dire que notre civilisation a franchi un cap décisif et pris un très dangereux virage.

Que cela nous plaise ou non, le consensus chrétien a disparu, par abandon volontaire de la révélation biblique, et ce qui l’a remplacé, c’est un consensus païen.

Ce néo-paganisme dans lequel nous baignons et dont le Mouvement du Nouvel-Age est le fer de lance et le porte-drapeau, est pire que le paganisme primitif, né de l’ignorance (cf Actes 26.17- 18), car il est le fait d’une société «éclairée», où le flambeau de l’Evangile a brillé, mais qui a résolument rejeté la lumière reçue et foulé aux pieds le Fils de Dieu (Héb 10.29).

Et cela a eu comme point de départ – parmi d’autres facteurs – l’effondrement de la foi dans les grandes Eglises historiques issues de la Réforme, qui ont renié (4) les vérités fondamentales de l’héritage chrétien, de la doctrine apostolique, elles qui auraient dû garder le bon dépôt, cf II Tim. 1.14.

Aujourd’hui, emportées par le syncrétisme oecuménique, on les voit tendre les bras non seulement aux systèmes monothéistes – toujours ennemis de l’Evangile du Fils de Dieu et de la grâce, l’Islam et le Judaïsme – mais aux religions païennes. Leur partenaire oecuménique, l’Eglise Catholique romaine, en fait autant d’ailleurs, mais avec plus de subtilité.

Au milieu d’une telle unanimité dans l’abandon de la foi, d’une telle prostitution à l’esprit souillé du monde, d’un tel délire spirituel, un réveil mondial est-il concevable? Répondre par la négative n’est certes pas le signe de l’incrédulité, mais d’une juste appréciation de la sainteté de notre Dieu. Si les fautes des chrétiens attristent et même éteignent l’Esprit Saint, quel outrage ne constituera pas la réalité horrible de l’apostasie (cf Héb.10.29).

Si Jésus-Christ pouvait menacer Jérusalem, incrédule et rebelle, que le temple dont les Juifs se glorifiaient serait laissé désert, Mat. 23.38, vide de la présence du Dieu saint, il est impossible de concevoir que le Saint-Esprit cohabite avec l’apostasie et que sa puissance s’y manifeste en grâce.

Le retour contre nature, dans une société christianisée, des philosophies, religions et pratiques païennes -dont le centre opérationnel est une légion d’esprits immondes dans la sphère invisible – nous montre que nous sommes probablement entrés dans le crépuscule du temps de la grâce et que le monde est mûr pour la moisson et la vendange dont parle Apoc 14.14-20.

Et il ne s’agit pas d’une moisson d’âmes sauvées – comme celle qui a marqué l’effusion historique de l’Esprit le jour de la Pentecôte et toute l’histoire de l’Eglise et de la Mission chaque fois que s’est produit un réveil – mais de la moisson du jugement sous la colère de Dieu.

d) La seule attente bibliquement fondée: la visitation de l’esprit d’erreur.

A lire en toute objectivité les passages prophétiques du Nouveau Testament, l’on ne peut raisonnablement s’attendre à un réveil d’amplitude mondiale dans les temps qui précèdent et annoncent la fin. En revanche, ce que l’Ecriture prophétise de façon tout à fait explicite, aussi bien en Matt 24 qu’en II Thes 2 et Apoc 13.11- 17, c’est une visitation spectaculaire et massive de la séduction orchestrée et dynamisée par Satan lui-même.

Ainsi que le disait un serviteur de Dieu, la seule «Pentecôte» à laquelle nous devions nous attendre, c’est une «Pentecôte satanique», l’anti-réveil venant d’en bas et non d’en haut.

Mais attention! Si cette visitation se fait «par la puissance de Satan» – pour introduire et accompagner l’Antéchrist avec une formidable démonstration de miracles, de signes et de prodiges mensongers, II Thes 2.9-10, cette démonstration a lieu sous l’autorité de Dieu et est un expression de son jugement. En effet, c’est lui qui «envoie» la puissance d’égarement, et Il le fait pour exécuter un jugement, v .11 et 12.

En conclusion, loin d’être le signe avant-coureur d’un réveil mondial selon l’Esprit, le déploiement actuel du «miraculeux» (mensonger) à travers le monde dans des églises qui ont perdu la seule boussole donnée de Dieu – l’Ecriture – traduit une sentence divine d’aveuglement sur une chrétienté infidèle (5) et une société apostate (cf Es 29.9-10).

Bref, beaucoup se trompent d’ attente!

P.-A.D.
Note :
1 Pour un traitement plus approfondi, consultez «Actualités Evangéliques», No 65, juin 1995- Paul Ranc
2 Ce qui se passe en Actes 8 avec les Samaritains, en Actes 10 avec des non- juifs, en Actes 19 avec les douze disciples de Jean-Baptiste, ne sont que trois moments du même et unique acte fondateur, Pour des raisons circonstancielles, l’effusion historique ne pouvait pas atteindre tous les groupes en même temps,
3 On peut aussi traduire: «sur le livre de vie de l’Agneau immolé dès la fondation du monde» (Colombe, Segond révisée},
4 Le reniement n’est pas forcément à visage découvert, ni explicite, Il suffit de vider les termes théologiques de l’Evangile de leur sens originel, de leur substance,
5 L’effondrement de la foi au sein de la chrétienté et l’égarement actuel d’un grand nombre d’églises, n’ébranlent nullement notre conviction que Christ continue à bâtir


Chronique de livres

Titre:«Dieu, illusion ou réalité?» (160 pages)
Auteur:    Francis Schaeffer
Editeur:Editions Kerygma

Voici enfin la version française de l’ouvrage paru en 1968 sous le titre The God who is there (litt. Le Dieu qui est là), dont le texte avait été légèrement remanié en 1982.

Cet ouvrage, Francis Schaeffer le considérait comme le produit le plus représenta­tif et le plus achevé de sa pensée, bien qu’il fit partie, avec Démission de la raison et La mort dans la cité, d’une trilogie. Il était le résultat d’une réflexion et d’un travail s’étalant sur quatorze ans.

C’est dire que nous sommes en présence d’un véritable testament «Schaefférien», même si d’autres écrits ont suivi. Testament relatif à une analyse magistrale que Schaeffer a menée en pionnier, et dont le monde évangélique, hélas, jusqu’à ce jour, n’a pas su discerner la valeur.

Cette analyse porte essentiellement:
– sur les caractéristiques de la culture contemporaine, en pleine dérive par rapport aux valeurs bibliques (philosophie, arts, musique et culture générale);
– sur l’impact de cette culture sur la théologie elle-même, qui s’est à son tour com­plètement égarée et a engendré un mysticisme diffus et sans contenu de sens; et enfin
– sur les réponses solides, sûres, apportées par le christianisme historique, c’est-à-dire le courant théologique resté fidèle à la révélation objective, immuable et infail­lible que nous avons dans l’Ecriture sainte, et à la foi confessée dès l’origine par l’Eglise de Jésus-Christ.

Schaeffer, penseur éminent et analyste lucide – unique en son genre – de la modernité, est resté jusqu’à sa mort en 1984 un champion de «la foi transmise aux saints une fois pour toutes». Fortement campé sur le roc de l’Ecriture sainte, il a pu, grâce à sa compréhension des courants de pensée emportant la société actuelle, venir en aide à une foule d’hommes et de femmes perdus dans les abîmes du dés­espoir et de l’absurde ouverts par une culture et une théologie devenues folles.

Son oeuvre, qui n’a rien perdu de son actualité, peut aussi libérer ceux qui ont sombré dans le relativisme permissif, ou qui sont attirés, aujourd’hui, par les séduc­tions du Nouvel Age.

Paul-André Dubois
Tiré du «Témoin» mars-avril 1990 avec autorisation


Théologien, docteur, pasteur, penseur, conférencier, Schaeffer fut par-dessus tout un lutteur, un homme engagé dans le combat et à la pointe du combat.
Non pas un combat d’école, académique, futile, stérile. Schaeffer ne craignait pas de descendre sur le terrain et d’entrer dans la mêlée, d’être directement aux prises avec les courants de pensée de la société d’aujourd’hui.
Vivant avec son temps, Schaeffer « collait » à la modernité. Aussi n’était-il pas pris au dépourvu, ni dépassé, ni déphasé. Témoin attentif et analyste averti de la culture contemporaine, il en dépistait les formes de pensée, « le message ».
A ce message, il opposait celui de la Bible, dont il célébrait et démontrait la grandeur, l’unicité l’adéquation à la réalité telle qu’elle est.
C’est ce qui explique le côté apologétique de son oeuvre. Le christianisme, la révélation judéo-chrétienne, est, comme il se plaisait à le répéter, ‘titanique ». Elle seule apporte les réponses que l’homme cherche désespérément. Inutile de vouloir les trouver dans les systèmes humains, dans la pensée profane. Au fond, le combat incessant et « tous azimuts » livré par Schaeffer – non dans un esprit de polémique, mais de compassion et d’amour – tendait cette seule fin: par la glorification raisonnée de ‘Evangile, amener les gens, hors de l’Eglise et dans l’Eglise, à penser bibliquement, chrétiennement, pour leur ur salut et pour la gloire de Dieu.
Vu que le ministère de ce maître à penser s’est essentiellement déroulé dans l’Occident dit « chrétien », cela évoque bien sûr le drame qui s’est produit au sein de notre culture au cours des dernières décennies. L’apostasie – l’abandon de la vérité biblique – a pris pied dans les Eglises et de là, par contagion, dans la société, en y semant ses ravages.

C’est dans ce milieu ambiant -l’apostasie du monde occidental dont il mesurait et l’ampleur et l’horreur – que Francis Schaeffer a bataillé sans trêve pour magnifier l’Evangile, restaurer la vision et l’ordre bibliques et arracher des hommes à la perdition.
Son combat est donc empreint de souffrance. Les accents sont douloureux, pathétiques. L’homme qui plaide avec le monde moderne fait encore plus figure de prophète que de théologien. Il a le message de saison pour la culture dans laquelle il vit. Conscient du jugement qui vient, il l’appelle solennellement à un retour à Dieu et à sa Parole, aux absolus de l’Ecriture.
Oui, Schaeffer plaide. Il plaide contre l’apostasie et les aberrations qu’elle a amenées dans les domaines de la religion, de la pensée, de l’art, de la morale et de la vie sociale.
Il plaide pour un retour à une vision biblique intégrale, à des concepts fondés sur la révélation scripturaire et à une pratique en pleine harmonie avec ces concepts. Car il ne suffit pas de penser justement à tous les niveaux. Il faut encore vivre et agir justement à tous les niveaux.

Faisant front de tous les côtés, Schaeffer s’est battu, au nom du christianisme historique, dans les domaines de la logique, de la pensée philosophico-théologique, de l’anthropologie (doctrine de l’homme), de l’expérience religieuse, de la sotériologie (doctrine du salut), de l’ecclésiologie (doctrine de ‘Eglise) et de l’inspiration des Ecritures. Dans son combat, il a eu le mérite de ne jamais se présenter en ‘attardé ». Certes, il connaissait les hérésies d’hier. Mais, toujours dans le vif de l’actualité, il a combattu celles d’aujourd’hui. On peut même dire qu’il a su devancer le temps et prévoir ce qui allait arriver.
Son apologie d’avant-garde lui a permis de se faire écouter par ceux qui avaient passé dans le moule de la culture moderne, surtout la jeunesse étudiante.

Le combat dans le domaine logique

Dès ses premiers écrits, il s’oppose vigoureusement à la relativisation du concept de vérité. Si une thèse est juste, son contraire doit être tenu pour faux et répudié. Par exemple, on ne peut en même terrps prétendre que Jésus-Christ corporellement ressuscité et qu’il ne l’est pas. C’est l’un ou I autre. Il n’y a pas de conciliation, de synthèse possible.
Vouloir faire cohabiter des positions qui s’excluent, c’est aller contre la logiquE de l’esprit humain tel que Dieu l’a créé, briser l’unité de la vérité et attenter à son caractère absolu.
La vérité n’est pas ambigùe, trouble, double. Les oppositions logiques, thèse-antithèse (bien-mal, vérité-erreur. etc…) doivent être maintenues, sinon l’on tombe dans la déraison. La synthèse, comme outil servant àconcilier les contraires, est à rejeter.
La défense passionnée du caractère absolu de la vérité a naturellement amené Schaeffer à dénoncer le Néo-Modernisme, à cause de son relativisme en matiére de foi, et la fausse unité oecuménique avec son amalgame de groupes hétérogènes et de positions doctrinales divergentes.
La où la synthèse est reine, le pluralisme jouit de toutes les faveurs.

Le combat dans le domaine philosophico-théologique.

Pour répondre au désarroi des esprits, particulièrement de la jeune génération en pleine dérive intellectuelle et morale, Schaeffer s’est attaché à rétablir des points de repère précis par rapport à Dieu. Face àl’athéisme, il insiste sur l’existence objective de Dieu attestée dans la création et la réalité humaine dans ce qu’elle a de spécifique et d’unique par rapport au reste du monde créé: la personnalité. Dieu n’est pas la projection de notre pensée ou le produit de notre imagination. « Il est réellement là. »
En plus, il s’agit d’un Dieu personnel, et non d’un principe abstrait, vague et distant, jouant le rôle de cause première. Nous n’avons pas affaire au dieu impersonnel des déistes, mais au Dieu tri-personnel de ‘Ecriture, Père, Fils et Saint-Esprit.
Ce Dieu-Personne – source et explication de notre propre personnalité – aime et communique. Il y a amour et communication au sein de la Trinité. Ce Dieu personnel est donc proche de l’homme – la barrière créée par le péché mise à part – capable de communiquer, de parler, de se révéler à sa créature.
Puisqu’il n’est ni lointain, ni muet, on peut le connaître.

L’agnosticisme n’a pas de fondement. Dieu n’est pas une énigme indéchiffrable. On ne peut le saisir d’une façon exhaustive, mais en tout cas substantielle. Schaeffer ne s’est pas lassé d’affirmer la rationalité et l’intelligibilité de la révélation biblique.
Mais, attention! Ce Dieu personnel est infini. Créateur de toutes choses, il ne se confond pas avec la création. Il transcende l’ordre entier des choses créées et des créatures. Voilà un coup mortel porté au panthéisme, si àla mode aujourd’hui dans notre Occident paganisé.

Que Dieu ne se confonde pas avec l’univers ne signifie pas, toutefois, qu’il soit absent de sa création. Enfermer celle-ci dans un système clos de lois naturelles, c’est avoir une vision purement mécaniste de l’univers, en exclure Dieu. Schaeffer rejette le naturalisme. Dieu est présent et agissant dans la création. Il peut y intervenir directement quand il veut et comme il veut, sans être prisonnier de l’agencement habituel des rapports de cause à effet.
Ceux qui ne conçoivent pas que Dieu puisse « mettre sa main dans la machine », qui restent au niveau du visible et du naturel, n’ont que la moitié de la réalité, « la moitié de l’orange ».
Maître de la création, Dieu l’est aussi de l’histoire, dans laquelle il agit par sa providence, ses miracles, ses délivrances et ses jugements. L’histoire, qui obéit àson plan et qui marche vers une fin conçue par lui, ne peut donc être ramenée au jeu des facteurs horizontaux d’ordre social, économique, politique, militaire. Le sens de l’histoire, qui relève de Dieu, dépasse toutes ces causes secondes. Le matérialisme historique est faux.
Enfin, l’action de Dieu dans l’histoire manifeste son caractère, la sainteté. Celle-ci constitue la loi morale de l’univers, le fondement sur lequel les absolus moraux reposent.
En vertu de l’existence objective du Dieu personnel et infini – origine de toutes choses – et en vertu de son caractère – la sainteté – il est possible d’échapper à la dérive intellectuelle et morale à laquelle je me suis référé plus haut.
La vie humaine, en tant que telle et en elle-même, n’est pas dépourvue de signification. L’absurdité et le désespoir ne sont pas, comme l’existentialisme voudrait nous le faire croire, inhérents à notre condition d’hommes, mais le résultat de la chute originelle etdes multiples séparations qu’elle a provoquées, à commencer par la séparation de l’homme d’avec Dieu.

Que l’homme retrouve, par la foi en Jésus-Christ crucifié et ressuscité – l’auteur d’une parfaite rédemption – Celui qui est à la fois son Créateur et sa fin dernière, et la plénitude de sens attachée à son existence lui apparaîtra aussitôt et deviendra sa possession.
Du même coup, les absolus moraux qui doivent guider sa conduite et auxquels sa conscience rend témoignage (cf. Rom 2.14,15), s’offriront à lui avec toute la netteté désirable dans l’Ecriture. Il sera délivré de l’amoralisme et connaîtra la beauté d’une vie sainte.

Peut-être suffit-il maintenant de dégager les lignes de force du combat de Francis Schaeffer sur les autres plans. Je serai donc très succinct.

Le combat dans le domaine de l’anthropologie

Tout en maintenant avec beaucoup de soin l’historicité de la chute et ses conséquences immenses pour l’homme – dans sa quadruple relation avec Dieu avec lui-même, avec le prochain et avec la nature – Schaeffer a lutté contre une dévaluation de l’homme en tant qu’homme. Bien que pécheur, il reste grand, « car il retient quelque chose de l’image de Dieu ». La chute, si dramatique soit-elle, n’a pas fait de lui un zéro, ne l’a pasamené àêtre moins qu’un homme. Ainsi, il reste unique par rapport au reste de la création, un être responsable, capable de choix, capable d’influer sur le cours de l’histoire.
Cet accent sur la grandeur et la valeur de l’homme se justifie pleinement face à ce que le déterminisme (chimique, biologique, psychologique) tend à faire de l’homme: un être irresponsable, un simple rouage de la machine cosmique. C’est au nom de la grandeur de l’homme comme créature faite à l’image de Dieu, au nom du caractère sacré de la vie humaine, que Schaeffer a mené un combat acharné contre l’avortement, l’infanticide, l’euthanasie.
Son « humanisme », vraiment biblique, est absolument oppose à l’humanisme séculier qui glorifie l’homme autonome. I Pour Schaeffer, l’autonomie – la volonté d’être sa propre loi -constitue l’essence du péché.

Le combat dans le domaine de l’expérience religieuse

Le mysticisme diffus de notre époque, qui flotte dans le vide, sans le support objectif de faits rédempteurs inscrits dans l’histoire, d’une révélation en corrélation avec ces faits et les expliquant, d’une doctrine claire et substantielle proposée à l’homme avec toutes ses facultés – y compris son intelligence – ce mysticisme, ce subjectivisme Schaeffer le qualifiait « de bannière sans contenu », ou « de foi en la foi ».
La vraie foi n’est pas un saut dans le vide, le noir, l’irrationnel. La foi n’implique pas le sacrifice de l’intelligence, de la raison…
(Ce qui mène au sacrifice ou à la démission de la raison, c’est le rationalisme, le culte de la raison. Quand la raison s’affranchit de la soumission à la révélation de Dieu, elle marche nécessairement vers la perte de la rationalité. Le prix de l’autonomie orgueilleuse, c’est l’irrationalisme.)
La foi digne de ce nom fait appel à l’intelligence, car la révélation biblique n’exige pas que l’homme croie sans réfléchir. Elle provoque et nourrit sa réflexion. Même si cela peut sembler à certains paradoxal, elle demande à l’homme de réfléchir plus profondément.

Le combat dans le domaine de la sotériologie
(doctrine du salut)

Schaeffer a très bien montré que la notion de salut et la doctrine du salut ne prenaient tout leur sens que dans le cadre d’un enseignement bien étayé sur le Dieu créateur. Les premiers chapitres de la Genèse sont les prémisses nécessaires au dèveloppement de la doctrine du salut en Christ. Ils n’ont pas un caractère mythique ou symbolique. Ils rapportent des faits historiques.
Leur historicité est amplement confirmée par le Nouveau Testament.
La vision que Schaeffer a du salut, basé sur l’oeuvre parfaite de rédemption accomplie par Jésus-Christ dans l’histoire, n’est pas étriquée. Son combat vise à élargir nos conceptions. Le salut acquis par la mort expiatoire et substitutive et la résurrection corporelle de Jésus-Christ, pour tous ceux qui croient, n’apporte pas simplement la libération de sentiments de culpabilité (plan psychologique), mais d’une réelle culpabilité devant le Dieu saint (plan moral), que notre péché a offensé et sous la colère duquel nous sommes tous par nature. (La note du jugement est très forte et très présente dans l’oeuvre de Schaeffer.)
D’autre part, le salut a un caractère total: il embrasse la justification et la sanctification, l’âme et le corps, qui ressuscitera et sera glorifié (Schaeffer rejette toute tendance « platonicienne » de mépris du corps et de la matière), l’homme et le cosmos (entraîné dans l’anormalité par la faute de l’homme, mais devant aussi participer de sa restauration, cf. Rom 8.18-25), la vie privée et la vie sociale, nos relations humaines ayant aussi besoin de guérison.
Enfin, en rupture avec un certain piétisme, Schaeffer n’a pas ignoré une dimension du salut trop souvent négligée, à savoir le salut de notre culture. Il a bataillé jusqu’au bout, et avec une énergie croissante, pour que les chrétiens soient vraiment « le sel de la terre et la lumière du monde », qu’ils sortent de leur ghetto – une spiritualité exclusivement orientée vers les réalités éternelles – et S’opposent sur le terrain à la marée de l’humanisme séculier.

Engagé lui-même à fond dans ce combat, Schaeffer, toujours lucide et biblique, ne croyait pas à un salut massif de la société. Mais il estimait, avec raison, que les chrétiens ne doivent pas abandonner les affaires de la cité et de la nation aux humanistes athées, et que l’influence salvatrice du christianisme doit aussi se faire sentir sur la culture. Le baume de ‘Evangile peut aussi et doit aussi étendre ses effets à notre société malade.

Le combat dans le domaine de l’ecclésiologie
(doctrine de l’Eglise)

Sur ce plan, Schaeffer a été le champion d’une orthodoxie multidimensionnelle exigeante. Il a plaidé pour la pureté de l’Eglise en matière de doctrine et de vie. Ses pages sur l’adultère spirituel et l’apostasie sont émouvantes. Schaeffer rejetait tout compromis. Il était jaloux de la sainteté de Dieu et de l’intégrité de la foi. Il admettait pleinement la nécessité d’une discipline ecclésiastique. Il a plaidé pour la mise en place de structures vraiment bibliques (« The Church at the End 0f the 2Oth Century »), tout en reconnaissant sagement une marge de liberté. L’orthodoxie de la doctrine, de la vie, des structures, ne lui suffisait pas.
Il voulait encore « l’orthodoxie de la réalitécommunautaire », c’està-dire la pleine manifestation de l’amour chrétien au sein de ‘Eglise. Il nous rappelle, dans « La Marque du Chrétien », que « l’apologétique finale (du christianisme)… c’est l’amour visible entre les vrais chrétiens », p. 21. Cette réalité communautaire, il l’a pleinement vécue lui-même, et de longues années, depuis la fondation de la communauté de l’Abri. La Croix était au centre de sa vie comme au centre de son message.

Le combat dans le domaine de l’inspiration des Ecritures.

Adversaire irréductible de la relativisation du concept de vérité, Schaeffer a été, comme les réformateurs, un homme de la Parole. Il n’a jamais admis que l’on porte atteinte à l’intégralité de la vérité biblique. Il a maintenu fermement, face au NéoModernisme et même au sein du monde « évangélique », la pleine inspiration et l’inerrance des Ecritures. Il n’acceptait pas de dichotomie entre le message de la Bible et l’historicité des récits bibliques ou encore l’exactitude des faits d’ordre scientifique. Pour lui, la Bible était absolument crédible en tout et à tous les niveaux.
Au Congrès de Lausanne, en 1974, il a lancé un vibrant appel pour un retour à une conception sans faille de l’inspiration des Ecritures (cf. « Impact et Crédibilité du Christianisme », p. 49 à52).
En hommage personnel à cet homme de Dieu dont j’ai beaucoup reçu et beaucoup appris, j’aimerais dire, dans ses propres termes, qu’il a eu « une vision limpide de l’importance de la vérité, et une pratique limpide de cette vérité » (« La Mort dans la Cité », p. 60).

Paul-André DUBOIS

Directeur de l’Ecole
Biblique de Genève

Tire du « Témoin » n0 5, sept-oct. 84, organe bimestriel de l’Action Biblique, avec autorisation.

Communication

Les articles traitant le thème « Foi et Science » dans le n0 70, en particulier l’évolutionnisme, ont rencontré un vif intérêt. Les extraits du livre passionnant « INSOLITE », ainsi que son commentaire dans la chronique des livres, ont trouvé un écho trés favorable. Cet ouvrage dont l’auteur est le savant bien connu, M. Jean Taubenberg-Savoy, biologiste et ornithologue, peut être commandé exceptionnellement àl’adresse PROMESSES, soit en France, soit en Suisse, ou alors directement chez l’auteur: Case postale 24, CH-i 897 LE BOUVERET. (Prix de l’ouvrage: 80 FF ou 30 FS).