Les confessions de Jérémie

Jérémie a vécu dans le déchirement. Dès la première page de son livre, nous sommes renseignés : il est choisi pour la souffrance. L’Éternel l’appelle et l’entrevue est bouleversante. Le jeune prophète saisit dès le premier regard le caractère horrible de sa mission ; mais l’étreinte divine est toute puissante ; un feu intérieur vient d’exploser en lui et le dévorera toute sa vie. Écrasé par sa mission, il est incapable de refus, et son premier cri est une supplication (1.6).

Chaque page du livre de Jérémie trahit les distorsions et les arrachements de sa vie intérieure, et les poèmes étudiés ici sont l’expression saisissante de cet abîme où Jérémie s’est débattu passionnément toute sa vie. Ce sont ces notes personnelles, dispersées dans les écrits du prophète qu’on appelle les « confessions de Jérémie ».

Aucun autre prophète ne nous permet un regard aussi clair dans les profondeurs de son âme que le prophète d’Anatoth. Ce qui le rend si proche de nous, c’est l’aveu de ses luttes intérieures, ses dialogues intimes avec Dieu. Ces passages, écrits avec un art psychologique remarquable, nous aident à mieux comprendre le drame de la vie de Jérémie, ainsi que de tout vrai prophète ; ils nous aident aussi à mieux profiter des épreuves semblables qui ne peuvent manquer de survenir dans notre vie à tous.

Les « confessions de Jérémie » montent comme une prière, « une conversation intime avec Dieu, dans laquelle toute sa vie intérieure est mise à nu, avec ses angoisses, ses combats, ses tentations ; il se décharge lui-même de la détresse qui accable son esprit, avec la certitude confiante qu’il est entendu et compris de Dieu ».[1]

  1. Complot à Anatoth (11.18-23)

Jérémie est traqué. Le discours du Temple (7.1-10.25) l’a gravement compromis. Les prêtres et les prophètes ont réagi. « Tu vas mourir… c’est la mort que mérite cet individu car il a prophétisé contre cette ville : vous avez entendu de vos oreilles. » (26.8-9) Il a parlé contre le Temple et ce n’était pas le moment. Le sanctuaire rassemblait dans ses murs tant d’expériences, qu’il était devenu pour beaucoup le « fétiche national ».

Anatoth n’est pas loin. Jérémie quitte la capitale pour chercher refuge et paix parmi les siens. Mais les prêtres et les prophètes n’abandonnent pas la partie.

Les récentes malédictions de Jérémie ont fait scandale et sa famille est déshonorée et résolue au meurtre. C’est qu’à cette époque, un élément de scandale dans une famille était une ignominie bien plus grave qu’aujourd’hui et on l’effaçait le plus souvent dans le sang. Ce projet d’assassinat est approuvé des prêtres de Jérusalem, c’est donc une action bénie de Dieu qu’il faut réussir à tout prix !

La famille de Jérémie l’entoure de prévenances et de bonnes paroles. Sensible et timide, il est naturellement confiant. Mais brusquement, l’intuition jaillit, et fait tomber les masques. Jérémie découvre la présence hostile qui l’environne sournoisement, et sa confiance simple et paisible se change en amertume (12.6).

« L’Éternel m’en a informé et je l’ai su » ! (11.18) Il y a dans ce cri spontané une ferveur qui trahit la foi vivante de Jérémie et son amour pour son Dieu. Il est le familier de Dieu et il le sait : « Tu me connais et tu me vois. » (12.3)

C’est à l’Éternel qu’il s’en remet. Dieu se doit d’intervenir, car son honneur et sa Parole sont en jeu. Jérémie n’est-il pas menacé de mort pour avoir prophétisé au nom de Jahvé ? La réponse de Dieu est immédiate. Le sort des gens d’Anatoth est vite réglé (11.22, 23).

  1. Complainte au sujet du bonheur des impies (12.1-5)

La prospérité des impies et les souffrances des justes ont toujours constitué l’un des problèmes les plus angoissants pour l’homme. Au temps de Jérémie, il se posait de façon d’autant plus aiguë qu’on ne savait presque rien de l’au-delà et que la rétribution du bien et du mal était essentiellement conçue comme devant s’accomplir dans cette vie terrestre. Le livre de Job (surtout 21.7ss) et quelques Psaumes (37 ; 49 ; 73) ont également traité de ce problème, sans en donner une solution vraiment complète. La solution satisfaisante ne sera donnée qu’au temps messianique.

« Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère ? Pourquoi tous les perfides vivent-ils en paix ? » (12.1)

Le problème était donc posé : ce n’était pas une revendication, mais plutôt une humble demande d’explication et la réponse de Dieu paraît d’autant plus déroutante : « Si déjà tu t’épuises à courir avec des piétons, comment donc tiendras-tu en courant avec des chevaux ? » (12.5) La réplique est sévère, pleine d’ironie et humiliante. Pourtant Jérémie nous l’a confiée comme un aveu de sa faiblesse et c’est un beau témoignage de droiture et d’humilité.

En guise de réponse, Dieu lui pose deux questions. Par là, il lui fait comprendre que le prophète n’est pas au bout de ses épreuves mais qu’il doit se préparer à des luttes plus dures encore. Dieu n’a pas besoin de justifier sa conduite. Son serviteur est invité à s’appuyer sur la grâce et à maintenir fermement, par une foi courageuse, le principe posé au début de sa plainte : « Tu es juste, Éternel… » (12.1) C’est un appel à l’abandon définitif, et rien ne pouvait emporter l’adhésion de Jérémie comme cette nouvelle acceptation de la souffrance.

  1. Complainte et prière (15.10-21)

Jérémie a crié la « Parole » sur les places et dans les rues, suppliant le peuple de l’écouter, suppliant l’Éternel de suspendre les menaces qui s’accumulent au-dessus de l’horizon.

Mais le peuple est aveugle et Dieu demeure inflexible. Alors Jérémie sent durement sa solitude et le poids de sa mission l’écrase. Son ministère l’a séparé des siens : il est devenu célèbre dans tout le pays pour ses querelles et ses disputes (15.10). Ses visions de désastre ne se sont pas réalisées et l’ont couvert de ridicule. On lui retourne sous formes ironiques et sarcastiques les prédictions qu’il a faites au nom de l’Éternel (cf. 17.15).

Il est le prophète méprisé et maudit, et sa vie sans joie s’épuise en clameurs et en combats tumultueux et inutiles… Il est seul… La tristesse et le découragement l’envahissent : « Malheur à moi, ma mère, de ce que tu m’as fait naître… » (15.10).

Jérémie se réfugie dans la prière et il épanche son âme devant Dieu. Il rappelle les heures d’ivresse où Jahvé le comblait de lumière et de joie : « Tes paroles ont fait la joie et l’allégresse de mon cœur. » (15.16) Il supplie, étale son amertume, sa souffrance insupportable et le doute qui le ronge (15.15,18). C’est un échange familier où l’Éternel apparaît comme l’ami qui écoute et comprend les confidences.

La réponse divine (15.19-21) vient renouveler la vocation de Jérémie. Comme au jour du premier appel, Dieu oppose aux plaintes de son prophète, les exigences de sa volonté souveraine. Un mot a suffi pour lui rendre le calme, la joie et la paix : « Je serai avec toi pour te sauver et te délivrer. » (15.20)

  1. Psaume de détresse (17.14-18)

Les menaces de Jérémie, ses prédictions de désastre, ses visions épouvantables agaçaient le peuple bien plus qu’elles ne l’inquiétaient. Ninive était tombée en 612 et Jérusalem jouissait d’une sécurité au moins relative, suffisante pour entretenir l’optimisme facile du peuple judéen.

L’aigreur du prophète d’Anatoth s’explique aisément : cette fois la justice de Dieu n’est plus seule en cause, mais sa Parole elle-même est mise en doute. Le succès des méchants était déjà une injustice flagrante, et voici qu’à présent les prédictions du prophète restaient inefficaces : « Où est la parole de l’Éternel ? Qu’elle s’accomplisse donc ! » (17.15)

Jérémie est ébranlé : c’est bien malgré lui qu’il a prophétisé la violence et la ruine. Il y a bien trop d’amour et trop de souffrances dans sa vie pour qu’on le soupçonne de trouver un plaisir malsain dans ses oracles de malheur ! Jahvé en est témoin (cf. 17.16) !

Pour autant, Jérémie ne perd pas totalement courage : Dieu reste son « refuge au jour du malheur » (17.17).

Les malédictions que Jérémie profère ensuite, il les adresse à ses persécuteurs, à toute la classe dirigeante pour que le peuple, lui, soit épargné (17.18).

  1. Prière de vengeance à l’occasion d’un attentat (18.18-23)

Après l’échec de la force au Temple de Jérusalem (26) et celui de la ruse à Anatoth, on essaie à présent de le supprimer légalement (18.18). Les trois groupes d’adversaires de Jérémie se retrouvent, unis par la haine, impliqués dans les mêmes manœuvres louches.

Les prêtres, d’abord, les plus dangereux et les plus forts, soutenus par l’État, n’ont pas pardonné au prophète les attaques contre le culte formaliste et le fétichisme du Temple. C’était une atteinte directe à leurs intérêts.

Les prophètes eux aussi, accumulaient de lourdes dettes de haine contre Jérémie. Celui-ci, dans sa droiture, s’était ouvertement révolté et en termes violents contre leurs bassesses (cf. 23.14-16 ; 26).

Quant aux sages, Jérémie avait impitoyablement dénoncé les déformations qu’ils faisaient subir au sens profond de la torah (cf. 8.8-9).

Ainsi, prêtres, sages et prophètes, réunis sous les malédictions de Jérémie allaient tenter une fois de plus de l’assassiner. Il suffisait de le surprendre dans ses propres paroles et de le convaincre de blasphème. La loi suivrait son cours et il serait condamné en justice ; c’était simple et propre !

Devant le complot qui se dévoile, Jérémie se souvient de son amour pour eux (18.20). C’est pour les sauver qu’il avait accepté sa cruelle mission ! Aux oracles de malheur, aux menaces de ruine qu’il jetait par devoir à la face de ses adversaires, il ajoutait dans le secret sa prière douloureuse et suppliante pour le peuple.

Mais cette nouvelle tentative d’assassinat l’a rempli de dégoût. Il lance vers l’Éternel une prière de vengeance dont les accents passionnés font frémir. Il attend la justice de Dieu et l’appelle avec toute l’exigence de son âme tourmentée par l’angoisse (18.23).

  1. Désespoir (20.7-13)

La dernière confession est la plus passionnée. L’angoisse de Jérémie touche au délire. Dieu l’a trahi ! Les premiers mots semblent blasphématoires : « Tu m’as séduit, ô Éternel, et je me suis laissé séduire » (20.7, Semeur) Il voit clair, tout d’un coup : sa vie lui apparaît comme une vaste illusion et un échec lamentable… Il est seul, terriblement seul. Jahvé lui-même paraît l’avoir abandonné !

Jérémie lui aussi abandonne : « Je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nom. » (20.9a) Il veut se retirer pour toujours, avec son amertume et son amour blessé, dans le silence et dans la solitude. On devine la somme de souffrances qu’il fallut pour le réduire à cette extrémité !

Mais au milieu même des cris de rage du prophète, Dieu est là et cette présence mystérieuse le submerge : « Je m’efforce de le contenir, je ne le puis. » (20.9b) Jérémie a repris conscience de sa mission et surtout la main de l’Éternel est posée sur lui (20.11). La justice de Dieu viendra et le prophète peut déjà chanter sa joie devant Dieu : « Chantez à l’Éternel, louez l’Éternel ! Car il délivre l’âme du malheureux de la main des méchants. » (20.13)

Ce changement brutal peut nous étonner. Mais c’est un des aspects authentiques de la vie de prière : chez un homme comme Jérémie, dont la conscience est tout imprégnée de son Dieu, il est normal que les plus ravissantes extases voisinent avec les vertiges anéantissants du vide et du désespoir.

  1. Suprêmes malédictions (20.14-18)

Jérémie est écrasé par son existence insupportable et vocifère ses ultimes malédictions à la face des hommes et à la face de Dieu.

Ce passage doit-il être rattaché à ce qui précède ? Il est difficile d’affirmer ou d’infirmer l’unité du chapitre 20. Il est bien possible qu’il s’agisse d’une longue crise psychologique dont Jérémie nous livrerait tour à tour les exaltations et les dépressions.

Le prophète d’Anatoth se laisse couler sans espérance dans les abîmes qui l’obsèdent nuit et jour. Des mots fous jaillissent sur ses lèvres, des mots qui cognent et s’acharnent contre le destin inexorable. Il maudit le jour de sa naissance comme la racine de sa misère, de sa tristesse et de sa honte.

Ses hurlements sont spontanés et souvent même incontrôlés. C’est un homme torturé qui hurle ! Sans souci d’une thèse à défendre ni de la postérité à éduquer. Il crie parce qu’il souffre ; mais il crie devant Dieu. Et en cela il reste farouchement fidèle !

* * *

Jérémie a crié pour tous les hommes : ses clameurs rassemblent en elles les angoisses et les espérances du monde pour les jeter devant Dieu et implorer furieusement sa justice. Son angoisse et son désespoir, à la fois d’homme et de prophète, ont les mêmes racines que les nôtres, et font vibrer en nous d’étranges harmoniques qui nous bouleversent et nous rassurent tout à la fois. Ce sont des cris d’humanité : ils retentissent au travers de l’histoire et témoignent du caractère atroce de la souffrance et du tragique de la condition humaine.

Mais Jérémie ne sombre pas dans le néant. Au cœur même de son amertume, il découvre la mystérieuse présence de celui qui « sonde les cœurs et les pensées », le « juste juge » (11.20, Semeur).

L’homme moderne se découvre écartelé entre son élan vers l’éternel et le caractère fini de son existence… C’est pourquoi la Bible est la plus belle réponse aux hommes de notre temps. Par elle, c’est Dieu qui pénètre dans le temps avec nous. En Jésus-Christ, Dieu s’est fait homme, assumant pleinement notre condition humaine : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. » (És 53.4)

Jérémie a clamé sa détresse ; ses confessions, assumées par l’Esprit, sont des Paroles de Dieu.[2]

[1] John Skinner, Prophecy and religion, Studies in the life of Jeremiah.

[2] Cet article est largement inspiré des 2 études suivantes :

Behler, G.-M., Les Confessions de Jérémie, coll. Bible et vie chrétienne, Casterman et Maredsou, 1959.

Béguerie Ph., Leclercq J., Steinman J., Études sur les prophètes d’Israël, coll. Lectio Divina 14, Le Cerf, 1954, pp. 111-145.

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En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Écrit par

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

Écrit par

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Écrit par

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)

 

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