L’engagement politique du chrétien d’après Jacques Ellul

Le but de cet article est de présenter de façon succincte la pensée de Jacques Ellul au sujet de l’engagement politique du chrétien.
Il faudrait des centaines de pages pour rendre compte de toute la richesse de cette pensée, et j’espère que cette brève introduction vous donnera envie d’en savoir davantage.
Un bon moyen de le faire, c’est de lire les ouvrages dont le titre figure parfois entre parenthèses dans l’article.
Jacques Ellul (1912-1994) a été enseignant à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux dès sa création en 1948, et jusqu’à son départ à la retraite, en 1980. C’était aussi un chrétien engagé, à la fois dans la réflexion et dans l’action.
Au cours de sa longue carrière et au prix d’un labeur acharné, il a écrit une soixantaine de livres et plus d’un millier d’articles, sur des sujets aussi divers que la technique, la révolution, la politique, les lieux communs, mais aussi la Genèse, l’Ecclésiaste, l’Apocalypse, etc.
Spécialiste de la pensée de Karl Marx, il s’est toujours tenu à l’écart du marxisme (dans lequel il voyait une idéologie), tout en proclamant se référer à cette pensée, en même temps qu’à la Bible…
Cette double référence fait de lui un penseur original et atypique, présentant des analyses de la société d’une très grande finesse et sans concession. Son œuvre est entièrement axée sur la liberté, et fondée sur l’espérance, au sens biblique de ces termes.
Je crois que l’on ne peut pas se passer de son apport quand on réfléchit à l’engagement du chrétien dans la société, que ce soit au niveau de l’éthique ou à celui de la politique, que l’on adopte ses conclusions ou non. Par contre, on ne peut pas toujours suivre ses développements théologiques ou ses commentaires sur la Bible car il s’écarte parfois gravement de l’orthodoxie évangélique.
Dans les lignes qui suivent je n’aborderai que quelques aspects de la pensée de Jacques Ellul, ceux qui m’ont le plus marqué et inspiré et qui sont en rapport avec le thème de ce numéro.

Dans le monde, mais pas du monde

Comme tout lecteur attentif des Évangiles le sait bien, la position du chrétien ici-bas a été définie par le Seigneur Jésus dans sa prière pour les siens : « dans le monde », mais « pas du monde » (Jean 17.11-18). D’autres textes des épîtres apportent des précisions que nous verrons plus loin, mais l’idée de base est celle-là : le chrétien ne fait pas partie du monde dans lequel il vit.
Cette position n’est bien sûr pas facile (nous l’expérimentons tous les jours), car bien que n’en faisant pas partie, le chrétien vit dans le monde et partage le sort de ceux qui l’entourent. Comment doit-il se comporter pour glorifier Dieu au milieu de ses contemporains ?
Bien entendu, chacun l’a compris, le monde dont il est question ici n’est ni l’univers ni l’ensemble des personnes qui vivent sur la terre à un moment donné. Mais alors, qu’est-ce que la Bible appelle le monde ?

Le monde, et son prince

La plupart des lecteurs du Nouveau Testament seront d’accord pour dire que dans de nombreux passages, le terme «monde » désigne la société organisée dans le rejet de Dieu. C’est de ce monde-là que Satan est le prince (Jean 12.31).
Notre mot français « politique » vient du mot grec « polis » qui désignait la cité des grecs, la société grecque. Pour Jacques Ellul, « le politique est le domaine, la sphère des intérêts publics gérés et représentés par l’État. La politique est l’action relative à ce domaine, la direction du groupement politique, l’influence que l’on exerce sur cette direction. » (L’illusion politique, p. 13)
Quand nous traitons du sujet « le chrétien et la politique », c’est bien de l’action du chrétien dans ce domaine des intérêts publics gérés par l’État que nous parlons, de l’action du chrétien dans la société organisée.
Ce qui fait que si l’on accepte la définition du terme « monde » donnée au début de ce paragraphe, la politique est l’action dans l’organisation de ce monde, et l’engagement politique du chrétien est sa participation à l’organisation de la société dans laquelle il vit, société que la Bible appelle « le monde ».
La conclusion que Jacques Ellul tire à la fois de ce qui précède, de son analyse minutieuse de la société et de sa grande expérience de la politique est sans appel : « La politique est l’image actuelle du Mal absolu. Elle est satanique, diabolique, le lieu central du démoniaque. » (« La foi au prix du doute, p. 279 »).
Nombreux sont les chrétiens qui refusent l’engagement politique, mais je n’en connais aucun qui ait des paroles aussi dures pour définir la politique. Et en plus, cette définition ne découle pas du fait que d’après le Seigneur Jésus lui-même c’est Satan qui est le prince de ce monde : elle résulte de l’observation des faits, et confirme (si besoin en était) la parole du Seigneur.
Et pourtant, le Seigneur nous laisse dans le monde, et il ne fait rien sans but ! Alors, quels sont notre statut et notre fonction dans ce monde ?

Pas du monde

Le salut dont le chrétien bénéficie du fait de l’œuvre de Jésus-Christ à la croix, ce n’est pas seulement le pardon des péchés et la justification. C’est aussi la rédemption, c’est-à-dire la délivrance de l’esclavage du péché et de Satan.
Celui qui a accepté le salut offert par le Seigneur Jésus a été « racheté de la vaine manière de vivre héritée de ses pères » (1 Pierre 1.18), « pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus » (1 Thessaloniciens 1.9-10).
Bien plus, il est devenu un enfant de Dieu (1 Jean 3.1) et a été transporté dans le royaume du Fils bien-aimé de Dieu (Colossiens 1.13).
Voilà pourquoi le Seigneur Jésus lui-même affirme que ses disciples ne sont pas du monde (Jean 17.14). Quant à l’apôtre Paul, il exprime la même vérité quand il dit que « notre citoyenneté est dans les cieux » (Philippiens 3.20).
Le chrétien n’est pas du monde, parce qu’il fait partie du royaume de Dieu, et nous pourrions citer de nombreux textes des Évangiles à ce propos. «Cela veut dire qu’il a une pensée, une vie, un cœur qui ne sont pas dirigés par le monde, qui ne dépendent pas du monde, mais qui sont à un autre maître. […] Nous n’avons le droit ni de nous accoutumer à ce monde, ni de le voiler d’illusions chrétiennes. » (Présence au monde moderne, p. 15)
Et pourtant, c’est vrai aussi, le chrétien est dans le monde… mais il y « séjourne » seulement (1 Pierre 1.17) ; il y est comme « un étranger, un voyageur (forain) » (1 Pierre 2.11).
C’est son statut, mais qu’en est-il de sa fonction : pourquoi le Seigneur le laisse-t-il comme un étranger dans un pays qui n’est pas le sien ?

Ambassadeur du Royaume

Quelqu’un qui séjourne dans un pays qui n’est pas le sien peut le faire en tant que touriste, ou en tant que travailleur expatrié y remplissant une mission, pour une entreprise par exemple.
Jacques Ellul, se référant à 2 Corinthiens 5.20, définit la mission du chrétien dans le monde comme celle d’un ambassadeur. Un ambassadeur représente les intérêts de son pays dans un autre pays, auprès des autorités de ce pays qui n’est pas le sien mais dans lequel il séjourne.
On voit clairement ici le lien avec la définition de ce qu’est la politique : la fonction d’un ambassadeur est politique. Le chrétien est un ambassadeur du royaume de Dieu auprès de ce monde régi par Satan, et d’abord auprès des sujets de ce monde. Comment ? Nous allons le voir.

Brebis au milieu des loups

Dans le monde, les chrétiens sont « comme des brebis au milieu des loups » (Matthieu 10.16). « Le chrétien est signe de la réalité de l’action de Dieu. L’agneau de Dieu, c’est Jésus-Christ, et c’est lui qui ôte les péchés du monde. Mais tout chrétien est traité comme son maître, et tout chrétien reçoit de Jésus-Christ la participation à son œuvre. Il est une brebis, non parce que son action ou son sacrifice a un caractère purificateur pour le monde, mais parce qu’il est un signe vivant, réel et toujours renouvelé au milieu du monde, du sacrifice de l’agneau de Dieu. […] Il est essentiel que les chrétiens veillent à ne pas être spirituellement des loups : des dominateurs spirituels. Il faut que les chrétiens acceptent la domination des autres sur eux et le sacrifice quotidien de leur vie, qui renvoie au sacrifice de Jésus-Christ. » (Présence au monde moderne p. 18)

Lumière du monde

Dieu étant lumière (1 Jean 1.5), son royaume est un royaume de lumière et ses enfants des « enfants de lumière » (Éphésiens 5.8), qui brillent dans le monde (Philippiens 2.15-16, Matthieu 5.14).
« La lumière est ce qui chasse les ténèbres, ce qui sépare la vie de la mort, ce qui donne le critère du bien. […] Hors de cette lumière, on ne peut rigoureusement pas savoir ce qu’est une bonne œuvre, ni ce qu’est le bien.» (« Présence au monde moderne », p. 17) On ne peut donc pas savoir non plus quelles sont les exigences de Dieu pour l’homme, ni comment y satisfaire.

Sel de la terre

Les enfants de Dieu sont aussi « le sel de la terre » (Matthieu 5.13). Le sel préserve de la corruption, et il est le signe de l’alliance de Dieu (Lévitique 2.13). « Le chrétien est donc devant les hommes et dans la réalité spirituelle de notre monde, signe visible de l’alliance que Dieu a faite en Jésus-Christ avec ce monde de la nouvelle alliance. Mais il faut qu’il le soit véritablement, c’est-à-dire que dans sa vie et ses paroles, il fasse apparaître cette alliance aux yeux des hommes. » (« Présence au monde moderne », p. 17)

Serviteur de la réconciliation

Tout en mentionnant par ailleurs la prédication de la Parole de Dieu, Jacques Ellul voit la mission du chrétien essentiellement comme celle d’être un signe, le signe que la réconciliation avec Dieu est possible, par l’œuvre de Jésus-Christ.
« Nous sommes mis par Jésus-Christ en présence de la fonction particulière du chrétien et il ne peut y en avoir d’autre. Il ne peut pas être autrement, il n’a pas le choix, et s’il n’est pas ainsi, il ne remplit pas son rôle. C’est une trahison à l’égard de Jésus-Christ mais aussi à l’égard du monde. Il peut toujours s’évertuer aux bonnes œuvres et se dépenser en activités pieuses ou sociales. Cela ne signifie absolument plus rien s’il n’accomplit pas la seule mission dont il a été chargé par Jésus-Christ et qui est d’être d’abord un signe. » (« Présence au monde moderne », p. 17)
Quelque part, Jacques Ellul nous rappelle ainsi que la façon dont nous vivons dans le monde, notre comportement et nos attitudes, sont plus importants que nos paroles dans la proclamation de la bonne nouvelle du salut que Dieu propose à l’homme en Jésus-Christ.

Vous avez dit : politique ?

Dans un certain sens, tout cela est éminemment politique, puisqu’il s’agit de la vie du chrétien dans la cité, au milieu des hommes, et certains pensent que cela suffit, que l’engagement politique du chrétien ne doit pas aller au-delà.
Mais le fait d’être ambassadeur du Royaume de Dieu au milieu du royaume de ce monde, caractérisé par « le pouvoir des ténèbres » (Colossiens 1.13), suppose beaucoup plus que cela.
Jacques Ellul récuse toute action de politique politicienne, démontrant dans l’un de ses ouvrages qu’elle est basée sur une double illusion : celle de l’homme politique et celle du citoyen. En effet, l’homme politique croit maîtriser le Pouvoir et prendre des décisions efficaces, alors que la rigueur croissante des appareils d’État le réduit de plus en plus à l’impuissance. Quant au citoyen, il croit pouvoir orienter, participer, alors qu’il peut tout au plus contrôler des hommes politiques sans pouvoir réel.
De plus, pour Jacques Ellul, le ressort de toute action politique est la volonté de puissance, la recherche du pouvoir, et son arme par excellence est la propagande, qu’il qualifie de « mensonge en soi ». Quand il dit de la politique qu’elle est « diabolique », c’est dans le sens littéral du mot : la politique divise ; le fait même d’appartenir à un parti suppose la diabolisation de l’autre.
Pour le chrétien, il est clair que le mensonge nous renvoie à l’entrée du péché dans le monde, tandis que la volonté de puissance est en parfaite contradiction avec l’attitude du Seigneur (Philippiens 2.1-10), attitude que nous sommes pressés d’avoir puisque nous nous réclamons de lui.
Est-ce à dire que notre seule participation à la vie de la société dans laquelle nous vivons doit être celle que nous avons définie plus haut : être lumière du monde, sel de la terre et serviteur de la réconciliation, tout en étant des brebis au milieu des loups ?

Une politique non-politicienne

Si nous vivons ainsi, c’est déjà très bien, mais cela ne correspond pas pleinement à la fonction d’ambassadeur du Royaume de Dieu. En effet, cela définit notre façon d’être des ambassadeurs de ce Royaume de Dieu auprès des sujets du royaume de ce monde, mais pas notre mission auprès de ce monde lui-même, du système de la société organisée en ses différentes institutions.
Participer à la vie de la société en étant porteur de valeurs qui lui sont étrangères, c’est déjà un acte politique ; témoigner de ces valeurs auprès des institutions de cette société, c’en est un autre, qui correspond vraiment à la fonction d’un ambassadeur qui défend les intérêts de son pays à l’étranger.
C’est tout autre chose que de vouloir « christianiser le monde », lui imposer nos valeurs par l’action politique. Essayer cela, c’est aller à l’échec, car « la politique possède un pouvoir d’absorption, d’assimilation irrésistible. […] Même le chrétien est pris dans le dilemme tragique, ou il cherche à rester chrétien et fera une politique stupide (Carter), ou il sera un politique efficace mais cessera fondamentalement, radicalement d’être chrétien. » (« La foi au prix du doute », p. 293).
Tirant des leçons de l’Histoire, Jacques Ellul fait remarquer à juste titre que le christianisme a été subverti par sa collusion avec l’état à partir du IVe siècle sous Constantin, et va jusqu’à dire que « le christianisme est la pire trahison du Christ » (« La subversion du christianisme »).
Il ne s’agit donc pas pour le chrétien d’établir le royaume de Dieu sur terre, mais d’y proclamer ses valeurs et de vivre dans l’espérance, dans la perspective de son établissement par le Seigneur.
Alors que ses analyses auraient pu le conduire au pessimisme, Jacques Ellul a proclamé toute sa vie son espérance en cet établissement du Royaume par Jésus-Christ à la fin des temps, et s’est engagé activement dans sa fonction d’ambassadeur de ce Royaume. Comment ?
En ne perdant aucune occasion de témoigner des valeurs du Royaume, par la parole ou par la plume, en particulier par le moyen de chroniques dans les journaux.
Tout en nous invitant à l’imiter, il nous met en garde : il ne s’agit pas de signer des pétitions ou de participer à des actions collectives, car « toute prise de position politique a une signification politique, d’abord, indépendamment des interprétations individuelles que j’aimerais lui donner. » (« L’illusion politique, » p. 132) Il s’agit d’être signe du Royaume de Dieu, là où nous sommes, à chaque instant, selon que l’Esprit-Saint nous conduira.
Jacques Ellul nous invite à nous acquitter de notre fonction d’ambassadeurs du Royaume de Dieu en nous engageant dans l’action politique non-politicienne, et nous rappelle que « cette action est un combat » non contre la chair et le sang, mais contre les puissances, les trônes, les dominations. «  Et nous devons savoir que ce combat, d’abord principalement spirituel, est un combat mortel. » (« Présence au monde moderne, » p. 74)
Mais Jésus-Christ est Seigneur, et il vient établir son Royaume !

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)