La patience de Job

Voici, nous disons bienheureux ceux qui ont souffert patiemment. Vous avez entendu parler de la patience de Job, et vous avez vu la fin que le Seigneur lui accorda, car le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion (Jac5.11).

NB: Les références en chiffres seule- ment se réfèrent au livre de Job; p.ex.: (1.21) = (Job 1.21).

La patience de Job? Etrange association de mots, à la vérité, car le bouillant et véhément malade ne ressemble en rien à un agneau muet et résigné. Pour le lecteur qui émerge de plus de trente chapitres de diatribes entre Job révolté et ses amis fâcheux, il est assurément difficile de discerner en Job un modèle de patience. Le terme grec utilisé par l’apôtre Jacques (hypomone), et traduit dans nos versions françaises par «patience», «constance», «endurance», suggère «l’action de supporter sans fléchir, ou sans se laisser entamer» (Dict. Bailly). Est-ce bien l’attitude générale de Job au sein de l’épreuve? Ce dernier offre-t-il au monde le spectacle d’une foi stoïque et impassible? Persiste-t-il longtemps dans l’admirable logique qu’il soutient en face de la vague déferlante des premiers malheurs:

L’Eternel a donné, et l’Eternel a ôté; que le nom de l’Eternel soit béni! (1.21). Quoi! nous recevrons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal! (2.10).

Non, la patience de Job ne sera pas celle d’un être désincarné ou d’un surhomme; elle ne sera ni muette ni résignée;elle ne sera pas celle d’un être qui abdique facilement, ou qui cherche une issue à n’importe quel prix. En un mot, la patience de Job ne sera jamais celle d’un lâche.

Pour bien saisir ce qu’une telle patience comporte d’exemplaire, il faut d’abord observer le comportement de Job et dégager ses principaux traits de caractère; nous tenterons ensuite de décrire la nature de sa foi et de comprendre comment, en fin de compte, le Tout-Puissant peut réhabiliter son serviteur.

I. Patience et réalisme

La patience de Job se conjugue d’abord avec sa lucidité. Job ne minimise jamais son mal, ni ne le cache. Malgré la flatteuse réputation dont il jouit (cf 29), il ne songe ni à dissimuler ses plaies et la laideur de son apparence, ni à voiler ce qu’il ressent. Peu intéressé par la préservation de son image de marque, il expose son désespoir (6:11-13; 17.16), crie sa douleur physique (7.3-5), son amertume (7.11; 10.1; 27.2), ses angoisses (7.11; 6.21). Job avait été rendu fort et célèbre par la grâce de Dieu; il sait maintenant se voir malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu (cf. Ap 3.17).

Ce n’est pas à dire qu’il n’ait pas honte de son état (10.15; Il.5), ni qu’il ne souffre pas vivement du mépris dont on l’abreuve (19.3.1-19). Sa lucidité lui représente telle qu’elle est toute l’étendue de son naufrage. Peut-être ressent-il même quelque chose de ce que Christ a dû éprouver lorsqu’on l’apostrophait: Il a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix… (Mat 27.42). En effet, Job est trop intègre pour ne pas sentir profondément l’acuité de certaines flèches: Tes paroles ont relevé ceux qui chancelaient, tu as affermi les genoux qui pliaient. Et maintenant qu’il s’agit de toi, tu faiblis! (4.3-6).

Tout lucide qu’il soit, Job pourrait néanmoins chercher des faux-fuyants. Or il préfère admettre son impuissance face à l’épreuve (16.6-8), et le trouble profond qui s’est emparé de tout son être (3.26). En cela, il se tient aux antipodes d’un certain optimisme contemporain qui se voile la face devant la réalité du péché et de la misère humaine, et croit pouvoir trouver son salut dans n’importe quelle thérapie à la mode, dans n’importe quelle frivolité distrayante, ou dans les chimères de la «pensée positive». Job, à aucun moment, ne perd de vue son état réel, à l’horreur de sa déréliction.

Ainsi, la patience de Job se définit d’abord comme la capacité de maintenir sur soi-même, au sein de la plus totale déchéance, un regard exact.

Ici déjà, Job nous donne une leçon. Car quel est en effet l’obstacle majeur sur le chemin de la conversion, et ensuite sur celui de la vie chrétienne? N’est-ce pas que nous portons, sur le gravité du péché et l’absolue détresse de l’homme sans Dieu, un jugement superficiel? N’est- ce pas que nous fermons les yeux sur le fait que notre vielle nature humaine est invariablement mauvaise? A tous les chrétiens tentés d’oublier leur condition première, l’apôtre Jacques déjà recommande: Sentez votre misère; soyez dans le deuil et dans les larmes; que votre rire se change en deuil, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera (Jac 4.9- 10). Oui, il faut de la patience et du réalisme pour maintenir qu’en ce qui concerne notre condition originelle, de la plante du pied jusqu’à la tête, rien n’est en bon état: ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives… (Es 1.6).

Mais de ce regard sans illusions sur nous-même dépend la possibilité, pour le Seigneur, de nous relever et de manifester en nous sa nouvelle création (2 Cor 5.17).

II. Patience et exigence de justice

A aucun moment, Job ne se sent responsable de son malheur (9.21 et ss; 12.4). Jusqu’à mon dernier soupir, je défendrai mon innocence; je tiens à me justifier, et je ne faiblirai pas; mon coeur ne me fait de reproche sur aucun de mes jours (27.5-6).

Et de ce fait, Dieu lui-même semble confirmer ce certificat d’excellence lorsque, d’entrée de jeu, il déclare à Satan qu’il n’y a personne comme Job sur la terre; c’est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal (1.8).

Quant à Job, l’incompréhensible supplice qui lui est imposé lui donne le sentiment d’être cerné par Dieu (3.23; 6.4; 16.9), d’être pris à partie sans raison (7.17-21), d’être contraint à une confrontation par trop inégale (9.2-4; 14.3- 4), d’être piégé par un Dieu rancunier (10.13,14), d’être l’objet d’une mystérieuse crise de colère divine (14.13).

Devant un tel torrent d’assauts divins, un autre que Job aurait probablement battu en retraite. Il eût été plus facile d’acquiescer aux propos des «consolateurs», d’avouer n’importe quoi pour avoir la paix. Au lieu de cela, Job demande des comptes à Dieu.

Excédé par le silence de Dieu, et l’absence d’explications plausibles, Job va d’abord maudire le jour de sa naissance (3.1), puis exiger que Dieu le laisse respirer un peu (10.20) ou qu’il l’écrase définitivement (6.9). L’ensemble des discours de Job ne forment du reste qu’une longue revendication, l’exigence d’un homme qui pense qu’il a droit à un procès en règle, ou alors à la paix.

Remarquons ici que Job ne pense pas que, de manière absolue, il soit sans faute ni péché (7.21; 9.2-3; 13.26; etc). Ce qui révolte Job, c’est que Dieu semble désormais le poursuivre pour des péchés déjà pardonnés, ou même des péchés fictifs: Aujourd’hui tu comptes mes pas, tu as l’oeil sur mes péchés; mes transgressions sont scellées en un faisceau, et tu imagines des iniquités à ma charge (14.16-17).

Or, pendant ces nombreuses années de prospérité, Job a appris à considérer le Dieu tout-puissant comme son ami, comme le Seigneur qui daigne traiter avec l’homme non sur la base de la seule justice et sainteté divines, mais aussi sur celle de la grâce et de la miséricorde: Tu m’as accordé ta grâce avec la vie, tu m’as conservé par tes soins et sous ta garde (10.12). Par rapport au statut d’antan, Dieu semble avoir fait volte-face: Voici… ce que tu cachais dans ton coeur… Si je pèche, tu m’observes, tu ne pardonnes pas mon iniquité (10.13-14).

Voilà donc l’injustice que Job, obstinément, dénonce. Job crie à la rupture d’alliance, à l’incohérence de traitement. Tout se passe comme si Job refusait à Dieu le droit d’être autre chose que ce qu’il est: juste et bon, saint et miséricordieux.

Bien sûr, Job se trompe lorsqu’il croit pouvoir demander des comptes à l’Eternel, lorsqu’il imagine que son problème pourrait être réglé par une «explication», lorsqu’il accuse Dieu d’injustice et tente d’enfermer Celui qui est au-dessus de toute créature dans la logique de la créature. Job finira par avouer qu’il a parlé, sans les comprendre, de merveilles qui le dépassent (42.3). Toutefois, il y a quelque chose d’admirablement exact dans l’affirmation opiniâtre de Job: si Dieu n’est plus égal à lui-même, nos chances de subsister devant lui et sur cette terre sont nulles. C’est pourquoi Dieu fera remarquer aux amis de Job: Vous n’avez pas parlé de moi avec droiture comme l’a fait mon serviteur Job (42.7).

Dans cette perspective, la patience de Job prend l’allure d’une lutte avec Dieu dont l’enjeu principal est, non une bénédiction secondaire, mais une pleine réconciliation avec Dieu lui-même. Comme Jacob luttant avec l’ange du Seigneur, comme Jonas dans le ventre du poisson, Job insiste jusqu’à ce que Dieu réponde et se montre favorable. Car enfin, à quoi sert la guérison et la bénédiction (et la prospérité, et la richesse, et le succès) si l’on n’est pas sûr des intentions du souverain Médecin?

Job nous enseigne que, quelle que soit l’épreuve qui nous frappe, quelque éloigné que semble se tenir le Seigneur, quelque distante que semble sa voix, il nous appartient de ne jamais cesser de le chercher. Jacques, encore une fois, nous y exhorte: Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu’à ce qu’il ait reçu les pluies de la première et de l’arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos coeurs, car l’ avènement du Seigneur est proche (Jac 5. 7b- 8).

III. Patience et connaissance de Dieu

Nous l’avons dit, Job connaît son Dieu de longue date. Le prologue du livre laisse même apparaître comme une sorte de vieille connivence entre Dieu et Job, à la grande déconvenue de Satan.

Les habitudes du «plus éminent de tous les fils de l’Orient» dénotent un respect profond et authentique à l’ égard de Dieu (1.1-5). A ce moment déjà, on devine que Job n’est pas un simple croyant par opportunisme et commodité. Le désir de ce serviteur de l’Eternel, c’est de bénir son Maître et de le laisser libre d’agir à sa guise.

Pourtant, lorsque la souffrance devient intolérable et qu’elle doit trouver un exutoire, lorsque les accusations injustifiées pleuvent sur le malheureux, Dieu se voit placé, comme les amis bien-pensants, sur la sellette – pour parler avec modération.

Toutefois le lecteur ne peut manquer d’être surpris par quelques déclarations qui, au passage, révèlent que la connaissance que Job possède des choses de Dieu est beaucoup plus vaste que le prologue le laissait entrevoir.

Il y a surtout cette certitude, bouleversante de la part d’un homme qui se sent victime de la colère de Dieu, qu’un jour il verra Dieu en face, et que ce dernier lui sera favorable: Après que ma peau aura été détruite, moi-même je contemplerai Dieu. Je le verrai, et il me sera favorable; mes yeux le verront, et non ceux d’un autre; mon âme languit d’attente au-dedans de moi (19,26-27). Comment expliquer cette bouffée de joie farouche, cette certitude incompréhensible? On touche ici au mystère même de la foi et de l’amour que l’amour de Dieu peut engendrer dans un coeur d’homme. L’amour est fort comme la mort, dit le Cantique des Cantiques, les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeraient pas (Cant 8.6- ,7). Les années que Job a passées en compagnie de Dieu ont laissé en lui une empreinte indélébile, une attente indestructible. N’est-ce pas aussi cela qui confère à sa patience une valeur que Dieu peut honorer?

Mais plus encore, le coeur de Job abrite l’intuition prophétique qu’il y a dans le ciel un Témoin qui prend sa défense, un Médiateur qui le représente là où lui, Job, n’a pas encore accès: Déjà maintenant, mon témoin (ou avocat) est dans le ciel, mon témoin est dans les lieux élevés (16.19); Lui, qu’il défende l’homme contre Dieu, comme un humain intervient pour un autre (16.21, trad TOB; la King James traduit dans le même sens. Voir aussi 19.25).

A l’heure où tous ses amis l’abandonnent, et où Dieu se cache, Job s’accroche donc à cette ultime pensée que Dieu donne à tout croyant un Défenseur céleste. Aussi va-t-il jusqu’à formuler cette étonnante prière à son Dieu: Sois auprès de toi-même ma caution; autrement, qui répondrait pour moi? (17.3).

Avec quelques millénaires d’avance, Job a écrit Romains 8. Il a saisi Jésus-Christ par anticipation, et ne l’a pas lâché.

La troisième leçon de patience que Job nous enseigne, c’est que le croyant en proie à la difficulté peut passer à travers bien des doutes quant aux intentions de Dieu pour lui (cf. 10.2 et ss); il peut connaître toute une gamme de sentiments, de la révolte à la terreur, du désir de vivre au désir de mourir; mais s’il a un jour rencontré Christ, goûté et accepté son pardon, marché dans sa présence, cette relation ne sera jamais anéantie. Elle est le gage certain de ce qu’un jour nous verrons Dieu, et qu’il nous sera favorable, car Dieu nous a réconciliés avec lui par Christ (2 Cor 5.18-19).

Ainsi, l’épreuve du croyant n’est plus le signe d’une condamnation, mais le creuset de la foi, l’occasion pour Dieu de nous accorder une mesure supplémentaire de miséricorde et de compréhension de sa grandeur: Mon oreille avait entendu parler de toi; mais maintenant mon oeil t’a vu (42.5); la réponse aux besoins physiques, affectifs et moraux du serviteur éprouvé découle de cette révélation (42.10-17).

Heureux l’homme qui supporte patiemment la tentation; car après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment (Jac 1.12).

C.-A.P.

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)