Jephté: L’étrange voeu d’un marginal

(Juges 11.29-40)

Qui dit Jephthé dit voeu; qui dit voeu dit Jephthé. Du ministère de ce juge, le lecteur ne retient souvent que le récit de son voeu étrange. Impossible de dissocier les deux. Mais en quoi consistait exactement cet engagement? Etait -il plaisant ou déplaisant, exemplaire ou exécrable? Dans quel esprit et pour quelle raison a-t-il été fait?

L’interprétation de cet acte oppose adversaires et sympathisants de notre juge. Les uns voient en lui un produit des cultures cananéennes, un homme qui n’a pas hésité à sacrifier sa propre fille pour s’acheter la bénédiction divine. Les autres, sans l’approuver entièrement dans sa démarche, suggèrent que Jephthé s’est contenté de consacrer sa fille au service du tabernacle.

La difficulté à trancher entre les deux points de vue vient souvent d’une négligence (pour ne pas dire d’une ignorance) du contexte, car faut-il le rappeler, les 12 versets de notre récit font partie d’un ensemble beaucoup plus large (60 versets: Jug 10.6-12.7). Evaluer la force de chaque position sans étudier les développements antérieurs et postérieurs, c’est s’aventurer sans boussole dans une jungle d’arguments.

Notre étude du contexte examinera les données relatives, (l) à l’ensemble du livre des Juges, (2) au cadre fixé par le ministère des juges précédant et suivant immédiatement Jephthé, (3) à la structure du sixième cycle d’oppression / libération, (4) au contenu particulier de ce cycle. Nous serons alors mieux à même de discerner l’ivraie du bon grain dans les arguments avancés par les différents commentateurs. Mais avant de prendre envol pour cette approche globale, précisons les éléments clés de chaque position.

Sacrifice humain ou consécration au service de Dieu?

Les critiques de Jephthé relèvent comme argument fondamental la mention du mot holocauste ( «olâ : 11.31). Selon eux, ce mot est toujours utilisé pour décrire un sacrifice entièrement brûlé. Pour expliquer l’abomination du sacrifice humain, ils relèvent l’arrière-plan du juge et la dégradation morale de son époque. Notre juge est né d’une prostituée (probablement païenne puisque la prostitution était bannie d’Israël pendant la majeure partie de son histoire ). Il semble avoir vécu à l’étranger (le pays de Tob) entouré d’hommes de rien ( 11.3). Ce contexte païen pourrait expliquer la perversion des valeurs morales et spirituelles de Jephthé. Plus tard, le massacre de 42 000 hommes d’Ephraïm (12,1-6) semble confirmer ce jugement. Quant à l’ absence de reproches du peuple suite à ces infamies, elle serait due à la dégradation morale et spirituelle de l’époque.

De l’autre côté, les défenseurs de Jephthé avancent que le juge est mentionné comme héros de la foi dans le Nouveau Testament (Héb 11.32), que l’Esprit divin était sur lui (Jug 11.29), que le drame principal du récit est la virginité et non la mort de la fille de Jephthé. Enfin, la passivité du peuple devant un sacrifice humain serait inexplicable, même en des temps d’apostasie. Ne voit-on pas le peuple réagir violemment à une autre abomination à la fin du livre, alors que le peuple est au plus bas (19.30-20.1)?

Le contexte du livre: le thème du leadership

Comme nous avons eu l’occasion de le relever dans nos études précédentes (Promesses 99-104), le livre des Juges présente le ministère des leaders sous un regard favorable. La corruption rencontrée à cette période en Israël ne vient pas des juges, mais du peuple. Celui-ci préfère se tourner vers les idoles plutôt que de suivre la voie tracée par leurs chefs (voir en particulier Promesses 99: 1992/1 ). Mis à part quelques légers écarts, le comportement des juges est irréprochable:

Le Nouveau Testament interprète dans le même sens leur ministère: non seulement rien de négatif n’est mentionné à leur sujet, mais surtout quatre d’entre eux (dont Jephthé) sont cités comme héros de la foi (Héb 11.32).

Concernant le voeu, on doit relever la mention de la venue de l’Esprit de l’Eternel sur le juge juste avant la formulation de son voeu (11.29-30). Six des sept références à l’Esprit de l’Eternel dans ce livre ont pour but d’aider le lecteur à interpréter correctement un récit qu’il pourrait, de prime abord, mal comprendre. (La première référence sert à qualifier le ministère du juge-type Othniel: 3.10). Ainsi, l’auteur nous met en garde de ne pas lire négativement cette action du juge: Jephthé était pleinement guidé par le Seigneur quand il s’est engagé par son voeu. L’étude détaillée du texte nous montrera en quoi son voeu était le produit d’un coeur noble. Cependant avant de le faire, notre attention s’arrêtera sur le contexte historique du juge et la structure du cycle.

Le cadre des prédécesseurs et successeurs: le thème de la descendance

Le ministère de Jephthé est entouré par celui de cinq petits juges, deux avant (Tola et Yaïr : 10.1-5) et trois après (Ibstân, Elôn et Abdôn: 12.8-15). Le qualificatif petit qui leur est appliqué ne caractérise ni la durée de leur règne (les deux premiers ont régné trois fois plus longtemps que Jephthé) ni leur influence (Yaïr, Ibtsân et Abdôn ont profondément marqué les générations suivantes par leurs descendants), mais par la place que l’auteur leur consacre: le ministère de chacun est «expédié» en deux ou trois versets.

Cependant, tout petits qu’ils soient, on aurait tort de les ignorer. L’auteur des Juges a choisi avec soin tous les éléments de son oeuvre. Les trois siècles qu’il désire décrire sont riches en événements. Seuls quelques-uns peuvent être mentionnés. Chacun est donc significatif et représentatif de son époque. Les petits juges jouent le rôle des petites pierres qui viennent s’intercaler entre les blocs massifs d’une construction pour en accroître la solidité et l’unité. Au nombre de six (aux cinq mentionnés ci-dessus, il faut ajouter Chamgar: 3.31), les petits juges portent le nombre total des juges à douze, soit le nombre des tribus d’Israël. Parce chiffre clé, l’auteur semble signaler aux lecteurs attentifs que les juges sélectionnés dans son livre représentent tous les juges de cette période. D’autre part, la totalité du règne de ces petits juges «bouche-trou» s’élève à 70 ans, un autre chiffre plein de sens. Notez que l’auteur n’invente rien. Il se contente de mentionner et d’omettre ce qui est utile à son oeuvre (ce que fait, soit -dit en passant, tout historien).

Pour revenir plus précisément aux cinq petits juges entourant Jephthé (soient cinq petites pierres pour caler un bloc plus embarrassant que les autres), il nous faut relever, dans les données accompagnant le nom de ces juges, les mentions abondantes (et même démesurées) des descendances. De plus, si l’on inclut la seule autre descendance mentionnée dans ce livre (celle du juge précédant immédiatement Tola), nous obtenons un chiasme révélateur :
  Al Gédéon: 70 fils (8.29-32)
   B1 Tola : aucune précision sur la descendance (10.1-2)
    C1 Yaïr: 30 fils (10.3-5)
     D Jephthé : est privé d’une descendance (11.29-40)
    C2 Ibtsân : 30 fils (12.8-10)
   B2 Elôn : aucune précision sur la descendance (12.11-12)
  A2 Abdôn : 40 fils et 30 petits- fils, soient 70 au total (on relève les 70 ânons) (12.13-15)

Cette structure focalise les regards sur Jephthé au centre du chiasme. Au mouvement décroissant des descendances conduisant de Gédéon à Jephthé, suit le mouvement inverse de Jephthé à Abdôn. Mieux: les chiffres des descendances respectives se correspondent entièrement : 70 -? -30 -0 -30 -? -70.

Si Jephthé est au centre, le thème de la descendance l’est aussi, ou plutôt l’absence de descendance. En effet, le drame de Jephthé privé d’une descendance est décuplé dans ce contexte d’une progéniture plus qu’abondante. Comme une tache noire sur fond blanc, le sort de Jephthé tranche sur celui des autres juges. La structure globale du texte rejoint le message verbal: la souffrance de Jephthé tient dans la virginité de sa fille. Une nouvelle fois, notre analyse fait pencher la balance en faveur de ceux qui voient dans l’enjeu du voeu une consécration au service divin plutôt qu’un sacrifice vivant.

La structure du cycle: Le thème de la marginalité

Avant d’étudier les mots mêmes de notre texte, une dernière étape doit être franchie dans notre approche globale: celle qui situe nos 12 versets dans le cadre des 60 consacrés au cycle de Jephthé.

La particularité de cette section (en plus du voeu de Jephthé) vient de la longue plaidoirie du juge en faveur de la légitimité pour Israël à occuper la Transjordanie (11.12-28). Pourquoi l’auteur a-t-il jugé opportun de rapporter ces paroles, et de manière si détaillée? Cette question devient brûlante quand on réalise que ce discours est au centre de toute la section :
  Al La révolte du début: 10.6
   B1 La colère de l’Eternel devant la trahison d’Israël: 10.7-16
    Cl L’héritage laissé à Jephthé: 10.17-11.11
     D Plaidoirie sur l’héritage d’Israël en Transjordanie: 11.12-28
    C2 L’héritage laissé par Jephthé: 11.29-40
   B2 La colère de Jephthé devant la trahison d’Ephraïm: 12;1-6
  A2 La conclusion du règne: 12.7

Les tribus de Transjordanie sont l’objet de ce cycle. L’auteur des Juges, qui n’en a encore jamais parlé (sinon brièvement au travers du juge Yaïr: 10.35) et ne les mentionnera plus (sinon brièvement lors de la coalition contre Benjamin à la fin du livre: 20.1), règle ici leur statut. La situation de ces trois tribus établies à l’est du Jourdain était ambigüe: tout en faisant partie d’Israël, elles avaient préféré une autre région à la terre promise. La menace d’ une scission entre les tribus des deux côtés du Jourdain était constante (Jos 22).

En incluant dans son livre une histoire de salut relative à Gad, l’auteur reconnaît le rattachement de ces tribus à Israël. Certes, seul Gad est mentionné, mais la situation des autres est la même; et comme d’autre part, Gad est situé entre Manassé au nord et Ruben au sud, il représente tous les trois.
 Si les trois tribus font partie d’Israël, si elles ont hérité d’une terre comme les autres, si elles sont inclues dans l’alliance avec l’Eternel (et souffrent de sa colère ou bénéficient de son secours selon leur attitude), leur situation n’est quand même pas identique à celle des tribus de Cisjordanie. Restées en marge des promesses divines, elles ne recevront qu’un juge marginal, Jephthé, le fils d’une prostituée. Le juge qui les défendra est aussi celui qui les représente. La marginalité des tribus entraîne la marginalité du juge. Ce lien entre le juge et sa tribu est fondamental si l’on veut bien comprendre la réponse divine au voeu de Jephthé. En effet, ce qui arrive au juge n’est pas seulement le résultat de son attitude ou de son statut personnel, mais aussi le résultat du statut des tribus qu’ il représente.

Lumière sur un voeu: le thème de la consécration

L’analyse du contexte étant terminée, nous pouvons maintenant nous pencher sur le récit du voeu. Jephthé est un homme de Dieu, un héros de la foi. Oint de l’Esprit divin, il s’engage et se consacre à Dieu. Quel était le contenu de son engagement et pour quelle raison l’Eternel a-t-il fait tomber le sort sur sa fille ? Dans l’ordre, nous allons répondre à ces deux questions.

Jephthé, le marginal et le représentant d’une tribu marginale, désire renouveler son alliance avec Dieu. Mais Dieu est-il prêt à renouveler cette alliance? Jephthé sera fixé à l’issue du combat. S’il remporte la victoire, il saura que Dieu est de son côté. Et dans ce cas, il s’engagera de tout son être. Mais comment marquer cet engagement? Jephthé propose de laisser à Dieu le choix de l’offrande. Je te consacrerai quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre à mon heureux retour de chez les Ammonites.

L’offrande de Jephthé est de valeur. Mieux qu’un objet, il offre une personne, et une personne de valeur: elle fera partie de sa famille, et sera celle qu’ il apprécie le plus, puisqu’elle aura été plus alerte que les autres à 1’accueillir à son retour. En effet, quelqu’un qui nous est entièrement attaché et ne vit que pour nous est aussi quelqu’un que l’on apprécie. Ainsi Jephthé place la barre au sommet: il veut offrir à Dieu la personne qu’il apprécie le plus. Cependant, il laisse le choix final à Dieu. Comme signe d’une soumission réelle, il était difficile de mieux faire.

Comment cette personne sera-t- elle offerte à Dieu ? La personne sera consacrée à l’Eternel, et je l’offrirai en holocauste (11.31). Le mot français holocauste vient du grec holos (tout) et kainô (brûler) ; il représente un sacrifice dans lequel la victime est entièrement brûlée. Le mot hébreu traduit par holocauste est olâ; il vient de la racine alâ qui exprime l’idée de monter. Lévitique 1 fournit les caractéristiques de trois types d’holocaustes. A chaque fois, l’offrande est brû1ée dans sa totalité, mais 1’accent pour ces sacrifices est ailleurs. il est dans la fumée et surtout l’odeur agréable qui montent vers le Seigneur (Lév 1.9, 13,17).Ainsi la racine hébraïque (et non le mot grec) exprime l’essence fondamentale de ce sacrifice.

Jephthé, en parlant d’holocauste, ne pense nullement à un sacrifice humain, mais à un don total et à une offrande d’une agréable odeur qui monte vers Dieu. L’apôtre Paul reprendra dans un même esprit les notions de sacrifice vivant (Rom 12.1) et d’odeur de vie (patfum) (2 Cor 2.14-16). Jephthé, comme Paul, pense au service de Dieu. La suite du texte des Juges confirme cette interprétation puisque la conséquence de cet engagement total n’est pas la mort, mais le célibat du serviteur. Et pour être bien compris, l’auteur relève jusqu’à trois fois la virginité de la fille du juge ( 11.37, 38, 39).

Jephthé consacre une personne de grande valeur au service de Dieu. Mais pourquoi ne s’est-il pas offert lui-même? Le don d’un autre n’est-il pas une voie de facilité ? Pour certains peut-être: pas pour Jephthé. Notre juge est prêt à s’engager totalement. Mais si Jephthé est consacré, il est aussi sage et humble.

Il réalise que son appel se situe sur le plan politique. Dieu l’a qualifié pour libérer le pays. Ses désirs personnels importent peu: il doit rester à son poste. Pas question de servir au temple. Comme le fidèle qui n’a pas reçu d’appel pastoral, mais soutient pasteurs et missionnaires par ses ressources, Jephthé reste à son poste, mais appuie de toutes ses forces le ministère spirituel d’une autre personne.

Par ailleurs, Jephthé est le fils d’une prostituée. Quand on connaît toutes les restrictions physiques au ministère de sacrificateur, on peut imaginer les hésitations de Jephthé à s’engager dans un ministère religieux. Parmi les descendants d’Aaron étaient éliminés du service de l’autel les aveugles, les boiteux, ceux ayant le nez déformé ou un membre allongé; les hommes ayant une fracture au pied ou à la main, les bossus ou grêles, ayant une tache à l’oeil, la gale, une dartre ou les testicules écrasés (Lév 21.18- 20). Ainsi sous l’ancienne alliance, les caractéristiques physiques et spirituelles devaient correspondre. La perfection sous tous les rapports était exigée. Or par sa naissance, Jephthé est impur, et d’emblée, il se sent exclu d’un ministère spirituel.

Un homme sans reproche

Si Jephthé porte en lui une marque d’imperfection (par sa naissance), il est irréprochable sur le plan moral et spirituel. Il accepte les limitations imposées par Dieu pour certains ministères; il se soumet aussi au choix de Dieu lorsque sa fille l’accueille la première. Même la guerre civile qu’il mène après sa victoire sur les Ammonites est juste (12.1-6). Les hommes d’Ephraïm qui en voulaient à sa vie sans raison n’étaient que des criminels. Comme juge, il accomplit son devoir. En les punissant par la mort, il applique la loi divine qui exige la peine capitale pour les meurtriers (Ex 21.12).

Le seul point négatif à relever contre Jephthé semble être la réponse divine à son voeu. En le privant de descendance, l’Eternel ne l’a-t-il pas puni ? Dans l’Ancien Testament une descendance nombreuse était signe de bénédiction, et Jephthé en désirait une.

Un rappel du contexte aide à mieux comprendre le choix divin.

Le dernier siècle de la période des juges est marqué par une aspiration grandissante à la royauté. Les juges, au travers de leurs descendants, cherchent à asseoir leur maison. Gédéon voulait transformer un de ses fils en héros (8.20- 21); Yaïr marque de son nom 30 localités qu’il confie à ses fils (10.4); Ibtsân conclut des alliances politiques par des mariages inter-ethniques (12.9); Abdôn choisit, pour ses descendants, 70 ânons (12.14) comme marche-pied au pouvoir (à noter que les rois cheminaient sur des ânes); plus tard sous Samuel, le peuple ira jusqu’à demander la royauté. Rien de bon dans tout cela, car cette séduction vers la royauté ne reflète en fin de compte qu’un rejet de l’autorité divine. Le slogan à la fin du livre des Juges (en ce temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon: 17.6; 18.1; 19.1; 21.25) est une apologie non de la royauté humaine, mais de la royauté divine. Quand Dieu est rejeté comme roi, l’anarchie s’installe.

Certes, la royauté sera instaurée par Dieu en temps voulu, car la venue du Messie doit être préparée. Mais en aucun cas, la maison de Jephthé ne pouvait servir de fondation à cette royauté: Jephthé est le fils d’une prostituée et représente une tribu restée sur la réserve. Jephthé est impur et sa tribu est impure. En lui refusant une descendance, Dieu lui fait comprendre que le Messie tant attendu ne pourra venir ni de sa maison ni de sa région. Accessoire:ment, l’Eternel lui rappelle aussi que le salut dépend de l’alliance, et non de la grandeur d’une maison (mais voir note à la fin).

Aucun blâme personnel pour Jephthé: il n’est simplement pas l’homme de Dieu pour cette vocation. Dieu l’a choisi pour une autre tâche, ponctuelle celle-là: libérer son peuple de la main des oppresseurs Ammonites. Son rôle s’apparente d’une certaine manière à celui de Débora. Tous les deux sont des juges inhabituels (une femme et un bâtard), tous les deux exercent un ministère temporaire (Débora essaie de se retirer dès que possible pour laisser la place à un homme; Jephthé n’a pas de descendance et reçoit un règne limité à six ans). Ce rapprochement entre les deux juges est encore renforcé par la structure globale du livre. Si l’on excepte Othniel, qui sert de prologue aux juges, on peut relever le chiasme suivant:
  A1 Ehud : un libérateur solitaire du sud (Benjamin)
   B1 Débora : un juge inhabituel (une femme)
    C1I Gédéon: le père vainqueur de Baal
    C2 Abimelek : le fils adorateur de Baal
   B2 Jephthé : un juge inhabituel (un bâtard)
  : A2 Samson: un libérateur solitaire du nord (Dan)

Face à l’esprit de revendication qui secoue notre société, Jephthé (comme Débora) est l’exemple du serviteur qui ne se révolte pas contre sa condition modeste. Il accepte, dans la paix, la place que lui confie le Seigneur. Avec lui, la parole de Christ est accomplie avant d’être prononcée: quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire (Lc 17.10).

D.A

Note de la rédaction: N’oublions pour- tant pas que, dans la généalogie de Jésus, il y a Rahab, une prostituée.

 Vous de même, quand vous avez fait tout cce qui vous a été ordonné, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.
Luc 17.10

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)