Destination Ninive

Ninive… Babylone… Rome… ces villes au destin stupéfiant ont souvent, dans l’Ecriture, valeur d’allégories. Par l’histoire de ces capitales d’empires, mères des mégalopoles de notre époque, Dieu a parlé au monde, et révélé ses pensées.

Jonas, en son temps, a souhaité de tout son être que Ninive soit abandonnée à son sort. Mais Dieu, qui avait son regard sur les Ninivites, a voulu les visiter, les prévenir, les épargner.

Point de vue humain dépourvu d’humanité du côté du prophète, point de vue profondément miséricordieux du côté de Dieu : cela fait une différence.

Mais Jonas n’est pas loin de nous, car chaque jour nouveau nous prononçons des sentences sur nos sociétés, et nous les chrétiens ne sommes pas à l’abri des analyses trop humaines, du parti pris ou de l’indifférence, de la dureté ou de la légèreté. Voire du ressentiment…

Lorsque Jonas s’est vu confier la mission de prêcher aux Ninivites, que savait-il au juste de ce peuple ? Et lorsque Dieu se penche sur le marasme spirituel des « païens », quels sont ses critères d’évaluation, quels objectifs mystérieux poursuit-il ? Et nous, collaborons-nous volontiers à son œuvre ?

1. Jonas l’Hébreu1 et Ninive

Pour entrer dans la sensibilité et les convictions de Jonas, il faut d’abord déterminer l’époque de son ministère de prophète. Le passage de 2 Rois 14.23-27 nous fournit de précieux indices. Jéroboam II règne alors sur le Royaume du nord, Israël2. Première surprise : Jéroboam « fait ce qui est mal aux yeux de l’Eternel », et pourtant il parvient à tenir tête à l’ennemi syrien et à rétablir Israël dans ses frontières anciennes (cf. Deut 3.17). D’où lui vient donc ce succès « immérité » ? Il a agi « selon la parole que l’Eternel, le Dieu d’Israël, avait prononcée par l’intermédiaire de son serviteur le prophète Jonas, fils d’Amittaï… » Et les motifs profonds de Dieu nous sont immédiatement fournis : « Car l’Eternel avait vu la cruelle humiliation d’Israël […] nul ne venait au secours d’Israël. Or l’Eternel n’avait point parlé d’effacer le nom d’Israël de sous le ciel. Il les sauva par la main de Jéroboam, fils de Joas. » Avant de commenter ces circonstances particulières, retenons que Jonas a probablement fait le voyage de Ninive ultérieurement.

Au gré des succès de Jéroboam, Jonas a pu constater que Dieu suspendait parfois ses jugements, et choisissait ses instruments selon son bon vouloir, et non selon la logique des hommes. Cette expérience allait peut-être à l’encontre de ce que Jonas avait retenu des reproches et des menaces formulés par d’autres prophètes : Élie, Élisée et Michée (3.1-5.14) parmi les prophètes antérieurs ; Amos (2.6-9.10), Osée (1-13), et peut-être Ésaïe (28-39) parmi ses contemporains. Tous envisageaient la ruine d’Israël (et de Juda, chez Ésaïe) en cas d’infidélité persistante, et nommaient souvent l’Assyrie (dont Ninive allait devenir la capitale en 705 av. J-C.) comme un des instruments essentiels du châtiment.

Sans présumer de ce que Jonas avait retenu de tous ces appels à la repentance (des problèmes d’ordre chronologique et documentaire nous empêchant de parvenir à des certitudes), nous imaginons son soulagement à voir Dieu user de patience et de grâce envers ses compatriotes, même s’il ne pouvait oublier que la grâce faite à Israël, à Jéroboam et à ses éventuels successeurs, ne serait pas indéfiniment prolongée : Dieu accordait un dernier sursis, une toute dernière occasion de revenir à lui. Mais en supposant que Jonas ait été persuadé (à travers les messages prophétiques d’Amos et d’Osée) que l’Assyrie allait totalement démanteler Israël3, et qu’il ait déjà assisté à un début de main mise sur son pays par Tiglath-Piléser III (désigné sous son nom babylonien de Poul en 2 Rois 15.19,20 ; voir aussi 15.29 ; 16.5-7 ; És 7.1)4, nous n’avons pas de peine à comprendre son refus de prêcher aux Ninivites : Jonas ne voulait en aucun cas contribuer à assainir la puissance qui un jour allait subjuguer sa nation.

Ainsi donc, avant d’entamer sa mission à Ninive, Jonas connaissait suffisamment les plans de Dieu et l’histoire pour se faire une idée de Ninive et de l’Assyrie, tant sur le plan géostratégique que moral. Il savait de plus :

– que Ninive avait des origines aussi antiques que le monde habité. Gen 10.8-12 faisait remonter sa fondation à l’époque de Nimrod (arrière petit-fils de Noé), qui bâtit une conurbation (agglomération) de cités le long du Tigre : « …et il bâtit Ninive, et Rehoboth-Ir, et Kalakh, et Résen entre Ninive et Kalakh : c’est la grande ville » (trad. Darby) ;

– que ces cités de Mésopotamie, marquées du coin de la démesure, avaient constitué l’embryon des puissances babyloniennes et assyriennes ;

– que l’Assyrie, surtout depuis l’époque d’Achab, roi d’Israël, et de Salmanasar III (860-825 av. J-C.), était entrée en confrontation directe avec les Israélites ;
– qu’un roi d’Israël, Jéhu, fils d’Omri, avait été contraint de payer un tribut à ce despote assyrien (842 av J.-C.)5;

– que les Assyriens glorifiaient la force brutale et les conquêtes militaires, et que la corruption de Ninive était devenue insupportable non seulement à tous les peuples oppressés, mais à Dieu lui-même (cf. Jon 1.2).

D’autre part, Jonas connaissait suffisamment les plans de Dieu et l’histoire pour se faire une idée de l’état moral et spirituel du Royaume d’Israël, et pour en redouter l’effondrement. Mais peut-être s’accrochait-il aveuglément aux promesses du rétablissement final de Juda ou d’Israël, bien réelles chez plusieurs prophètes, pour espérer un autre cours des choses (cf. És. 1.26 ; 11.12 ; 27.13 ; 33.20 ; 40.2 ; 49.22 ; 60.10 ; Osée 2.18-25 ; 11.8-11 ; 14.5-10).

En rassemblant ces éléments, nous comprenons un peu mieux le double refus que Jonas oppose à son Dieu lorsqu’il est question de prêcher aux Ninivites (cf. Jon 1.3 ; 4.9)… et ces paroles très amères du prophète après le pardon accordé aux Ninivites repentis : « Ah ! Eternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère et riche en bienveillance, et qui regrettes le mal. Maintenant, Eternel, prends-moi donc la vie, car la mort m’est préférable à la vie. » (Jon 4.2,3)

Résumons l’« évangile » selon Jonas l’Hébreu :

– la grâce et le pardon accordés à Israël, d’accord. Mon peuple a grand besoin des faveurs de son Dieu. Espérons qu’Israël voudra bien se repentir.

– la grâce et le pardon accordés à nos ennemis païens, pas question. Les Assyriens sont voués à la destruction. Espérons qu’ils persisteront dans le mal pour hâter ce dénouement.

2. Le Dieu-des-cieux-qui-a-fait-la-mer-et-la- terre-ferme6… et Ninive

Quelle ironie dans ce titre donné à l’Eternel par son prophète récalcitrant. Alors même que Jonas doit avouer aux marins terrorisés par la tempête qu’il est en train de fuir la face de l’Eternel (1.9-10), c’est-à-dire de tenter de se soustraire à l’autorité du Maître suprême, il désigne son Dieu de manière à établir l’indiscutable souveraineté de celui-ci aux yeux des matelots « idolâtres ».

Il dit bien. Car s’il est une réalité première que le livre de Jonas souligne fermement, c’est celle-là. Dieu ne commande-t-il pas tour à tour au vent (1.4), au poisson (2.1), au ricin (4.6), à un ver (4.7), à nouveau au vent (4.8), et n’a-t-il pas la maîtrise du « hasard » lui-même (1.7) ? Jonas expérimente donc en direct les moyens illimités et déconcertants de son Seigneur, et va jusqu’à admettre provisoirement qu’il est très sage de s’y soumettre (2.9-10). Les marins l’ont du reste admis avant lui : « Toi, Eternel, tu as agi comme tu l’as voulu. […] Ces hommes furent saisis d’une très grande crainte de l’Eternel » (1.14-16).

Dieu ne laisse ni sa création, ni ses créatures sans témoignages de sa présence, ni sans preuves de sa volonté d’intervenir quand et comme il lui plaît. Et si le livre de Jonas nous révèle une direction précise de cette volonté, c’est justement celle dont Jonas redoute le libre exercice (cf. 4.2b) : le désir de sauver chacune de ses créatures terrestres, et de lui témoigner sa bienveillance, sa bonté (en hébreu hésed, terme utilisé 250 fois dans l’A.T.). Rien de plus inexact que l’image, souvent brandie par les détracteurs de la Bible, d’un Dieu pressé de punir, avide de vengeance et d’affirmation brutale de sa supériorité : Jonas le savait fort bien (cf. 4.2c : « tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère… »), mais se dépitait jusqu’à l’écœurement à l’idée que les Ninivites aient si vite saisi la grâce qui leur était réservée.

Par divers moyens, Dieu va démontrer à son serviteur que la colère de celui-ci n’est pas cohérente : si Dieu a fait grâce au prophète désobéissant, et si Jonas est capable de se réjouir ou de s’apitoyer sur le sort d’un ricin, Dieu n’a-t-il pas raison de prendre à cœur le sort de 120.000 êtres humains « qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche » et de « bêtes en grand nombre » (4.9-11) ?

Quelle leçon pour nous, et quelle mise en garde !

Car nous aussi sommes confrontés à un monde hostile qui, de multiples manières, a déjà persécuté les enfants de Dieu cruellement, comme il a persécuté le peuple d’Israël, et le Fils de Dieu lui-même. Nous qui connaissons les décrets de Dieu, et qui par le moyen des écrits prophétiques, savons de quelle façon Dieu jugera la terre et les œuvres qu’elle renferme (cf. 2 Pi 3.7,10 et suivants), comment observons-nous la rapide dégradation de nos civilisations très avancées dans le mal ? Nos cœurs éprouvent-ils de la bienveillance envers ceux que leur incrédulité ou leur folie a rendus esclaves de vices dégradants, et maintient dans une obscurité spirituelle et morale quasi-complète ? Croyons-nous au miracle de la repentance, et souhaitons-nous le voir se produire chez les Ninivites de nos temps ? Si non, souvenons-nous que la volte-face des gens de Ninive se produisit dès le premier jour de prédication, et que ces « mécréants » comprirent sans explication que la colère de Dieu était directement liée à leur « mauvaise conduite » et à leur « violence » (3.8).

3. Ninive : un mystère stimulant pour notre témoignage

Le livre de Jonas se termine par un mystère : on ne sait pas ce que Jonas va répondre à son patient Seigneur. Soyons optimistes, et parions que si Jonas lui-même a fourni la matière de son livre, il n’a guère pu le faire dans un état de rancune éternelle. Avec le recul, il a pu témoigner de son expérience positivement.

Mais un plus grand mystère se présente sur le devant de la scène. Quel sens donner à la fin de Ninive, dans la perspective du livre de Jonas ? Un coup d’œil aux manuels d’histoire nous apprend qu’une centaine d’années après le réveil spirituel des Ninivites, la ville va être détruite ( 612 av J.-C.) et l’Empire assyrien passera sous la botte des Babyloniens. Destruction restée légendaire dans l’antiquité déjà : le Grec Lucien de Samosate (125-192 apr. J-C.) faisait dire à Mercure transporté par Charon : « Ninive est si détruite, qu’on ne peut plus dire où elle se trouvait. Il n’en reste aucune trace. » Pendant les 19 premiers siècles de l’ère chrétienne, on a appris beaucoup de choses sur la civilisation égyptienne, mais on a pratiquement ignoré l’Empire assyrien, et d’autres empires mésopotamiens. Voltaire, et bien d’autres rationalistes avec lui, ricanaient à propos du mythe de Ninive. Fort heureusement, les découvertes de P-E. Botta, de H.A. Layard, de G.H. Grötefend et de G. Smith, au milieu du 19ème siècle, allaient faire surgir des sables une civilisation étonnante de contrastes, dont nos plus grands musées (Le Louvre, British Museum) gardent jalousement la mémoire. Quoi qu’il en soit de nos connaissances actuelles, le mystère du destin de Ninive, d’un point de vue spirituel, reste troublant.

En effet, quelle valeur donner à la conversion des Ninivites si la plus complète ruine figurait au programme du divin Maître de l’histoire ?

Le livre de Nahum et certains passages de Sophonie amènent de précieuses informations. Lisons plutôt (Soph 2.13-15) :

« Il (=l’Eternel) fera périr l’Assyrie
Et il fera de Ninive une désolation,
Une terre aride comme le désert.
Des troupeaux feront leur gîte au milieu d’elle,
Des animaux de toutes espèces ; […]
Voilà donc cette ville d’amusements,
Qui s’installe dans la sécurité
Et qui dit en son cœur :
Moi, et rien que moi !
Comment ! elle est devenue une désolation,
C’est un gîte pour les animaux,
Tous ceux qui passent près d’elle
Sifflent et agitent la main. »

Les causes de la destruction sont claires, et l’ordonnateur de l’anéantissement est identifié : c’est l’Eternel. Ninive va connaître le même sort que Babylone plus tard, et pour les mêmes raisons. Ceux qui ont été touchés par la grâce de Dieu à l’époque de Jonas n’ont pas été imités par leurs descendants. Très vite, la ville a sombré dans une méchanceté (Nah 3.16) plus grande que par le passé :

– pratique coutumière du mensonge, de la violence, l’esclavage atteignant des sommets de cruauté (Nah 3.1) ;
– culte du plaisir et débauche sexuelle (Nah 3.4) ;
– culte de la richesse et trafics en tous genres (Nah 3.1, 16)7;
– orgueil (Soph 2.15b) ;
– occultisme et magie (Nah 3.4).

Or l’histoire nous apprend que pendant ses cent dernières années, Ninive a connu une extension sans précédent : Sanchérib8 va choisir Ninive pour capitale (peu après 705 av. J-C.) ; des constructions impressionnantes vont s’élever : barrages, aqueducs, palais royal. Parallèlement, ses campagnes militaires vont le pousser à s’attaquer à Israël, et la Bible nous rapporte ses railleries à l’égard du peuple de Dieu et de la foi en l’Eternel (2 Rois 18.13-37)9. Un peu plus tard, Assurbanipal, constituera à Ninive la plus importante bibliothèque du monde antique (en attendant celle d’Alexandrie) : environ 100.000 tablettes sur tous les sujets de la science, de la littérature, de l’histoire, de la loi, de la médecine, des pratiques religieuses, de la magie et de quantité d’autres sujets. Déjà l’ambition encyclopédique ! Mais cette ville où les plus exquis raffinements, où la culture la plus diverse, où la technologie la plus avancée, côtoient les pratiques les plus bestiales et les ambitions les plus délirantes, va rapidement décliner et s’écrouler. Scénario hélas devenu classique…

Nous voilà donc obligés d’admettre que Dieu, sachant qu’un jour viendrait où Ninive devrait mordre la poussière, avait néanmoins entrepris tout ce qu’il fallait pour que des Ninivites soient sauvés, parce leur sort avait ému sa vive compassion et mobilisé sa puissance.

Notre siècle, nous l’avons suggéré, ressemble à bien des égards au monde de Ninive : même ivresse de la connaissance, mêmes réalisations étonnantes, même orgueil, même présomption, même violence, même hédonisme, mêmes ténèbres spirituelles. La fin de la « grande Babylone » (Apoc 17, 18) est programmée, et nous savons pourquoi. Toutefois, le mystère insondable de la grâce de Dieu subsiste, et l’offre du salut en Jésus-Christ est encore pour chacun (Jean 3.16). Nous appartient-il de rester indifférents à la détresse de nos contemporains, ou de suivre l’exemple de Celui qui est venu chercher et sauver ceux qui sont perdus (Luc 19.10) ?

Claude-Alain PFENNIGER

1 Cf. Jon 1.9
2 Ce règne dura de 782 à 753 av. J-C. selon Thiele ; de ~780 à ~740 selon Le Petit Robert 2 ; de 825 à 785 av. J-C. selon R. Liebi. Autres datations possibles.
3 Cf. Osée 11.5 : « …l’Assyrien à son tour sera leur roi, parce qu’ils ont refusé de retourner vers moi. »
4 L’archéologie nous permet de lire des annales de Poul, qui évoquent ses démêlés avec Menahem (- 738) : « Quant à Menahem, je l’ai écrasé comme le ferait une tempête de neige. Il s’est enfui comme un oiseau puis s’est prosterné devant moi. Je lui ai ordonné de reprendre sa place et de me verser un tribut… » Poul y parle aussi de ses déportations d’Israélites vers l’Assyrie. (La Bible et l’archéologie, de J.A. Thompson, Ligue pour la lecture de la Bible, Fr- Guebwiller, 1975)
5 En 1840, l’explorateur Henry Layard découvrit à Nimrud un grand obélisque noir représentant les Israélites portant leur tribut à Salmanasar. En tête de cortège, Jéhu prosterné devant Salmanasar. C’est le seul portrait d’un roi israélite mis à jour par l’archéologie.
6 Cf. Jon 1.9b
7 On appelait Ninive « la ville voleuse » parce qu’elle s’était maintes fois enrichie au détriment des pays conquis ou soumis.
8 Nom aussi transcrit « Sennachérib ».
9 Le fameux « cylindre de Taylor » (British Museum), fragment des annales de Sanchérib, raconte comment ce dernier contraignit le roi Ezéchias à lui payer un lourd tribut (cf. 2 Rois 18.13-16).

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)