Forces et limites de l’apologétique chrétienne

Le mot français « apologie» vient du grec apologia qui signifie « justification, défense ». L’apologétique chrétienne est la discipline dont le rôle est de défendre la foi chrétienne. Son but premier est de gagner à Christ des opposants, et non de remporter une joute verbale (cf. 1 Pi 3.15). Elle peut aussi soutenir et fortifier la foi des croyants (cf. Luc 7.22). Ces deux buts peuvent être atteints de deux façons différentes :
• en réfutant les objections élevées contre le christianisme (l’apologétique défensive ou négative),
• et en donnant des arguments qui viennent étayer la vision chrétienne du monde (l’apologétique offensive ou positive).

1. Les fondements bibliques de l’apologétique

La Parole de Dieu exhorte à être prêt à réfuter les contradicteurs (Tite 1.9), à les corriger avec douceur pour qu’ils parviennent à la connaissance de la vérité (2 Tim 2.24-25). L’Écriture encourage les croyants à être prêts à donner raison de leur espérance avec douceur et respect, en ayant bonne conscience (1 Pi 3.15).
Sur un plan plus concret, Dieu lui-même, au travers de la bouche de son prophète Ésaïe, suit une démarche apologétique : il s’appuie sur le fait qu’il annonce à l’avance ce qui va se réaliser pour démontrer qu’il est le seul vrai Dieu et que les idoles ne sont rien (És 45.21).
Jésus aussi fait œuvre d’apologète lorsqu’il affirme que ses œuvres témoignent qu’il est envoyé du Père (Jean 5.36), quand il invite à croire en lui à cause des œuvres qu’il accomplit (Jean 10.37-38) ou lorsqu’il reproche à ses disciples de ne pas croire ce qu’ont dit les prophètes, et leur montre comment les prophéties se sont réalisées en lui (Luc 24.25-27).
Les auteurs bibliques agissent aussi à diverses reprises en apologètes :
• L’évangéliste Luc affirme avoir vérifié avec soin ses sources, afin que le destinataire de son écrit puisse avoir la certitude des enseignements qu’il a reçus (Luc 1.3-4).
• L’apôtre Jean rapporte dans son Évangile les miracles de Jésus, pour qu’on croie qu’il est le Christ et qu’on ait la vie éternelle (Jean 20.30-31) ; dans sa première Épître, il cherche à montrer que son témoignage est fiable, en soulignant qu’il est un témoin direct de ce qu’il rapporte (1 Jean 1.1-3).
• L’apôtre Paul démontre d’après les Écritures que Jésus devait ressusciter (Act 17.2-3), et cherche à persuader ses auditeurs de ce qui concerne le royaume de Dieu ou Jésus (Act 19.8 ; 28.23).
Il défendait l’évangile (Phil 1.7,16) et cherchait à démolir les raisonnements qui s’élevaient contre la connaissance de Dieu, afin d’amener toute pensée captive à l’obéissance de Christ (2 Cor 10.4-5).
• Pierre affirme qu’il n’affabule pas, mais qu’il s’exprime en tant que témoin oculaire et auditif (2 Pi 1.16-18).

Le message du salut en Jésus-Christ s’adresse à tous les hommes, et c’est uniquement par une conviction et une foi personnelles qu’on peut s’approprier ce salut (Jean 3.16) : d’une certaine façon, la démarche apologétique permet de rendre plus responsable la démarche de la foi.
Un autre point qui soutient également l’apologétique chrétienne est l’affirmation biblique selon laquelle il existe une vérité absolue (Jean 17.17). En effet, nier cela aboutit logiquement à une vision relativiste ; alors il n’y aurait plus de sens à défendre une vision du monde parmi d’autres, puisque, en dernière analyse, toutes les visions du monde se vaudraient.

2. Les limites de l’apologétique

Les référentiels peuvent différer

Réalisons que même une argumentation qui nous semble extrêmement convaincante peut n’avoir aucun effet sur certaines personnes.
Comment décider de la validité ou non d’un argument ? Pour cela, il y a nécessité d’une norme qui pose les règles de la pensée et du savoir, comme la loi de non-contradiction, la loi du tiers exclu [note] Ces lois philosophiques sont des principes logiques du raisonnement. Loi de non-contradiction : il est impossible d’affirmer à la fois « A est vrai » et « non A est vrai ». Loi du tiers exclu : il est impossible d’affirmer que ni « A » ni « non A » ne sont vrais.[/note] , etc.
Lorsque deux personnes n’ont pas les mêmes règles, ce qui peut paraître un argument de poids pour l’une, peut n’avoir aucun sens pour l’autre.
Comment donner du sens à un fait ou un événement ? Cela dépend du « cadre interprétatif » adopté. Il est illusoire de penser que les événements ou les faits sont porteurs d’un sens évident, qui serait le même pour tout le monde. Des arguments basés sur des faits historiques n’auront probablement pas de poids face à un système de pensée qui considère que la réalité est illusion, ou relativement peu de poids dans une culture occidentale post-moderne où toute vérité est relative.

Démontrer de façon incontestable la véracité de la Bible est illusoire

Comme le message chrétien trouve sa source dans la Bible, vouloir démontrer la véracité du christianisme [note]Nous parlons ici du christianisme en tant que reflet exact de l’enseignement biblique, et non du christianisme en tant que religion humaine.[/note] revient à vouloir démontrer la véracité de la Bible.
Pour cela, il faut faire appel à l’autorité même de la Bible. Puisque cette dernière se présente comme étant la Parole d’un Dieu souverain omniscient éb 4.13) qui ne ment pas (Tite 1.2), nous devons renoncer à faire appel à toute autre autorité que la Bible elle-même pour prouver que son message est bien la vérité. Autrement, nous placerions l’autorité de la logique, de l’histoire, etc., au-dessus de celle de Dieu. Or, comme le souligne fort bien J.-M. Nicole, « tous les arguments visant à démontrer l’autorité absolue de quelque chose doivent tôt ou tard faire appel à cette autorité pour asseoir leur légitimité : autrement cette autorité ne serait ni absolue ni souveraine ». [note] J.-M. Nicole, Précis de doctrine chrétienne, IBN, 1994, p. 30.[/note]

L’être humain est fini et marqué par le péché

• Il n’est pas omniscient : Pour affirmer sans aucun doute possible que ce que nous croyons est la vérité, il nous faudrait être omniscient. En effet, seule une connaissance exhaustive du passé, du présent et du futur permet d’être certain que ce que nous croyons est bien en cohérence avec la globalité du réel. Puisque cette omniscience n’est pas humaine, il est dès lors évident que, sur un plan purement logique, nous ne pouvons démontrer de façon irréfutable que ce que nous croyons est bien la vérité [note]D’ailleurs, cette affirmation ne se limite pas à la foi chrétienne, mais est vraie pour toute croyance humaine : lorsqu’un non-croyant exige de l’apologétique chrétienne qu’elle démontre avec une fiabilité absolue ce qu’elle défend, il est en train d’exiger une chose que ne vérifient pas dans l’absolu ses propres croyances ! [/note].
• Sa raison ne peut être source de vérité absolue : Puisque l’être humain est marqué par le péché dans toutes les dimensions de son être, le péché conduit l’homme à interpréter de façon erronée les éléments qu’il a à sa disposition et qui témoignent de Dieu : face au témoignage de la création les hommes « se sont égarés dans des raisonnements absurdes, et leur pensée dépourvue d’intelligence s’est trouvée obscurcie » (Rom 1.21, BDS). Face aux miracles de Jésus certains ont conclu qu’il agissait par le prince des démons (Mat 12.24), et malgré le témoignage de leur conscience, les hommes appellent parfois le mal bien (És 5.20), etc.
• La création où il vit est déchue : Suite à la chute en Éden, la création a été soumise aux effets du péché (Rom 8.20-21) : l’univers qui s’offre à nos yeux est donc « un chef d’œuvre endommagé » [note] J.-M. Nicole, Précis de doctrine chrétienne, IBN, 1994, p.16.[/note], qui témoigne de façon imparfaite de son Créateur. « La nature humaine déchue est obligée de réfléchir sur une création déchue, ce qui introduit une double distorsion. Elle a pour effet de compromettre l’immédiateté naturelle de Dieu. En effet, l’œil qui observe est faussé, ainsi que l’objet observé. Cela ne signifie pas qu’aucune connaissance de Dieu ne soit accessible à l’homme, ou que celui-ci ne puisse avoir aucun sentiment de sa présence. C’est simplement reconnaître que cette connaissance est imparfaite, tronquée, confuse et assombrie. » [note] K. J. Clarck dans S. B. Cowan (dir), Five views on apologetics, Zondervan, 2000, p. 140-143.[/note]
• L’être humain est limité par ses présupposés [note] K. J. Clarck dans S. B. Cowan (dir), Five views on apologetics, Zondervan, 2000, p. 140-143.[/note]  :
Accepter de croire une hypothèse sur la base de preuves demande non seulement que cette hypothèse explique les données à notre disposition bien mieux que n’importe quelle autre hypothèse, mais aussi que l’hypothèse en question nous paraisse plausible. Si l’affirmation présentée ne nous paraît absolument pas plausible, alors même si nous n’avons pas de meilleure explication à proposer, il va nous sembler raisonnable de la rejeter à cause de sa trop grande improbabilité. Or ce qui détermine la plausibilité de l’hypothèse examinée, ce sont nos croyances les plus profondes, c’est-à-dire nos présupposés. Par exemple, pour croire en l’existence des miracles, il faut, au moins, que la possibilité de leur existence ne nous paraisse pas complémentent exclue. Si tel n’est pas le cas, alors il sera impossible de croire dans les miracles ! En d’autres termes, une personne qui aura comme présupposé le fait que tout doit avoir une explication naturelle ou que le surnaturel n’existe pas, n’acceptera jamais de croire que Jésus est ressuscité, même s’il s’agit de la seule « hypothèse » à même d’expliquer tous les faits à sa disposition à ce sujet. Cette personne préférera rejeter l’explication de la résurrection, même si elle n’en a pas de meilleure à proposer.

La démarche apologétique reste pourtant valide

Ces diverses limites ne doivent pas nous décourager !
La démarche apologétique repose sur des appuis bibliques (cf. § 1). De plus, les arguments apologétiques peuvent être des instruments dans la main de Dieu pour amener une personne à la foi, ou pour affermir le croyant dans sa foi. Ils créent un climat qui rend la foi attrayante, mais ne la suscitent pas. « Croire que » est une question intellectuelle qui peut s’appuyer sur des éléments rationnels, alors que « croire en » est une question existentielle pour laquelle il n’existe pas de test objectif de la vérité ; la foi n’est pas un simple assentiment intellectuel, c’est aussi et surtout une soumission de cœur.
C’est pourquoi, sans l’œuvre de l’Esprit dans le cœur, nos arguments les meilleurs et les plus convaincants resteront inefficaces pour amener au salut. Paul, fin apologète, souligne la nécessité que l’homme soit éclairé par l’Esprit de Dieu pour recevoir ce qui vient de Dieu (1 Cor 2.14). En fait, le message chrétien sera d’autant plus convaincant que notre perception de la réalité, de Dieu et de nous-mêmes sera correcte.
C’est pourquoi il faut que l’Esprit agisse en nous pour « annuler » les effets du péché et nous convaincre de la véracité de la vision biblique du monde.

3. Quelques principes apologétiques

Il n’existe pas de démarche apologétique universelle

Bien qu’il y ait un seul et unique véritable évangile (Gal 1.8), sa proclamation peut revêtir des formes assez différentes en fonction des interlocuteurs.
Paul se fait Juif pour les Juifs (1 Cor 9.20-22) et discute avec eux à partir des Écritures pour établir que Jésus est leur Messie. En face d’une foule païenne qui le considère comme un dieu parce qu’il vient de guérir un infirme, il leur parle du Dieu créateur. Face à des philosophes à Athènes, il s’appuie sur leurs croyances et cite certains de leurs poètes pour leur annoncer le message de l’Évangile (Act 14.8-18 ; 17.18-34).
L’apologète doit être à l’écoute de son interlocuteur afin de trouver des points de contact qui lui permettront d’adapter son argumentation pour qu’elle puisse être un outil le plus efficace possible dans les « mains de l’Esprit ». De façon générale, « les meilleurs apologistes pour une société donnée ont toujours été les produits de cette société, et non des gens qui se sont imposés à elle. Ceux qui vivent au sein d’une société partagent ses espérances, ses craintes, ses opinions et ses images. Ils peuvent donc sentir de façon quasi intuitive les points de contact sur lesquels ils pourront appuyer l’Évangile. » [note] Alister McGrath, Jeter des ponts l’art de défendre la foi chrétienne, La Clairière, 1999, p. 45.[/note]

L’apologétique doit s’appuyer sur une vie vécue avec Christ

L’apologète doit chercher à « bâtir des ponts » mais avec amour (1 Cor 8.1). Ainsi les apôtres exhortent à entreprendre une telle démarche avec douceur, respect, et honnêteté (1 Pi 3.15 ; 2 Tim 2.25) : douceur et respect envers la personne qui a des convictions différentes des nôtres, ainsi que sincérité dans l’argumentation proposée.
Cette sincérité conduit :
• d’une part, à faire preuve de suffisamment d’humilité pour reconnaître qu’on n’a pas d’explication pleinement satisfaisante à donner à tout ;
• d’autre part, à vivre en cohérence avec la foi défendue.
Limiter l’apologétique à des arguments purement intellectuels c’est oublier qu’une grande partie de sa force réside dans le vécu des croyants. Le cadre nécessaire à l’exercice d’une apologétique raisonnée est une « bonne conduite en Christ », une vie selon l’évangile (1 Pi 3.16). Ce n’est qu’ainsi que notre apologétique raisonnée pourra avoir toute sa force devant les non-croyants qui nous voient vivre. Sinon nos paroles risquent d’être perçues comme le reflet d’une certaine hypocrisie et perdront leur crédibilité !
Alors que la vérité objective de Dieu ne dépend pas des croyants, sa démonstration contemporaine semble bien en dépendre !
L’apologétique n’est pas une discipline avant tout intellectuelle. Le monde nous reconnaîtra comme disciples de Jésus si nous nous aimons (Jean 13.35).
Notre foi se démontre par nos œuvres (Jac 2.17-18).
C’est pourquoi l’apologète chrétien devrait être au moins autant concerné par son incarnation de l’Évangile — que ce soit dans sa vie personnelle ou dans sa vie collective — que par sa faculté à développer une argumentation intellectuelle. Il nous semble d’ailleurs que c’est dans les moments de vie les plus difficiles, qu’une incarnation cohérente du message de l’Évangile revêt une force apologétique particulièrement puissante.
En conclusion nous dirons que la meilleure apologétique est celle qui témoigne d’une intégrité intellectuelle et existentielle de l’Évangile ; il s’agit de celle de l’ensemble du peuple de Dieu parlant et agissant en loyaux disciples de Jésus-Christ, argumentant, vivant et mourant comme des sages témoins du chemin, de la vérité, de la vie.


3 grandes approches

1. L’apologétique classique

Cette approche se confie dans la raison humaine, qui est considérée comme étant universelle et capable de comprendre avec vérité la révélation naturelle de Dieu. Dieu a fait connaître aux hommes ses perfections invisibles, sa puissance et sa divinité par le biais de la création (Rom 1.19-20).
La méthode comprend deux étapes :
1- commencer par établir le théisme (existence de Dieu et de certains de ses attributs) à partir de la création,
2-démontrer que le véritable théisme est le christianisme à partir de l’histoire (faits relatifs à la résurrection de Jésus, prophéties réalisées, véracité de la Bible, etc.)
Quelques promoteurs : Thomas d’Aquin (1224/25-1274), W. L. Craig, J.-P. Moreland, N. L. Geisler, et en France C.  Michon et P. Clavier.

Quelques faiblesses de cette approche

• Une confiance excessive dans la raison, qui a aussi été affectée par le péché qui l’obscurcit, rendant ainsi difficile l’accès à la vérité par elle.
• Des preuves qui sont plus des arguments ou des probabilités en faveur du christianisme, que des preuves dans le sens scientifique du terme.
• Des arguments en faveur de l’existence d’un être suprême insuffisants pour prouver que cet être suprême correspond bien au Dieu de la Bible.
• Une approche inopérante dans un cadre de pensée où la réalité est considérée comme étant une illusion (le bouddhisme par exemple).

2. L’apologétique empiriste

Cette approche part de l’expérience objective, principalement des faits historiques, pour en déduire l’existence de Dieu et la véracité du christianisme.
Cette démarche ne vise pas à donner des « preuves scientifiques », mais plutôt à montrer que la vision chrétienne du monde est plus probable que toute autre vision.
La méthode est inductive : à partir des faits, elle dégage des arguments, qui, en se complétant, pointent en faveur de la plausibilité de la vision chrétienne du monde. Implicitement, nous l’utilisons dans une multitude de domaines où nous nous contentons d’une connaissance vraisemblable, basée sur des données non prouvées, que nous jugeons plus probables que d’autres.
Quelques promoteurs : J. Mc Dowell, J. W. Montgomery, C. Pinnock.

Quelques faiblesses de cette approche

Les faits bruts ne sont pas porteurs de sens en eux-mêmes, et ce n’est que dans le cadre d’une vision du monde, et donc de certains présupposés, qu’ils peuvent être interprétés d’une façon ou d’une autre. Par exemple, l’examen des faits relatifs à la résurrection de Jésus présuppose de ne pas avoir exclu de sa vision du monde la possibilité du surnaturel.

3. L’apologétique présuppositionaliste

Cette approche insiste sur le rôle des présupposés : quelle que soit la vision du monde adoptée, elle s’appuie sur des présupposés, conscients ou inconscients. Or pour pouvoir penser correctement, l’homme doit penser selon les présuppositions bibliques. Cette approche met la foi à l’origine du raisonnement, et non à son aboutissement (cf. Prov 1.7). Elle évite de croire dans l’illusion d’un système de pensée qui serait neutre. Toute vision du monde repose sur des présupposés indémontrables et démarre donc par un pas de foi (dans certains présupposés). Même si le non-croyant ne veut pas le reconnaître, il est créature de Dieu ; c’est pourquoi même s’il déforme la vérité (Rom 1.18), il est obligé d’en retenir certains aspects pour pouvoir vivre au sein de cette création. Cela signifie qu’il est obligé d’accepter certaines incohérences internes à son système de pensée, ainsi qu’entre son système de pensée et sa façon de vivre. Le premier obstacle à la croyance en Dieu semble plus être d’ordre moral que d’ordre intellectuel, et l’humilité semble plus appropriée que les preuves pour conduire à la croyance en Dieu.
Quelques promoteurs : C. Van Til, G. Bahnsen, G. Clark, J. M. Frame, F. Schaeffer, K. J. Clark, A. Plantinga, N. Woltersstorff, etc.

Personnellement, il nous semble qu’une approche présuppositionaliste équilibrée donne un bon cadre théologique général au sein duquel l’ensemble des arguments développés dans les autres approches peuvent être utilisés. Il n’y a pas assez de preuves scripturaires pour dire que l’une ou l’autre des approches est la vue biblique, et il nous faut laisser mille fleurs apologétiques s’épanouir, en sachant adapter notre approche à nos interlocuteurs, tout en faisant preuve de droiture, d’humilité et de respect intellectuel.

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)