Le wokisme : une interpellation pour les chrétiens ?

Si vous demandez à un jeune occidental ce qui peut le détourner de la foi chrétienne, vous obtiendrez des réponses diverses. Certains avanceront l’incompatibilité entre la science et la foi ; d’autres se diront choqués par l’intolérance des chrétiens ; d’autres encore reprocheront aux chrétiens l’absence de cohérence entre leur doctrine et leur pratique [note] D’autres articles de ce numéro traitent de ces sujets.[/note] . Mais plusieurs évoqueront sans doute l’hostilité de certains chrétiens vis-à-vis de mouvements qui militent pour moins d’injustices, moins d’inégalités, moins de discriminations. Même s’il existe des associations chrétiennes à visée sociale, leurs membres ne semblent pas s’engager dans ces mouvements de lutte et s’y opposent parfois fermement en les affublant du terme de « wokisme », contribuant ainsi à leur rejet de la foi chrétienne.

L’impératif actuel d’être éveillé

Un bref historique

Le terme « woke » signifie « être éveillé ». Dès les années 1930, puis lors de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis dans les années 1960 (dont Martin Luther King Jr fut un des fers de lance), ce mot désignait un « éveil » au fait qu’il existait des injustices raciales. Le terme s’est largement répandu dans les années 2010 au travers des réseaux sociaux et des cercles militants : « to stay woke » signifie rester vigilant face aux discriminations raciales et sociales. La mort de plusieurs jeunes Afro-américains dans cette période, qui a donné naissance au mouvement Black lives matter en 2013, a popularisé la notion. S’y est ensuite agrégée la lutte contre les abus sexuels portée par le mouvement #MeToo à partir de 2017. Sur un plan universitaire, les études sur la théorie critique de la race, sur le genre ou sur la condition féminine se sont rapidement développées, en partant des grandes universités des côtes est et ouest des États-Unis.
Dans le monde professionnel, nombre de grandes entreprises ont pris des mesures de discrimination positive en faveur des minorités qui les ont fait désigner comme du « capitalisme woke ».

Un mouvement multi-dimensionnel

Aujourd’hui, le wokisme se définit avant tout comme un ensemble de mouvements qui visent à lutter contre :
• les discriminations raciales,
• le colonialisme,
• le patriarcat et la domination masculine,
• les injustices économiques et sociales,
• l’homophobie,
• l’opposition à la théorie du genre.
Il est important de noter que le terme « wokisme » est récusé par les défenseurs de ces différents mouvements de lutte : selon eux, il est péjoratif et stigmatisant et il est employé à tout-va pour les discréditer. Au lieu de se dire woke, ils préfèrent utiliser les termes « éveillés » ou « conscientisés ».
Par respect pour cette sensibilité, nous préférerons donc utiliser le terme « éveillé ».
Un terme fréquemment utilisé dans les débats autour de ces sujets est « l’intersectionnalité » [note] Il s’agit d’une notion complexe, parfois mal comprise, qui ne fait pas consensus parmi les spécialistes.[/note]  : il désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs types de discriminations.
Par exemple, une femme à peau noire, pauvre et lesbienne.
Une autre expression liée est celle de « cancel culture » ou culture de l’effacement. Elle vise à dénoncer publiquement, pour les rejeter, les personnes, les groupes ou les institutions dont le comportement ou les paroles sont jugés offensants par des groupes discriminés. Cela conduit par exemple à débaptiser des rues portant le nom de personnages historiques ayant soutenu des causes jugées inadmissibles à l’aune des standards du XXI e  siècle ou à déboulonner leurs statues.

De graves excès

Comme dans tout mouvement, des personnes ou des groupes « éveillés » sont allés loin, très loin, trop loin dans la dénonciation des injustices et des discriminations, au point parfois de sombrer dans le ridicule ou dans un dogmatisme totalitaire.
Pour certains, les mathématiques seraient racistes et sexistes car les grands mathématiciens étaient dans leur grande majorité des mâles blancs.
Pour des raisons comparables, on récuserait la biologie scientifique, voire la pure logique. Il serait impossible de parler sur le féminisme si l’on n’est pas une femme, sur la pauvreté si on ne l’a jamais connue, etc. Il faudrait changer le titre de livres écrits des décennies ou des siècles auparavant, voire en réécrire certains passages, etc. [note] Le changement du titre du célèbre roman d’Agatha Christie, Dix petits nègres en Ils étaient 10 , a défrayé la chronique.[/note]
Sur le genre, certains ne s’arrêtent pas à la dénonciation des discriminations, mais portent un discours normatif sur l’absence de détermination biologique qu’ils voudraient imposer à toute la société.

Des violences injustes qui perdurent

Ces outrances sont faciles à dénoncer — et à juste titre [note] Voir Jean-François Braustein, La religion woke, Grasset, 2022.[/note] . Il est aussi inquiétant de voir le sectarisme, voire l’intolérance absolue, de plusieurs leaders de ces mouvements [note] Voir Nathalie Heinich, Le wokisme serait-il un totalitarisme ?Albin Michel, 2023.[/note] — tout comme celui de certains mouvements dits « anti-wokes ».

Cependant, les injustices qu’ils dénoncent ne sont hélas que trop réelles. Oui, le racisme perdure, même dans les pays qui prônent en théorie que tous les humains sont égaux. Oui, il y a des injustices économiques criantes entre les pays et dans un même pays entre nantis et démunis. Oui, beaucoup de femmes subissent des violences physiques ou psychologiques de la part des hommes. Oui, trop de gens s’autorisent encore des propos injustifiables sur des personnes à tendance homosexuelle.
Sans attendre l’émergence de ces groupes dits « éveillés », des hommes et des femmes se sont levés dans le passé avec courage et ont œuvré pour lutter contre ces pratiques. L’actualité médiatique remet aujourd’hui à juste titre au premier plan la dénonciation de ces violences, de ces injustices et des souffrances qu’elles engendrent.

Dieu est « éveillé »

Les points de contact existent entre la notion d’éveil au sens biblique du terme et sa version actuelle — même si des différences majeures demeurent.

Dieu s’intéresse particulièrement aux opprimés

Dans toute la Bible, notre Dieu est sensible aux injustices. Limitons-nous à quelques exemples tirés du début de l’Écriture :
• Dès la Genèse, Dieu au travers de l’Ange de l’Éternel, vient porter secours à Agar en fuite car elle était maltraitée par Saraï sa maîtresse.
• Le chapitre 38 du même livre souligne le machisme injustifiable de Juda.
• Au début de l’Exode, « l’Éternel dit : J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer » (Ex 3.7-8).
• Etc. !

Dans toute la Bible, notre Dieu est du côté des faibles, des opprimés, des victimes :
• Le Psaume 94 dénonce : « Ils égorgent la veuve et l’étranger, ils assassinent les orphelins. » (Ps 94.6) Et Dieu assure ailleurs qu’il en prendra soin personnellement (Jér 49.11).
• Les prophètes ne cessent de dénoncer les injustices sociales. Les réquisitoires d’Amos sont parmi les plus vigoureux pour stigmatiser des écarts de richesse honteux au sein du peuple d’Israël.
• Dieu s’occupe des victimes. Il va se substituer aux mauvais bergers d’Israël pour être le bon berger des brebis maltraitées de son peuple (Éz 34).

Et dans toute la Bible, Dieu approuve ceux qui sont sensibles aux injustices. À tous ceux qui ont « faim et soif de la justice », Jésus annonce dans la 4 e béatitude du Sermon sur la montagne qu’« ils seront rassasiés ».

Jésus est sensible aux injustices

Jésus, Dieu fait homme, prolonge et personnalise «  l’éveil  » (au vrai sens biblique  !) que Dieu démontrait tout au long de l’Ancienne alliance :
• Ses paraboles valorisent des Samaritains discriminés.
• Le récit du riche et de Lazare est également une dénonciation de la dureté de cœur du premier (Luc 16.19-31).

Dans son ministère, Jésus est lui aussi du côté des faibles, des opprimés, des victimes :
• Son attitude vis-à-vis des femmes tranchait par rapport au machisme ambiant de l’époque. Il suffit de penser à son attitude vis-à-vis d’une femme stigmatisée, la Samaritaine [note] Elle cumulait les sources de rejet dans la société juive de l’époque : femme, en concubinage, Samaritaine… (selon le vocabulaire woke, elle était « en situation d’intersectionnalité »). [/note].
• Veuves, étrangers, pauvres, sont les objets privilégiés de ses soins, de ses guérisons, de ses consolations.

L’Église n’a souvent pas été éveillée

Des dénonciations à écouter

Les personnes « éveillées » reprochent volontiers à l’Église comme institution d’avoir été plutôt du côté des oppresseurs que des opprimés, des dominants que des dominés.
Limitons-nous à quelques exemples historiques :
• les conversions violentes et forcées de l’expansion du christianisme constantinien à partir du IV e siècle,
• la colonisation des Amériques au XVI e siècle et la position officielle des dirigeants de l’Église pour mettre fin aux missions jésuites au Paraguay [note]Voir le magnifique film de Roland Joffé, Mission(1986) sur ce sujet.[/note] ,
• l’étonnante bonne conscience d’industriels chrétiens richissimes face à leurs ouvriers miséreux dans l’Angleterre de la révolution industrielle,
• plus près de nous historiquement, la position officielle de l’Église catholique en Espagne ou en Amérique du sud en soutien à des dictatures,
• l’appui d’une large partie des Églises réformées d’Afrique du sud à l’apartheid,
• tout au long de l’histoire, la justification d’une emprise masculine indue dans le couple en tordant certains textes bibliques,
• etc. !

Les critiques qui nous sont adressées ne sont pas dénuées, hélas, de fondement… Alors qu’allons-nous faire ? Balayer ces heures sombres d’un revers de main ? Faisons plutôt face à notre histoire et reconnaissons que l’Église de Jésus-Christ a trop souvent porté honte à son Chef. Plutôt que d’ignorer ces critiques ou de les discréditer, entrons dans un processus de repentance (cf. Dan 9).

Des avancées indéniables…

Mais, me direz-vous, c’est aussi ignorer tout ce que le christianisme a apporté comme bienfaits et comme améliorations à la société pendant des siècles. Cela est vrai. Déjà, au cours des trois premiers siècles, l’expansion de l’Église est largement due à son souci particulier des personnes rejetées par la société antique, en droite ligne de l’enseignement du Maître [note] Voir Rodney Stark, L’essor du christianisme, Excelsis, 2013.[/note] . Plus généralement, l’historien anglais Tom Holland a démontré l’impact des chrétiens dans une fresque historique remarquable [note]Tom Holland, Les chrétiens, comment ils ont changé le monde, Saint-Simon, 2019.[/note] ; pour lui, « le christianisme est l’événement le plus transformateur de l’histoire de l’Occident. Aujourd’hui, même ceux qui abandonnent en nombre croissant la foi de leurs ancêtres et considèrent la religion comme pure superstition, en portent toujours la marque distinctive. »
Il suffit de citer la création des hôpitaux, la lutte contre l’esclavage, les prêtres ouvriers, les missions de réconciliation, etc.

… mais trop peu souvent à la hauteur du véritable évangile

En effet, pour un William Wilberforce qui a lutté jusqu’à sa mort pour abolir l’esclavage, combien d’esclavagistes « bons chrétiens » qui utilisaient la Bible des esclaves dûment expurgée des passages qui auraient pu conduire leurs esclaves à se rebeller [note] Lire https://www.reformes.ch/religions/2018/11/la-bible-des-esclaves-une-legitimation-de-la-domination-esclavage-bible-etats[/note]  ? Pourquoi tant d’églises cultivent l’entre-soi, alors que l’Église rassemblera éternellement des gens de « toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue » ? Pourquoi tant de dirigeants d’églises, partout dans le monde, continuent à défendre mordicus un statu quo social, économique ou racial à rebours de l’enseignement de l’évangile ? Pourquoi encore tant d’attitudes de supériorité vis-à-vis de nos sœurs, alors qu’elles représentent souvent la majorité et sont les plus impliquées en pratique dans nos communautés ?

Le chrétien se doit d’être « éveillé »… de la bonne manière

Que faire face à ces constats ? Que répondre à ceux qui dénoncent l’apathie des chrétiens pour des causes qui leur tiennent à cœur ? Que le chrétien doit en effet être le premier « éveillé » — au vrai sens biblique du terme et non selon une idéologie d’ « éveil » souvent pernicieuse.

1. Remettons en évidence les nombreux textes bibliques qui vont dans le sens de la justice et de la critique des discriminations
Méditons Ésaïe 58, le prophète Amos, l’Épître de Jacques parmi tant d’autres textes.

2. Insistons sur l’apport unique de l’Évangile
• L’Évangile est universel : Il adresse le même message à tous : d’abord, il nous éveille au péché car « tous ont péché » et sont sous le coup de la juste condamnation de Dieu, les opprimés comme les oppresseurs ; ensuite, « quiconque » est invité, tous sont exactement au même niveau devant Dieu par l’œuvre de Christ (Gal 3.28). • L’Évangile est unificateur  : La grande défaillance du « wokisme » est de diviser la société et de mettre les gens dans des cases. D’un côté, les dominés, de l’autre les dominants. Chaque groupe revendique en fonction de ses propres souffrances, quitte à rejeter l’autre ou à méconnaître ses souffrances à lui. Or dans l’Église, il ne devrait pas y avoir (et il n’y aura pas éternellement) la moindre discrimination.
• L’Évangile est restauratif : Non seulement il ouvre vers l’espérance de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre où la justice habite, mais il rétablit dès aujourd’hui chacune et chacun dans son statut de créature unique, porteuse de l’image de Dieu, admise à une relation d’enfant avec le Père.

3. Revoyons notre regard sur « l’autre »
L’altérité nous déstabilise souvent. Comment approcher cette personne d’un contexte social, ethnique, économique, etc. si différent du nôtre ?
Allons plus loin encore : les mouvements d’éveil font la part belle aux idéologies prônant la légitimité de la pratique homosexuelle ou la théorie du genre. Ces courants de pensée hérissent spontanément de nombreux chrétiens qui vont rejeter leurs défenseurs. Mais comment croyez-vous qu’un certain nombre d’homosexuels de Corinthe ont été convertis par Paul (cf. 1 Cor 6.11) ? A-t-il eu un discours stigmatisant, excluant, culpabilisant — ou bien s’est-il approché de ces personnes, en alliant douceur et compréhension avec vérité et non-compromission, pour leur apporter l’Évangile transformant de Jésus-Christ ? [note] Lire à ce sujet Marie-Noëlle Yoder, Quand genre, culture et foi s’entrechoquent, Éditions Mennonites, 2023.[/note]

4. Mettons en valeur l’approche chrétienne
• Basée sur le pardon et non la vengeance : Les « éveillés » se disent eux-mêmes « en guerre » pour faire triompher leurs idées [note]Écouter à ce propos les propos de François Cusset, dans le podcast Répliques, « Qu’est-ce que le wokisme ? », https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/qu-est-ce-que-le-wokisme-3619967[/note]  ; certains veulent tout détruire, y compris leurs oppresseurs. Jésus, qui a subi la plus grande violence, a pardonné à ses bourreaux et nous invite à faire de même. La vengeance ne fera que perpétuer le cycle funeste de l’injustice. Mais la force du pardon est la gloire du christianisme.
• Basée sur une ouverture au dialogue : Les mouvements d’éveil ont tendance à se replier sur eux par communauté, refusant le dialogue avec ceux qui ne subiraient pas les mêmes injustices ; les dominés refusent de parler aux dominants.
Au contraire, le chrétien sait avec une humble assurance que la vérité dont il est le témoin n’a rien à perdre d’une confrontation honnête.
• Basée sur la consolation de Dieu : Même si je n’ai jamais été pauvre, je peux parler à une personne pauvre de la consolation de Dieu (pas la mienne !) car « par la  consolation dont nous sommes l’objet de la part de Dieu, nous pouvons consoler ceux qui se trouvent dans l’affliction ! »(2 Cor 1.4)

5. Plaidons pour une église vraiment accueillante
Qu’elle soit particulièrement accueillante :
• Pour les femmes, trop confrontées à de multiples discriminations, pour qu’elles trouvent leur place, leur rôle, un accueil, une écoute, un soutien.
• Pour les minorités, souvent exclues du mouvement général, à cause du handicap, de la barrière linguistique, des habitudes différentes, .etc.
• Pour les personnes dans le besoin, avec un accueil non empreint de supériorité ou de paternalisme.
• Pour les personnes mal dans leur sexualité ou leur genre : c’est sans doute le plus sensible pour nous, car nous pensons immédiatement à des textes bibliques en opposition, mais cherchons à développer une approche pastorale délicate ; l’Évangile n’est-il pas la meilleure aide pour nous établir dans notre pleine identité de filles et fils de Dieu ? [note] Lire Rachel Gilson, « Sex: Telling a Better Story », in Before You Lose Your Faith: Deconstructing Doubt in the Church, sous dir. Ivan Mesa, The Gospel Coalition, 2021.[/note]

6. Ne nous trompons pas de combat
Notre lutte devrait être avant tout contre les injustices (même s’il peut y avoir place pour une dénonciation étayée des idéologies contraires à la révélation de Dieu) [note] Voir Tevin Wax, Is Wokeness the Greatest Threat to the Gospel?, https://www.thegospelcoalition.org/blogs/trevin-wax/is-wokeness-the-greatest-threat-to-the-gospel/[/note] ! Bien sûr, nous savons que seul le retour de Jésus-Christ mettra un terme définitif à toutes les injustices, toutes les discriminations, toutes les dominations indues. Mais, sel et lumière du royaume qui vient, il nous revient d’œuvrer autant que nous le pouvons pour atténuer les tristes conséquences du péché. Ainsi nous ferons honneur à la doctrine que nous prônons (Tite 2.10 ; 3.8,14).

7. Mettons-nous toujours sur un chemin d’éveil personnel
Les auteurs de ces lignes, privilégiés sur bien des plans, sont sans doute mal placés pour percevoir la douleur des discriminations subies par beaucoup, diront certains. Notre prière est que Dieu ouvre dans notre cœur un chemin d’éveil personnel pour plus de compassion vis-à-vis des souffrants, davantage d’ouverture vis-à-vis de l’autre dans sa différence, plus de zèle pour orner l’évangile par nos attitudes.

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)