Trois approches du sacrifice d’Isaac (Genèse 22)

Le chapitre 22 est l’un des textes de la Genèse — voire de tout l’A.T. — les plus connus, les plus lus, les plus étudiés. Les Juifs considèrent la « ligature d’Isaac »1 comme un des sommets de la révélation et ils la rappellent lors de leur nouvel an. Les chrétiens y ont vu un acte de foi exemplaire d’Abraham2. En tout cas, ce texte fondateur ne laisse personne indifférent.

Sans prétendre épuiser sa richesse en quelques pages, nous en proposons trois approches complémentaires, dans une perspective éclairée par les échos que le N.T. donne à ce texte.

1. Une approche historique et théologique

Cet épisode arrive à un moment particulier de la vie d’Abraham. Parti sur l’ordre divin d’Ur, sa patrie, puis de Charan à la mort de son père, il arrive à 75 ans dans le pays promis, sans toutefois le posséder. Il doit attendre 25 ans l’accomplissement d’une autre partie de la promesse divine : la naissance d’un fils légitime, Isaac. La fin du ch. 21 le montre dans une sérénité enfin trouvée : Ismaël, son premier fils, est parti ; la paix a été faite avec Abimélec, le roi local (cf. ch. 20) et il réside tranquillement à Beer-Schéba, sous les arbres qu’il a plantés, en invoquant « le nom de l’Éternel, Dieu de l’éternité ».

C’est à ce moment que Dieu le met à l’épreuve — et de quelle façon ! Abraham doit offrir en holocauste le fils de la promesse (lire le ch. 22). Il accepte et n’est arrêté qu’au dernier moment par l’ange de l’Éternel. Finalement, un bélier est substitué à Isaac. Abraham peut alors retourner à Beer-Schéba.

Le texte ne manque pas de susciter des questions redoutables : Pourquoi le vrai Dieu, le Dieu saint, demande-t-il un sacrifice humain, et quelle valeur pourrait avoir celui-ci ? Pourquoi Abraham obéit-il sans discuter, alors qu’il a montré quelques temps auparavant qu’il savait plaider respectueusement avec Dieu pour lui demander d’infléchir par grâce sa décision (18.17-33) ? Pourquoi Isaac se laisse-t-il faire sans résister, alors qu’il est un jeune homme suffisamment fort pour porter le bois3 et qu’Abraham est vieux ? Pourquoi le Dieu omniscient dit-il qu’il a eu besoin de cet acte pour savoir qu’Abraham le craint ?

La concision du texte ne permet pas de répondre à toutes ces interrogations, mais les détails qu’il nous rapporte en sont d’autant plus parlants. De plus, les citations ou allusions à cet épisode dans le N.T. en donnent un commentaire éclairé par le Saint-Esprit (lire Héb 11.17-19 ; Jac 2.21-23 ; Héb 6.13-15).

Tout d’abord, affirmons de la façon la plus nette que Dieu n’approuve en aucune manière un sacrifice humain : la loi (Lév 18.21 ; Deut 12.31), les livres historiques (2 Rois 16.3 ; 21.6) et les prophètes (Jér 7.31 ; Mich 6.7) condamnent avec force ces pratiques barbares des peuples cananéens ou phéniciens. Cette « abomination » est odieuse à Dieu : elle ne lui « était point venue à la pensée » (Jér 32.35). Donc, si Dieu donne cet ordre incongru, c’est qu’il veut apprendre à Abraham une leçon particulière sur ce sujet — nous y reviendrons.

Le commandement divin semble en contradiction avec les promesses passées (« C’est d’Isaac que sortira une postérité qui te sera propre », 21.12, cf. Héb 11.18) et incohérent avec ce qu’Abraham connaissait de Dieu. Mais la foi d’Abraham se montre dans une obéissance immédiate et sans discussion. Rien n’indique qu’Abraham ait eu le pressentiment que le sacrifice lui serait épargné au dernier moment ; au contraire, tous les préparatifs, soigneusement évoqués dans le texte (le bois fendu, le feu, le couteau), concourent à penser que le patriarche était prêt à sacrifier son fils. Selon certains hébraïsants, la réponse qu’il donne à l’interrogation de son fils est à double sens ; on pourrait lire : « Dieu choisira lui-même l’agneau de l’holocauste : mon fils. » L’holocauste, c’est le fils lui-même ! Seule explication de cet acte de foi : l’anticipation d’une résurrection dont il n’avait pas eu la révélation explicite, mais qu’il entrevoyait, peut-être nourrie de sa propre expérience de la paternité à partir d’un corps « déjà comme mort » (sens littéral, Rom 4.18-22). Abraham savait que Dieu lui avait promis que la descendance innombrable promise passerait par Isaac ; Dieu lui demandait de sacrifier ce maillon indispensable de la chaîne ; donc la seule façon de concilier ces deux côtés était de croire que Dieu allait ressusciter Isaac. L’adieu d’Abraham à ses serviteurs le confirme : « Nous reviendrons », dit-il avec confiance. L’auteur de l’Épître aux Hébreux précise : Abraham « pensait » que Dieu avait la puissance de résurrection ; le verbe implique qu’il a pesé les divers éléments en présence et qu’il en a tiré la seule conclusion logique : Elohim est le Dieu de la résurrection !

Si rien n’est dit des sentiments ou de la réaction d’Isaac, afin que l’accent soit mis sur la foi d’Abraham, la répétition de la marche commune (22.8b après 22.6 et l’échange qui s’intercale) suggère peut-être une acceptation volontaire d’Isaac, possiblement après un échange non rapporté avec son père sur cette perspective de résurrection.

Néanmoins, au moment fatidique, Dieu empêche formellement Abraham de sacrifier son fils. Pourtant, ressusciter Isaac immédiatement après l’holocauste aurait eu un impact extraordinaire et aurait confirmé glorieusement l’intuition d’Abraham ! C’est que Dieu veut indiquer très clairement par là qu’il ne demande pas de sacrifice humain. Il n’est pas un Dieu comme ceux des Cananéens qui entourent Abraham qui exigent les plus coûteuses des offrandes pour être favorables. Il est autre, il est le Dieu saint, le Dieu de la vie, pas de la mort4. Sa faveur repose sur Abraham indépendamment de ce que ce dernier peut lui offrir, même de plus cher. La foi d’Abraham l’honore, mais elle doit être corrigée pour qu’il comprenne — et aussi le peuple d’Israël pour qui Moïse rapporte cet épisode — qu’il n’est pas un Dieu assoiffé de sang, mais le généreux pourvoyeur de l’alliance de grâce. Elohim n’est pas le Dieu qui exige, mais qui donne !

Par cet acte, Dieu exhibe la foi qu’il lisait dans le cœur de son « ami » (Jac 2.23). Et c’est toute l’argumentation que Jacques développe en prenant l’exemple d’Abraham : il a été justifié par un acte de foi intérieur (Gen 15.6), prouvé par un acte de foi extérieur. Dieu prouve expérimentalement ce qu’il savait déjà5.

La foi d’Abraham s’est donc attachée à Dieu plus encore qu’à ses promesses, concrétisées en Isaac : il a choisi de faire confiance à Dieu, malgré tout. C’est la foi qui « espère contre toute espérance » ! Et cet exemple de foi a guidé et encouragé nombre de croyants à la suite du « père de la foi » (Rom 4.11,18).

2. Une approche prophétique et christologique

Une deuxième lecture de Genèse s’est rapidement fait jour dans l’Église, qui y a vu une préfiguration de la croix. Toutefois, si le N.T. abonde en citations de l’A.T. mises en relation directe avec la mort de Christ, aucun texte ne fait explicitement référence à Genèse 22 sous cet angle-là. Mais le chrétien ne peut qu’être frappé des parallèles entre les détails de ce chapitre et le sacrifice de Jésus. Beaucoup plus que des coïncidences, ils pointent de façon prophétique vers l’œuvre du Fils de Dieu à la croix. Énumérons-en quelques-uns :
– L’expression « ton unique » a été rendue en grec dans la LXX par le même mot qu’en Jean 3.16 (« son fils unique »).
– Le verbe « aimer » est mentionné ici pour la première fois dans l’Écriture : l’amour préexistant du Père pour le Fils n’est-il pas à la base de tout amour, tant son amour pour nous que notre amour mutuel6 ?
– Les quatre noms donnés à Isaac au v. 2 rappellent les nombreux « quadruplés » liés à la personne et à l’œuvre de Jésus7.
– Le pays de Morija a été identifié plus tard au mont où Salomon a bâti le temple (2 Chr 3.1) et c’est près de là que, 20 siècles plus tard, Jésus donnera sa vie.
– Le bois chargé sur Isaac fait immanquablement penser à la croix dont Jésus s’est chargée — tout d’abord moralement, lorsqu’il entrevoyait l’heure du sacrifice, puis physiquement, lorsqu’il sortit de devant Pilate.
– « Ils marchèrent tous deux ensemble » répète le texte (22.6,8) : préfiguration de la communion constante entre le Père et son Fils incarné.
– L’interrogation d’Isaac, qui interpelle son père en disant : « Abba », fait écho à la scène de Gethsémané où Jésus demande à son Père s’il y aurait une solution.
– Le « troisième jour » (v. 4) où Abraham reçoit son fils comme si celui-ci était ressuscité évoque la glorieuse sortie du tombeau de Jésus.

D’autres détails peuvent suggérer des transpositions : le bélier qui va être finalement sacrifié a les cornes (symboles de la puissance) retenues à un buisson (symbole de la chute). La seule solution pour ôter la malédiction qui pesait sur la terre était que la puissance de Dieu s’y confronte par la mort d’une victime. Le bélier était l’animal par excellence des cérémonies de consécration (cf. Ex 29) et Jésus s’est consacré jusqu’au sacrifice de lui-même pour réaliser le plan de Dieu.

Mais l’analogie reste forcément imparfaite. Rien n’est dit dans le texte sur l’exacte compréhension qu’Isaac avait de l’événement ; Jésus, lui, savait tout ce qui devait lui arriver (Jean 18.4). Isaac n’a finalement pas été sacrifié, tandis que Jésus est allé jusqu’au bout. Oui, en son Fils, Dieu s’est pourvu « lui-même » de l’agneau pour l’holocauste ; il « n’a point épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous » (Rom 8.32). « Christ, qui nous a aimés, et qui s’est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur » (Éph 5.2) est l’holocauste parfait et définitif que la ligature d’Isaac ne pouvait que faiblement préfigurer.

3. Une approche morale et pratique

Une troisième approche, certes mineure par rapport aux deux précédentes, voit dans ce texte une situation de famille, comme il y en a tant dans ce livre de la Genèse — une situation riche d’enseignements pratiques pour nos propres relations de famille.

On peut s’étonner que Dieu ne désigne pas d’abord Isaac par son nom (22.2) ; au contraire, il met en avant la relation d’Abraham avec lui (« ton », 2 fois, « tu »). Ne veut-il pas indiquer par là au patriarche que sa relation avec ce fils, à la fois premier-né et petit dernier, est trop possessive8 ? Ce « va-t-en », ne lui en rappelle-t-il pas un autre, environ 40 ans avant (Gen 12.1) ? De la même manière qu’Abraham, au début, avait dû laisser sa parenté, il doit maintenant laisser Isaac. Abraham « coupe le cordon » avec son fils.

La fin du récit confirme cette lecture : Abraham revient seul vers ses serviteurs (22.19, contrairement à l’annonce du v. 5). Isaac semble avoir disparu ! Il est désormais un fils libre, capable de vivre sa vie indépendamment et bientôt de se marier9.

Nous en tirons une double leçon : Notre foi est-elle assez forte pour, le moment venu, laisser nos enfants devenir autonomes ? Comptons-nous sur la puissance de Dieu qui peut les garder bien mieux que nous et tout autant qu’il nous a gardés nous-mêmes ? Nous ne les élevons que pendant un temps, dans le but même de les laisser aller, heureux de les voir désormais s’inscrire personnellement dans la même lignée de la foi que nous (cf. Héb 11.20).

Par ailleurs, qu’est-ce qui a le plus de prix pour nos cœurs ? La bénédiction de Dieu ou Dieu lui-même ? Abraham, lui, n’a pas hésité à sacrifier ce fils qui concrétisait les promesses qu’il avait reçues, au Dieu qui les lui avait faites. Dieu nous bénit ; mais si pour fortifier notre foi et la mettre en évidence, il nous retire (peut-être temporairement) ces bénédictions, il reste, lui, toujours là, suffisant à tout. Au chapitre suivant, Dieu va retirer à Abraham une autre bénédiction, sa femme. Sans doute l’épisode tragique à l’heureux dénouement du ch. 22 l’a-t-il préparé à la rupture définitive pour la terre du ch. 23.

* * *

Abraham a été mis à l’épreuve, mais quelles bénédictions en ont résulté ! Une fulgurante compréhension du Dieu de résurrection, une meilleure appréciation du Dieu de l’alliance de grâce, une liberté acquise pour son fils, une démonstration de foi qui nous touche 40 siècles plus tard, une anticipation unique d’un sacrifice ô combien plus grand… Ce chapitre mérite assurément sa réputation !

1 Nom qu’ils donnent à ce chapitre.
2 Les musulmans retiennent aussi l’épisode, même s’ils ne s’accordent pas sur l’identité de la victime: Isaac ou Ismaël ?
3 Il est impossible de donner l’âge d’Isaac à partir du texte seul. Flavius Josèphe indique 25 ans ; des rabbins juifs, 37 ans (ils imaginent que Sara a succombé à l’annonce qu’Abraham lui a faite à son retour de cette épreuve). Les termes employés suggèrent plutôt un adolescent ou un jeune adulte. Tout âge entre 12 et 37 est plausible.
4 Le choix du nom Elohim (Dieu) plutôt que Yahveh (l’Éternel) dans tout le début du texte est peut-être une indication que le Dieu d’Abraham est mis en contraste avec celui des Cananéens.
5 On a pris l’analogie suivante : un professeur de chimie peut dire, lors d’une expérience : « Nous allons voir ce que la combustion de ces deux produits va donner »… alors qu’il le sait déjà pertinemment et qu’il ne sera en rien surpris du résultat. Mais ses étudiants, si !
6 Cf. les dimensions de l’amour développées par Jean dans son Évangile (voir Promesses 164).
7 Par ex.: les 4 Évangiles, les 4 couleurs des rideaux du tabernacle, les 4 mentions du Germe, etc.
8 Il y a une réminiscence du changement de nom de Sara que Dieu avait demandé à Abraham : « Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï [ma princesse] ; mais son nom sera Sara [princesse, tout court]. » (18.15) Il avait déjà dû apprendre la dépossession vis-à-vis de sa femme.
9 Peut-être est-ce un des sens de l’enchaînement avec les v. 20 à 24 où Rebecca, future femme d’Isaac, est introduite.

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Écrit par

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

Écrit par

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Écrit par

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)

 

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