Les chrétiens vont-ils à la catastrophe ?

Dernier entretien de Francis Schaeffer avec la journaliste du MOODY MONTHLY, Melinda Delahoyde

Qu’est-ce que vous appelez « la grande catastrophe évangélique » ? (1)

Une section importante des évangéliques, au lieu d’employer la Bible pour juger l’esprit du monde d’aujourd’hui, s’y est tout simplement adaptée. L’esprit de notre époque réclame l’autonomie, c’est-à-dire la liberté des contraintes de toute loi, de tout absolu, même de la nature humaine. Dans un monde pareil, il n’existe plus le moindre absolu moral. Chacun fait et dit uniquement ce qui lui plaît.

Lorsque les évangéliques s adaptent ainsi à cette façon de penser qui a son origine dans le siècle des lumières, ils finissent par tordre l’Ecriture afin de l’accorder aux vents changeants et mouvants de la culture ambiante, au lieu de juger celle-ci à partir des absolus que nous donne l’Ecriture.

Quand les chrétiens cèdent à cet esprit du monde qui ne cherche que l’autonomie de l’homme et son droit à ne faire que ce qui lui est agréable, esprit qui rend purement subjective toute spiritualité, il est temps de leur dire: « Réveillez-vous! Vous avez été pénétrés par l’esprit du monde. Vous êtes devenus mondains. »

La Bible elle-même a été assujettie à un compromis de ce genre. Nous trouvons un nombre considérable de professeurs évangéliques dans les facultés de théologie et dans les universités chrétiennes qui, en optant pour une méthodologie existentialiste, adaptent leur conception de la Bible à celle de la théologie ambiante. Il s’agit là tout simplement d’une néo-orthodoxie se donnant le nom d’évangélisme.


Pouvez-vous nous donner d’autres exemples où les évangéliques avaient compromis la foi?

Les évangéliques se sont compromis à tous les points cruciaux de la vie culturelle. Nous avons confondu le royaume de Dieu avec des programmes politiques à tendances socialistes. Les structures injustes de la société ou le système capitaliste rie sont pas la cause du mal qui prévaut dans notre monde. La transformation des structures économiques qui aboutit par exemple à l’établissement d’un genre nouveau de redistribution des biens, ne peut aucunement arrêter le mal. Cette fa on de penser n’est rien d’autre que du marxisme. Quand les évangéliques adoptent une telle interprétation de la vie sociale et économique, ils démontrent tout simplement qu’ils veulent s’adapter au monde.

Un autre exemple se trouve dans le féminisme outrancier qui influence tant d’attitudes dans notre société. Dieu a créé l’homme et la femme pour être égaux en dignité, mais cette égalité tient compte des différences. Les deux sexes se complètent mutuellement. Mais aujourd’hui, bien des gens, y compris des évangéliques, cherchent à faire disparaître cette merveilleuse différence. Emportés par cet esprit d’accommodement, certains d’entre eux n’hésitent pas à tordre la Bible afin qu’elle puisse approuver par exemple le divorce par consentement mutuel, l’homosexualité et l’égalité totale des hommes et des femmes.

L’avortement est l’exemple le plus frappant de cet accommodement. Nous, les évangéliques, avons eu de la peine à entrer dans la bataille contre l’avortement, soit parce que nous pensons qu’il ne faut pas légiférer sur des questions de morale, soit que nous considérons sincèrement que la vie humaine ne débute pas à la conception. Une vision quelconque du monde qui nous interdirait de promouvoir publiquement la moralité biblique s’est complètement fourvoyée en s’accommodant au mythe sécularisé de la neutralité. Sur la question de l’avortement:, personne ne peut rester neutre. Tout le monde légifère à partir de valeurs (2). Mais pour le chrétien, il n’existe qu’une seule position possible: la vie humaine commence à la conception. C’est ce que la Bible enseigne.

Si nous ne défendons pas la vie des hommes dès avant leur naissance, nous nions de façon pratique la vérité de la Bible.


Vous dites souvent que « la vérité conduit à la confrontation ». Qu’est-ce que cela signifie pour le chrétien qui croit à la Bible ?

Il s’agit d’abord d’une question d’attitude. John Wesley employait une expression qui m’a été très utile. Quand les gens qui l’entouraient se mettaient à s’exciter sur un sujet ou un autre, il appelait cela « une excitation impie ». Lorsque je me trouve impliqué dans des questions controversées, je me demande d’abord: « Ton sentiment reflète-t-il uniquement ta loyauté à l’égard de Dieu et de l’Ecriture, ou t’es-tu laissé prendre par une excitation purement charnelle ? » Est-ce que je fais des chrétiens qui se trouvent dans l’autre camp mes adversaires, ou mon but est-il uniquement de voir la situation s’améliorer ? Tout en m’exprimant clairement et sans ambages, je dois rester assez courtois pour pouvoir inviter mes adversaires à prendre une tasse de thé chez moi afin de continuer la discussion. Mais, cela étant dit, il nous faut affirmer que là où se trouve la vérité son contraire est nécessairement une non-vérité, une erreur. On ne peut pas déclarer: « Je crois en la vérité de la Parole de Dieu », et puis prendre ses aises en laissant tout le monde croire tout ce qui lui plaît. Notre loyauté envers Dieu comporte davantage qu’une simple affirmation de nos croyances. Notre loyauté est envers le Christ et envers Dieu, dont l’existence ne fait aucun doute.

Pratiquement, cela veut dire qu’il nous faut dénoncer tout enseignement contraire à la vérité. La vérité invite à la confrontation. Si nous n’avons pas compris qu’il nous faut dénoncer clairement, mais avec amour, ce que condamne la Bible sur le plan tant doctrinal que moral, pouvons-nous vraiment croire que nous aimons Dieu 7 Nous confessons notre foi et nous chantons avec enthousiasme à l’église, mais parfois je tremble en pensant à ce que l’on croit véritablement dans les milieux évangéliques.


Les évangéliques peuvent être en désaccord sur bien des points, mais où donc se trouve l’essentiel ?

Bien que toute vérité soit importante, tout n’est pas sur le même niveau dans la hiérarchie de la vérité. Les chrétiens qui croient à la Bible se situent à des points différents de ce spectre. Les choses qui ne nous paraissent pas essentielles se trouvent dans une zone intermédiaire grisâtre où nous constatons des désaccords.

Afin de rester dans le domaine pratique, limitons cette question au travail spécifique des différentes dénominations. Allons-nous dans une église qui croit fermement à la Bible pour nous quereller sur nos différentes préoccupations dénominationnelles?

Nous devons faire une distinction très nette entre les églises qui croient à la Bible et celles qui n’y croient pas. Croire à l’entière vérité de la Bible est une prise de position essentielle. Par contre, le mode du baptême ou la fréquence de la sainte cène sont des questions secondaires. Beaucoup d’excellentes églises diminuent sérieusement l’efficacité de leur travail en insistant trop sur des différences d’ordre spécifiquement dénominationnel.


Quels conseils et quels encouragements pouvez-vous donner aux chrétiens qui veulent combattre pour la vérité de Dieu dans l’Eglise ?

Ils doivent d’abord avoir une relation personnelle profonde avec le Christ. Il ne suffit pas de participer à quelques démonstrations publiques. Nous devons d’abord nous édifier mutuellement dans notre communion avec Dieu. Une relation profonde n’est jamais quelque chose de statique. On peut la voir grandir ou la laisser mourir.

En deuxième lieu, ils doivent comprendre que ce que nous enseignons est vrai. Il ne s’agit pas simplement d’expériences religieuses personnelles. Il s agit de vérités objectives. Ce qui se passe dans notre pays avec l’avortement ainsi qu’avec d’autres décisions légales tout aussi arbitraires n’est pas seulement en désaccord avec la Bible, mais en opposition absolue.

Nous devons comprendre quel est notre ennemi et quelle est la nature de notre vocation. Dieu nous a appelés à manifester son amour et sa sainteté. Nous devons demander à Christ de nous rendre capables chaque jour, avec l’aide de son Saint-Esprit, d’exprimer en pensée et en action l’existence et le caractère de ce Dieu-là, et cela en contraste radical avec l’esprit du monde qui nous environne. Nous n’avons pas à faire à des éléments épars d’un mal fragmentaire, mais à une vision monolithique du monde, vision qui est carrément opposée à tout ce qu’enseigne la Bible. C’est cette vue antibiblique du monde qui a provoqué la destruction complète de notre civilisation.

Nous proclamons l’existence d’un tel Dieu non seulement par-ce qu’il est lui-même la vérité, mais également parce qu’en lui notre vocation d’êtres humains se réalise pleinement. Si Dieu existe et s’il nous a faits à son image, lorsque nous nous opposons à sa Parole, non seulement nous péchons, mais nous allons à l’encontre de notre bien suprême. L’objet de notre combat n’est pas simplement une vérité théologique abstraite ; nous luttons pour préserver notre humanité elle-même. Une fois que nous avons bien compris cela, nous pouvons aller de l’avant. Alors notre position peut être radicale, sans compromis.


Dans cette bataille, les chrétiens peuvent-ils vraiment renverser le courant ?

Seul Dieu le sait. Notre tâche n’est pas de savoir si nous allons gagner ou non; notre tâche est d’être fidèles. L’Eglise a traversé de nombreuses périodes où il semblait qu’elle était réduite quasiment à rien. Ceux qui étaient restés fidèles au Seigneur Jésus-Christ et aux Ecritures ont travaillé petit à petit à faire sortir quelque chose de nouveau de cette situation. Nous devons faire confiance au Christ et au Saint-Esprit pour les résultats.

Paul avait-il perdu la bataille lorsqu’il fut décapité? Les premiers chrétiens étaient-ils vaincus parce qu’ils moururent dans les arènes ? Les réformateurs avaient-ils tout perdu quand on les mettait à mort ? Loin de là! Notre tâche est d’être conséquents devant le Seigneur et de mettre notre confiance entièrement en lui.

Je ne sais pas si cette nation est condamnée ou non. Je crois que nous sommes à présent sous le jugement de Dieu pour avoir ignoré la lumière qu’il nous a donnée. Si suffisamment de chrétiens résistent et sont fidèles, qui sait, peut-être verrons-nous non seulement l’Eglise revenir à la vérité, mais même la restauration de notre culture. Nous devons être prêts à payer le prix et n’être qu’une minorité.

Je ne sais pas à quel moment de l’histoire nous nous trouvons. Mais au fond, l’important n’est pas là. La question essentielle n’est pas de savoir si l’Eglise d’aujourd’hui sera sauvée ou si elle s’est déjà trop avancée dans la voie des compromis. Mais dans un cas comme dans l’autre, notre tâche reste exactement la même. Il nous faut aimer le Seigneur Jésus, aimer les Ecritures, nous attendre au Saint-Esprit pour accomplir son oeuvre dans nos vies; et ensuite aller de l’avant. Je crois, par la foi et en espérance, que nous avons une possibilité très réelle de victoire.


Vous avez un amour profond pour la vérité de Dieu et pour sa Parole. Pourriez-vous nous parler un peu de vos expériences à cet égard ?

Je n’aime pas ce livre parce qu’il a une belle reliure en cuir et que sa tranche est dorée! Je ne l’aime pas non plus parce que ce serait un « livre saint ». Je l’aime parce que c’est le livre de Dieu. Par ce livre, le créateur de l’univers nous a fait savoir qui il est, comment nous pouvons venir à lui par Jésus-Christ, qui nous sommes réellement et de quoi est faite la réalité. Sans la Bible, nous ne connaîtrions rien de tout cela.
Cela peut vous paraître un peu sentimental, mais souvent quand je prends rua Bible le matin, je passe une main sur la couverture avec affection. Je suis tellement reconnaissant de l’avoir. Si le Dieu qui est là avait créé l’univers et n’avait ensuite pas parlé, nous ne saurions même pas qui il est. Mais la Bible nous révèle le Dieu qui existe, et c’est pour cela que j’aime ce livre. Je n’aime pas la Bible en tant que simple livre. Je l’aime à cause de son contenu et à cause de celui qui nous a donné ce contenu. D’année en année, je ressens cela plus fortement, tant affectivement qu’intellectuellement.


En réfléchissant à ces cinquantes années passées au service de l’Eglise, quelles paroles voudriez-vous, en conclusion, adresser aux évangéliques ?

J’ai observé le monde évangélique croître de plus en plus. Etant finalement devenue une Eglise bien établie, les évangéliques, au lieu de combattre le mal, se sont adaptés à l’esprit du monde dans presque tous les domaines. Si aujourd’hui nous ne rétablissons pas, avec amour, les distinctions nécessaires, nous ne le ferons jamais. J’en suis absolument convaincu.

A ses débuts, l’Université de Harvard croyait si fermement au baptême des petits enfants qu’un de ses premiers présidents fut démis de ses fonctions parce qu’il n’acceptait pas cette doctrine. Nous nous demandons aujourd’hui: « Etait-ce là une cause valable de séparation ? » Cependant, Harvard était certes attachée de manière plus consciente à l’Evangile à ses débuts que ne le sont aujourd’hui la plupart de nos facultés évangéliques.

Ce qu’il nous faut, c’est une séparation des voies. Certains ne suivront pas, mais d’autres doivent absolument parler clair et haut. Les divisions nécessaires que nous devons vivre aujourd’hui sont aussi importantes que celles du passé. Je me souviens très clairement de la cassure de l’Eglise presbytérienne dans les années trente. L’excommunication du Dr. Gresham Machen par l’Eglise presbytérienne des Etats-Unis pour son opposition au libéralisme théologique fut peut-être l’événement historique le plus marquant de la première moitié de ce siècle. Cela signifiait que cette église et d’autres à sa suite avaient cédé à l’esprit du libéralisme. Une barrière qui empêchait la désintégration de la société était tombée.

L’Eglise évangélique se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Si on peut faire disparaître cette Eglise en induisant les évangéliques à dire exactement la même chose que le monde, à confondre le royaume de Dieu avec des programmes socialistes, à minimiser l’importance des questions qui concernent la vie ou tout simplement à se taire, je crois que la dernière barrière sociologique contre le mal aura disparu.

Ce que nous affirmons ici est crucial pour la cause de Jésus-Christ, pour l’Eglise, pour la bataille qui doit se livrer dans la société. Si nous ne confrontons pas courageusement cet esprit de compromission, si nous ne rétablissons pas, avec amour, les distinctions essentielles dans les églises et dans les écoles, de nombreuses organisations évangéliques seront perdues pour la cause de Jésus-Christ.

Traduit par J-M. Berthoud et J-P. Schneider et reproduit avec la permission du « Moody Monthly », juillet/août 1984.

(1)11 s’agit du titre du dernier ouvrage de Francis Schaeffer: « The Great Evangelical Disaster », qui n’a pas encore été traduit en français.

(2) Toute législation est inévitablement fondée sur des valeurs, morales ou immorales, peu importe! (Rédaction)

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En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)