Fuite de l’Absolu

Fuite de l’Absolu – Observations cyniques sur l’Occident postmoderne, vol. 1, éditions Samizdat, Ste-Foy, (Canada). 492 pages avec avant-propos, notes, bibliographie et index des sujets ; courriel : pogo@novactiv.ca ; site Internet : www.samizdat.qc.ca/publications.

Nous présentons ici un extrait de l’avant-propos de ce livre intéressant qui nous fait découvrir l’idéologie matérialiste du postmodernisme de l’Occident et ses mécanismes, réel danger aussi pour l’Église qui s’en imprègne. Son auteur est anthropologue. Il est marié, père de deux enfants et vit au Québec, au Canada. Nous recommandons vivement cet ouvrage.

Extrait de l’Avant-propos

Si on recule d’un siècle ou deux, la religion jouissait en Occident d’une grande influence sur plusieurs institutions sociales d’une importance stratégique : l’éducation, la justice, la science, la santé, les arts et la culture, etc. Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Au cours du XXe siècle, la laïcisation a marginalisé le discours religieux traditionnel en Occident. Les grandes institutions sont toutes dominées par une perspective laïque. Exception faite des États-Unis, il est manifeste pour le plus grand nombre que l’Occident est devenu séculier, sans religion. Mais si on dépasse les apparences, on découvre que le besoin de sens n’a jamais cessé de hanter l’homme occidental. Même si le contexte culturel a changé, les questions ultimes restent tout aussi pertinentes au XXIe siècle qu’elles pouvaient l’être dans l’Antiquité ou au Moyen Âge. Est-ce pensable que le matérialisme dit scientifique (et sa nombreuse progéniture idéologique) n’ait pas éliminé la religion, mais, dans le contexte actuel, ait supplanté ses fonctions et participe, bon gré mal gré, à fournir des réponses à la question du sens ?

Il faut constater que la vision du monde matérialiste a été d’abord une idée dans l’esprit de quelques penseurs influents du Siècle des Lumières, mais avec le temps elle a fini par former l’attitude et le comportement des classes éduquées et, finalement, de sociétés entières. La pénétration de cette vision du monde est à ce point profonde qu’elle est devenue un présupposé invisible, allant de soi.

À la rencontre d’un intellectuel, je m’amuse parfois à poser les questions suivantes : « Qu’est-ce pour toi que le postmodernisme ? Qu’est-ce que la distinction moderne/postmoderne ? » Les réponses varient toujours en fonction des champs d’intérêt de la personne et de son domaine de formation. Une définition pertinente, dans le champ des études littéraires ou en architecture, sera bien souvent sans intérêt en anthropologie ou en histoire. Il ne peut donc être question ici que d’offrir une perspective inévitablement partielle et partiale de la question.

Qu’est-ce qu’une vision du monde, une idéologie ou une religion1 ? Il s’agit d’abord d’un système de pensée élaboré pour donner sens à l’existence humaine tout aussi bien sur le plan intellectuel qu’émotif. Dans un premier temps, une vision du monde comporte une cosmologie, c’est-à-dire un ensemble de présupposés touchant l’ordre du monde. La cosmologie fournit le cadre conceptuel dans lequel se joue le jeu de l’existence humaine, ou en d’autres mots la scène où se joue le théâtre de la vie. Elle prend souvent, mais pas toujours, la forme d’un mythe d’origine. Pour exprimer la chose de manière primaire, on pourra dire qu’une cosmologie fournit une boîte dans laquelle l’existence humaine se joue et prend son sens. Une cosmologie matérialiste2 propose une boîte assez étroite tandis que les diverses cosmologies théistes proposent des boîtes comportant des dimensions additionnelles ainsi que des catégories d’êtres inconnus dans une cosmologie matérialiste. La cosmologie a donc comme fonction principale d’établir les limites du pensable. Elle fournit un grand nombre d’éléments susceptibles de servir de réponse aux grandes questions de l’existence humaine, dont la source de l’aliénation humaine. Déjà, la cosmologie fonde et préfigure les développements moraux, voire même une eschatologie3, qui suivront dans l’édification d’une vision du monde.

Une vision du monde ou système idéologico-religieux s’appuie sur sa cosmologie et implique une explication de l’aliénation humaine ainsi que des stratégies pour tenter d’atténuer ou de remédier à cette situation. Parfois ces moyens sont conçus pour aboutir à une résolution finale. Cette résolution finale peut prendre la forme du Progrès, le retour du Messie, le Nirvana, la Nouvelle Jérusalem, l’unification des nations islamiques sous un calife, les cinq cieux hindous4, la société sans classes ou le cyberespace. Les stratégies des diverses visions du monde pour remédier à l’aliénation humaine ne peuvent évidemment se comprendre sans référence à leurs cosmologies propres. Nous postulons donc ici qu’une religion est une tentative d’imposer un ordre, de donner un sens au monde. Que son discours fasse référence ou non au surnaturel est sans importance. Une cosmologie matérialiste peut tout aussi bien fonder un système idéologico-religieux qu’une cosmologie faisant référence au surnaturel. Dans son développement, une religion est intégrative, elle est une réponse totale aux questionnements de l’existence. C’est dire que cette tentative sera plus ou moins réussie selon les situations historiques et selon la perception que peut avoir l’individu de sa cohérence ou de ses contradictions. Nous postulons ici qu’il est impossible de comprendre le système éthique, la moralité d’un système idéologico-religieux sans comprendre sa cosmologie, car ce sont les présupposés de la cosmologie qui préfigurent tabous, préceptes éthiques, concepts d’aliénation, divers moyens d’expression artistiques ainsi que l’eschatologie d’une religion.

Le système idéologico-religieux moderne, héritier du Siècle des Lumières et dominant au XXe siècle, a d’abord mis de côté la religion [chrétienne surtout] et a affirmé que désormais la science serait la source véritable du savoir et du salut. Si autrefois la hiérarchie ecclésiastique ou la Bible était garantes de la Vérité, désormais la science joue ce rôle. L’empirique et la Raison devaient constituer la fondation de tout savoir digne de mention. Et pour assurer la cohérence logique de ce système de pensée, il était nécessaire, voire inévitable, de faire appel à un mythe5 des origines auréolé du prestige de la science. Bien qu’une vision du monde matérialiste domine l’Occident depuis le début du XXe siècle, on a maintenu6 en parallèle plusieurs concepts tirés du bagage culturel judéo-chrétien. Par exemple, on a maintenu le concept chrétien d’un sens de l’Histoire7 et, dans le contexte moderne, on a appelé ce sens progrès. D’abord un concept théologique, cette notion s’est vue déplacée, formulée en termes matérialistes. Dans les phases les plus optimistes, on prévoyait que les scientifiques et technologistes nous conduiraient dans une ère de prospérité et de paix sur terre, où la technologie ferait des miracles pour dissiper la maladie ainsi que les limites conventionnelles de l’existence humaine. Aujourd’hui, depuis Auschwitz, la bombe H, la résurgence de maladies vaincues telle la tuberculose, les OGM et les divers problèmes de l’environnement liés aux progrès techniques, on est plus prudent. Sur le plan pratique, le politique se trouve désormais « au cœur des choses », parce que le salut moderne est politique. Il vise souvent des projets collectifs.

Dans la période postmoderne, on a poursuivi ce travail de délestage et d’autres éléments de l’héritage judéo-chrétien sont, au moyen d’un long processus souterrain, mis de côté, notamment sur le plan de la moralité, du concept d’histoire universelle8 , du droit, de la place de l’homme dans la nature. De plus, en réaction au moderne, la vision du monde postmoderne renie tout projet politique collectif, universel. Le relativisme culturel élimine tout universalisme moral ou politique, sauf celui de la science. Mais ce n’est là qu’une question de temps. Le concept de progrès est aussi déconstruit. On nie l’universalité de ce concept que l’on aborde en tant que métarécit de l’Occident. Le postmodernisme est en partie une réaction contre la monotonie rationnelle du modernisme, de sa foi dans la technologie, dans le progrès et le postulat d’un savoir universel, colonialiste en quelque sorte. Le féminisme contribue aussi à ce courant postmoderne par son rejet de la Raison mâle, érigée sur l’autel du Siècle des lumières. Chez ces dernières, la science est sujette à critique. Le postmoderne propose plutôt une idéologie hétérogène, fragmentée. Le postmoderne se méfie de l’universel. Si le postmoderne abandonne la Révolution et les grands projets politiques, il lui reste un salut dans diverses formes de libération/djihad sexuelle. Tandis que la raison et la vérité étaient au cœur du modernisme, il y a lieu de penser que le désir constitue la quintessence du postmoderne. À ce titre, on peut voir dans l’existentialisme un précurseur du postmodernisme : même relativisation des idéologies collectives modernes et même place centrale accordée à l’individu et à sa subjectivité. Le carcan de la cosmologie moderne (matérialiste) est bien maintenu.

Il faut noter que le postmoderne ne rejette plus de manière absolue la religion (comme ce fut le cas de l’idéologie moderne), mais son admission sur la place publique est conditionnelle et contraint tout discours religieux à se plier aux exigences du syncrétisme postmoderne, c’est-à-dire que la religion se doit de renoncer aux prétentions d’un Absolu, d’une Vérité universelle. Le matérialisme pur et dur n’est donc plus obligatoire, l’occulte même n’est pas exclu. Le chamanisme peut cohabiter sans honte avec la prêtrise et le Feng Shui. Les idéologies ou religions collectives9 sont choses du passé. L’idéologie postmoderne est taillée sur mesure, l’individu est juge de tout. L’individu peut, bien sûr, adhérer à une communauté de foi, mais c’est un aspect de moindre importance, secondaire. Ce processus, que l’on désigne parfois par cheminement, masque un shopping idéologique, au gré des émotions et des préoccupations du moment. Atteindre un but, trouver la vérité, importe peu, c’est le cheminement lui-même qui importe ainsi que la satisfaction émotive ou esthétique que l’individu peut en tirer. Ce processus permet, au moins, de meubler le vide intérieur. À ce titre, l’existentialisme peut être considéré comme un précurseur du postmodernisme de par son rejet des idéologies collectives, bien qu’il reste fermement captif de la cosmologie moderne (matérialiste).

En Occident, l’influence postmoderne est, dans une large mesure, subliminale. Très peu de gens s’identifient en tant que postmodernes et pourtant on constate que chez plusieurs, leurs comportements et attitudes sont largement dominés par les présupposés postmodernes. Il n’y a là rien de très surprenant. Sur le plan médical, par exemple, il est entendu qu’un individu peut être porteur d’une infection sans en être conscient. Par ailleurs, sur le plan idéologique, il est tout aussi possible d’être affecté par la pensée postmoderne, sa mythologie et ses présupposés, sans s’identifier sciemment à ce mouvement. Pour établir les faits, il faut alors appliquer un test diagnostique afin de confirmer ou d’infirmer l’influence postmoderne. Il importe de souligner ici que le sujet de cet ouvrage, le postmoderne, n’est pas un mouvement lié uniquement à la pensée de quelques intellectuels français. Des auteurs tels que Derrida, Foucault, Lyotard, Deleuze et d’autres ont bien sûr participé à, et nourri, ce courant, mais il les précède et les dépasse. Ce n’est pas un phénomène défini par les activités de quelques érudits. D’autres acteurs tels que les médias populaires, les agences de publicité, le cinéma, les élites médiatiques participent, de diverses manières, au développement et à la propagation de ce système idéologico-religieux.

La déconstruction et l’analyse de métarécits sont les outils préférés de nos élites postmodernes, mais si on reprend ces outils, en prenant pour cible le discours postmoderne lui-même, il y a lieu de penser que l’intervention soit digne d’intérêt. Le sociologue américain Thomas Luckmann est d’avis (The Invisible Religion. The Problem of Religion in Modern Society, 1970, p. 70) qu’a priori toute société possède un système idéologico-religieux, un système de sens, une vision du monde ou, en termes postmodernes, un métarécit. À son avis, il y a toujours une dimension religieuse dans l’élaboration de l’identité personnelle et sociale. Si un système idéologico-religieux constitue alors l’infrastructure de toute civilisation10, quelle est alors la religion de l’Occident postmoderne ? Quels sont ses institutions, ses rites, ses mythes d’origines, ses apôtres, ses fidèles, ses initiations ? Dans les pages qui suivent, nous tenterons d’examiner toutes ces questions embarrassantes, taboues, pour regarder au cœur de notre génération. Qu’y trouvons-nous ?

NOTES
1 Nous utiliserons aussi, dans ce texte, le terme système idéologico-religieux.
2 Une cosmologie matérialiste affirme donc que tout ce qui existe dans l’univers résulte de causes matérielles dont les effets sont liés aux lois de la nature.
3 Partie d’une idéologie ou d’une religion qui s’intéresse au futur ou à la fin des temps.
4 Universalis 2003 (article : « Enfer et paradis ») : « En ordre ascendant, ce sont le ciel d’Indra, peuplé de danseuses et de musiciens, le ciel de Çiva où règnent le dieu et sa famille, le ciel de Vishnu, construit tout en or et parsemé d’étangs couverts de lotus, le ciel de Krishna, avec ses danseuses et ses fervents, enfin le ciel de Brahma, où les âmes jouissent de la compagnie de nymphes célestes. »
5 Ce terme est admissible puisque régulièrement employé en sciences sociales dans un sens élargi. Le mythe n’est pas forcément un récit d’événements passés impliquant des êtres ou forces surnaturels, mais simplement un véhicule pédagogique permettant la transmission d’informations cosmologiques diverses.
6 Par inertie culturelle dans une certaine mesure.
7 Régis Debray note à ce sujet (Critique de la raison politique, 1981, p. 413) : « L’Incarnation chrétienne est d’abord à l’origine de notre foi politique. En acceptant de naître et de mourir pour nous racheter, le Dieu chrétien a sacralisé l’histoire profane, en lui donnant un sens, et un seul. Se sont alors trouvés rigoureusement superposés le monde intelligible du sens et le monde irréversible de l’événement. Croire dans ce Dieu-processus, c’est croire que l’histoire ne procède pas en vain, venue de rien, allant vers rien, au coup par coup. Croire en l’Histoire-processus, c’est croire que le transcendant procède dans I’immanence, de façon que les seules voies d’accès à la transcendance passent en retour par l’immanence. Première condition de possibilité de la politique comme art suprême, ou du salut comme chef-d’œuvre politique. Du moment que le Logos rationnel s’est investi en entier dans le réel, nous pourrons à notre tour investir la totalité du réel en faisant nôtre sa rationalité cachée. »
8 Camus nous donne un exemple, parmi tant d’autres, de l’influence judéo-chrétienne touchant le concept d’histoire (L’homme révolté, 1951, p. 241). En opposition au monde antique, l’unité du monde chrétien et du monde marxiste est frappante. Les deux doctrines ont, en commun, une vision du monde qui les sépare de l’attitude grecque. Jaspers la définit très bien : « C’est une pensée chrétienne que de considérer l’histoire des hommes comme strictement unique. » Les chrétiens ont, les premiers, considéré la vie humaine, et la suite des événements, comme une histoire qui se déroule à partir d’une origine vers une fin, au cours de laquelle l’homme gagne son salut ou mérite son châtiment. La philosophie de l’histoire est née d’une représentation chrétienne, surprenante pour un esprit grec. La notion grecque du devenir n’a rien de commun avec notre idée de l’évolution historique. La différence entre les deux est celle qui sépare un cercle d’une ligne droite. Les Grecs se représentaient le monde comme cyclique.
9 L’historien allemand Karl Dietrich Bracher explore la question en notant le caractère religieux du phénomène (Die deutsche Diktatur: Entstehung, Struktur, Folgen des Nationalsozialismus, 1969, p. 30-31). En fait, la dictature moderne se distingue de l’absolutisme historique en ce qu’elle exige l’annihilation de l’individu. Elle le contraint à s’intégrer à de gigantesques organisations de masse et à professer une idéologie politique élevée au rang de religion (ou de substitut de religion). Cette sacralisation du domaine politique s’appuie sur un mythe politique suprême — dans le cas du fascisme, celui d’un passé impérial ; dans celui du communisme, une utopie sociale à venir ; dans celui du national-socialisme, enfin, la doctrine de la supériorité raciale.
10 Il y a là, pour certains, une hérésie, mais passons…

« Je vous demande donc, frères, à cause de la bonté que Dieu vous a témoignée, de lui consacrer votre être entier : que votre corps, vos forces et toutes vos facultés soient mis à sa disposition comme une offrande vivantes, sainte et digne d’être agrée. Ainsi, toute votre vie servira Dieu. C’est le culte nouveau qui a un sens, un culte logique, conforme à ce que la raison vous demande.

Ne vous coulez pas simplement dans le moule de tout le monde. Ne conformez pas votre vie aux principes qui régissent le siècle présent ; ne copiez pas les modes et les habitudes du jour. Laissez-vous plutôt entièrement transformer par le renouvellement de votre mentalité. Adoptez une attitude intérieure différente. Donnez à vos pensées une nouvelle orientation afin de pouvoir discerner ce que Dieu veut de vous. Ainsi, vous serez capables de reconnaître ce qui est bon à ses yeux, ce qui lui plaît et qui vous conduit à une réelle maturité. »

Romains 12.1-2 Parole Vivante, transcription moderne de la BIBLE (Nouveau Testament) pour notre temps, par Alfred Kuen

 

 

les articles plus lus

En présentant le premier numero de PROMESSES

à nos frères en la foi, nous pensons bien faire d’exposer les principes qui seront à la base de ce «Cahier d’études bibliques».

Nous chercherons à être utiles à tous, à l’église de Dieu d’abord, c’est-à-dire au Chef de l’église, Christ, mais aussi à ceux pour qui la Parole est précieuse, à ceux qui désirent étudier et obéir.

Les bulletins, feuilles de renseignements, journaux mensuels ou trimestriels foisonnent. Tous, ou presque, apportent des nouvelles missionnaires ou d’évangélisation. Ce qu’on recherche ici est beaucoup plus un cahier comportant exclusivement des études bibliques ou se rapportant spécifiquement à la Parole.

La plupart des assemblées de «frères» issues du mouvement datant des années 20-30 du siècle écoulé semblent vivre au ralenti, l’esprit missionnaire mis à part. Comme dans tout mouvement, certaines vérités ont été poussées en «épingle», d’autres ont été négligées; des intérêts particuliers ont pris le pas sur les valeurs spirituelles. Nous assistons à un rétrécissement sérieux de l’influence, de l’action que devraient avoir des églises de foi, c’est-à-dire formées d’enfants de Dieu véritables, scellés par l’Esprit de Dieu.

En toute humilité, nous désirons demander au Seigneur sa lumière, afin de marcher selon sa grâce, en fidélité, devant sa face. Nous ne saurions prétendre connaître tout ce que Dieu veut pour les siens et son église, mais notre désir est d’apporter ce qui, aujourd’hui, est utile pour l’édification et la consolation de nombreux enfants de Dieu. Précisons que nous ne voudrions pas représenter un point de vue particulier, mais étudier la Parole, en respectant la sainteté de Dieu.

Chaque étude signée restera sous la responsabilité de son auteur. L’enseignement de ces pages semble devoir être d’une étendue qui surprendra peut-être. Notre désir est, à la fois, de présenter des études fouillées pour le chrétien avancé, mais aussi des explications de termes, de langage, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue d’une manière approfondie.

A titre d’essai, nous ferons parvenir un certain nombre d’exemplaires au monde francophone d’outre-mer. Il faudra ainsi tenir compte de ce champ de diffusion.

De divers côtés, sinon dans nos vieux pays, on demande, en effet, une littérature chrétienne plus abondante, basée sur la Bible, la Parole de Dieu. Quelques-uns d’entre nous ont cru devoir répondre à ce désir. Nous plaçons ces cahiers sous le regard du «Chef», demandant à Dieu sa bénédiction pour rendre témoignage à la Vérité.

Les éditeurs

Où nous mène la formidable évolution qui soulève le monde chrétien tout entier? En cette période d’après le Concile du Vatican Il, il est utile de dresser un bilan des faits, même provisoire, et de procéder à un tour d’horizon général.

Eléments positifs de l’évolution catholique: Incontestablement, des mouvements intéressants se font sentir dans l’Eglise romaine: étude et diffusion de la Bible en voie de développement, dialogue engagé avec les autres confessions, reconnaissance du fait que les communautés des «frères séparés» protestants peuvent porter le titre d’églises, admission d’une part de responsabilité dans la rupture du XVIe siècle. Au cours du Concile du Vatican Il, l’opinion a été exprimée à maintes reprises que l’Eglise catholique avait besoin d’un renouveau si elle voulait réellement entreprendre le dialogue avec les églises non-romaines. Il y eut des discussions très libres, suivies de votes positifs impressionnants, par exemple sur la collégialité des évêques gouvernant l’Eglise avec le pape, l’usage de la langue vulgaire dans le culte, l’oecuménisme, la liberté religieuse, la limitation des naissances, le peuple juif, l’Ecriture Sainte et la Tradition, etc.

Fin décevante de Vatican Il: Rappelons quelques faits justifiant cette impression de l’ensemble des observateurs non catholiques.

La collégialité des évêques doit être entendue de telle manière que la primauté du pape demeure intacte. La structure monarchique de l’Eglise romaine n’en sera pas affectée, le pape reste le souverain absolu. Le collège épiscopal n’a aucune autorité sans ce dernier. Paul VI, dans son discours d’ouverture à la troisième session, ne s’en est pas référé moins de sept fois à sa primauté, et le mot-clé qu’il a constamment utilisé était celui de «hiérarchie sacrée». Le pasteur G. Richard-Molard estime qu’un tel discours «ne peut guère qu’hérisser la plupart des chrétiens non catholiques romains» («Messager Social», 10 déc.; S. CE- P. I., 1er oct.; 24 sept. 1964).

Il est clair, selon le même pasteur, «que l’Eglise catholique est toujours placée sous l’unique pouvoir de l’Eglise romaine. Or, il ne s’agit pas là d’une découverte de La Palice, mais d’une situation, chaque jour plus insupportable pour les catholiques eux-mêmes. Cette direction totalitaire italienne, ou pire encore, romanisée, possède encore tous les leviers de commande» («Christianisme au XXe siècle», 29 oct. 1964). Cela n’empêche pas qu’une seconde force «se manifeste par l’esprit nouveau qui anime une partie toujours plus large du catholicisme non italien. Il ne faut pas s’imaginer que cet esprit ait changé en quoi que ce soit la masse, mais il passe sur quelques centaines d’évêques, sur de nombreux prêtres et sur une élite de laïcs» (ibid.).

La Vierge Marie a été proclamée Mère de l’Eglise, sans l’avis des pères conciliaires, par Paul VI, qui lui a consacré la moitié de son discours de clôture {cf. «Chrétien Evangélique», déc. 1964, p. 5). Cette proclamation «a détruit tous les efforts des pères conciliaires qui. .. s’étaient ingéniés à éviter autant que possible les déclarations de nature à. ..donner de l’extension au dogme marial et à choquer les protestants» {«Christ U. Welt», cité par S. CE. P. I., 3 déc. 1964).

Le 11 octobre 1963, le pape a terminé une allocution aux pères du Concile et aux fidèles par cette prière à la Sainte Vierge: «O Marie, nous vous prions pour nos frères encore séparés de notre famille catholique. Voyez comment, parmi eux, une phalange glorieuse célèbre votre culte avec fidélité et amour. Voyez comment parmi d’autres, si résolus à se dire chrétiens, commence à renaître aujourd’hui votre souvenir et votre culte, ô Vierge très bonne. Appelez avec nous tous ces fils, qui sont vôtres, à la même unité sous votre protection maternelle et céleste» («Documentation Catholique», 3 novembre 1963).

Le cardinal Doepfner, de Munich, dont les interventions au Concile ont été souvent remarquées, vient de déclarer à son tour: «Amoindrir dans l’Eglise le culte de la Vierge Marie serait un malentendu et une mauvaise interprétation des enseignements du Concile. ..Nous voulons approfondir et enraciner encore plus fort dans ce mystère du Christ le riche héritage laissé à l’Eglise par la Vierge Marie. Elle a un grand rôle à jouer dans l’Eglise, qui voit en elle son image originelle» {«Figaro», 28 déc. 1964).

Le dogme romain: Dans son livre récent sur l’Unité, le cardinal Béa répète des dizaines de fois: 1°) que l’enseignement romain, étant infaillible, ne saurait subir dans son essence aucune modification; 2°) que l’Eglise catholique étant la seule vraie Eglise du Christ, l’unité finale ne peut être envisagée que par le retour de tous les baptisés orthodoxes et protestants au bercail du successeur de saint Pierre. Ce caractère intangible du dogme catholique n’a cessé d’être proclamé clairement par Jean XXIII, Paul VI et tous les porte-parole de Rome. Le professeur E. Schlink, observateur de l’Eglise Evangélique d’Allemagne à Vatican Il, après avoir noté que les délibérations conciliaires sont « révolutionnaires» pour l’Eglise romaine, ajoute: «Aucune des resolutions jusqu’ici adoptées n’a «rapporté, modifié ou même réinterprété de manière satisfaisante un seul des dogmes qui divisent la chrétienté » (S. CE. P. I., 17 déc.1964).

Cela n’a pas empêché le professeur de théologie protestant O. Cullmann de déclarer que Vatican Il «n’a fermé aucune porte ». Dans une interview accordée au journal «Le Monde », M. Cullmann reconnaît que les textes élaborés au Concile sont décevants, car la plupart sont des textes de compromis. Le Concile actuel est lié par celui du Vatican I (en 1870, où fut proclamée l’infallibilité pontificale), et par les dogmes mariaux antérieurs, inchangeables eux aussi. Mais il ajoute: «Je ne partage pas le pessimisme de certains qui s’exprime dans ce slogan: «II ne sortira rien de ce Concile! » Tous les textes sont formulés de telle sorte qu’aucune porte n’est fermée, et qu’ils ne seront pas un obstacle à la future discussion entre catholiques ni au dialogue avec les non-catholiques, comme le sont les décisions des Conciles antérieurs » (cité par «Vie Protestante », 23 oct. 1964). -Puisque les dogmes romains sont infaillibles (voir les anathèmes du Concile de Trente), on se demande sur quoi porte la discussion. ..Si la porte n’est pas fermée, elle ne l’est qu’à sens unique et ne nous paraît conduire qu’au bercail de saint Pierre.

(à suivre)
Extrait avec autorisation du périodique «Le Chrétien évangélique »

(2 Tim.1, 7-9)

«Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de force, d’amour e! de prudence.»

Timide = qui manque de hardiesse et d’assurance, dit le dictionnaire. Dieu, en vue du but qu’il s’est proposé, nous a adressé une «VOCATION SAINTE», et pour cette vocation, il nous revêt:

de force – par quoi nous devons comprendre force de caractère, maîtrise de soi, tranquillité d’esprit, toutes choses qui sont contraires à la timidité. Une stabilité nouvelle, créée par le Saint-Esprit de Dieu qui nous donne l’assurance du salut; un contrôle de soi-même qui peut ne pas être naturel, mais qui est le résultat du travail de cet Esprit.

d’amour – de compréhension, de compassion, de pardon, amour qui n’est pas mollesse, ni faiblesse, mais qui prend part aux malheurs du prochain, qui comprend le pécheur et repousse le péché.

de prudence – mieux encore discipline personnelle, d’intelligence avertie, de jugement balancé, nuancé, sans laisser-aller.

Etes-vous craintif de nature, manquez-vous d’assurance, avez-vous ce qu’on appelle un complexe d’infériorité, craignez-vous de vous affirmer? Lisez les lettres à Timothée. C’était un timide de nature, et l’apôtre l’encouragea. Notez ceci: Dieu DONNE UN AUTRE ESPRIT que celui que vous aviez précédemment. Il donne gratuitement. Alors, demandez, priez. Il vous DONNERA.

Le but de nos études est de faire connaître et comprendre (Ps. 82, 5) les pensées de Dieu révélées dans sa Parole, afin de vivre dans la lumière. Dans un monde où Satan règne pour obscurcir la vérité, voire même la cacher, il importe que le juste – sauvé par la foi en Jésus-Christ – connaisse «les fondements» de la vérité divine.

Les lignes suivantes ne veulent être qu’un canevas de «la saine doctrine», telle que la Parole de Dieu nous la montre. Cet enseignement est à la fois christologique (Matth. 7, 28; 1 Cor. 2, 1-2) et apostolique (Act. 2, 42) ; il comprend l’ensemble des vérités divines.

I L’INSPIRATION VERBALE DE LA BIBLE

La pierre de touche de tout ce qui suit est la doctrine de l’inspiration des Ecritures. «Toute Ecriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16). Nous possédons aujourd’hui suffisamment de preuves, devant lesquelles tout homme sincère doit s’incliner. La Bible est la révélation de Dieu à l’égard de l’homme. Ce n’est pas un livre ecclésiastique quelconque, ni un ouvrage symbolique ou philosophique. C’est simplement «la Parole de Dieu» qui ne se laisse pas discuter. Des hommes de Dieu, poussés par l’Esprit, rédigèrent les 66 livres de cette divine Bibliothèque (2 Pi. 1, 21 ). Tout en gardant leur caractère et leur personnalité, ils furent de simples véhicules utilisés pour transmettre intégralement les pensées divines. C’est un miracle et un miracle ne s’explique pas. On peut l’accepter ou le rejeter; mais le fait est là.

Il LA TRINITÉ DE DIEU

Il en est de ce terme comme d’autres: la doctrine de la trinité de Dieu se trouve clairement révélée dans la Bible, bien que cette expression n’y soit pas mentionnée. Lucien déjà, rhéteur et philosophe grec du 2me siècle, fait confesser le chrétien dans son «Philopatris»: «le Dieu exalté …Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre Un.» Le terme même fut employé formellement pour la première fois lors du synode en 317 à Alexandrie.

Cela ne signifie rien d’autres que tri-unité. La déité est une trinité, une unité qui possède 3 personnes distinctes ayant la même vie et la même essence.

L’ANCIEN TESTAMENT

Nous y voyons une révélation progressive qui trouve sa complète manifestation dans le Nouveau Testament. Des allusions claires et sans équivoques devaient ouvrir les yeux des personnes pieuses du temps du Seigneur.

Gen. 1,1: «Au commencement Dieu.» Ce terme «ELOHIM» est au pluriel et Moïse l’emploie quelque 500 fois. A remarquer qu’à chaque reprise le verbe qui l’accompagne est au singulier, ce qui prouve bien l’unité dans la pluralité des Personnes de la Déité.
Gen. 1,26: «Et Dieu dit: Faisons l’homme selon notre ressemblance»
Gen. 3, 22: «Voici l’homme est devenu comme l’un de nous»
Es. 48, 16: «Le Seigneur l’Eternel» – Dieu le Père
«m’a envoyé» – Dieu le Fils
«et son Esprit» -Dieu le Saint-Esprit
Zach. 12, 10: «Et je répandrai» -Dieu le Père
«un esprit de grâce» – Dieu le Saint-Esprit
«ils se lamenteront sur lui» -Dieu le Fils

LE NOUVEAU TESTAMENT

Il dévoile clairement cette vérité et nous confirme que la déité se compose de 3 Personnes: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint- Esprit (Matth. 28, 19; Jean 1:1; Jean 5:3-4; Jean 8:54).

La trinité de Dieu est déjà engagée lors du baptême du Seigneur (Matth. 3, 13-17). On ne peut, à ce sujet, s’exprimer plus clairement que le Seigneur le faisait dans Jean 14:16-26: «Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint (3ème Personne) que le Père (1ère Personne) enverra en mon nom (2ème Personne).»

La grande bénédiction apostolique nous laisse «la grâce du Seigneur Jésus-Christ», «l’amour de Dieu» et «la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13, 13).

D’ailleurs, l’homme lui-même est une trinité composée de l’esprit, de l’âme et du corps. Il est attaqué par une autre trinité: le monde autour de lui, la chair en lui, et le diable au-dessous de lui. La loi du péché en lui est également représentée par une trinité:la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Et, enfin, il peut être sauvé par la trinité divine: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

III JÉSUS-CHRIST

1. Sa Divinité

Jean 1, 1-3 suffirait pour établir cette vérité bénie:
Au commencement était la Parole» (le Verbe dans son existence éternelle)
cet la Parole était auprès de Dieu» (le Verbe dans son existence personnelle)
et la Parole était Dieu» (le Verbe dans son essence divine)

2. Son incarnation

Il est «Dieu manifesté en chair» (1 Tim. 3, 16). Ce mystère, dans lequel même les anges désirent plonger leurs regards, nous a été révélé. Les 7 degrés de son abnégation nous sont donnés en Phil. 2, 7-9. Aucune difficulté n’est inconnue du Seigneur qui a été tenté comme nous; Il peut donc nous accorder miséricorde et secours au moment opportun (Hébr. 4, 15-16). Ami qui souffres, confie-toi en Lui, car son nom est «Merveilleux».

3. Son CEuvre rédemptrice

Rom. 4, 25 dit: «Jésus, notre Sauveur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification».
L’Ancien Testament y fait continuellement allusion (Ex. 12, Ps.22, Es.53).
Les Evangiles en sont la réalisation
Les Actes le proclament
Les Epîtres l’expliquent
L’Apocalypse, enfin, décrit la destruction de ceux qui ont rejeté cette oeuvre.

(à suivre)